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Décisions

CA Pau, 1re ch., 11 février 2016, n° 14-02661

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gemarli (SARL)

Défendeur :

Bedouet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pons

Conseillers :

Mme Nicolas, M. Castagne

Avocats :

SCP Duale-Ligney-Madar-Danguy, Selarl Boulous Chevallier & Associés, Me Malo

T. com. Bayonne, du 13 janv. 2014

13 janvier 2014

La SARL Gemarli a fait l'acquisition, le 30 août 2010, d'un fonds artisanal dénommé " L'Enseigne ", spécialisé dans les activités de création, installation, achat, revente de tous supports publicitaires, gravures, plaques signalétiques, jusqu'alors exploité par le père de Mme Céline Bedouet, laquelle avait, sur la base d'un courriel du 22 mai 2010, accepté de collaborer à la commercialisation de ces activités, Mme Bedouet facturant mensuellement ses commissions à la société Gemarli, sur la base d'un état du chiffre d'affaires par elle réalisé.

Faisant état d'une dégradation des relations entre les parties à compter de septembre 2012 ayant entraîné une rupture abusive et injustifiée du contrat, sans préavis, à l'initiative de la SARL Gemarli, Mme Bedouet, se prévalant du statut d'agent commercial, l'a, par acte du 30 janvier 2013, faite assigner aux fins :

- de voir ordonner la communication de son chiffre d'affaires pour les mois de septembre à novembre 2012,

- de la voir condamner à lui payer les commissions dues au titre de cette période, une indemnité de rupture de 30 000 euro et une indemnité compensatrice de préavis de 3 750 euro, outre les sommes de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 13 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Bayonne a :

- qualifié la nature de la relation commerciale des deux parties de contrat d'agent commercial,

- condamné la société Gemarli à payer à Mme Bedouet une indemnité forfaitaire de 7 500 euro pour rupture du contrat d'agent commercial,

- condamné la société Gemarli à payer à Mme Bedouet les commissions dues pour les mois de septembre 2012 et octobre 2012,

- dit que la société Gemarli devra produire à Mme Bedouet l'état des commissions correspondant aux mois de septembre 2012 et octobre 2012 et les lui régler, au taux convenu entre elles,

- rejeté la demande de commission de Mme Bedouet au titre d'un contrat de marché public (conclu postérieurement à la rupture des relations contractuelles),

- rejeté toutes les autres demandes d'indemnités de Mme Bedouet,

- condamné la société Gemarli à payer à Mme Bedouet la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

La SARL Gemarli a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 9 juillet 2014.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 1er septembre 2015.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 février 2015, la SARL Gemarli demande à la cour, au visa des articles 1134 et 2007 du Code civil, L. 134-1 et suivants, R. 134-6 et R. 134-15 du Code de commerce, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Bedouet de ses demandes en paiement de commissions afférentes à un marché public obtenu le 27 mai 2013 et, le réformant pour le surplus :

- à titre principal, de dire que la collaboration commerciale entre les parties ne peut être requalifiée en contrat d'agent commercial,

- subsidiairement, de " prendre acte " de ce que la rupture de la collaboration commerciale entre les parties est le fait de Mme Bedouet et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 15 959 euro en réparation de son préjudice,

- très subsidiairement, de " prendre acte " de ce que le préjudice de Mme Bedouet ne saurait s'élever à deux années de commission et de ramener ses prétentions à de plus justes proportions,

- en toute hypothèse, de condamner Mme Bedouet à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle soutient en substance :

- que Mme Bedouet ne rapporte pas la preuve - dont la charge lui incombe - de l'existence d'un contrat d'agent commercial qui suppose, d'une part, que l'agent exerce son activité de façon indépendante et autonome, sans être lié à son mandant par un lien de subordination et, d'autre part, qu'il agisse, de façon permanente, au nom et pour le compte de son mandant qui lui confère le pouvoir de négocier et, éventuellement, conclure des contrats,

- qu'en l'espèce, Mme Bedouet - qui ne s'est inscrite au registre spécial des agents commerciaux que cinq jours avant la rupture des relations contractuelles - ne lui a proposé ses services qu'en vue d'obtenir un complément de rémunération, qu'elle a toujours facturé ses prestations au titre de son statut d'auto-entrepreneur (coach sportif) et qu'aucun contrat d'agent commercial n'a été établi,

- que l'activité exercée par Mme Bedouet à son profit ne satisfait pas aux critères fixés par l'article L. 134-1 du Code de commerce dès lors qu'elle n'a jamais été investie du pouvoir de négocier les contrats au nom et pour le compte de la société Gemarli dont le gérant validait les devis qu'elle lui proposait, la mission de Mme Bedouet étant limitée à la recherche de clients potentiels, à la présentation et l'information sur les produits de la société et à la transmission à celle-ci des desiderata des clients intéressés, sans aucun pouvoir de transaction ni de négociation sur les tarifs à appliquer et sur la validation des commandes, ainsi que le révèlent divers messages électroniques et attestations versés aux débats,

- qu'en toute hypothèse, la charge de la preuve de la résiliation unilatérale du contrat par le mandant incombe à l'agent commercial qui ne peut obtenir une indemnité de cessation de contrat lorsque celle-ci résulte de sa propre initiative,

- qu'en l'espèce, nonobstant les termes de son courrier du 8 octobre 2012, c'est bien Mme Bedouet qui a pris l'initiative de la rupture, craignant que l'embauche d'une commerciale dont la mission était, en complément de son action, de développer la clientèle de la société, ne remette en cause le volume de ses commissions, alors même que la société Gemarli ne lui avait jamais fait part de sa volonté de rompre leurs relations d'affaires,

- que la rupture injustifiée des relations contractuelles par Mme Bedouet lui a causé un préjudice financier en termes d'impact négatif sur son chiffre d'affaires dans les premiers mois de 2013, pouvant être évalué à trois mois de marge réalisée en moyenne sur les clients présentés par l'intimée, déduction faite des commissions auxquelles elle aurait pu prétendre,

- très subsidiairement, que l'indemnité de rupture due au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce est fixée souverainement par les juges et qu'il y a lieu de prendre en considération la faible durée des relations contractuelles entre les parties et le fait que l'activité litigieuse n'était pas exercée à temps plein par Mme Bedouet,

- que Mme Bedouet ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions visées à l'article L. 134-7 du Code de commerce pour pouvoir prétendre à commission sur le marché public conclu le 27 mai 2013 par la société Gemarli.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 avril 2015, Mme Bedouet, formant appel incident, demande à la cour :

- avant dire droit, d'ordonner la communication par la société Gemarli de ses chiffres d'affaires réalisés entre le 1er septembre 2012 et le 30 novembre 2012,

- au fond : de qualifier la relation entre les parties de relation d'agence commerciale mais, réformant le jugement sur le montant des condamnations, de condamner la société Gemarli à lui payer les commissions dues entre le 1er septembre et le 30 novembre 2012 et notamment la facture du 2 juillet 2013 pour un montant de 10 000 euro ainsi que les sommes de 30 000 euro à titre d'indemnité de rupture, de 3 750 euro à titre d'indemnité pour non-respect du préavis, de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- subsidiairement, dans le cas où le statut d'agent commercial lui serait refusé, d'ordonner la transmission du dossier au parquet, sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale et au vu d'un soupçon de travail dissimulé.

Elle soutient pour l'essentiel :

- que la preuve de la réunion des conditions d'application du statut d'agent commercial est suffisamment rapportée par un véritable contrat écrit (mail du 22 mai 2010), des factures de commissions qui ont été payées sans discussion et plus de 500 devis établis sans l'aide du mandant,

- que ni l'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, simple mesure de police professionnelle, ni l'absence d'exercice d'une activité complémentaire ne sont des conditions sine qua non de la reconnaissance du statut qui ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité a été effectivement exercée,

- qu'en l'espèce, elle a toujours agi en toute indépendance, sans aucun lien de subordination avec la SARL Gemarli et qu'elle disposait d'un véritable pouvoir de transaction et de négociation des contrats ainsi que l'établit la liste des 530 devis par elle établis, que ne sauraient contredire efficacement des extraits de quelques courriels par lesquels elle demande simplement au gérant de la société de lui fournir des documents nécessaires au bon déroulement de sa mission, ces courriels concernant en outre des cas spécifiques, notamment de sous-traitance, sur lesquels elle n'avait pas à se prononcer, la validation des tarifs ou des devis par le gérant répondant à son statut de mandant et illustrant sa propre qualité d'agent négociateur,

- qu'elle produit en outre huit devis acceptés par les clients et sur lesquels figurent des remises qu'elle a consenties sans l'intervention de son mandant,

- qu'à supposer non applicable le statut d'agent commercial, l'activité par elle déployée au profit de la SARL Gemarli devrait nécessairement s'analyser en une activité salariée relevant de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale et justifierait la transmission du dossier au parquet demeurant sa non-déclaration,

- que les éléments versés aux débats établissent que la rupture du contrat est imputable au mandant qui a tenté de lui imposer une modification de ses conditions de travail et, demeurant son refus, lui a progressivement supprimé l'accès et l'utilisation de ses outils de travail, notamment informatiques,

- que l'indemnité allouée par les premiers juges ne correspond nullement aux usages en la matière qui prévoient l'octroi d'une indemnité d'un montant égal à deux années de commissions, soit en l'espèce 30 000 euro, qu'elle est en droit d'obtenir paiement des commissions sur le mois de novembre 2012 dont le chiffre d'affaires provenait des commandes prises par elle, qu'elle justifie du travail par elle accompli pour la conclusion du marché public au titre duquel le tribunal de commerce lui a sans motif valable refusé un commissionnement,

- qu'elle sollicite sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, la communication préalable des chiffres d'affaires réalisés pour les mois de septembre à novembre 2012 pour déterminer le montant des commissions dues pour cette période.

MOTIFS

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, étant considéré que l'inscription au registre spécial des agents commerciaux, simple mesure de police économique, ne constitue pas une condition nécessaire d'applicabilité du statut.

En conséquence, lorsque l'existence d'un contrat d'agent commercial est contestée, il appartient à la partie qui revendique l'application du statut d'établir qu'elle a exercé ses fonctions dans des conditions correspondant aux critères caractéristiques de la fonction d'agent commercial, défini par l'article L. 134-1 du Code de commerce comme un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants.

Il est en l'espèce acquis que les relations d'affaires entre les parties sont basées sur l'acceptation par Mme Bedouet d'une offre de contracter de la SARL Gemarli, formalisée par courriel du 22 mai 2010 ainsi rédigé : " si vous le souhaitez, je voudrais que vous représentiez commercialement notre entreprise en région Aquitaine. Comme convenu, voici les taux appliqués pour la vente de nos produits afin de pouvoir faire votre prévisionnel. Les commissions pour les ventes sont :

Vente client direct ou public : 15 % du CA,

Vente à un revendeur : 15 % du CA la première affaire ensuite 10 %,

Vente d'un produit entièrement sous-traité style imprimerie ou enseigne lumineuse ou sérigraphie : 10 % du CA ".

L'activité même de prospection de clientèle au profit de la SARL Gemarli n'est pas contestée et est justifiée par la liste des devis établis par Mme Bedouet ayant donné lieu à émission de factures de commission réglées sans contestation par l'appelante.

La circonstance que Mme Bedouet a pu exercer, pendant le temps de sa collaboration avec la société appelante d'autres activités rémunératrices sans lien avec son travail pour la SARL Gemarli doit demeurer sans incidence dès lors que la " permanence " de l'activité requise par l'article L. 134-1 du Code de commerce n'est pas synonyme d'exclusivité mais de constance et de stabilité, par opposition à la notion d'activité occasionnelle.

Par ailleurs, le fait que le gérant de la SARL Gemarli validait systématiquement les devis présentés par Mme Bedouet est sans incidence dès lors que le pouvoir de négociation visé à l'article L. 134-1 du Code de commerce suffit à lui seul à caractériser l'existence d'une activité d'agent commercial, peu important que le mandant se réserve le droit de ratifier les contrats préparés par l'agent.

Or, Mme Bedouet verse aux débats (pièces 2-2) huit devis par elle établis et comportant des remises dont il n'est pas démontré qu'elles ont été soumises à l'approbation préalable du gérant de la SARL Gemarli, révélant ainsi l'exercice d'un pouvoir effectif de négociation au sens de l'article L. 134-1 précité, non systématiquement sur instructions du mandant mais de manière indépendante, dans le cadre d'un mandat permanent de négociation au nom et pour le compte de la société Gemarli, ainsi que confirmé par quatre attestations de clients indiquant avoir négocié directement et exclusivement avec elle.

Les échanges de courriels versés aux débats par la société Gemarli (pièces 11 et 16) établissant que Mme Bedouet demandait à l'entreprise les prix avant l'établissement des devis (pratique au demeurant confirmée par Mme Bedouet elle-même dans son courriel du 14 septembre 2012, pièce n° 13-2 produite par l'intimée) ne sont pas exclusifs de la reconnaissance d'un pouvoir de négociation au profit de la mandataire, à partir de la définition du prix par le mandant, définition qui, s'agissant de produits non standardisés, ne pouvait être opérée que par une personne disposant de compétences techniques spécifiques et non par un " simple " commercial.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié la nature de la relation commerciale entre les parties de contrat d'agent commercial.

Il résulte de la combinaison des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi sauf si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit dans ce dernier cas justifiée par des circonstances imputables au mandant.

En l'espèce, l'analyse des courriels échangés entre les parties entre septembre et octobre 2012, seuls éléments probatoires versés de ce chef aux débats, permet de constater qu'à l'occasion d'un projet de restructuration dans le cadre d'un rapprochement avec un imprimeur dont la propre commerciale avait apporté une affaire à la société, le gérant de la société Gemarli a proposé à Mme Bedouet une renégociation des conditions de son intervention dans le cadre de laquelle il lui a adressé :

- le 25 septembre 2012, un mail en conclusion duquel il indiquait : mes conditions pour une poursuite de notre collaboration sont :

- le respect du personnel tel que tu es en droit de l'exiger en retour, exemple : informer en temps et en heure si on ne peut pas se rendre à un RV programmé avec l'équipe et se soucier des conséquences causées à la gêne du service,

- l'acceptation de l'idée qu'une collaboration commerciale ne puisse se faire autrement qu'en bonne harmonie et respect avec mon équipe,

- l'acceptation aussi que le gérant de Gravuplac c'est moi et que je suis en droit de donner les orientations commerciales que je juge utiles à la bonne marche de l'entreprise,

- être à l'écoute des impératifs de l'entreprise pour le traitement des dossiers et des priorités,

- accepter que le changement de nos accords commerciaux du début entraîne une nouvelle entente client par client,

- le 6 octobre 2012 le courriel suivant : " J'attends encore ta proposition de contrat de prestations des services convenue semaine 40 et ce afin de respecter le délai que tu souhaitais. Est-ce toujours en cours de rédaction ou ne souhaites-tu pas donner suite. Je ne sais toujours pas et ne peux pas rester dans cette attente... Tes prestations sont soumises aux nouvelles conditions de notre collaboration restant à définir. Saches qu'à partir du 1er octobre 2012, je ne rémunérerai plus tes prestations comme précédemment et sans conditions contractuelles écrites. Bien sûr, la rémunération de tes prestations entre le 12 et le 30 septembre 2012 sont en attente de négociation ",

- le 9 octobre 2012, un courriel ainsi rédigé : " Suite à mes demandes répétées (mails du 25 septembre, du 6 et 8 octobre 2012) concernant ton changement de statut professionnel et base de notre futur accord commercial, je suis à ce jour sans réponse de ta part. Je te rappelle que c'est sur ta demande et tes récentes décisions de travailleur indépendant avec l'évolution de ton activité que tu dois me présenter ton nouveau projet et ce dans un cadre légal ne pouvant souffrir d'aucune mauvaise interprétation par l'administration fiscale. Depuis le 12 septembre 2012, je fais le nécessaire pour ne pas gêner ton travail commercial mais je ne peux pas continuer d'engager davantage la société sans ces nécessaires conditions. Devant ton refus à me répondre, je suis dans l'obligation de ne plus pouvoir traiter tes nouveaux dossiers commerciaux à partir de ce jour. Si tu en émettais le souhait et si nous trouvons un accord écrit après la présentation de ton nouveau statut, notre collaboration commerciale pourra reprendre. En attendant et afin de ne pas pénaliser la clientèle, merci de me rendre tous les dossiers commerciaux à en-tête de Gravuplac en cours ainsi que tous ses documents et échantillons prêtés qui peuvent être encore en ta possession ",

- le 17 octobre 2012 une lettre recommandée avec accusé de réception de signification de leurs relations ainsi rédigée : " Suite à nos différents échanges sur les conditions de vos prestations de services à compter du 1er novembre 2012 nous vous confirmons par la présente que nous mettons fin à celles-ci. Merci de nous faire parvenir votre facturation de septembre et octobre 2012 ".

Il apparaît ainsi que la réorganisation proposée par la société Gemarli à Mme Bedouet (à l'encontre de laquelle n'est caractérisée ni alléguée une quelconque faute grave) portait sur des éléments ayant une incidence essentielle sur le contrat (nouvelle entente client par client, embauche d'une autre commerciale) que celle-ci a finalement refusés, après négociation et que la rupture du contrat est manifestement due à ce refus qui ne peut, en soi être qualifié de fautif et/ou d'abusif, et doit dès lors être imputée au mandant, ouvrant droit, pour Mme Bedouet, au paiement des indemnités prévues par les articles L. 134-11 et 12 du Code de commerce.

S'agissant de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code civil, à défaut de preuve d'une faute grave de Mme Bedouet de nature à l'en priver du bénéfice, il convient, réformant le jugement entrepris qui a débouté, sans motif particulier expressément énoncé, Mme Bedouet de ce chef de demande, d'allouer à celle-ci, compte tenu :

- de la durée, indéterminée, du contrat,

- du délai de plus de deux ans écoulé depuis son commencement d'exécution (daté par les parties à septembre 2010),

- du montant moyen mensuel des commissions, non contesté, de 1 250 euro,

- de la somme de 3 750 euro, soit trois mois de commissions.

S'agissant de l'indemnité compensatrice de cessation de contrat, prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, il convient de rappeler qu'elle répare le préjudice réellement subi par l'agent non fautif dont le contrat est rompu unilatéralement par le mandant et que si le montant des commissions perçues au cours des années qui ont précédé la rupture est un des éléments intervenant dans le calcul de l'indemnité, il n'est pas le seul et qu'il convient, dans chaque cas, de tenir compte de toutes les circonstances de fait propres à l'espèce, ainsi que, notamment la durée des rapports entre les parties, les investissements éventuels de l'agent qu'il ne pourrait amortir du fait de la rupture prématurée, les frais de licenciement d'un personnel devenu inutile, l'importance du travail de prospection réalisé et le temps nécessaire pour retrouver une autre activité.

En l'espèce, compte tenu de la durée des relations contractuelles, à peine supérieure à deux ans, du nombre des nouveaux clients prospectés (105, selon la liste, non contestée, produite par Mme Bedouet en pièce n° 4) pour un montant global de commandes de 160 400 euro, outre les clients antérieurs à la reprise de l'activité par la société Gemarli (33, pour un chiffre d'affaires de 48 202 euro, pièce n° 3 de l'intimée) et à défaut de justification d'un quelconque autre chef de préjudice spécifique, il sera alloué à Mme Bedouet, sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, une indemnité de cessation de contrat de 10 000 euro, représentant huit mois de commissions, sur la base de la moyenne mensuelle précitée de 1 250 euro.

S'agissant des demandes de paiement des commissions impayées, constatant que la SARL Gemarli n'a toujours pas produit les justificatifs que les premiers juges l'avaient condamnée à communiquer à Mme Bedouet, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné communication par la société Gemarli à Mme Bedouet de l'état de commissions correspondantes et de les lui régler au taux convenus, sauf émendant le jugement de ce chef :

- d'une part, de dire, compte tenu des délais de traitement et de règlement des commissions, cette production devra concerner les mois de septembre, octobre et novembre 2012,

- d'autre part, d'assortir cette condamnation d'une astreinte de 150 euro par jour de retard à compter du trentième jour suivant le prononcé du présent arrêt.

S'agissant de la demande en paiement de commission au titre d'un marché public conclu avec la communauté de communes Sud Pays Basque (rejetée par les premiers juges au motif que Mme Bedouet n'apporte pas d'éléments probants quant à son rôle dans la signature du contrat en cause, conclu après la cessation de son contrat), Mme Bedouet verse aux débats des documents administratifs (extraits du règlement de consultation, du cahier des clauses administratives particulières) relatifs à la passation de ce marché pour la conception, la fabrication, la pose et la maintenance de supports de signalétique communautaire, marché à bons de commandes et un courrier du président de cette communauté de communes du 2 juillet 2013 indiquant que suite à la procédure d'offres (dont la date limite de réception était fixée au 3 septembre 2012), ce marché a été notifié à la SARL Gemarli le 28 mai 2013.

Le délai écoulé entre la rupture des relations contractuelles entre les parties et la notification de l'obtention du marché à la SARL Gemarli ne saurait constituer un motif d'exclusion d'un quelconque droit à commission compte tenu des contraintes et de la durée des procédures d'appel d'offres en matière de marchés publics.

Cependant force est de constater que Mme Bedouet ne produit aucun élément permettant de considérer qu'elle a eu un rôle causal et déterminant dans l'obtention de ce marché, rôle contesté par l'appelante qui verse aux débats (pièce n° 18) une attestation, non arguée de faux, d'un salarié, M. Huveteau-Destampes, ainsi rédigée : " J'ai travaillé pendant plusieurs années pour la société Logotext qui était titulaire du marché public Agglo Pays Basque concernant les travaux de signalétique. Lorsque j'ai été embauché chez Gemarli, j'ai fait part à M. Founeau de l'existence d'un nouvel appel d'offre pour ce marché. Je l'ai donc aidé à réaliser la réponse à cet appel d'offres grâce à mes connaissances de ce marché. J'atteste donc que la réponse à l'appel d'offres a été réalisée par M. Founeau avec mon aide ".

Au regard de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Bedouet de ce chef de demande.

La rupture des relations contractuelles étant imputable à la SARL Gemarli, celle-ci sera déboutée de sa demande reconventionnelle en indemnisation du préjudice par elle allégué du fait de la rupture prétendument abusive du contrat par Mme Bedouet.

A défaut de preuve d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit fondamental de la SARL Gemarli d'assurer en justice la défense de ses intérêts, laquelle ne saurait se déduire de sa seule succombance et ne s'évince d'aucun élément objectif du dossier, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Bedouet de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et celle-ci sera déboutée de sa demande de chef en cause d'appel.

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Gemarli à payer à Mme Bedouet, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et de lui allouer de ce chef une indemnité de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.

La SARL Gemarli sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Par ces motifs LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bayonne en date du 13 janvier 2014, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a, Qualifié la nature de la relation commerciale des deux parties de contrat d'agent commercial, Débouté Mme Bedouet de sa demande en paiement de commission au titre du marché public conclu avec la communauté de communes Sud Pays Basque, Débouté Mme Bedouet de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive, Débouté la SARL Gemarli de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour rupture abusive des relations contractuelles, Condamné la SARL Gemarli à payer à Mme Bedouet, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance, Réformant le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la SARL Gemarli à payer à Mme Bedouet les sommes de, 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'indemnité de cessation de contrat prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce, 3 750 euro (trois mille sept cent cinquante euro) au titre de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code de commerce, Condamne la SARL Gemarli, sous astreinte de 150 euro (cent cinquante euro) par jour de retard à compter du trentième jour suivant le prononcé du présent arrêt, à communiquer à Mme Bedouet l'état des commissions dues pour les mois de septembre, octobre et novembre 2012 et à les lui régler aux taux convenus, Ajoutant au jugement déféré, Déboute Mme Bedouet de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive en cause d'appel, Condamne la SARL Gemarli à payer à Mme Bedouet, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euro) au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel, Condamne la SARL Gemarli aux entiers dépens d'appel.