Livv
Décisions

Cass. com., 16 février 2016, n° 13-27.420

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Gobatto, Castorama France (Sté)

Défendeur :

Gobatto (parents), Vinceneux (ès. qual), Hema Bricolage (Sarl), SCI GMH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Conseiller :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Piwnica, Molinié

Toulouse, 2e ch. 1re sect., du 27 mars 2…

27 mars 2013

LA COUR : - Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses premières, deuxièmes et quatrièmes branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses premières, deuxièmes et quatrièmes branches, rédigées en termes identiques, réunis : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 mars 2013), que la société Hema bricolage, dont le capital était détenu par M. André Gobatto, Mmes Emilienne Lalaque épouse Gobatto et Magali Gobatto, ainsi que M. Hugues Gobatto (les consorts Gobatto), exploitait un magasin sous franchise Monsieur Bricolage dont la réouverture, à l'issue de travaux, est intervenue le 13 avril 2006 ; qu'elle a formé un recours tendant à l'annulation de l'autorisation délivrée par la Commission nationale de l'équipement commercial (CNEC) à la société Castorama pour l'implantation d'une surface de vente dans la même zone de chalandise ; qu'à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de son autorisation, la société Castorama a obtenu le 20 décembre 2005 une nouvelle autorisation et ouvert son magasin le 20 avril 2006 ; que cette autorisation ayant été de nouveau annulée par un arrêt du Conseil d'Etat le 9 juillet 2007, la société Castorama s'est vu délivrer une troisième autorisation, devenue définitive ; que la société Hema bricolage a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 19 décembre 2006 et 30 mai 2007 ; que se prévalant de l'arrêt d'annulation du Conseil d'Etat du 9 juillet 2007, Mme Vinceneux, désignée en qualité de liquidateur, et les consorts Gobatto ont assigné la société Castorama en concurrence déloyale ;

Attendu que Mme Vinceneux, ès qualités, et les consorts Gobatto font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de réparation du préjudice résultant de la liquidation judiciaire de la société Hema bricolage causée par les actes de concurrence déloyale commis par la société Castorama alors, selon le moyen : 1) que toute déclaration d'illégalité d'un acte réglementaire ou d'une décision administrative par le juge administratif, même décidée à l'occasion d'une autre instance, s'impose au juge civil ; qu'en refusant de constater que le Conseil d'Etat avait, dans son arrêt n° 290419, annulé rétroactivement la décision de la Commission nationale d'équipement commercial en date du 20 décembre 2005 autorisant la société Castorama à créer un magasin de 12 300 m² de surface de vente à l'enseigne Castorama sur la commune de Blagnac, ce qui emportait pour conséquence que cette décision était réputée n'avoir jamais existé, de sorte que son exploitation irrégulière et par conséquent, l'acte de concurrence déloyale en résultant nécessairement, devait débuter au jour de l'ouverture de ce commerce au public, soit le 20 avril 2006, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ; 2) qu'à supposer même que l'annulation de la décision du 20 décembre 2005 ne produise pas d'effet rétroactif, en s'abstenant de rechercher, ainsi que l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel de M. André Gobatto, Mme Vinceneux, ès qualités, et les consorts Gobatto, si le risque pris par la société Castorama en implantant son magasin sur le fondement d'une décision d'autorisation du 20 décembre 2005 qu'elle savait frappée d'un recours pour excès de pouvoir et qui survenait après plusieurs décisions précédentes de refus ne traduisait pas sa volonté intentionnelle de désorganiser le marché, ce qui est constitutif d'un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3) que le préjudice, même moral, s'inférant d'un acte de concurrence déloyale générateur d'un trouble commercial doit nécessairement donner lieu à indemnisation ; qu'en constatant, pour débouter M. André Gobatto, Mme Vinceneux, ès qualités, et les consorts Gobatto de leur demande d'indemnisation à ce titre, que des faits de concurrence déloyale sont établis sur la période du 9 juillet 2007 au 10 juin 2008 tout en déniant le caractère réparable du préjudice s'en inférant nécessairement au motif de l'absence de son caractère direct, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir retenu que la circonstance que la société Castorama se soit installée le 20 avril 2006 à proximité du magasin Monsieur Bricolage de la société Hema bricolage, après autorisation de la CNEC délivrée le 20 décembre 2005, ne présentait pas un caractère fautif, l'arrêt retient que l'annulation de cette autorisation par le Conseil d'Etat le 9 juillet 2007 n'a pas rendu fautive l'ouverture de son magasin par la société Castorama dès lors que celle-ci a respecté l'acte administratif d'origine, même s'il a ensuite été anéanti rétroactivement ; qu'il ajoute qu'il n'a pas été établi à son encontre le recours à des procédés déloyaux ou non conformes aux usages du commerce ; qu'il retient encore que la société Castorama n'ayant commencé à exploiter son magasin que le 20 avril 2006, après obtention de l'autorisation, il importe peu qu'une précédente autorisation accordée en 2003 ait été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat du 10 novembre 2004 pour des motifs identiques à ceux de l'arrêt du 9 juillet 2007 ; qu'en l'état de ces appréciations et énonciations, et dès lors que le recours contre l'autorisation administrative était dénué d'effet suspensif, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a, sans méconnaître le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, exactement décidé qu'aucune faute constitutive d'un acte de concurrence déloyale n'était démontrée entre le 20 avril 2006 et le 9 juillet 2007 ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté que les actes de concurrence déloyale imputés à la société Castorama sont établis uniquement pour la période du 9 juillet 2007 au 10 juin 2008, l'arrêt relève que la liquidation judiciaire des sociétés Hema bricolage et GMH a été prononcée le 30 mai 2007 et la date de cessation des paiements de la société Hema bricolage fixée au 8 décembre 2006 et que les préjudices invoqués par les consorts Gobatto découlent de la liquidation judiciaire de ces deux sociétés ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit qu'il n'existait aucun lien de causalité entre les faits de concurrence déloyale et les préjudices invoqués, qui leur étaient antérieurs ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision motivée sur les moyens uniques, pris en leur troisième branche, des pourvois principal et incident, qui ne sont manifestement pas de nature à permettre la cassation ;

Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident ;