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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 17 septembre 2015, n° 13-08311

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Colle (Epoux)

Défendeur :

Nevière

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

Avocats :

Mes Chouteau, Harzic, Azoulay

TGI Pontoise, 2e ch., du 9 sept. 2013

9 septembre 2013

Par acte du 16 avril 2008, Mme Sylvie Nevière a acquis auprès de M. et Mme Colle un appartement situé <adresse>, moyennant le prix de 230 000 euro. Dès le 28 mai 2008 et à la suite de violentes pluies, Mme Nevière a découvert d'importantes infiltrations dans son appartement. Elle a appris de ses voisins que de nombreux appartements de la résidence connaissaient des problèmes d'infiltrations anciens et que diverses expertises avaient déjà été réalisées.

Après expertise amiable faite par son assureur, la Maif, en présence de M. Colle, en août 2008, Mme Nevière a, par assignation du 6 avril 2009, saisi le juge des référés de Pontoise qui, par ordonnance du 19 juin 2009, a désigné un expert qui a rendu son rapport le 10 novembre 2009.

Par acte du 5 août 2011, Mme Nevière a assigné M. et Mme Colle en paiement de diverses sommes sur le fondement de la garantie des vices cachés devant le Tribunal de grande instance de Pontoise.

Par jugement du 9 septembre 2013, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action engagée par Mme Nevière,

- dit que la responsabilité de M. et Mme Colle est engagée sur le fondement de la garantie légale des vices cachés,

- condamné M. et Mme Colle à payer à Mme Nevière les sommes de :

20 000 euro en réparation de la perte de valeur du bien,

1 677,71 euro au titre des travaux de remise en état,

6 000 euro en réparation du trouble de jouissance et de son préjudice moral,

- dit que les sommes ainsi allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 8 novembre 2013, M. et Mme Colle ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 6 février 2014, de :

- juger que l'action en garantie des vices cachés engagée par Mme Nevière est prescrite,

- juger que les dommages allégués par Mme Nevière ne peuvent être considérés comme des vices cachés lors de la vente, puisqu'ils ne portent pas atteinte à l'habitabilité de l'appartement et que Mme Nevière pouvait se convaincre de l'état exact de l'appartement du fait notamment de l'absence de tous travaux d'embellissement avant la vente,

- juger que la clause les exonérant de toute responsabilité stipulée dans l'acte de vente doit s'appliquer,

- débouter Mme Nevière de toutes ses demandes et la condamner à leur payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 2 avril 2014, Mme Nevière demande à la cour de confirmer le jugement sur le principe des condamnations prononcées contre M. et Mme Colle, mais fixer leur montant aux sommes de :

20 333 euro au titre de la perte de valeur de son appartement,

3 355,42 euro au titre des travaux de réparation de son appartement, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

25 000 euro au titre du trouble de jouissance subi et de son préjudice moral, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- ordonner l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2015.

SUR QUOI, LA COUR :

- Sur la prescription :

M. et Mme Colle font valoir que la prescription, en effet interrompue par l'assignation en référé, n'a été que suspendue pendant les opérations d'expertise, en sorte qu'il y a lieu d'intégrer dans la computation du délai les huit mois déjà écoulés entre la découverte des prétendus vices et l'assignation en référé, en sorte que Mme Nevière avait jusqu'au 10 mars 2011 pour assigner, ce qu'elle n'a fait que le 5 août 2011. Son action est donc prescrite.

Cependant, la prescription a été interrompue par l'assignation en référé du 6 avril 2009, en sorte qu'en vertu de l'article 2231 du Code civil un nouveau délai de deux ans a commencé à courir à compter de cette date. En outre, la prescription a été suspendue entre la date de l'ordonnance de référé, du 19 juin 2009 et l'achèvement de la mesure d'expertise, le 10 novembre 2009, en application de l'article 2239 du même Code, en sorte que Mme Nevière disposait encore d'un délai de 21 mois et 13 jours pour assigner à compter de cette date, soit jusqu'au 23 septembre 2011.

Le jugement sera donc confirmé sur la recevabilité de l'action.

- Sur le fond :

Le tribunal a retenu que l'appartement était atteint de vices affectant son habitabilité et pouvant donc être considérés comme rédhibitoires, et que les vendeurs en avaient connaissance et ne pouvaient donc se prévaloir de la clause élusive de la garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente.

Selon l'article 1641 du Code civil, la garantie des vices cachés ne s'applique qu'à un vice qui ne pouvait être décelé lors de la vente. L'article 1642 du même Code précise, ainsi que justement rappelé par M. et Mme Colle, que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Or Mme Nevière a admis lors de l'expertise amiable que lors de la vente, les peintures n'avaient pas été refaites, et étaient anciennes et écaillées. Les photos prises lors de cette expertise, réalisées quelques mois seulement après signature de la vente, montrent que des traces d'infiltrations (coulures) étaient visibles dans le salon, au plafond le long de la baie vitrée, ainsi que sous la rive de la terrasse surplombant celle de Mme Nevière. L'expert judiciaire a lui aussi relevé que la fissure existant devant la baie du séjour était visible. En ce qui concerne la cuisine, les photos prises lors de l'expertise judiciaire, soit en septembre 2009, montrent des traces d'humidité très apparentes dans l'angle de la pièce donnant sur l'extérieur. L'expert n'est pas affirmatif sur l'antériorité de ce désordre par rapport à la vente, mais considère qu'il est " très vraisemblablement " apparu avant. Les voisins de M. et Mme Colle attestent d'ailleurs que ces derniers se sont plaints à de nombreuses reprises d'infiltrations dans leur cuisine et leur salon.

Il est ainsi établi que des infiltrations importantes existaient dans l'appartement avant la vente. Néanmoins, leurs traces étaient visibles, et il est à cet égard particulièrement remarquable que Mme Nevière ne s'explique pas dans ses écritures sur l'examen du bien auquel elle a pu se livrer avant d'acheter, étant rappelé qu'elle a signé le compromis de vente en décembre 2007, soit à une période qui n'est pas particulièrement sèche, et qu'elle a admis devant l'expert amiable, qui l'a noté, que les peintures de l'appartement étaient anciennes et écaillées lorsqu'elle en a pris possession. Elle ne fait par ailleurs état d'aucune circonstance particulière qui l'aurait empêchée de remarquer ces traces d'infiltrations lors de ses visites, telles que par exemple l'ameublement des lieux ou leur décoration.

En l'état, la cour retiendra que la preuve du caractère occulte des infiltrations ayant affecté le bien (dont les causes, résidant dans les parties communes, ont depuis lors été traitées), n'est pas suffisamment rapportée par l'intimée, à laquelle elle incombait cependant.

Mme Nevière sera donc déboutée de toutes ses demandes, et le jugement infirmé en toutes ses dispositions.

Succombant, elle sera condamnée aux dépens, aucune considération d'équité n'imposant en l'espèce l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute Mme Nevière de toutes ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme Nevière aux dépens de première instance et d'appel.