CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 février 2016, n° 14-15846
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Assistance Dépannage 77 (SAS)
Défendeur :
Mondial Assistance France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
M. Dabosville, Mme Rohart-Messager
Avocats :
Mes Gonthier, Bouillot, Spadoni
Faits et procédure
La société Assistance Dépannage 77, spécialisée dans le dépannage automobile, a, le 20 février 2001, signé avec la société Mondial Assistance une convention relative à l'activité de dépannage, étendue par avenant du 9 novembre 2008 à l'activité " taxi ".
Ces conventions comportaient des dispositions relatives aux ristournes dont AS 77 devait s'acquitter, à des niveaux fonction des chiffres d'affaires.
Des différends sont survenus sur le paiement des ristournes, notamment en 2011, et la société Mondial Assistance a mis en demeure AS 77 de régler des factures, qu'AS 77 a confirmé dans un courrier du 20 octobre 2011 ne pas vouloir payer.
La société Mondial assistance a résilié son contrat avec AS 77, par lettre du 29 décembre 2011.
Par acte du 10 juin 2013, la société AS 77 a assigné la société Mondial Assistance devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de :
- dire et juger que Mondial Assistance a abusé de son droit de rompre les contrats de dépannage remorquage et de taxi le liant à AS 77,
Par conséquent,
- condamner Mondial Assistance à lui payer la somme de 293 000 euro en réparation de son préjudice
Par jugement, assorti de l'exécution provisoire, du 30 juin 2014 le Tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Mondial Assistance France à payer à la SAS Assistance Dépannage 77 (AS 77) la somme de 10 920 euro à titre de dommages et intérêts pour insuffisance de préavis,
- condamné SAS Assistance Dépannage 77 (AS 77) à payer à la SAS Mondial Assistance France la somme de 1217, 16 euro HT au titre des ristournes dues au titre de l'année 2012,
- condamné la SAS Mondial Assistance France à payer à la SAS Assistance Dépannage 77 (AS 77) la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Vu l'appel interjeté par la société Assistance Dépannage 77 (AS 77) le 23 juillet 2014 contre cette décision :
Vu les dernières conclusions signifiées le 3 février 2015 par la société AS 77 par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 juin 2014 en ce qu'il a débouté la société AS 77 de sa demande au titre de la rupture abusive des contrats la liant à la société Mondial Assistance,
Jugeant à nouveau,
- Dire et juger que la société Mondial Assistance a abusé de son droit de rompre les contrats de dépannage-remorquage et de taxi la liant à la société AS 77,
Par conséquent,
- Condamner la société Mondial Assistance à payer à la société AS 77 la somme de 293 000 euro en réparation de son préjudice ;
A titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 juin 2014 en ce qu'il a estimé que la société Mondial Assistance est l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales établies avec la société AS 77,
- Infirmer néanmoins le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 juin 2014 en ce qu'il a estimé qu'un préavis de six mois est suffisant,
Et jugeant à nouveau,
- Dire et juger que la société Mondial Assistance aurait dû respecter un délai de préavis de deux ans pour les activités de dépannage-remorquage et de taxi ;
Par conséquent,
- Condamner la société Mondial Assistance à payer à la société AS 77 la somme de 129 200 euro en réparation de son préjudice ;
En tout état de cause,
- Débouter la société Mondial Assistance de l'intégralité de ses demandes ;
- Dire et juger que la société Mondial Assistance impose à ses cocontractants des pratiques tarifaires illégales ou à tout le moins dépourvues de cause,
Par conséquent,
- Condamner la société Mondial Assistance à payer la somme de 45 240,56 euro TTC correspondant aux sommes indument facturées à son partenaire commercial ;
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 juin 2014 en ce qu'il a condamné la société Mondial Assistance à payer à la société AS 77 la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Y ajoutant,
- Condamner la société Mondial Assistance au paiement de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
A titre principal
Sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société AS 77 de sa demande au titre de la rupture abusive des contrats conclus avec les sociétés Mondial Assistance l'appelante affirme que la société Mondial Assistance a bien rompu abusivement ses relations commerciales avec la société AS 77, dans le seul but de lui nuire (A) et demande par conséquent de condamner la société Mondial Assistance à lui payer la somme de 293 000 euro en réparation du préjudice subi (B).
A. Sur l'intention de la société Mondial Assistance de nuire à la société AS 77
L'appelante fait valoir que la rupture avait pour but unique de sanctionner les contestations légitimes de la société AS 77 sur les ristournes demandées.
Elle avance que si la rupture est de droit, elle peut dégénérer en abus lorsqu'elle a pour but de nuire au cocontractant conformément à la théorie de l'abus de droit développée par la jurisprudence au visa de l'article 1382 du Code civil.
L'appelante ajoute qu'en l'espèce, la rupture des contrats de dépannage-remorquage et de taxi liant les sociétés Mondial Assistance et AS 77 a été décidée en représailles du refus de la société AS 77 de payer à la société Mondial Assistance des ristournes qui n'étaient pas prévues par le contrat les liant, lors que ce refus était justifié, ce que la société Mondial Assistance a implicitement admis en renonçant à en solliciter le paiement.
Selon l'appelante, aucune autre raison ne pouvait justifier cette rupture puisque la société Mondial Assistance n'a jamais eu à se plaindre de la qualité des prestations de la société AS 77 alors que les deux sociétés ont été en relation d'affaires pendant 11 ans. La société AS 77 estime ainsi que c'est à tort que le tribunal a débouté la société AS 77 de sa demande.
Elle avance que le tribunal a déduit à tort l'absence d'intention de nuire de la société Mondial Assistance par le fait que cette dernière avait continué à faire appel aux services de la société AS 77 pour des missions hors contrat de transport de voitures, lors que si, postérieurement à la rupture, la société Mondial Assistance a continué à faire appel à elle pour des missions de transport uniquement, et en aucun cas pour des missions de dépannage, cela est uniquement au fait qu'elle n'a pas pu trouver immédiatement un cocontractant capable d'effectuer ces missions.
La société AS 77 avance par ailleurs que les treize interventions demandées à la société AS 77 par la société Mondial Assistance ne démontrent en aucun cas l'absence d'intention de nuire mais uniquement que les prestations haut de gamme (qui nécessitent, selon elle, une formation professionnelle et un matériel particuliers) fournies par la société AS 77 en matière de transport ne sont pas faciles à remplacer, ce qui explique qu'elle n'ait jamais consenti des ristournes à la société Mondial Assistance sur ces prestations d'exception.
Pour la société AS 77, en affirmant que le litige portant sur les 16 dossiers de transport de véhicule Infiniti est à l'origine de son souhait de rompre les relations commerciales, alors que ces prestations de transport ne sont pas régies par les conventions de dépannage-remorquage et de taxi pour lesquelles des ristournes ont été consenties, la société Mondial Assistance démontre son intention de nuire à son cocontractant.
La société AS 77 considère que la société Mondial Assistance reconnaît ainsi que lorsqu'un cocontractant refuse de se soumettre à ses caprices, elle profite de sa puissance commerciale pour le mettre en difficulté financière en lui retirant du jour au lendemain toutes les prestations qui lui étaient confiées depuis onze ans.
B- Sur la condamnation de la société Mondial Assistance à payer à la société AS 77 la somme de 293 000 euro en réparation du préjudice subi
L'appelante affirme que de par la rupture abusive des relations commerciales qui la liaient à la société AS 77, la société Mondial Assistance lui a causé un préjudice économique d'un montant de 273 000 euro HT (1) et un préjudice moral et de réputation de 20 000 euro (2).
1- Pour le préjudice économique, l'appelante se réfère aux statistiques des missions de dépannage-remorquage et de taxi confiées par la société Mondial Assistance à la société AS 77 pour les années 2010 et 2011, et souligne que les contrats ont été rompus fin mars 2012,
2- Pour le préjudice morale: l'appelante soutient que la rupture, qu'elle qualifie de particulièrement inique et vexatoire, des relations commerciales par la société Mondial Assistance lui a en outre causé un préjudice moral et de réputation qu'il convient d'indemniser à hauteur de 20 000 euro.
II. A titre subsidiaire
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies entre les sociétés Mondial Assistance et AS 77.
La société AS 77 soutient qu'au regard de la durée des relations commerciales établies entre les deux sociétés, la société Mondial Assistance aurait dû respecter un délai de préavis de deux ans. Sur la durée des relations commerciales établies entre les sociétés Mondial Assistance et AS 77 justifiant le respect d'un délai de préavis de deux ans pour les deux activités :
La société AS 77 invoque l'article L. 442-6 du Code de commerce et considère que le préavis de six mois accordé par le tribunal est insuffisant au regard de la durée des relations commerciales établies liant les parties.
Elle souligne que les relations entre les sociétés AS 77 et Mondial Assistance étaient établies depuis plus de dix ans et précise que, conformément à la jurisprudence, pour apprécier la durée de la relation commerciale, c'est la durée globale des contrats successifs (quelle qu'en soit la nature juridique) intervenus entre les parties qui doit être prise en compte et non la durée du contrat lui-même.
Elle rappelle que les relations commerciales étaient établies de très longue date, de manière pérenne, ne laissant ainsi pas présager d'une éventuelle rupture.
Qu'ainsi le préavis de trois mois imposé contractuellement par la société Mondial Assistance à ses cocontractants quelle que soit la durée des relations commerciales est insuffisant.
La société AS 77 affirme dans le même registre que la jurisprudence considère que la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée des relations commerciales antérieures mais également au regard des " autres circonstances de l'espèce ", telles que l'importance du volume d'affaires échangé, l'état de dépendance économique de la victime par rapport à l'auteur de la rupture, les investissements effectués par la victime au profit de l'auteur de la rupture, le temps nécessaire à la reconversion pour remédier à la désorganisation résultant de la rupture, etc.
Elle invoque une jurisprudence selon laquelle le respect du délai de préavis contractuellement convenu n'est pas suffisant à retirer son caractère brutal à la rupture, et qu'il appartient au juge d'apprécier si le délai de préavis respecté était suffisant.
Elle soutient qu'en l'espèce, le préavis contractuellement prévu par les conditions générales imposées par la société Mondial Assistance à ses cocontractants ne tient absolument pas compte de cette situation particulière puisqu'il est fixé à trois mois quelle que soit la durée de la relation commerciale qui lie la société Mondial Assistance à son prestataire.
S'agissant de l'activité de Taxi, l'appelante fait valoir qu'aucun préavis n'a été respecté par la société Mondial Assistance concernant cette activité.
III. En tout état de cause
Sur les pratiques tarifaires de la société Mondial Assistance
L'appelante estime que les pratiques tarifaires pratiquées par la société Mondial Assistance constituent une violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Elle précise toutefois que si la cour devait confirmer la décision du tribunal de commerce en rejetant les demandes de la société AS 77 sur le fondement de l'article L. 442-6 précité, elle ne manquera néanmoins pas de constater que les ristournes sont nulles car non causées.
La société AS 77 admet finalement que quel que soit le fondement retenu, il y a lieu de condamner la société Mondial Assistance au remboursement des sommes indument payées par la société AS 77.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Mondial Assistance France le 20 avril 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- dire et juger la société Mondial Assistance recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société Assistance Dépannage 77 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- rejeté la demande principale de la société Assistance Dépannage 77 au paiement d'une indemnité pour rupture abusive du contrat,
- rejeté la demande de la société Assistance dépannage 77 au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la société Assistance Dépannage 77 de sa demande au titre du remboursement des montants de remises accordées,
- condamné la société Assistance Dépannage 77 à payer à Mondial Assistance la somme de 1 217,16 euro, au titre des ristournes non payées au titre de l'année 2012,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions
- dire et juger que le délai de préavis octroyé par la société Mondial Assistance était raisonnable et suffisant,
- débouter la société Assistance Dépannage 77 de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales dirigée à l'encontre de la société Mondial Assistance,
A titre subsidiaire,
- dire et juger prescrite l'action en nullité poursuivie par la société Assistance Dépannage 77,
- débouter la société Assistance Dépannage 77 de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Mondial Assistance, En tout état de cause,
- condamner la société Assistance Dépannage 77 à payer à Mondial Assistance une indemnité de procédure d'un montant de 5 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit du cabinet HB et Associés.
Ayant à répondre au moyen tiré de l'intention de nuire évoquée par l'appelant, l'intimée estime en revanche que c'est par une présentation déloyale des faits que la société Assistance Dépannage 77 prétend qu'elle aurait cherché à nuire à cette dernière.
L'intimée soutient à ce niveau que la société Dépannage Assistance 77 ne verse aux débats strictement aucun élément de nature à étayer l'intention de nuire qu'elle prétend lui imputer.
Elle fait valoir que la société Dépannage Assistance 77 omet de préciser que la société Mondial Assistance a continué à la missionner, en qualité de prestataire complémentaire, postérieurement à la résiliation de la convention de prestations de services du 7 mai 2008.
Elle énonce que si l'appelante n'intervient plus en qualité de prestataire réseau, il est toujours fait appel à ses services en qualité de prestataire complémentaire et que les factures des années 2012 et 2013 versées aux débats démontrent que la société Mondial Assistance a ainsi régulièrement missionné la société Dépannage Assistance 77 pour des réalisations de prestations de transport et de remorquage de véhicules.
Pour l'intimée, cette réalité a été dissimulée par la société Dépannage Assistance 77 et démontre au contraire la bonne foi de la société Mondial Assistance, qui a maintenu des relations commerciales avec l'appelante, malgré l'introduction d'une action en justice à son encontre.
La société Mondial Assistance soutient par ailleurs que l'affirmation de la société Assistance Dépannage 77, selon laquelle " aucune autre raison ne pouvait justifier cette rupture puisque la société Mondial Assistance n'a jamais eu à se plaindre de la qualité des prestations de la société AS 77 ", est dépourvue de toute pertinence, et que le contrat liant les Parties prévoyait une faculté de résiliation à tout moment, sous réserve du respect d'un préavis contractuel de 3 mois.
Elle juge ainsi qu'elle a usé de la faculté contractuelle qui lui était offerte de mettre un terme au contrat, sans avoir à justifier de la mise en œuvre de cette clause et qu'elle a mis en œuvre son droit de résiliation de parfaite bonne foi en accordant un préavis à son co-contractant.
S'agissant de la somme de 293 000 euro demandée au titre de réparation du prétendu préjudice subi par l'appelante, la société Mondial Assistance rétorque que la société Assistance Dépannage 77 invoque, sur le fondement de la faute contractuelle, un préjudice d'un montant de 293 000 euro alors qu'elle reconnaît dans ses propres écritures " diversifier son activité, notamment en développant l'activité de transport de véhicules ".
Une telle demande est, selon l'intimée, dépourvue de toute pertinence :
- en l'absence d'une quelconque inexécution des obligations nées du contrat ou défaillance contractuelle imputable à la société Mondial Assistance,
-à défaut d'un quelconque dommage en relation de cause à effet avec une faute contractuelle.
La société Mondial Assistance ajoute dans le même ordre d'idée que la société Assistance Dépannage 77 ne rapporte, ni la preuve d'une faute qui lui soit imputable, ni l'existence d'un dommage en lien avec le manquement qu'elle prétend opposer à l'intimée.
L'intimée souligne également qu'il ressort des propres pièces de l'appelante que son chiffre d'affaires a constamment augmenté, pour atteindre :
- 1 456 451,76 euro en 2011,
- 1 605 343,50 euro en 2012,
- 1 787 559,40 euro en 2013.
Concernant le délai de préavis la société Mondial Assistance objecte que la faculté pour le Juge de juger le caractère suffisant ou insuffisant du préavis appliqué en cas de rupture de relations entre les parties, doit également être apprécié en considération du fait que les parties au contrat ont, par avance, contractuellement fixé ce même préavis.
Elle rappelle qu'en l'espèce, le préavis qui a été fixé par l'article 14 des conditions générales du contrat, signées par la société appelante, est de " 3 mois ", s'agissant :
- d'une part, uniquement d'un contrat à durée déterminée renouvelable par tacite reconduction,
- d'autre part, d'un contrat ne comportant strictement aucune exclusivité, non seulement, d'activité,
mais en outre, de zone géographique (article 6 des conditions générales du contrat),
- et enfin, d'un contrat ne prévoyant strictement aucun volume annuel de commande minimum (article 6 des conditions générales du contrat).
Par ailleurs, et en réponse à l'appelante qui estime que les pratiques tarifaires de la société Mondial Assistance constituent une violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la société Mondial Assistance considère que ce raisonnement n'a aucune pertinence dans la mesure où la situation dénoncée par la société Assistance Dépannage 77 ne correspond à aucune des hypothèses visées par le législateur.
Elle fait valoir qu'en promulguant les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le législateur a entendu, plus particulièrement viser " les coopérations commerciales fictives ", déjà appréhendées par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; que cette disposition sanctionne, pour l'essentiel, la surfacturation, par les distributeurs, de prestations, qui étaient auparavant assumées par leurs fournisseurs, telles les approvisionnements de magasin, la présentation des produits, la rénovation des magasins ; que la participation demandée par les distributeurs prenait souvent la forme de rabais et de ristournes, qui avaient été jugés abusifs, lorsque les fournisseurs étaient déjà référencés dans leurs centrales de référencement ou d'achat, puisqu'elle ne leur apportait pas de nouveaux débouchés.
Pour la société Mondial Assistance, cette demande de participation financière s'analyse, selon la Commission d'Examen des Pratiques Commerciales, comme une remise quantitative ou une ristourne et, non pas comme un service de coopération commerciale (avis n° 04-02 BOCCRF n° 2004-05 du 4 mai 2004).
Dans un registre similaire, l'intimée affirme que la convention conclue entre les parties liait uniquement la société Mondial Assistance et la société Assistance Dépannage 77, qui en outre ne se trouvait pas dans un lien de dépendance avec son cocontractant ; que ce contrat n'a pas été conclu dans le cadre d'un groupement d'achats, encadré par l'article L. 442-6-I.1 du Code de commerce.
Par ailleurs, l'intimée évoque que conformément au II de l'article L. 442-6 du Code de commerce, " Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale ".
Qu'ainsi les accords ou clauses visés devront produire un effet sur des éléments antérieurs à la conclusion du contrat, qui sont limitativement énumérés par ce texte : les remises, les ristournes et les accords de coopération et que, pour être rétroactif, le bénéfice de l'avantage stipulé par le contrat au titre des ventes ou des prestations réalisées au cours d'une période antérieure doit être acquis au moment de la conclusion de l'accord.
Ainsi, selon l'intimée, un accord prévoyant l'attribution d'une ristourne de fin de période n'a pas de caractère rétroactif. Dès lors, l'article L. 442-6-I.1 du Code de commerce n'est pas applicable en l'espèce.
Cela étant exposé LA COUR
Il est argué que le motif déclenchant de la rupture a pour origine la question des ristournes ; la société Assistance Dépannage 77 soutient - ce point sera abordé sur le fond plus loin - que cette pratique était illégale, mais force est de constater que ce qui était originellement en cause était, non le fondement même de ces dispositions, mais son application pratique à 16 dossiers précis (prestations de voitures non traitées) ainsi qu'il ressort clairement du courrier de la société Assistance Dépannage 77 en date du 20 octobre 2011 ; du reste par réponse du 8 novembre suivant, la SAS Mondial Assistance France s'inclinait devant cette position ;
Le courrier de rupture du 29 décembre 2011 mentionne une question de réorganisation - qui n'a plus ensuite été invoquée ;
La SAS Mondial Assistance France se prévaut du principe de liberté contractuelle et également, en outre, des manquements de la société Assistance Dépannage 77, notamment au titre de nombreux retards de paiement des ristournes, pour valider cette décision ;
Ainsi qu'il l'a été rappelé la société Assistance Dépannage 77 oppose que ces arguments avaient pour but unique de sanctionner ses contestations légitimes sur les ristournes demandées et que, si la rupture est de droit, elle peut dégénérer en abus lorsqu'elle a pour but de nuire au cocontractant conformément à la théorie de l'abus de droit selon les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
Cependant, quand bien même la question des ristournes ait été centrale dans la rupture, doit être rappelé qu'un désaccord sur l'application d'un contrat ne constitue pas de facto une manœuvre de rétorsion, sauf à justifier d'éléments propres à l'établir : la jurisprudence citée par la société Assistance Dépannage 77 vise un cas où, de fait, l'unique motif de rupture était étranger à l'application même du contrat - ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point ;
S'agissant du préavis, a été appliqué le délai de trois mois du contrat ; si ce délai ne s'impose pas au juge, il constitue cependant un élément incontournable dès lors qu'il procède a priori de l'appréciation et de l'accord des parties, les mieux à même d'en juger : il est ainsi singulier que la société Assistance Dépannage 77 découvre que sa situation exigeait un délai de deux ans, lors qu'elle n'invoque nullement d'avoir été en position de dépendance lors de la signature de l'avenant du 7 mai 2008 : le fait d'affirmer que ce préavis " lui a été imposé " ne vaut pas élément de preuve ;
Pour autant il appartient à la société Assistance Dépannage 77 de démontrer que ce délai était insuffisant ;
A l'appui de ce moyen, l'appelante argue d'une nombreuse jurisprudence, mais qui concerne un rupture brutale - laquelle implique que soit, précisément, justifié d'un préavis trop court ;
La durée de onze années des relations commerciales ne constitue qu'un aspect du problème et il importe de dire si, dans les faits, le préavis permettait de compenser la perte subie du fait de la rupture ;
Le premier juge a retenu la thèse de la SAS Mondial Assistance France en ce que le chiffre d'affaires avec celle-ci se limitait à 4 %, ce que conteste la société Assistance Dépannage 77 au motif que ce chiffre d'affaires serait celui de la totalité de l'entreprise et que seul, sur les trois sites concernés, serait ici en ligne celui de Fontenay Tresigny, ce au regard des impératifs de limites géographiques (20 km) qui lui étaient imposés, les investissements spécifiques effectués au profit de la SAS Mondial Assistance France seule n'étant pas substituables sur d'autres sites ;
Mais cette thèse n'est pas recevable dans la mesure où elle impliquerait que seul un site était concerné par le contrat passé avec la SAS Mondial Assistance France (ce qui n'a jamais été dit et ce que la mention d'une zone théorique de 20 km ne permet pas d'établir, les tarifs fixés contractuellement mentionnant du reste les coûts applicables au-delà d'une telle limite) ; peu importe que, dans cette perspective, la société Assistance Dépannage 77 ait d'elle-même concentré une activité unique et quasi exclusive avec ce partenaire et que, les accords rompus, cette activité - et les investissements y afférents au titre des dépannages n'aient pu être orientés vers de nouveaux clients, ce que démentent les écritures mêmes de la société Assistance Dépannage 77 qui font état de ses efforts (sur le seul site de Fontenay Tresigny) qui lui ont ensuite permis d'augmenter sur 2012/2013 de 18 % son chiffre d'affaires qui avait baissé de 21,5 % l'année précédente ;
En vérité, en se concentrant sur ce seul site, et même à cette seule aune, la société Assistance Dépannage 77 ne démontre pas que le délai de trois mois relevait d'une rupture brutale ;
Le jugement est en conséquence infirmé sur ce point, et la société Assistance Dépannage 77 déboutée des demandes y afférentes ;
Ne peut pas plus être allégué que s'agissant de l'activité de Taxi, aucun préavis n'aurait été respecté par la société Mondial Assistance, seule l'activité de dépannage ayant été visée par le courrier de résiliation : le courrier du 29 décembre 2011 fait référence à l'article 14 de la convention du 7 mai 2008, à laquelle renvoie elle-même expressément l'avenant du 9 novembre 2008 concernant l'activité de taxi ;
En conséquence le moyen n'est pas fondé ;
S'agissant des ristournes les dispositions de l'article L. 442-6-I.1 du Code de commerce rappelées plus haut ne se limitent pas au seul secteur de la grande distribution ; force est cependant de constater que la société Assistance Dépannage 77, quand bien même cet élément ne la prive pas de la faculté d'en discuter dans le cadre de la présente procédure, n'en a non seulement jamais contesté le principe, mais a protesté par courrier du 28 mars 2012 de la rupture qui lui était imposée, réclamant de " continuer l'exécution de la convention de partenariat " ; s'il était également rappelé dans ce courrier le refus de régler les ristournes, cette position concernait spécifiquement le débat du mois d'octobre 2011, et il n'était nullement argué de ce que la demande de poursuite du contrat reposait sur une remise en cause du principe même de cette clause ;
Cette mention est remarquable en ce qu'elle révèle que nonobstant le caractère actuellement argué de dénué de cause de ces ristournes, la société Assistance Dépannage 77 n'entendait pas renoncer aux dispositions contractuelles les incluant et que, en conséquence, cette démarche est la négation de l'existence d'un contrat d'adhésion qui serait en outre dépourvu de cause pour une prétendue absence de contrepartie ;
De fait, il est d'évidence que, par cet accord, la société Assistance Dépannage 77 bénéficiait de l'apport des opérations générées par les contrats souscrits par les adhérents de la SAS Mondial Assistance France ; la société Assistance Dépannage 77 ne peut dès lors prétendre avoir procédé en pure perte à des investissements qui ne correspondaient à aucun service rendu ;
S'évince de ce qui précède que, au regard des dispositions de l'article L. 442-6-I.1 invoquées, la remise n'était pas dénuée de contrepartie, ni disproportionnée ;
S'agissant du mode opératoire de ces ristournes, la société Assistance Dépannage 77 soutient qu'il procède d'un paiement trimestriel fait à titre provisionnel sur des sommes qui en partie n'avaient pas été payées par la SAS Mondial Assistance France ; mais cette pratique n'est pas en contradiction avec les dispositions de l'article L. 442-6-I.1 du Code de commerce dès lors qu'elle ne constitue pas un prélèvement rétroactif mais relève d'une avance correspondant au chiffre d'affaires de la période en cours ; l'appelante invoque également sans le démontrer un système de globalisation ; elle ne contredit pas plus les éléments avancés par la SAS Mondial Assistance France au vu de ses propres données comptables, et selon lesquels les remises n'étaient pas réglées avant les factures ;
En tout état de cause, s'évince de ce qui précède que cette condition clairement prévue par des clauses contractuelles ne s'apparente pas à la pratique que sanctionnent les dispositions légales ; Les demandes formulées par la société Assistance Dépannage 77 au titre de ces ristournes sont en conséquence rejetées ;
S'agissant de la demande reconventionnelle de la SAS Mondial Assistance France en paiement d'un reliquat de 1217,16 euro HT au titre des ristournes dues au titre de l'année 2012, le premier juge y avait fait droit en constatant que les parties s'accordaient sur ce chiffre - ce qui n'est pas démenti en appel ;
Le jugement est en conséquence confirmé sur ce point ;
L'équité commande d'allouer à la SAS Mondial Assistance France la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de la société Assistance Dépannage 77 de ce chef ;
Par ces motifs, Infirme le jugement hormis en ce qu'il a condamné SAS Assistance Dépannage 77 (AS 77) à payer à la SAS Mondial Assistance France la somme de 1217,16 euro HT au titre des ristournes dues au titre de l'année 2012, Statuant à nouveau, Déboute la société Assistance Dépannage 77 de ses demandes, Condamne la société Assistance Dépannage 77 à payer à la SAS Mondial Assistance France la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la SAS Mondial Assistance France aux dépens dont distraction au profit du cabinet HB et Associés.