CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 19 février 2016, n° 13-21342
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
JCDA (SA)
Défendeur :
Reckitt Benckiser France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Lallement, Bricogne, Benoliel-Claux
La société anonyme JCDA, immatriculée au Registre du commerce en 1997, présente son activité sur le marché des soins de beauté féminins sous la marque, le nom commercial et l'enseigne " Body'Minute " en exposant qu'elle dispose d'un réseau de 350 instituts en France, dont les deux-tiers sont exploités par des franchisés, lesquels proposent notamment des soins d'épilation constituant approximativement la moitié de leur activité et que ce réseau représente 4 % du chiffre d'affaires des soins esthétiques en France.
Elle précise qu'en 2008 elle a eu pour objectif de commercialiser ses produits en grandes et petites surfaces, qu'elle est entrée en relations avec la société Monoprix mais que celle-ci y a rapidement mis un terme et que ses produits de la gamme dépilatoire ont été déréférencés.
Destinataire d'un courrier, daté du 1er avril 2011, adressé par la société Reckitt Benckiser France (appartenant à un groupe d'implantation ancienne dont l'activité porte sur les soins de la personne, commercialisant en particulier des produits dépilatoires sous la marque "Veet") par lequel cette dernière dénonçait les formules publicitaires dont elle faisait usage, la société JCDA mettait vainement en demeure la société Reckitt Benckiser, par lettre du 11 avril 2011, de rétablir une concurrence saine et loyale en lui reprochant la mise en œuvre de pratiques commerciales trompeuses et des actes de concurrence déloyale alors qu'elle tentait d'entrer dans la grande distribution puis faisait procéder à deux constats d'huissier sur Internet avant de l'assigner en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de ce fait, selon exploit du 27 juillet 2011.
Par jugement contradictoire rendu le 11 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a, en substance, débouté la société JCDA de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la défenderesse la somme indemnitaire de 20 000 euro outre celle de 40 000 euro au titre, respectivement, de l'abus de procédure et de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens en déboutant la société Reckitt Benckiser France du surplus de ses demandes.
Par dernières conclusions n° 2 notifiées le 3 juin 2014 la société anonyme JCDA demande pour l'essentiel à la cour - l'affaire ayant fait l'objet d'une redistribution le 1er juillet 2015 d'infirmer la jugement sauf en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de la société Reckitt Benckiser portant sur l'interdiction de la mention " anti-rougeur " sur des produits et, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, 10bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle : d'interdire, sous astreinte, à l'intimée de poursuivre l'exploitation sur tout support et notamment sur les conditionnements de ses produits ainsi que sur ses outils de communication (site Internet, publicité, etc...) des mentions " institut ", " cire professionnelle ", " des résultats professionnels chez vous ", " formulée à partir des mêmes ingrédients que les cires utilisées en institut ", " cire de qualité professionnelle ", " résultats professionnels ", " un véritable institut à domicile ", et/ou " des résultats professionnels ", ceci au constat d'une utilisation trompeuse altérant ou susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, de condamner l'intimée à lui verser la somme indemnitaire de 789 150 euro réparant le préjudice subi du fait de l'utilisation de ces termes qui constitue un acte de concurrence déloyale et de l'appropriation de ses éléments de communication (termes " institut ", " professionnel " notamment) et d'identification (couleur rose et dossier de presse) constitutive de concurrence déloyale et de parasitisme, d'ordonner la publication du " jugement " à intervenir par voie de presse, de débouter l'intimée de sa demande d'interdiction de la mention " anti-rougeur ", de sa demande au titre de la procédure abusive ainsi que de toutes ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 40 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 14 août 2015, la société par actions simplifiée Reckitt Benckiser France prie, en substance, la cour de confirmer le jugement hormis en ses dispositions la déboutant de sa demande reconventionnelle et portant sur le quantum de la condamnation du chef de la procédure abusive, et, la déclarant fondée en l'ensemble de ses demandes, d'interdire sous astreinte à la société JCDA de poursuivre l'exploitation de l'expression " anti-rougeur " sur tous supports, de la condamner à lui verser la somme indemnitaire de 50 000 euro pour procédure abusive, outre la somme complémentaire de 40 000 euro au titre de ses frais non répétibles et à supporter tous les dépens.
SUR CE,
Sur les pratiques commerciales trompeuses imputées à faute à la société Reckitt Benckiser
Considérant que, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 120-1 et L. 121-1, 2° sous b) et sous h) selon lesquelles sont ainsi qualifiées toute publicité ou pratique commerciale qui est fausse et/ou induit en erreur le consommateur dès lors que les allégations sur lesquelles elles reposent portent sur les caractéristiques essentielles du produit et/ou sur les qualités et aptitudes du professionnel, l'appelante poursuit la réformation du jugement qui n'a pas répondu à son moyen sur ce point, se bornant à énoncer que " la couleur rose n'est pas utilisée pour la gamme " institut " de RBF ", et n'a donc pas fait droit à la demande d'interdiction qu'elle présente à nouveau ;
Qu'elle incrimine d'abord l'utilisation par l'intimée des mentions " institut " et " professionnel ", présentes sur son site Internet et sur le conditionnement de ses produits, qui établissent un lien entre les produits marqués " Veet " et le secteur professionnel des instituts de beauté en faisant croire au consommateur qu'il existe des instituts de beauté par elle animés alors que l'intimée, qui ne peut valablement se réfugier derrière un " concept maketing " ni invoquer les pratiques d'autres acteurs du marché, n'entretient aucun lien avec eux puisque ses produits sont uniquement commercialisés en grandes et moyennes surfaces ;
Qu'elle précise qu'elle a, elle-même, adopté un modèle économique consistant à développer une gamme de produits professionnels avant de les décliner dans une gamme grand public et soutient qu'un opérateur économique ne peut s'approprier un titre ou une qualité qu'il n'a pas sans que cela ne corresponde à une réalité et obtenir, ce faisant, un avantage concurrentiel ; qu'à cet égard, ajoute-t-elle, un sondage révèle que la première marque que le consommateur associe à un institut de beauté et à la couleur rose est la marque de grande renommée " Veet " ; que l'intimée ne peut davantage laisser croire à la possibilité d'obtenir à domicile, avec des cires industrielles, des résultats identiques à ceux qui seraient obtenus auprès de professionnels d'un institut de beauté ;
Qu'elle fait enfin grief à la société intimée d'affirmer fallacieusement que les produits " Veet " présentent des propriétés similaires à celles utilisées dans les instituts de beauté, alors qu'ils ne sont pas comparables, en particulier quant à leurs texture et densité et que l'intimée, qui procède par affirmation quant à leurs similitudes, se doit de justifier de la légitimité des mentions qu'elle emploie ;
Considérant, ceci rappelé, que, sans être contestée, l'appelante rapporte la preuve de l'utilisation des termes " institut " et " résultats professionnels " sur les conditionnements des produits de son adversaire ou dans sa communication sur son site Internet au moyen de phrases telles que : " profitez de résultats professionnels chez vous avec les pots de cire chaude sans bande Veet ; une cire qui se chauffe au micro-onde ", " grâce à l'efficacité de sa formule vous obtiendrez un résultat professionnel pour longtemps " ou encore : " un véritable institut à domicile! " (pièces 13 à 16) ; qu'elle n'est pas davantage contredite lorsqu'elle affirme que, contrairement à elle, la société intimée ne dispose pas d'un réseau d'instituts de beauté animés par des professionnels ;
Qu'il ressort de l'article L. 120-1 précité, que le consommateur de référence est le consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé et qu'il appartient à la société JCDA de démontrer, d'une part, que l'usage des termes " institut " et " professionnel " est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et, de plus, que, tels qu'ils se présentent à celui-ci, ils altèrent ou sont susceptibles d'altérer son comportement économique ;
Que l'article 2 sous h) de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005 à la lumière de laquelle le droit national doit être interprété définit la diligence professionnelle comme " le niveau de compétence spécialisée et de soins dont un professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d'activité " ;
Que la société JCDA ne peut être suivie lorsqu'elle soutient, sans prendre en considération l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce, que manque aux devoirs lui incombant la société intimée qui induit en erreur le consommateur moyen sus-défini dont on peut présumer qu'il s'attendra, selon elle, à ce que le produit comportant les mentions incriminées soit utilisé dans des instituts et qu'il s'agit d'un produit professionnel ;
Qu'en effet, s'agissant du conditionnement, les termes qui y figurent précisément sont " résultats professionnels " ; que l'usage que l'intimée fait du terme " professionnel ", en une forme plurielle et associé au terme " résultats ", conduira ce consommateur à penser non point qu'il s'agit d'un produit utilisé par des professionnels mais qu'il peut s'attendre à un résultat semblable à celui qu'il aurait obtenu en s'adressant à un professionnel ;
Que l'emploi du terme " Institut " (au singulier) n'est pas, non plus, de nature à lui faire croire que ce produit est utilisé dans un réseau d'instituts ; qu'en mentionnant ce terme, la société Reckitt Benckiser suggère au consommateur, conforté dans ce sens par la lecture de l'ensemble des indications figurant sur son conditionnement, qu'il a la possibilité de disposer à domicile des moyens et méthodes d'un institut de beauté, étant ajouté que l'emploi du terme " institut " sur de tels produits est particulièrement banal, ainsi qu'en attestent les nombreuses illustrations relatives à des produits concurrents commercialisés depuis 2004 (My-Epil, Nair, Laurence Dumont, Calor, Babyliss, Leclerc, Laboratoire Bioes, Netline, Casino, Carrefour, Auchan, Système U, Cora,...) versées aux débats par l'intimée (pièces 14, 16, 17, 27 à 30) ;
Qu'il peut être incidemment relevé que le manquement allégué aurait pu être retenu si le consommateur s'était trouvé, en 2011, en présence d'un conditionnement supportant une formule similaire à celle qui figure désormais sur les produits de la gamme " cire blanche " commercialisée par l'appelante, à savoir : " Cire blanche des instituts. La cire des professionnelles. La cire blanche Epill'Minute est directement issue de la cire professionnelle utilisée dans nos instituts Body'Minute " mais que tel n'est pas le cas ;
Que, s'agissant des formulations constatées sur le site Internet de l'intimée et reproduites ci-avant, force est de considérer qu'elles véhiculent un message identique à celui qui ressort de la lecture des termes " institut " et " résultats professionnels " figurant sur les emballages ;
Que l'intimée ne peut donc être regardée comme ayant failli aux exigences de la diligence professionnelle ;
Qu'en outre, la deuxième condition cumulativement exigée par l'article L. 120-1 du Code de la consommation n'est pas davantage satisfaite dès lors que l'appelante ne démontre nullement que ces mentions altèrent ou sont susceptibles d'altérer le comportement économique de ce consommateur en regard, en particulier, de la définition que donne l'article 2 sous e) de la directive 2005-29-CE, de " l'altération substantielle du comportement économique des consommateurs ", à savoir :
" l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause en l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement " ;
Qu'à cet égard, l'intimée objecte justement que leurs deux sociétés ne se placent pas sur le même terrain, elle-même proposant, sous une marque réputée que les consommatrices connaissent depuis une vingtaine d'années, une épilation à domicile aussi efficace que celle qui se pratique en institut sans devoir s'y rendre tandis que sa concurrente propose des produits identiques à ceux qui existent dans ses propres instituts de beauté, ajoutant que le dénigrement de la qualité de ses produits non-professionnels auquel se livre tardivement l'appelante dans le cadre de la présente procédure n'est étayée par aucune étude qualitative ;
Qu'il s'infère de tout ce qui précède que les mentions incriminées ne sont pas de nature à induire en erreur le consommateur moyen, compte tenu de son attente présumée, et par conséquent d'affecter son comportement économique ;
Qu'il sera ajouté au jugement qui, saisi de chef de demande (page 2-6 du jugement), a omis de statuer en rejetant la demande d'interdiction formée par la société JCDA à ce titre ;
Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à l'intimée
Considérant que la société JCDA, reprenant la définition que donne la Convention d'Union de Paris de la concurrence déloyale et se fondant sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, articule deux séries de griefs tenant pour les premiers aux pratiques commerciales trompeuses déjà évoquées qui justifient sa demande d'interdiction mais qui constituent également des actes de concurrence déloyale en ce qu'elles créent une distorsion de concurrence à son détriment entre la société intimée et elle-même, justifiant de la sorte sa demande indemnitaire ;
Qu'elle reproche, par ailleurs, à l'intimée des faits de " parasitisme constitutif de concurrence déloyale " du fait de l'appropriation de ses éléments de communication ; qu'elle vise ainsi l'emploi, dans son argumentaire commercial, des termes " institut " et " professionnel " qui lui permettent de profiter indûment des efforts déployés pour la mise en place, le développement et l'animation des instituts et de leur réseau ainsi que de l'image de qualité et de professionnalisme qui y est attachée dans l'esprit du consommateur ;
Qu'elle lui fait enfin grief de s'être approprié ses éléments d'identification en créant un risque de confusion avec ses propres produits ; qu'elle se prévaut ici de l'utilisation de la couleur rose (pantone 210) qui est depuis l'origine sa couleur de référence massivement utilisée pour ses produits dépilatoires à telle enseigne que, contrairement à la société adverse et aux autres acteurs du secteur concerné, elle constitue sa charte graphique ; qu'elle incrimine l'usage massif de cette couleur, à compter de 2008, pour identifier les produits marqués " Veet " ; que l'imitation fautive, en 2010, de son dossier de presse, caractérisé par sa forme circulaire qui le rend, affirme-t-elle, original dans le secteur, constitue également une appropriation fautive de son identité et contribue à la création d'un risque de confusion entre les produits " Veet " et " Body'Minute " ;
Considérant, ceci étant exposé, qu'eu égard à ce qui précède, l'usage des termes " institut " et " professionnel ", pris dans leur contexte et selon l'acception qu'il convient de leur donner, ne contrevient pas aux usages loyaux et honnêtes du commerce et ne peut être considéré comme une appropriation fautive des éléments de communication de l'appelante ;
Que, sur ce point et incidemment, ce n'est pas sans pertinence que l'intimée stigmatise la formulation employée par l'appelante dans ses écritures (pages 27 et 28-/46) qui, invoquant le trouble commercial créé, laisse entendre qu'elle défend non point ses propres intérêts mais un intérêt catégoriel, à savoir celui " des professionnels du secteur des instituts de beauté proposant des services d'épilation " ou lui reproche de se placer indûment " dans le sillage des professionnels du secteur " afin de tirer profit des investissements " réalisés par les acteurs de ce secteur " sans y avoir aucunement contribué ;
Que, par ailleurs, l'appropriation des éléments d'identification d'une société concurrente peut, certes, être constitutive d'une faute en ce qu'elle est susceptible de générer un risque de confusion dans l'esprit du public et de permettre ainsi un détournement de clientèle préjudiciable ;
Qu'en l'espèce, toutefois, la société JCDA qui ne revendique pas un droit privatif sur la couleur rose pantone 210 ne peut s'arroger un monopole sur cette couleur, en eût-elle fait usage, comme elle entend en justifier (pièces 2, 3, 5, 6, 7, 20, 22-1, 22-2, 23 à 25, 32), de manière intensive et antérieurement à 2008 ;
Qu'elle le peut d'autant moins que la société Reckitt Benckiser, objectant à juste titre que rien ne permet de retenir un usage stable de cette nuance de rose au fil des ans, démontre qu'elle-même avait recours à la couleur rose dès avant cette date pour différencier les produits destinés à l'épilation adaptés à un certain type de peau (peu importe qu'il s'agisse de crèmes et non de cires) ou commercialiser des cires orientales (pièces 5, 6, 10, 39 à 42) et qu'elle est notamment présente au sein de marques figuratives qu'elle a déposées dès 1993 (pièces 9 et 9bis) ;
Qu'il s'en induit que l'appelante n'est pas fondée à prétendre que c'est lorsqu'elle a décidé d'introduire ses produits dans la grande distribution, en 2008, que l'intimée a fait choix de cette couleur ni affirmer subséquemment que ces agissements sont la cause du déréférencement de ses produits par la société Monoprix ; que, sur ce dernier point, la lecture de la lettre de cette société justifiant sa position en invoquant " les caractéristiques de vos produits, de leur positionnement sur le marché du dépilatoire" (pièce 36) ne permet pas à la cour de retenir un lien causal entre cette décision et les agissements incriminés à la faveur, qui plus est, d'une action en justice introduite trois ans après sa survenance ;
Qu'en outre, la démonstration par l'intimée que cette couleur, propre à individualiser des produits destinés à la gente féminine, est communément utilisée par les opérateurs économiques du secteur (pièces 14, 15, 17, 44) ou que l'usage de cette couleur n'est ni ancien ni intensif, contrairement à ce
que prétend l'appelante et comme en témoignent notamment l'adoption de la couleur bleue pour les devantures des instituts ou le logo " Body'Minute " à l'époque des faits (pièce 56), conduit à considérer que la société JCDA ne peut valablement affirmer qu'elle a créé " une charte graphique nouvelle et innovante " permettant aux consommateurs de distinguer aisément les produits " Body'Minute " de ceux des autres acteurs du marché des produits dépilatoires et que la société intimée en a déloyalement fait usage à son préjudice ;
Qu'il y a lieu d'ajouter que le sondage qu'elle a fait pratiquer (pièce 29) n'emporte pas davantage la conviction de la cour sur ce point en raison de l'ambiguïté des questions et des enseignements susceptibles d'être tirés des réponses obtenues, justement soulignés par l'intimée ;
Que le second grief invoqué par la société JCDA pour dénoncer une appropriation fautive de ses éléments d'identification tient à la reprise par l'intimée, en mars 2010, du dossier de presse de forme circulaire et à dominante rose et bleue qui le caractérise, expose-t-elle, depuis 2008 ;
Que si l'imitation de ce type de document apte à identifier une société aux yeux du public est susceptible de contrevenir aux usages loyaux et honnêtes du commerce, encore faut-il démontrer qu'il présente des caractéristiques telles que ce public établira un lien entre celui-ci et l'entreprise ;
Qu'en l'espèce, la société JCDA qui se borne à invoquer sa forme circulaire et la dominante de couleurs ne peut valablement se prévaloir d'un risque de confusion que l'examen par la cour des pièces produites ne permet pas davantage de retenir ;
Qu'il s'en induit que l'appelante échoue en sa démonstration de l'existence d'agissements déloyaux ou parasitaires commis à son préjudice par l'intimée et que le jugement qui en décide ainsi doit être confirmé ;
Sur la demande reconventionnelle de l'intimée portant sur l'interdiction d'utiliser la formule " anti-rougeur "
Considérant que, formant appel incident mais sans contester ni même évoquer la motivation des premiers juges qui l'ont déboutée de cette demande, la société intimée, poursuivant le prononcé d'une mesure d'interdiction, incrimine la mention de cette formule sur les produits commercialisés par l'appelante ;
Qu'elle se prévaut d'une allégation mensongère au sens des articles 120-1 et L 121-1 du Code de la consommation, de nature à tromper le consommateur dès lors que cet effet est impossible à justifier et qu'en toute hypothèse, quelle que soit la technique d'épilation, celle-ci produit par un effet mécanique une inflammation et donc une rougeur ;
Mais considérant que si elle critique le questionnaire que la société adverse a réalisé auprès de ses clientes en mettant en relief le fait qu'il n'est pas possible de s'assurer de leur objectivité et de leur impartialité, elle ne verse pour autant aucun élément technique sur les résultats qui peuvent être attendus de l'utilisation du produit venant étayer son affirmation et contredire les données de ce questionnaire ;
Que le caractère trompeur de cette énonciation devant être apprécié en contemplation de l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, force est de relever l'imprécision de la formule employée puisqu'elle ne permet pas de déterminer qui, du produit ou de la méthode, pourrait avoir un tel effet pas plus qu'elle ne renseigne sur l'effet susceptible d'être attendu dès lors que la mention " anti-rougeur " peut tout aussi bien laisser entendre qu'il ne résultera pas de rougeur(s) de son usage (comme le suggèrerait la formule : sans rougeur) ou que le risque en est atténué (comme un antivol peut dissuader du vol sans pour autant anéantir le risque qu'il ne survienne) ;
Qu'il n'est, par conséquent, pas démontré que cette mention équivoque et, partant, peu fiable est de nature à altérer substantiellement le comportement économique du consommateur en compromettant sensiblement son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et à procéder, en conséquence, à un acte d'achat qu'il n'aurait pas fait autrement ;
Qu'il en résulte que le jugement doit être confirmé en cette disposition ;
Sur la demande indemnitaire de l'intimée fondée sur l'abus de procédure
Considérant qu'alors que l'appelante sollicite l'infirmation du jugement en soutenant que la société intimée ne fait que contester le bien-fondé de ses demandes sans démontrer de faute dans l'exercice de son action, cette dernière poursuit la majoration de la somme allouée par la juridiction consulaire en faisant valoir que la demanderesse à l'action n'a pu se méprendre sur son comportement, exclusif d'une quelconque faute, et qu'agissant trois ans après le déréférencement de ses produits elle tente aujourd'hui de s'enrichir indûment et de lui nuire en compromettant l'évolution paisible de ses activités ;
Considérant, ceci exposé, que si la société JCDA a pu, sans faute, se méprendre sur le bien-fondé de ses droits, force est de considérer qu'en évaluant son préjudice comme elle le fait, à savoir la perte de chance de réaliser des gains dans la grande distribution entre 2009 et 2012, elle établit un lien entre le déférencement de ses produits par la société Monoprix et le comportement commercial de la société Reckitt Benckiser qui est étranger à cette décision, comme il a été dit, ceci près de trois années après cet événement ;
Qu'en poursuivant par conséquent un but étranger aux finalités d'une action fondée sur les pratiques commerciales trompeuses et la concurrence déloyale ou le parasitisme, la société JCDA a abusivement usé de son droit d'ester en justice de sorte que doit être confirmé le jugement qui l'a sanctionnée de ce fait en appréciant justement le préjudice subi, étant relevé que l'intimée n'apporte aucun élément nouveau justifiant l'augmentation de la somme indemnitaire allouée ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité conduit à condamner la société JCDA à verser à la société Reckitt Benckiser une somme complémentaire de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que l'appelante qui succombe sera déboutée de ce dernier chef de demande et condamnée à supporter les dépens ;
Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, Déboute la société JCDA SA de sa demande d'interdiction de la poursuite de l'usage des termes " institut " et " professionnel ", seuls ou associés, destinée à mettre fin à des pratiques commerciales trompeuses vainement dénoncées, Condamne la société JCDA SA à verser à la société Reckitt Benckiser France SAS la somme complémentaire de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.