CA Riom, 1re ch. civ., 7 septembre 2015, n° 14-01191
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Fiat France (SA)
Défendeur :
Depoil, Gautriniaire
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beyssac
Conseillers :
Mme Boussaroque, M. Acquarone
Avocats :
Mes Dubois, Guillaume, Gazagnes
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme Annie Depoil et M. Jean-Claude Gautriniaire ont passé commande le 7 mai 2011 auprès de la société SRD Com Aubière, exerçant son activité sous l'enseigne Locutil Cap Liberté, d'un véhicule de type camping-car, de marque Mooveo, modèle P 673, fabriqué par la société Pilote sur châssis-porteur de marque Fiat, type Ducato, modèle 2.3 L, qui avait été vendu à cette dernière le 8 juin 2006 par la société Fiat France.
Ce véhicule, mis pour la première fois en circulation le 3 avril 2007, ayant parcouru 46 500 km et bénéficiant d'une garantie contractuelle de six mois, leur a été cédé moyennant le prix de 29 900 euro, dont 10 000 euro réglés par eux comptant, le surplus faisant l'objet d'un prêt pour le remboursement duquel une assurance a été souscrite par les acquéreurs auprès de la société Covea Fleet. Ils ont pris livraison du véhicule le 19 mai 2011.
Ce véhicule a été affecté d'une panne le 13 décembre 2012 alors que son compteur kilométrique totalisait 52 553 km. Il a été conduit dans les locaux du garage Tenailles, concessionnaire Fiat à Yzeure, où il a été constaté qu'il existait un décalage de la distribution, sans rupture de la courroie.
Un expert intervenu amiablement le 8 janvier 2013 à la demande de la société Gras Savoye Concept, gestionnaire du contrat d'assurance du crédit et agissant pour le compte de la société Covea Fleet, a relevé que la courroie de distribution n'avait pas été remplacée à l'issue du délai de 4 ans prévu par le constructeur et a estimé que, les assurés n'en ayant pas été informés, la responsabilité du vendeur était pleinement engagée.
Mme Depoil et M. Gautriniaire ont, par acte du 25 juillet 2013, fait assigner la société SRD Com Aubière devant le président du Tribunal de grande instance de Moulins, statuant en référé, aux fins d'obtenir l'organisation d'une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile.
Il a été fait droit à leur demande par ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 3 septembre 2013, M. Delarbre étant désigné pour y procéder, en qualité d'expert.
M. Delarbre a établi une note le 31 octobre 2013 dans laquelle il a mentionné que la courroie de distribution ne devait pas être changée tous les 4 ans mais tous les 5 ans ou après 180 000 km. Ayant relevé la présence de traces laissées par de l'eau à l'intérieur du carter de distribution, il a considéré que ces infiltrations provoquaient en hiver un gel et que la présence de résidus qui se transformaient en glace et se positionnaient entre la courroie et les pignons ou les galets pouvait provoquer un décalage de la distribution. Il a estimé important que soit appelé en cause le constructeur Fiat ainsi que " la compagnie d'assurance du contrat souscrit par [les acquéreurs] lors du crédit ".
Par acte du 14 novembre 2013, Mme Depoil et M. Gautriniaire ont fait assigner la société Fiat France aux fins d'obtenir que soit ordonnée l'extension à son égard de la mesure d'expertise confiée à M. Delarbre. Cette instance a été enrôlée sous le n° 13-00096.
Par acte du 12 novembre 2013, Mme Depoil et M. Gautriniaire ont fait assigner la société Gras Savoye Concept aux fins d'obtenir que soit ordonnée l'extension à son égard de la mesure d'expertise confiée à M. Delarbre. Cette instance a été enrôlée sous le n° 13-00097.
Par ordonnance de référé du 4 février 2014, dont appel, ce magistrat a :
- ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 13-00096 et 13-00097 ;
- déclaré commun et opposable à la société Fiat France et à la société Gras Savoye Concept la mesure d'expertise confiée à M. Delarbre par ordonnance de référé du 3 septembre 2013 ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté tout autre chef de demande.
Vu les conclusions de la société Fiat France, appelante, signifiées le 12 septembre 2014 aux intimés par le ministère de la SCP Bardet et Chebance, huissiers de justice associés à Moulins, tendant à ce que la cour infirme la décision déférée et, statuant à nouveau :
- dise et juge que toute action au fond qui serait exercée par Mme Depoil et M. Gautriniaire à son encontre est prescrite ;
- dise et juge que Mme Depoil et M. Gautriniaire ne démontrent pas l'existence d'un intérêt légitime à obtenir une mesure d'expertise ;
- les déboute de leur demande d'extension des opérations d'expertise à son égard ;
- les condamne à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Fiat France fait valoir, en substance, que :
- Mme Depoil et M. Gautriniaire sont dépourvus d'intérêt légitime à agir sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- toute action au fond à son encontre est en effet prescrite, tant sur le fondement de la garantie légale des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil que sur le fondement de la garantie contractuelle.
La déclaration d'appel a été signifiée par actes des 15 et 16 juillet 2014 à Mme Depoil et M. Gautriniaire, avec assignation à comparaître devant la cour, par le ministère de la SCP Bardet et Chebance, dans les conditions prévues par l'article 658 du Code de procédure civile.
Mme Depoil et M. Gautriniaire n'ont pas constitué avocat.
SUR CE, LA COUR
Aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête en référé.
Il ressort de l'ordonnance entreprise que Mme Depoil et M. Gautriniaire entendent fonder sur les articles 1641 et 1648 du Code civil l'action au fond qu'ils projettent d'engager ultérieurement.
Ils ont agi contre la société SRD Com Aubière dans le délai de deux ans à compter de la découverte des défauts affectant le véhicule.
Au 14 novembre 2013, date à laquelle la société Fiat France a été assignée en déclaration d'ordonnance commune, le délai de prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce, lequel avait commencé à courir à compter du 8 juin 2006, date de la vente du châssis-porteur à la société Pilote, réduit de 10 à 5 ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 18 juin 2008, était en revanche expiré depuis le 18 juin 2013.
Mme Depoil et M. Gautriniaire ne disposant ainsi d'aucune action recevable au fond, ne justifient d'aucun intérêt légitime à agir, de sorte que l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a déclaré commune et opposable à la société Fiat France les opérations d'expertise résultant de l'ordonnance de référé en date du 3 septembre 2013.
La situation économique des intimés, tenus aux dépens, conduit la cour à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'appelante.
Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, Infirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré commune et opposable à la société Fiat France les opérations d'expertise résultant de l'ordonnance de référé rendue le 3 septembre 2013 par le président du Tribunal de grande instance de Moulins, Statuant à nouveau sur le chef infirmé, Déboute Mme Depoil et M. Gautriniaire de leur demande tendant à ce que les opérations d'expertise résultant de l'ordonnance de référé rendue le 3 septembre 2013 par le président du Tribunal de grande instance de Moulins soient déclarées communes et opposables à la société Fiat France, Confirme, pour le surplus, la décision déférée, Déboute la société Fiat France de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme Depoil et M. Gautriniaire aux dépens de première instance et d'appel.