CA Versailles, 3e ch., 11 février 2016, n° 14-00757
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dubois (Epoux)
Défendeur :
Dray, Fefer, TDAC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mmes Bazet, Derniaux
Avocats :
Mes Pageaut-Zermati, Saffar, Dupuis, Ravion
Le 13 septembre 2007, M. Fefer, M. Dray et la société de droit mauricien TDAC, ayant son siège social en République Mauricienne, se sont associés pour créer la société Cellu Cabine, dont l'objet social se rapporte à l'amincissement et à l'hygiène du corps par l'exploitation d'un concept nommé Cellusonic, marque enregistrée à l'Ile Maurice en 2001.
M. et Mme Dubois ont versé la somme de 35 000 euro à MM. Dray et Fefer pour le compte de la société TDAC dans la perspective d'ouvrir un institut mettant en œuvre ce concept au Maroc.
Néanmoins, estimant avoir été abusés, et après avoir vainement sollicité la restitution des fonds, M. et Mme Dubois ont, par acte des 20 juillet, 28 juillet et 3 août 2011, assigné M. Dray, M. Fefer et la société TDAC devant le Tribunal de grande instance de Nanterre en remboursement de cette somme.
Par jugement du 25 octobre 2013, le tribunal les a déboutés de leurs demandes, et condamnés à payer à M. Dray, M. Fefer et la société TDAC la somme de 500 euro à chacun, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par acte du 29 janvier 2014, M. et Mme Dubois en ont relevé appel et prient la cour, dans leurs dernières conclusions du 18 avril 2014, de :
- condamner in solidum les intimés à leur rembourser la somme de 37 500 euro avec intérêts de droit à compter du 4 août 2009,
- condamner in solidum les intimés à leur payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions du 17 juin 2014, M. Dray, M. Fefer et la société TDAC demandent à la cour de :
- juger que l'action en répétition de l'indu est irrecevable à l'égard de M. Dray et M. Fefer,
- constater que le versement par M. Dubois de la somme de 37 500 euro trouve son origine dans l'exécution d'une obligation civile, à savoir le versement d'une indemnité d'immobilisation destinée à réserver la zone géographique,
- débouter M. et Mme Dubois de toutes leurs demandes,
- condamner M. et Mme Dubois à leur payer chacun respectivement les sommes de :
Dommages et intérêts 5 000 euro
Au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile 2 500 euro
Indemnité de procédure 2 500 euro
- condamner M. et Mme Dubois aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2015.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a relevé que, malgré l'absence de signature d'un contrat écrit, M. et Mme Dubois se sont vu concéder un droit d'usage de la marque et de la méthode Cellusonic, que la somme versée s'analysait donc en un acompte sur le prix total, et que c'étaient M. et Mme Dubois qui avaient pris l'initiative de mettre fin à leur projet. Il en a déduit que le versement de la somme de 37 500 euro ne pouvait être considéré comme non causé. En outre, aucune inexécution du contrat ne pouvait être reprochée aux défendeurs, rien n'établissant que ces derniers se seraient engagés à trouver un lieu d'exploitation pour M. et Mme Dubois.
M. et Mme Dubois soutiennent qu'ils ont versé 37 500 euro (en trois versements) alors que les contours du projet à l'étude n'étaient pas définis et ne pouvaient prendre corps qu'après création d'une société qui n'a jamais vu le jour. Ayant versé cette somme sans que la contrepartie se réalise, ce paiement est indu. Ils ajoutent que, le contrat envisagé portant sur la mise à disposition d'une marque ou d'une enseigne et les versements ayant été faits avant signature de ce contrat, les prestations assurées en contrepartie de ce versement devaient être précisées par écrit, conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce. Tel n'ayant pas été le cas, le contrat doit être réputé nul en application de l'article L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle concernant la vente d'une licence attachée à une marque.
MM. Fefer et Dray ainsi que la société TDAC font valoir que la somme de 37 500 euro représentait la moitié des droits d'entrée stipulés par le partenariat, dont la vocation, à l'instar d'une indemnité d'immobilisation, était de bloquer la zone d'achalandage concernée et de financer les coûts supportés par le co-contractant dans le cadre de l'assistance apportée au licencié pendant la phase d'amorçage du projet jusqu'à ouverture de l'institut. Ils se réfèrent à l'article 11 du contrat, qui prévoyait que la somme forfaitaire de 75 000 euro était payable à 50 % au jour de la signature du contrat à titre d'acompte, et le solde à la signature du bail du local commercial de l'institut, qui devra intervenir dans les six mois de la signature du contrat, à défaut de quoi l'acompte serait entièrement perçu par le concédant, et ce pour solde de tout compte. Ils considèrent par conséquent que ces versements sont parfaitement causés, et qu'en tout état de cause, MM. Dray et Fefer ne les ont pas encaissés, seule la société TDAC ayant perçu les fonds. M. et Mme Dubois ayant unilatéralement mis fin au projet, cette somme demeure acquise à TDAC.
Il résulte des pièces produites que les parties se sont engagées dans un projet de création d'un institut de beauté, répondant aux caractéristiques d'un protocole dit Cellusonic, et pour lequel était envisagé la signature d'un contrat constituant la pièce 5 des intimés. Ce contrat n'ayant jamais été signé, les intimés sont mal fondés à se prévaloir des dispositions de son article 11, selon lesquelles une somme de 75 000 euro serait payable pour 50 % à la signature du contrat à titre d'acompte et serait entièrement perçue par TDAC pour solde de tout compte, en l'absence de signature du bail commercial dans les six mois du contrat.
L'examen de ce projet de contrat montre par ailleurs que les rapports contractuels projetés s'apparentaient très largement à un contrat de franchise, puisqu'y étaient prévus la mise à disposition à titre exclusif de la marque Cellusonic, une méthodologie et des conseils pour développer une entreprise indépendante, une exclusivité d'implantation sur une zone géographique déterminée, certaines prescriptions sur les caractéristiques du futur institut de beauté (surface minimale, nombre de cabines, formation du personnel, qualité des soins, etc...), une assistance technique, des approvisionnements exclusifs, et des redevances mensuelles, outre les paiements initiaux ci-dessus rappelés.
Outre le fait qu'il n'existe aucune trace de l'exécution par les intimés de l'obligation d'information précontractuelle spécifique prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce, il est constant que les versements litigieux ont eu lieu avant signature de ce contrat, et entrent dès lors dans les prévisions du dernier paragraphe de ce texte, qui, après avoir défini les obligations précontractuelles d'information du franchiseur, prévoient que, lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Les intimés ne contestent pas que TDAC a bien été bénéficiaire de ces versements. Cependant, il n'est fait état par aucune des parties des contreparties qui devaient être fournies, et l'ont effectivement été, M. et Mme Dubois précisant dans leurs écritures qu'après s'être investis totalement dans le projet, ils ont décidé de s'en retirer faute de possibilité de le concrétiser, en l'absence de visibilité sur les conditions de travail au Maroc et faute de signature du contrat de licence. Les intimés n'apportent, quant à eux, aucune réponse sur l'emploi qui a été fait de ces sommes. Les courriels produits, qui témoignent seulement de contacts et de réunions entre les parties, n'établissent l'existence d'aucune prestation concrète fournie par les intimés, étant rappelé que M. et Mme Dubois ont mis fin aux contacts avant toute opération de formation de Mme Dubois.
Dès lors, en l'absence de tout élément sur les contreparties fournies à ces paiements, qui ont bel et bien appauvri M. et Mme Dubois et enrichi la société TDAC, il convient de retenir qu'en effet, ils sont dépourvus de cause au sens des articles 1235 et 1371 du Code civil. La demande de M. et Mme Dubois sera donc jugée bien fondée en son principe.
M. et Mme Dubois n'établissent cependant pas que MM. Fefer et Dray ont été bénéficiaires, même indirectement, des fonds versés. En effet toutes les parties s'accordent sur le fait qu'ils ont été encaissés par la seule société TDAC, et la seule circonstance que MM. Fefer et Dray aient ou aient eu des intérêts dans des sociétés proches de TDAC et que M. Fefer en soit le gérant ne suffit pas à constituer cette preuve. M. et Mme Dubois seront donc déboutés de leurs demandes contre MM. Fefer et Dray, et la société TDAC sera seule condamnée à leur payer la somme de 37 500 euro, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure initiale, du 4 août 2009.
Compte tenu du sens de la présente décision, MM. Fefer et Dray, ainsi que la société TDAC seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts, étant observés qu'ils n'ont pas qualité pour demander le prononcé d'une amende civile.
La société TDAC sera en revanche condamnée aux dépens de première instance et d'appel, l'équité commandant en outre qu'elle contribue aux frais irrépétibles exposés par M. et Mme Dubois à hauteur de 2 000 euro.
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en ce que les demandes formées contre MM. Fefer et Dray ont été rejetées, Infirmant sur le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société TDAC à payer à M. et Mme Dubois la somme de 37 500 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2009, ainsi que celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société TDAC aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct.