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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 4 novembre 2014, n° 13-01189

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fenollar (Epoux)

Défendeur :

Martinat, Olivier, Aguiton, Entreprise de Travaux de Terrassement Courants et Travaux Préparatoires, DJA Création (SARL), Mutuelles du Mans Assurances IARD (SA), Crama Centre Atlantique (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sabron

Conseillers :

MM. Baluze, Pugnet

Avocats :

Mes Durand-Marquet, Grasser, Debernard-Dauriac, Pauliat-Defaye, Dubois, Raynal, Simon-Wintrebert

TGI Limoges, du 18 juill. 2013

18 juillet 2013

M. Martinat et Madame Olivier ont confié en 1997 à la SARL DJA Création la construction d'une maison à usage d'habitation sur un terrain situé sur la commune <localité>.

La réception des travaux a été prononcée sans réserves le 16 avril 1998.

Selon un acte du 11 mars 2005, les consorts Martinat-Olivier ont revendu l'immeuble à M. Frédéric Fenollar et Madame Virginie Bazin, aujourd'hui épouse Fenollar.

Courant mars 2006, les époux Fenollar ont constaté qu'à la suite de fortes précipitations, des infiltrations s'étaient produites dans le sous-sol de la maison.

Ils ont adressé une déclaration de sinistre à la société Mutuelles du Mans Assurances prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrages, laquelle a mandaté un expert, le cabinet AG Pex.

Cet expert a établi le 19 mars 2007 un premier rapport qualifié de définitif dans lequel il relevait l'insuffisance, à raison de la localisation de l'immeuble au bas d'un coteau, du système de collecte des eaux pluviales par suite de la saturation des deux puits perdus réalisés, le premier, lors des travaux de construction et, le second, postérieurement, à l'initiative de l'ancien propriétaire.

Le phénomène s'est reproduit en mars 2006 et, sur une seconde déclaration de sinistre, l'assureur dommages-ouvrages a mandaté le même expert qui a le 26 septembre 2007 établi un rapport définitif dans lequel, la solution initialement envisagée sous la forme gravitaire n'ayant pas reçu l'accord du voisin, il préconisait l'installation d'une pompe de relevage moyennant un coût beaucoup plus important (14 117 euro HT).

Aucun accord n'a été trouvé avec l'assureur dommages-ouvrages à la suite du dépôt de ces rapports.

Par acte du 10 octobre 2008, les époux Fenollar ont fait assigner en référé aux fins de désignation d'un expert judiciaire, dans le cadre des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, la société Mutuelles du Mans prise en sa double qualité d'assureur dommages-ouvrages et d'assureur décennal de la SARL DJA Création, cette dernière société, M. Etienne Aguiton, considéré comme son sous-traitant pour le lot assainissement, son assureur, la société Crama Centre Atlantique, et les consorts Martinat-Olivier, vendeurs de l'immeuble.

Une ordonnance de référé du 5 décembre 2008 a confié une mesure d'expertise à M. Jean Jacques Belezy, architecte.

Celui-ci a déposé le 29 mai 2009 un rapport définitif dans lequel il confirmait que l'origine du sinistre résidait dans l'insuffisance par fortes pluies du système d'évacuation des eaux pluviales, pourtant conforme aux normes applicables à la date de la construction, par suite de la situation du terrain et du colmatage des équipements de drainage. .

Il préconisait une solution par réalisation d'un système de relevage des eaux de pluie pour un coût de l'ordre de 18 000 euro TTC.

Par actes des 3, 8 et 9 décembre 2010, les époux Fenollar ont fait assigner au fond devant le Tribunal de grande instance de Limoges la société Mutuelles du Mans prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrages et d'assureur décennal de la SARL DJA Constructions, cette dernière société, M. Aguiton, considéré comme ayant réalisé en qualité de sous-traitant les travaux d'assainissement, la Crama, assureur de M. Aguiton, et les vendeurs, les consorts Martinat-Olivier, dont la responsabilité était recherchée sur le fondement des articles 1641 et suivants et 1116 du Code civil.

Un nouveau sinistre du même type, plus prononcé toutefois, s'est produit au cours du mois d'août 2011, à la suite duquel les époux Fenollar ont sollicité du juge de la mise en état l'organisation d'un complément d'expertise.

Une ordonnance du 29 novembre 2011 a confié cette expertise à M. Sébastien Nicolas, ingénieur, qui, dans un rapport du 29 mars 2012, a souligné le caractère inadapté du système d'évacuation des eaux de pluie au regard de la situation et de l'imperméabilité du terrain et préconisé, notamment, une solution gravitaire nécessitant l'accord du voisin dont le coût était évalué à 3 780 euro HT, ou, à défaut de cet accord, une solution plus onéreuse nécessitant la pose de pompes de relevages, évaluée à 15 780 euro HT.

Au vu de ce rapport, les époux Fenollar ont sollicité par conclusions la condamnation in solidum de tous les défendeurs, ou subsidiairement celle des vendeurs, à leur payer les sommes de :

- 3 780 euro, révisée à la date de l'exécution, au titre des travaux de reprise préconisés par l'expert;

- 35 444 euro au titre de travaux de reprise à réaliser sur leur immeuble;

- 19 200 euro au titre de leur préjudice de jouissance.

Le tribunal a par jugement du 18 juillet 2013:

- mis M. Aguiton et la Crama hors de cause faute de preuve de l'existence d'un contrat de sous-traitance portant sur le lot assainissement;

- déclaré prescrites les demandes dirigées contre la SARL DJA Création et la société Mutuelles du Mans Assurance IARD sur le fondement de la garantie décennale;

- déclaré prescrites les demandes dirigées contre M. Martinat et Madame Olivier sur le fondement de la garantie des vices cachés;

- débouté les époux Fenollar de leurs demandes dirigées contre ces derniers sur le fondement de l'article 1116 du Code civil au motif que l'existence d'un dol n'était pas démontrée;

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- condamné M. et Madame Fenollar aux dépens incluant les frais d'expertise.

M. Frédéric Fenollar et Madame Virginie Bazin épouse Fenollar ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 6 septembre 2013.

Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 3 décembre 2013, ils demandent à la cour:

- de dire que le délai décennal a été interrompu par la reconnaissance de responsabilité qui résulte des opérations de l'expert Guenegou (cabinet AG Pex) " missionné par les défendeurs " ;

- de dire que ce même rapport a permis de confirmer que M. Aguiton était bien intervenu en qualité de sous-traitant de la SARL DJA Création pour le lot assainissement;

- de dire que le délai biennal de l'action en garantie des vices cachés qui a commencé à courir à compter du deuxième rapport de M. Guenegou (26 septembre 2007) a été interrompu par l'assignation en référé du 10 octobre 2008, puis suspendu jusqu'au dépôt du rapport de M. Belezy (29 mai 2009), de telle sorte que la prescription n'est pas encourue;

- de dire que les consorts Martinat-Olivier qui avaient subi un sinistre du même type en janvier 2003 à la suite duquel ils avaient fait réaliser un second puits perdu sont de mauvaise foi et ont commis un dol par réticence en s'abstenant de révéler le vice lors de la vente;

- de condamner in solidum ces derniers, la société DJA Création, la société Mutuelles du Mans Assurance IARD, M. Etienne Aguiton et la société Crama Centre Atlantique, son assureur, à leur payer les sommes suivantes:

- 3 780 euro, majorée du taux de TVA applicable à la date de réalisation des travaux et révisée à la même date en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction, au titre des travaux de reprise préconisés par l'expert;

- 35 444 euro, actualisée comme dit ci-dessus, au titre de travaux de reprise à réaliser sur leur immeuble;

- 19 200 euro au titre de leur préjudice de jouissance;

- 11 960 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 15 avril 2014, la SARL DJA Création et son assureur décennal, la société Mutuelles du Mans Assurances IARD, demandent à la cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit irrecevables les demandes dirigées contre eux à raison de la prescription de l'action en garantie décennale;

- de condamner les époux Fenollar à leur verser une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

- subsidiairement, de réduire le montant excessif des demandes des époux Fenollar et de condamner in solidum M. Aguiton et son assureur, la société Crama Centre Atlantique, à la relever indemne de toute condamnation;

- de condamner in solidum ces derniers à lui verser une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 6 juin 2014, M. Aguiton et la Crama demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il les a mis hors de cause, les prestations de M. Aguiton s'étant limitées à la location d'un tracto-pelle;

Ils sollicitent une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 18 février 2014, M. Martinat et Madame Olivier demandent à la cour:

- de confirmer le jugement en ses dispositions qui ont débouté les époux Fenollar de leurs demandes formées contre eux sur le fondement des articles 1641 et 1016 du Code civil.

- à titre subsidiaire, de réduire les demandes des appelants et de condamner la société DJA Création, M. Aguiton et leurs assureurs respectifs à les relever indemne de toute condamnation;

- de condamner les appelants à leur verser une indemnité de 5 000 eurosur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

M. Guenegou (cabinet AG Pex) a été mandaté à la suite de deux déclarations de sinistre des époux Fenollar, nouveaux propriétaires de l'ouvrage, par la société Mutuelles du Mans Assurances IARD, prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrages.

Les conclusions d'une telle expertise ne peuvent pas être opposées au constructeur, la SARL DJA Création, comme contenant une reconnaissance de responsabilité susceptible d'interrompre le délai de la garantie décennale dès lors que ce dernier n'y était pas partie, peu important qu'il ait assuré sa responsabilité auprès du même assureur que celui auprès duquel les maîtres de l'ouvrage avaient souscrit une assurance dommages-ouvrages.

Ni la SARL DJA Création, ni la société Mutuelles du Mans prise en sa qualité d'assureur décennal, n'ont d'une quelconque manière reconnu le droit de ceux contre lesquels ils prescrivaient (article 2240 du Code civil).

Dès lors c'est à bon droit que, le premier acte interruptif qui est constitué par l'assignation en référé du 10 octobre 2008 ayant été effectué plus de dix ans après la réception des travaux, prononcée sans réserves le 16 avril 1998, le tribunal a dit prescrites les demandes des époux Fenollar formées contre la société DJA Création et la société Mutuelles du Mans Assurances IARD, son assureur décennal, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil.

La SARL DJA Création n'a jamais été en mesure de produire le contrat en vertu duquel elle aurait sous-traité des travaux à M. Aguiton.

Dans le deuxième rapport d'expertise judiciaire, M. Nicolas relève à ce sujet que le seul document contractuel concernant M. Aguiton est constitué par une facture du 3 juillet 1998, relative à divers chantiers parmi lesquels est visé celui des consorts Martinat-Olivier, qui porte sur la location d'un tracto-pelle.

La circonstance que M. Aguiton ait effectué des prestations dans le cadre de l'expertise dommages-ouvrages, sur réquisition de l'expert, ne suffit pas à démontrer que la société DJA Création lui avait sous-traité le lot assainissement lors des travaux de construction de la maison qui ont eu lieu en 1997.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause M. Aguiton et son assureur, la Crama.

Aux termes de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Le vice a été découvert à l'occasion du rapport d'expertise que l'expert mandaté par l'assureur dommages-ouvrages a déposé le 19 mars 2007 à la suite de la première déclaration de sinistre; ce rapport a mis en évidence la nature du vice, son ampleur et ses causes, peu important qu'un second sinistre du même type ait amené l'expert à réitérer son analyse initiale.

Toutefois, la prescription a été interrompue par l'assignation en référé du 10 octobre 2008.

Conformément aux dispositions de l'article 2231 du Code civil, l'interruption a effacé le délai de prescription acquis et a fait courir un nouveau délai de la même durée que l'ancien, c'est-à-dire un nouveau délai de deux ans expirant le 10 octobre 2010.

Toutefois cette prescription a été suspendue par application des dispositions de l'article 2239 du Code civil par l'ordonnance de référé du 5 décembre 2008 qui a accueilli la demande d'expertise des époux Fenollar, cela jusqu'au jour où cette mesure d'instruction a été exécutée, c'est-à-dire le 29 mai 2009, date du rapport d'expertise de M. Belezy.

La prescription acquise depuis l'acte interruptif, à savoir l'assignation en référé du 10 octobre 2008, n'était que d'un mois et 5 jours à la date de l'ordonnance qui en a suspendu le cours, de telle sorte que, l'assignation au fond ayant été délivrée le 8 décembre 2010, six mois et 9 jours après la date du dépôt du rapport d'expertise à partir duquel la prescription a repris son cours, il apparaît que celle-ci n'est pas encourue, contrairement à ce qu'a relevé le tribunal.

Cependant, l'acte de vente du 11 mars 2005 contient une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, de telle sorte que cette garantie ne peut être recherchée qu'à la condition qu'il soit démontré que les vendeurs connaissaient le vice.

Or, s'il est exact que ces vendeurs, les consorts Martinat-Olivier, avaient subi un dégât des eaux le 4 janvier 2003 et qu'à la suite de ce sinistre, ils avaient réalisé à leur initiative une deuxième puits perdu, il résulte des pièces produites par ces derniers, et notamment un protocole d'accord signé le 5 mai 2003 avec leur voisin contre lequel ils avaient déposé plainte, que la cause de l'inondation n'était pas un facteur inhérent à leur fonds, mais procédait de faits extérieurs imputables à ce voisin qui avait obstrué la sortie d'un regard situé dans l'angle de sa propriété.

Il résulte au surplus des rapports déposés par M. Belezy et M. Nicolas que les inondations qui constituent le vice se sont manifestées à l'issue d'un processus de colmatage du drainage et des puits perdus qui est vraisemblablement postérieur à la vente.

En conséquence, c'est à bon doit que le premier juge, en examinant le moyen fondé sur le dol, a retenu qu'il n'était pas démontré que les vendeurs dont l'ouvrage était conforme au permis de construire et répondait aux normes applicables à la date de la construction aient eu connaissance du vice, ni qu'ils aient pu douter de l'efficacité d'un système d'assainissement qu'ils avaient amélioré par la réalisation d'un deuxième puits perdu.

M. Martinat et Madame Olivier sont dès lors en droit d'opposer aux époux Fenollar la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés qui figure dans l'acte de vente du 11 mars 2005.

Les appelants ne sont pas non plus fondés à invoquer un dol de la part des vendeurs dès lors que, pour les raisons sus exposées, il n'est pas démontré qu'ils aient eu connaissance des faits dont il est allégué qu'ils les auraient cachés.

La révélation de l'inondation de janvier 2003 et de la réalisation d'un deuxième puits perdu n'était pas de nature, compte tenu des circonstances qui ont été sus rappelées, à influer sur la décision des appelants d'acquérir l'immeuble au prix convenu, de telle sorte que le silence des acquéreurs qui n'avaient aucune raison de s'interroger sur l'efficacité du système de drainage équipant le bien vendu ne peut pas être tenu pour dolosif.

Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a rejeté les demandes des époux Fenollar dirigées contre les consort Martinat-Olivier.

Il n'y a pas lieu, compte tenu de la position économique des appelants, de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 18 juillet 2013 par le Tribunal de grande instance de Limoges, sauf à préciser que M. Martinat et Madame Olivier sont en droit d'opposer aux acquéreurs la clause d'exonération de la garantie des vices cachés qui figure dans l'acte de vente du 11 mars 2005. Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. Frédéric Fenollar et Madame Virginie Bazin épouse Fenollar aux dépens d'appel.