CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 février 2016, n° 13-18855
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hacot-Colombier (SAS), Claude Anne de Solène (SARL), Perin (ès qual.)
Défendeur :
Textiles Maes (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Luc
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Verger, Peyron, Taze-Bernard, Fournet
FAITS ET PROCÉDURE :
La SA Textiles Maes est une société belge qui a pour activité la création, la fabrication, la diffusion, la vente, l'importation et l'exportation de produits éponges depuis 1960.
En 2003, la société Textiles Maes a mis au point une gamme de linge de bain référencée " Excellence ". Cette gamme est composée de serviettes éponge, gants, draps de bain, de tapis de bain et peignoirs. Elle est caractérisée par son liteau, sa gamme de 36 puis de 40 couleurs et sa qualité (600 gramme/m2 en cotons peignés égyptiens).
La SAS Hacot-Colombier est une filiale du groupe Hacot-Colombier créé en 1865 et spécialisé dans la fabrication, la conception, la commercialisation et la diffusion de linge de maison ; elle distribue notamment les produits du groupe Hacot-Colombier dans un réseau de magasins sous enseigne Anne de Solène.
La SARL Claude Anne de Solène qui appartient au même groupe et dont le gérant, M. Hacot, est le président de la SAS Hacot-Colombier, distribue des produits de linge de maison à des revendeurs sous la marque Anne de Solène.
A compter de 2004, la SAS Hacot-Colombier et la société Claude Anne de Solène ont commandé à la société Textiles Maes des serviettes et gants éponge de la gamme Excellence qu'elles ont distribués avec une étiquette Anne de Solène.
Fin 2008, les sociétés Textiles Maes et Hacot-Colombier ont mis fin à leurs relations commerciales d'un commun accord formalisé dans un courrier du 23 décembre 2008 prévoyant une baisse progressive des commandes ; la dernière commande est intervenue en mars 2010.
Selon ses dires, le 23 janvier 2009, lors du Salon Maison et Objet, la société Textiles Maes aurait constaté que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier présentaient à la vente des produits en éponge similaires à la gamme " Excellence " sous le nom " sensation ".
Par exploit du 22 mars 2010, la société Textiles Maes a assigné les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation sur le fondement de la concurrence déloyale, de la pratique trompeuse, du parasitisme et à l'égard de la seule société Claude Anne de Solène, de la rupture brutale des relations commerciales au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Par jugement du 10 décembre 2010, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène au profit du Tribunal de commerce de Lille.
Par jugement en date du 13 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit la société Textiles Maes recevable à agir à l'encontre de Maître Jean Luc Mercier ès qualités de commissaire à l'exécution du plan ;
- condamné les société Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier à verser la somme de 45 000 euro à la société Textiles Maes au titre du préjudice commercial subi du fait de la confusion et interdit aux société Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier de fabriquer et de commercialiser les produits en éponge limitant son liteau, ses coloris et ses étiquettes, et ce, sous astreinte définitive de 150 euro par Infraction constatée, et par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;
- condamné la société Claude Anne de Solène à verser à la société Textiles Maes la somme de 49 453 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des relations commerciales ;
- débouté les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène et Maître Jean Luc Mercier, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné in solidum les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène à verser à la société Textiles Maes la somme de 30 000 euro eu titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires au présent dispositif ;
- condamné in solidum les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène aux dépens ;
Le 30 septembre 2013, la SAS Hacot-Colombier et la SARL Claude Anne de Solène ont interjeté appel de la décision.
Par jugement du 1er septembre 2014, la SARL Claude Anne de Solène a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis par jugement du 18 février 2015, d'une procédure de liquidation judiciaire, la SELARL Perin Borkowiak représentée par Maître Perin étant désignée en qualité de liquidateur. La société Textile Maes a déclaré sa créance le 13 octobre 2014.
Par exploit du 9 avril 2015, la société Textiles Maes a assigné en intervention forcée la Selarl Perin Borkowiak.
Vu les dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2015 aux termes desquelles de la SAS Hacot-Colombier et Maître Perin ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Claude Anne de Solène demandent à la cour de :
Vu les articles 1382 et 1315 du Code civil,
Vu l'article L. 442-6-5 I du Code de commerce,
Vu l'article 31 du Code de procédure civile,
- Déclarer les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène représentée par Maître Perin recevables et bien fondées, en leur appel comme en leurs présentes écritures ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré qu'il existait une confusion entre les produits de la gamme Excellence et de la gamme Sensation.
- Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Claude Anne de Solène avait brutalement rompu sa relation avec Textiles Maes,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène n'avaient commis ni acte de parasitisme, ni tromperie ;
En conséquence,
- Débouter la société Textiles Maes de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions;
A titre reconventionnel,
- Condamner Textiles Maes à verser à Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène la somme de 5 000 euro chacun à titre d'indemnités pour procédure manifestement abusive ;
- Condamner Textiles Maes à verser à Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène, la somme de 10 000 euro chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Textiles Maes aux entiers dépens lesquels seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2015 par lesquelles la société Textiles Maes demande à la cour de :
Vu les procès-verbaux de constat versés aux débats,
Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil,
Vu les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation,
Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
Vu les dispositions de l'article L. 442-6, 5 du Code de commerce,
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- Jugé que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Maes, en proposant à la vente des produits éponges similaires à ceux fabriqués et commercialisés par la société Maes, créant ainsi un risque de confusion,
- Condamné in solidum les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme de 45 000 euro en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'imitation de ses produits éponge, sous réserve de l'indemnisation supplémentaire ci-dessous, pour la période juillet-septembre 2009,
- Jugé que la société Claude Anne de Solène a commis le délit de rupture abusive des relations commerciales,
- Condamné la société Claude Anne de Solène à verser à la société Maes la somme de 49 453 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des relations commerciales,
- Interdit aux sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier de fabriquer et de commercialiser les produits en éponge imitant son liteau, ses coloris et ses étiquettes, et ce, sous astreinte définitive de 150 euro par infraction constatée, et par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- Condamné in solidum les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme de 30 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Recevoir la Société Textiles Maes en son appel incident et l'y déclarant bien fondée,
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Maes, en alléguant une composition mensongère des produits,
- Dire et juger que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier ont profité du fait que la société Textiles Maes avait développé des produits personnalisés et répondant parfaitement à leurs exigences, pour s'approprier le fruit de son travail, et le détourner auprès d'un tiers fournisseur, et qu'il s'agit d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil,
- Dire et juger que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier ont commis des actes de concurrence parasitaire à l'encontre de la société Maes, en imitant sa carte couleur en proposant à la vente la même gamme de coloris, en choisissant les mêmes noms de couleurs, et en imitant son étiquette relative aux conseils d'entretien.
A titre subsidiaire sur ce point, dire et juger que les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Maes, en imitant sa carte couleur en proposant à la vente la même gamme de coloris, en choisissant les mêmes noms de couleurs, et en imitant son étiquette relative aux conseils d'entretien, créant ainsi un risque de confusion sur l'origine des produits.
- Dire et juger que la société Claude Anne de Solène aurait dû respecter un préavis de deux années, s'agissant de produits vendus " sous marque de distributeur " pour lesquels la durée minimale de préavis est double,
En conséquence,
- Condamner in solidum les sociétés Claude Anne de Solène, représentée par Maître Perin, ès qualités de liquidateur, et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme supplémentaire de 472 800 euro en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'imitation de ses produits éponge, notamment pour la période comprise entre janvier et juin 2009 et entre octobre 2009 et mai 2013.
- Condamner in solidum les sociétés Claude Anne de Solène, représentée par Maître Perin, ès qualités de liquidateur, et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme de 20 000 euro en réparation du préjudice résultant de l'imitation de sa carte-couleur et de sa carte-entretien,
- Condamner in solidum les sociétés Claude Anne de Solène , représentée par Maître Perin, ès qualités de liquidateur, et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme de 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des pratiques commerciales trompeuses,
- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 10 journaux ou publications professionnels au choix de la société Maes et aux frais in solidum des sociétés Claude Anne de Solène représentée par Me Perin, ès qualités de liquidateur, et Hacot-Colombier, sur devis ou sur factures au choix de la société Textiles Maes, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 8 000 H.T euro soit la somme globale de 80 000 euro H.T,
Sur la fixation de créances :
Fixer la créance de la société Textiles Maes au passif de la liquidation judiciaire de la société Claude Anne de Solène représentée par Maître Perin, ès qualités de liquidateur, à la somme de :
- 45 000 euro en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'imitation de ses produits éponge pour la période de juillet à septembre 2009,
- 472 800 euro en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'imitation de ses produits éponge pour la période de janvier à juin 2009, et entre octobre 2009 et mai 2013 ;
- 49 453 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des relations commerciales
- 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la 1 ère instance ;
- 20 000 euro en réparation du préjudice résultant de l'imitation de sa carte-couleur et de sa carte-entretien ;
- 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des pratiques commerciales trompeuses ;
- 80 000 euro au titre des publications judiciaires.
En tout état de cause :
- Débouter les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions,
- Condamner in solidum les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier à verser à la société Maes la somme supplémentaire de 15 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Fixer en conséquence la créance de la société Textiles Maes au passif de la société Claude Anne de Solène, représentée par Me Perin, ès qualités de liquidateur, à la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner in solidum les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier aux entiers dépens de l'instance dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 novembre 2015.L'affaire a été plaidée le 1er décembre 2015 et les parties ont été avisées qu'elle était mise en délibérée au 10 février 2016, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à dispositions au greffe.
SUR CE :
Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant qu'aux termes du jugement entrepris, le tribunal de commerce a considéré qu'il existait un risque de confusion entre les produits en éponge des deux gammes Excellence et Sensation dès lors qu'il ressortait de l'examen des serviettes que les produits étaient identiques et que les liteaux et les couleurs ont été repris alors qu'il existe pourtant sur le marché des produits en éponge avec des centaines de liteaux différents ;
Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, les sociétés Hacot-Colombier et Claude Anne de Solène soutiennent qu'il n'existe pas de risque de confusion puisque les produits ne sont pas similaires ; qu'elles relèvent que les liteaux, la qualité de l'éponge et la gamme de coloris sont différents ; qu'elles ajoutent que les éléments de similitude existants découlent de la nature même du produit ; qu'elles considèrent qu'en tout état de cause, il n'y a pas de situation de concurrence puisque la société Textiles Maes fabrique et distribue ses produits à des industriels et hôtels en Belgique et à des distributeurs mais non à des consommateurs finaux ;
Considérant que la société Textiles Maes conclut à la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que le simple examen des serviettes et produits permet de constater qu'ils sont identiques et que les liteaux et les couleurs ont été repris ; qu'elle soutient qu'il s'agit d'un acte de concurrence déloyale par copie servile du produit dans une qualité inférieure ; qu'elle estime que les quelques différences n'excluent nullement une impression similaire d'ensemble qui se dégage de la comparaison des produits des deux gammes ; qu'elle ajoute que les sociétés appelantes ont profité de son travail d'élaboration du produit et de ses investissements pour faire fabriquer par un autre fournisseur des produits similaires ;
Considérant que la commercialisation de l'imitation d'un produit préexistant non protégé par un droit intellectuel ne constitue pas en soi, en raison du principe de la liberté du commerce, un acte de concurrence déloyale ; qu'il faut que les ressemblances soient suffisantes pour entraîner un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence ; que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause qui tienne compte du caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'originalité et de la notoriété du produit copié ; que l'existence d'un risque de confusion s'apprécie d'après les ressemblances et non les différences ; que la copie même servile d'un modèle banal, en raison de son caractère strictement utilitaire, n'est pas en-elle-même constitutive de concurrence déloyale ;
Considérant qu'en l'espèce, il ressort de la comparaison des produits des deux gammes Excellence et sensation que les similitudes qu'ils présentent, résultent de la nature même du produit, à savoir un produit en éponge de couleur unie comportant un ou deux liteaux traditionnellement constitués d'une bande transversale de tissu non bouclé et placé en haut de la serviette ou au niveau de l'ourlet du gant ; que ces éléments appartiennent au fonds commun de l'univers du linge de toilette ; que reproduits, ils ne peuvent constituer à eux seuls une copie servile ;
Considérant que les produits ne présentent aucune autre ressemblance mais des différences visuelles et au toucher bien perceptibles pour un consommateur d'attention moyenne en ce que :
- la largeur totale des liteaux de la gamme Sensation est bien supérieure (7 cms pour la serviette et 3 centimètres pour le gant) à celui de la gamme Excellence (6 cms pour la serviette, 2 centimètres pour le gant),
- le liteau de la serviette de la gamme Excellence est composé de trois rayures en surimpression de différentes largeurs tandis que celui de la gamme Sensation fait uniquement apparaître deux rayures en surimpression dont une très large de 3 centimètres,
- les points de tissage des liteaux sont différents,
- l'ourlet du gant de toilette de la gamme Sensation est séparé de l'éponge par 4 côtes tissées tandis que l'ourlet de la gamme Excellence est bordé d'une seule bande tissée large,
- la gamme de couleurs est différente : sur 21 couleurs unies hormis les couleurs standard (blanc ivoire) 6 couleurs sont très différentes (prune, pivoine, gris, melon, ciel, infini) et se réfèrent à la tendance générale de la mode, et 13 ont des coloris proches mais néanmoins distincts,
- le grammage est différent : 600 gr/m2 pour la gamme Excellence et 550gr/m2 pour la gamme Sensation, ce qui se ressent au visuel, les boucles du tissu éponge apparaissant plus ou moins volumineuses, comme au toucher, le tissu étant plus ou moins épais ;
Considérant qu'il ressort de ces différents éléments qu'il ne s'est agi aucunement d'une copie servile et qu'un client d'attention moyenne ne pouvait avoir une impression globale de ressemblance l'amenant à penser que les produits en cause appartenaient à une même gamme ;
Considérant, dès lors, qu'aucun acte de concurrence déloyale n'est caractérisé ; qu'il n'y a donc pas lieu d'entrer en voie d'indemnisation à ce titre ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Sur les faits de parasitisme :
Considérant que la société Textile Maes reproche aux sociétés appelantes d'avoir tiré profit de ses investissements en imitant sa carte couleur et l'étiquette relative aux conseils d'entretien ;
Considérant que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements ; que toutefois, le grief de parasitisme est sans objet dès lors qu'il n'est pas justifié des efforts intellectuels, financiers ou promotionnels pour commercialiser le produit en cause ;
Considérant qu'en appel, pas plus qu'en première instance, la société Textiles Maes ne rapporte pas la preuve qu'il lui incombe, du travail et des investissements qu'elle a mis en œuvre pour créer tant la carte couleur que l'étiquette relative aux conseils d'entretien ; qu'il ne ressort d'aucun des documents (mails et attestation) qu'elle produit, à tout le moins, le coût de la création de ces éléments ; que de surcroît, elle ne communique aucun élément comptable sur son chiffre d'affaires ; qu'elle ne démontre également pas avoir subi une perte de chiffre d'affaires sur sa gamme Excellence du fait d'un détournement de clientèle ; qu'il lui aurait été d'autant aisé de le faire que la gamme Sensation a été arrêtée en 2011 ; que les faits de parasitisme ne sont pas établis; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur la pratique commerciale trompeuse et déloyale :
Considérant que la société Textiles Maes fait grief aux sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier d'avoir commercialisé sur le site Internet www.grandes-marques.fr les produits de la gamme Sensation en annonçant une composition de 600 gr/m2 alors que cette collection est de moindre qualité et ne comporte que 550gr/m2 ; que le jugement entrepris l'a déboutée de la demande formée à ce titre au motif que le site annonce, pour la gamme Sensation, une composition de 550gr/m2 et qu'il n'est pas démontré que les produits éponge de la gamme Esther et Quatre Saisons pour lesquels il est annoncé une composition de 600 gr/m2, sont des produits Sensation ;
Considérant qu'en appel, la société Textiles Maes ne conteste pas que la gamme Sensation est annoncée sous son réel grammage, soit 550gr/m2, mais soutient que la base des produits Esther et Quatre Saisons qui présentent des broderies, est le produit Sensation puisque le liteau est le même de sorte qu'en imitant le liteau et en avançant pour ces gammes une qualité de produit inférieure à la réalité, les sociétés Claude Anne de Solène et Hacot-Colombier se sont rendues coupables de pratiques déloyales et trompeuses ;
Mais considérant qu'à la supposer établie, la présence d'un même liteau sur les trois gammes est inopérante à démontrer que le grammage de ces trois gammes est identique ; qu'en l'absence d'autres éléments, la société Textiles Maes échoue à démontrer que l'annonce d'une composition des produits Esther et Quatre Saisons de 600 gr/m2 est trompeuse ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Considérant que s'agissant du moyen nouveau en appel tiré de l'existence d'un acte de concurrence déloyale du fait de l'imitation du liteau de la gamme Excellence par les gammes Esther et Quatre Saisons, il ne peut qu'être constaté qu'aucun risque de confusion n'est susceptible d'exister pour un consommateur d'attention moyenne dès lors que les deux gammes en cause présentent des broderies alors que la gamme Excellence en est dénuée ; que la société Textiles Maes sera déboutée de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales :
Considérant que la société Textiles Maes ne conteste pas la cessation d'un commun accord de ses relations commerciales avec la société Hacot-Colombier suivant courrier du 23 décembre 2008 organisant les modalités de cette rupture ; qu'elle déduit du fait que ce courrier est adressé à la seule société Hacot-Colombier, qu'il ne concerne pas les relations contractuelles avec la société Claude Anne de Solène, entité juridique distincte ; qu'elle indique que celle-ci ne lui a passé aucune commande en 2009 et qu'elle ne lui a notifié aucun préavis ; qu'elle lui reproche d'avoir rompu de façon brutale leurs relations commerciales fin 2008 ; qu'elle s'estime bien fondée à demander la condamnation de la société Claude Anne de Solène et à lui verser une somme égale à la marge brute perdue pendant la période de préavis dont elle aurait dû bénéficier ; qu'elle sollicite la confirmation du jugement de ce chef ;
Considérant que la société Claude Anne de Solène réplique que l'accord entre les parties sur la fin des relations commerciales non contesté par la société Textiles Maes couvre la relation commerciale dans sa globalité ; qu'elle fait observer que tous les courriers produits dans la présente procédure sont adressés à Hacot-Colombier mais concernent toujours la relation avec Hacot et Claude Anne de Solène ; qu'elle affirme que postérieurement à fin 2008, le seul courant d'affaires subsistant l'était avec la société Hacot qui avait repris l'activité de Claude Anne de Solène ; qu'elle en conclut que la rupture émane des deux parties et n'a pas été brutale dans la mesure où elles sont convenues d'un préavis de six mois qui en définitive a duré plus d'un an jusqu'en mars 2010 ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale ;
Considérant que s'agissant de deux sociétés appartenant à un même groupe et ayant la même activité, la rupture des relations commerciales doit être examinée au regard des relations avec chacune des deux sociétés ayant rompu les relations commerciales ;
Considérant toutefois que par courrier du 23 décembre 2008, la société Textiles Maes a écrit à M. Hacot, président de la société Hacot-Colombier et également gérant de la société Claude Anne de Solène : " Nous continuons à vous livrer Excellence pendant les six premiers mois en 2009. Point non discuté mais évident, le stock emballé avec hang tag et gencod Anne de Solène doit être pris à la fin de notre collaboration. Nous n'allons plus établir des stocks personnalisés mais les commandes que nous recevrons et qui ne seront plus disponibles avec le hang tag Anne de Solène, seront fabriquées et emballées selon votre demande (vos quantités mais pas plus, cela pour éviter les surstocks). Délai de livraison : 6 à 8 semaines " ;
Considérant qu'il doit être relevé, à titre liminaire, à l'instar des premiers juges, que la société Hacot-Colombier revendait une grande partie des produits achetés à la société Textiles Maes à la société Claude Anne de Solène de sorte que cette dernière entretenait des relations commerciales résiduelles avec la société Textiles Maes en comparaison de celle liant celle-ci à la société Hacot-Colombier ; qu'à cet égard, il y a lieu de se référer au tableau produit par la société Textiles Maes et relatif aux chiffres d'affaires qu'elle a réalisés sur les ventes avec chacune des deux sociétés, duquel il ressort pour l'année 2008, un chiffre d'affaires de 36 781,75 euro avec la société Claude Anne de Solène et de 388 695,75 euro avec la société Hacot-Colombier ;
Considérant qu'il se déduit des termes de la lettre du 23 décembre 2008 que dès lors que la société Textiles Maes ne fournirait plus de produits étiquetés Anne de Solène à la société Hacot-Colombier qui s'engageait à retirer l'intégralité du stock à la fin de la collaboration, la société Claude Anne de Solène ne pouvait plus passer commande à la société Textiles Maes des produits en cause ; qu'il s'en déduit également que celle-ci n'avait nécessairement plus aucune perspective d'écoulement de son stock auprès de la société Claude Anne de Solène ; qu'en conséquence, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'arrêt des relations commerciales concernait nécessairement la société Claude Anne de Solène ;
Considérant que le tribunal de commerce a également rappelé que M. Hacot destinataire de la lettre et interlocuteur commercial privilégié de la société Hacot-Colombier, était tant gérant de la société Claude Anne de Solène que président de la société Hacot-Colombier ;
Considérant qu'en outre, il est établi que fin 2008, la société Hacot-Colombier a centralisé les achats de la société Claude Anne de Solène afin de réduire les coûts d'approvisionnement ; que la dernière commande de la société Claude Anne de Solène date du 22 octobre 2008 ; que comme le soutiennent les appelantes, fin 2008, il n'existait plus qu'un seul courant d'affaires avec la société Hacot-Colombier ; qu'en effet, il ressort du tableau produit par la société intimée que les chiffres d'affaires qu'elle a réalisés sur les ventes à la société Claude Anne de Solène ont progressivement diminué à compter de 2005 (115 520,28 euro) pour atteindre 36 781,75 euro en 2008 tandis que corrélativement, les chiffres d'affaires réalisés avec les ventes à la société Hacot-Colombier ont augmenté pour passer de 59 820,59 euro en 2005 à 388 695,75 euro en 2008 ;
Considérant qu'en définitive, il est établi que le 23 décembre 2008, les deux sociétés et leur fournisseur commun s'étaient entendues pour rompre de manière coordonnée leurs relations commerciales avec un préavis de six mois ;
Considérant que par mail du 3 avril 2009, M. Jacquet directeur des approvisionnements d'Hacot-Colombier a écrit à la société Textiles Maes que " la décision a été prise de basculer aussi l'éponge des magasins d'usine sur les nouvelles productions faites pour Anne de Solène... " que ce basculement se fera " par 2 ou 3 par mois... nous commencerons par trois magasins à la fin des soldes d'été, en août 2009 et cela se terminera par les 2 derniers magasins à la fin des soldes d'hiver en février " ; que le tribunal de commerce a considéré que ce courrier attestait de la poursuite des relations entre les trois sociétés et relevant qu'aucun préavis ne figurant dans ce courrier, a dit que la rupture était brutale ;
Mais, considérant qu'à compter du 23 décembre 2009, date de l'accord de l'ensemble des parties sur la rupture et ses modalités, les relations qui se sont poursuivies dans l'attente de la négociation éventuelle d'un nouveau contrat, étaient précaires ; qu'il ne ressort d'aucun élément que l'une ou l'autre des parties ait entendu renoncer à son intention de rompre ou ait entretenu une incertitude sur son intention de rompre ;
Considérant que le courriel du 3 avril 2009 s'inscrivait donc dans un processus de poursuite de l'organisation de la rupture d'un commun accord ; que les dernières commandes ont été passées au mois de mars 2010 ; que le préavis de six mois a duré plus d'un an ; que les parties se sont donc entendues sur un délai suffisant pour une relation commerciale établie de cinq ans ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Claude Anne de Solène à verser à la société Textiles Maes la somme de 49 453 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale ;
Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
Considérant que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'intenter une action en justice est susceptible de constituer un abus ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi que l'exercice par la société Textiles Maes de son action était manifestement voué à l'échec et que cette action était intentée dans le dessein de nuire à la société Hacot-Colombier et la société Claude Anne de Solène ; que la demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Textile Maes de ses demandes en dommages et intérêts pour pratique commerciale trompeuse, parasitisme et procédure abusive, le Confirme sur ces points, Statuant à nouveau, Déboute la société Textiles Maes de ses demandes d'indemnisation au titre de la concurrence déloyale et de la rupture brutale des relations commerciales, Et y ajoutant, Condamne la société Textiles Maes aux dépens de première instance et d'appel, Autorise la SCP Grappotte-Benetreau, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Textiles Maes à verser à la société Hacot-Colombier et à Maître Perin ès qualités de mandataire liquidateur de la Claude Anne de Solène la somme de 15 000 euro, chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.