Livv
Décisions

Cass. com., 16 février 2016, n° 13-28.277

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Toltex (SAS)

Défendeur :

Clisson, Poitou décors (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Odent, Poulet, Me Rémy-Corlay

Poitiers, 2e Ch. civ., du 24 sept. 2013

24 septembre 2013

LA COUR : - La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 septembre 2013), que la société Toltex, exerçant l'activité d'achat, transformation, vente de tous produits pour les espaces verts, les pépinières, l'horticulture, la vigne, l'agriculture, a employé M. Clisson en qualité de responsable de site ; que celui-ci a conservé son statut de salarié lors de sa nomination en qualité de président de la société, avant de démissionner de son emploi et de ses fonctions de président et de constituer la société Financière Clisson, qui a acquis les parts sociales de la société Poitou décors, dont il a été nommé gérant et ayant pour activité la fabrication et vente de tous éléments de serrurerie, la fabrication de pièces pour aménagement du magasin ; que, reprochant à M. Clisson d'avoir violé la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail et invoquant à l'encontre de la société Poitou décors un détournement de clientèle et un débauchage de personnel, la société Toltex les a assignés en paiement de dommages-intérêts, respectivement pour violation de la clause de non-concurrence et pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Toltex fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que pour juger que M. Clisson n'avait pas manqué à la clause de non-concurrence qu'il avait conclue avec la société Toltex, la cour d'appel a retenu que les produits distribués par la société Poitou décors n'étaient pas visés par cette clause et, lorsqu'ils correspondaient aux produits prohibés, qu'ils avaient été commercialisés postérieurement à la date de validité de la clause ; qu'elle a également retenu que le démarchage par la société Poitou décors des clients de la société Toltex n'était pas fautif dès lors que la clause ne visait que " la fabrication et la distribution ", de sorte que seul le démarchage ayant eu pour objet la commercialisation des produits visés par la clause précitée aurait pu être prohibé ; qu'en comparant les produits commercialisés par le catalogue de la société Poitou décors avec ceux distribués par la société Toltex, elle a enfin retenu que les articles dont la commercialisation par la société Toltex était établie durant la période annale d'application de la clause de non concurrence ne constituaient pas des produits de marquage, de système d'attache ou de tuteurage des végétaux ; que, cependant, la société Toltex avait également fait valoir que le produit " grappin sol " qui figurait bien à son catalogue, avait été l'objet, durant la période de validité de la clause, d'une tentative de commercialisation ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance ne permettait pas d'établir que M. Clisson, en cours d'exécution de la clause de non-concurrence, avait bien procédé à des actes prohibés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2°) que pour écarter la demande de la société Toltex, relative à la responsabilité contractuelle de M. Clisson, pour violation de la clause de non-concurrence de son contrat de travail, la cour a retenu que les produits commercialisés par la société Poitou décors ne pouvaient pas être assimilés à des " produits horticoles " au sens de cette clause, cette notion, non définie précisément, étant ambiguë et devant être interprétée contre la société Toltex ; qu'en se déterminant ainsi, malgré l'univocité objective de la notion de " produits horticoles ", dont le sens clair justifiait que la distribution par la société Poitou décors de produits concurrents à ceux commercialisés de la société Toltex soit sanctionnée, peu important qu'ils ne correspondent pas exactement à la définition de ceux figurant au catalogue de cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) que le juge qui considère qu'une clause est ambiguë n'a pas pour autant la faculté d'en écarter l'application, car elle exprime néanmoins, comme clause, la loi des parties ; qu'il est donc tenu, pour permettre son application, de l'interpréter ; que tel était le cas de la clause la clause de non-concurrence relative aux " produits horticoles ", dont la notion était supposée ambiguë ; qu'en se bornant dès lors à énoncer que " les clauses de non-concurrence, en ce qu'elles portent atteinte au principe de la liberté du travail et du commerce, doivent être interprétées restrictivement, et en l'occurrence, la notion de " produits horticoles ", non définie plus précisément, est ambiguë, de sorte qu'en application de l'article 1162 du Code civil, cette formulation contractuelle doit être interprétée contre la SAS Toltex qui l'a stipulée, et en faveur de Laurent Clisson qui a contracté l'obligation de non-concurrence ", sans interpréter la notion prétendument ambiguë, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1162 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'il ne se déduit pas du contact pris par la société Poitou décors avec une société JCL import, pour la fourniture de sangles d'arrimage similaires à l'un des éléments composant le système grappin-sol commercialisé par la société Toltex, l'existence d'une violation par M. Clisson de la clause de non-concurrence, dès lors qu'il n'est pas établi que ce contact a abouti à la conclusion d'un contrat avant le terme du délai annal d'application de la clause de non-concurrence et que l'huissier de justice a expressément constaté que le local de stockage des produits fabriqués de la société Poitou décors ne contenait pas de pièces finies ou en cours de fabrication, en rapport avec le catalogue de la société Toltex, et donc aucun produit similaire au système " grappin-sol " commercialisé par cette dernière ; qu'en l'état de ces appréciations souveraines, dont elle a déduit qu'aucune tentative de commercialisation constitutive de concurrence déloyale n'était caractérisée, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé l'ambiguïté de la clause de non-concurrence en ce qu'elle visait les produits horticoles en général, et retenu qu'il lui appartenait de l'interpréter strictement, la cour d'appel a pu, se référant aux produits alors commercialisés par la société Toltex, qu'elle a énumérés, retenir que la clause ne visait pas les produits qu'il était reproché à la société Poitou décors d'avoir commercialisés ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Toltex fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que les agissements o déloyaux engagent la responsabilité de leur auteur, notamment lorsqu'ils portent atteinte au jeu de la libre concurrence, désorganisent le concurrent et s'accompagnent d'une captation de clientèle ; qu'en l'espèce, la société Toltex avait soutenu qu'il en était ainsi de M. Clisson et de la société Poitou décors, peu important que les produits proposés par cette dernière ne soient pas exactement identiques à ceux distribués par le concurrent évincé ; qu'en se dispensant de rechercher, comme elle y était invitée, si tel n'était pas le cas de M. Clisson et de la société Poitou décors, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la société Toltex, qui a rappelé l'exigence essentielle de la bonne foi dans l'exécution des conventions, avait par ailleurs soutenu devant la cour que M. Clisson avait procédé à la création d'une société holding Financière Clisson dans le seul but d'acquérir la société Poitou décors, afin de s'en servir d'écran social pour dissimuler une activité concurrente de la société Toltex, ce qui expliquait que l'objet social de cette dernière société ait été maintenu dans sa rédaction initiale alors que ce maintien était devenu inconciliable avec la nouvelle activité logée dans la structure sociale ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans procéder à l'examen de ce moyen, afin de rechercher, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne révélaient pas la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, d'un côté, qu'en démarchant la clientèle, M. Clisson n'avait pas agi en violation de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis et dont la société Poitou décors avait connaissance, que le démarchage des clients de la société Toltex par la société Poitou décors n'avait pas été opéré en méconnaissance des usages loyaux du commerce et que la société Toltex n'avait pas allégué que la société Poitou décors se fût livrée à des actes de dénigrement à son encontre auprès de leur clientèle commune et, de l'autre, que la société Poitou décors avait embauché le salarié de la société Toltex sans surenchère salariale et que cette dernière n'alléguait, ni qu'elle avait été confrontée à des difficultés pour pourvoir à son remplacement, ni que son départ avait désorganisé l'entreprise, la cour d'appel qui a procédé à la recherche invoquée à la première branche et qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.