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Décisions

Cass. crim., 8 janvier 2002, n° 01-81.081

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Avocat général :

M. Davenas

Conseiller :

M. Desportes

Cass. crim. n° 01-81.081

8 janvier 2002

LA COUR : Statuant sur les pourvois formés par :

- B. Michel,

- P. Christian,

- X Jean-Louis,

- S. René,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2000, qui, pour complicité d'opposition aux fonctions des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les a condamnés chacun à 10 000 francs d'amende avec sursis et a ordonné la publication de la décision ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-7 du Code pénal, L. 217-10 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René S., Jean-Louis X et Christian P. coupables de complicité du délit d'opposition à fonction des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes commis par Michel B. en lui donnant des instructions pour le commettre et a déclaré Michel B. coupable de complicité du délit d'opposition à fonction des agents de la DGCCRF sur instructions du président de la cave de la Drôme, René S. ;

"aux motifs qu'il est constant et non contestable que, le 29 septembre 1998, et à deux reprises, le directeur de la cave coopérative de Suze-la-Rousse, René B., a refusé catégoriquement de représenter aux agents de la DGCCRF de la Drôme les documents exigibles par eux pour contrôler que les lots de vendanges destinés à la production des vins AOC avaient une richesse minimale en sucre, savoir les tickets d'apports ; qu'il devait alors expliquer que son refus était dicté par les instances professionnelles représentant les viticulteurs de l'appellation Côtes-du-Rhône, savoir René S., président de la cave coopérative de Suze-la-Rousse, Jean-Louis X, président de la fédération des coopératives de la Drôme et vice-président du syndicat général des Côtes-du-Rhône, et Christian P., président dudit syndicat ; qu'il est également constant et non contesté par les intéressés que leur refus du contrôle était lui-même imposé par la fédération nationale des caves coopératives, consigne ou mot d'ordre basé sur l'iniquité existante entre un vigneron coopérateur et un vigneron privé ; que l'ensemble des prévenus a, en second lieu, expliqué qu'ils n'avaient pas donné d'instruction concernant cette opposition à contrôle mais plutôt des conseils tentant par-là d'échapper à la prévention de complicité retenue contre eux ; qu'ils ont encore prétendu ne pas être dans l'illégalité dans la mesure où leurs directives syndicales ne faisaient que traduire dans les faits la modification par les instances nationales de ce type de contrôle qui était en cours de modification ; mais que c'est à juste titre que les premiers juges ont exactement retenu et qualifié l'ensemble des faits reprochés relevant précisément, d'une part, que les pouvoirs de contrôle des agents de la DGCCRF de la Drôme avaient agi correctement et dans les limites des pouvoirs que leur confèrent les dispositions de l'article L. 215-3 du Code de la consommation leur permettant d'exiger la communication des documents de toute nature propres à l'accomplissement de leur mission ; que, d'autre part, contrairement à ce qui est allégué par les prévenus, l'administration de la concurrence et de la consommation était parfaitement informée des discussions en cours sur la modification en cours du décret du 4 octobre 1979 imposant une richesse minimale en sucre des lots de vendanges destinés à la production et à la commercialisation des vins à appellation d'origine contrôlée et si cette modification réglementaire était bien effectivement en cours, elle n'était cependant pas encore adoptée par l'INAO et validée par les pouvoirs publics, à l'époque des faits, ce qui permet de rejeter l'argumentation, sur ce point, des prévenus tendant à faire croire que leur refus était légitimé par une modification des textes à venir ;

que, cependant, s'agissant de la qualification d'opposition à l'exercice de leurs fonctions des agents de la DGCCRF de la Drôme retenue à l'encontre de Michel B., la Cour, constatant que ce refus lui avait été dicté par le président de cette cave dont il n'était que le directeur, estime devoir requalifier cette prévention en complicité de cette infraction ;

"alors, d'une part, qu'entache sa décision d'un défaut de motifs, la cour d'appel, dont la décision comporte une contradiction entre les termes du dispositif de sorte qu'en confirmant le jugement du tribunal correctionnel de Valence ayant déclaré René S., Jean-Louis X et Christian P. coupables de complicité du délit d'opposition à agent de la DGCCRF commis par Michel B. pour lui avoir donné des instructions, tout en réformant ledit jugement en ce qu'il avait déclaré Michel B. auteur dudit délit et en le déclarant coupable de complicité du délit d'opposition sur les instructions données par René S., ce dont il résulte, d'une part, que Christian P. et Jean-Louis X ne pouvaient plus être déclarés complices du délit sur instructions données à Michel B., et, d'autre part, que ce dernier, étant seulement complice, ne pouvait être regardé comme ayant commis le délit incriminé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;

"alors, d'autre part, que toute complicité suppose une infraction commise à titre principal par un autre que par le complice, si bien qu'en déclarant René S., Christian P., Jean-Louis X et Michel B. complices du délit d'opposition à agents de la DGCCRF sans relever l'existence d'un tiers auteur de l'infraction principale et alors que la prévention relative tant à la commission de l'infraction principale qu'aux actes de complicité, ne visait que les quatre prévenus, la cour d'appel a violé l'article 121-7 du Code pénal ;

"alors, en outre, que la complicité par instruction n'est caractérisée que par le fait de donner des instructions suffisamment précises une personne en vue de la commission de l'infraction principale de sorte qu'en déclarant les prévenus coupables de complicité par instructions alors que la non-communication aux agents de la DGCCRF des tickets d'apports ne constituait que l'application d'une position syndicale du milieu viti-vinicole se fondant sur des pourparlers en cours depuis 1997 avec les pouvoirs publics et qu'elle ne résultait d'aucun ordre ou d'aucune précision quant aux moyens de s'opposer à la mission des agents dès lors, au surplus, qu'il avait bien été exposé que Michel B. avait, après coup, contacté Jean-Louis X aux fins de connaître la position de la fédération des caves coopératives de la Drôme, la cour d'appel a violé l'article 121-7 du Code pénal ;

"alors, enfin, que la complicité requiert de la part du complice la connaissance du caractère délictueux des actes de l'auteur et la volonté de participer à leur commission, si bien qu'en déclarant les prévenus complices du délit d'opposition sans caractériser la connaissance qu'auraient eu les complices de la volonté délictuelle de l'auteur dès lors qu'aucun auteur n'était désigné et sans relever la connaissance du caractère délictueux de la non-communication des tickets d'apports, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que René B., directeur de la cave coopérative de Suze-la-Rousse, René S., président de cette cave, Jean-Louis X, président de la fédération des caves coopératives de la Drôme et vice-président du syndicat général des Côtes-du-rhône, et Christian P., président de ce syndicat, ont été cités devant le tribunal correctionnel sur le fondement, notamment, de l'article L. 217-10 du Code de la consommation, le premier, pour opposition aux fonctions des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de répression des fraudes et, les trois autres, pour complicité de ce délit ; qu'il est reproché à René B. d'avoir, sur les instructions de ses coprévenus, refusé de présenter à ces agents les tickets d'apports ;

Attendu qu'après avoir déclaré les faits établis à l'encontre des prévenus par les motifs repris au moyen, la cour d'appel a requalifié le délit d'opposition reproché à René B. en complicité de ce délit, énonçant que son refus lui avait été dicté par le président de la cave coopérative, dont il n'était que le directeur ;

Attendu qu'en cet état, les demandeurs ne sauraient soutenir qu'en l'absence d'auteur principal, ils ne pouvaient être déclarés coupables en qualité de complices, dès lors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que, contrairement à ce qu'énonce l'arrêt attaqué, les faits visés par la prévention et retenus à l'encontre de René B. caractérisaient à l'encontre de celui-ci sa participation à la commission de l'infraction en qualité d'auteur principal, de sorte que la requalification décidée par les juges du fond au motif, inopérant, qu'il n'exerçait que des fonctions de directeur, n'avait pas lieu d'être ;

D'où il suit que le moyen qui, pour le surplus, revient à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs, rejette les pourvois.