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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 février 2016, n° 13-20598

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ripert (ès qual.) , EG Formations (SARL) , Bertholet (ès qual.)

Défendeur :

La Compagnie de Formation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Luc

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Bodin Casalis, Monteiro, Merlot

T. com. Paris, du 25 sept. 2013

25 septembre 2013

Faits et procédure

La société anonyme La Compagnie de Formation (CF) exploite en franchise un réseau d'enseignement technique privé sous l'enseigne "Pigier".

Le 15 septembre 2006, elle a conclu avec la société à responsabilité limitée EG Formations (EGF) un contrat de franchise lui permettant d'exploiter le concept sur la commune d'Avignon et sur le département du Vaucluse d'une durée de cinq ans, à échéance du 30 septembre 2011. Le contrat ne prévoyait pas de tacite reconduction.

La société CF informait par courrier du 17 décembre 2010 que le contrat venait à échéance le 30 septembre 2011. La société CF acceptait la demande de la société EG Formation d'être déliée de la clause de non-concurrence post-contractuelle. Elle acceptait également que les secrétaires médicales inscrites avant la fin du contrat de franchise soient autorisées à passer l'examen national Pigier Secrétaire Médicale session 2012.

La société EG Formation a continué à utiliser l'enseigne " Pigier " pendant quelques mois ; par ailleurs, elle n'avait pas payé les redevances de la période 2010-2011 et se trouve débitrice de la somme de 29 445,69 euro.

Par ordonnance de référé du 16 février 2012, il a été enjoint à la société EG Formation de cesser d'exploiter l'enseigne Pigier ou du groupe Pigier, de restituer tous les matériels, documents, imprimés, de faire disparaître tout agencement, matériel, installation spécifique Pigier, de déposer le panonceau, de faire disparaître toute publicité, sous astreinte.

La société EGF a été placée en redressement judiciaire par jugement du 11 juillet 2012. Maître Ripert a été désigné mandataire judiciaire, la Selarl Rapt & Bertholet a été désignée administrateur judiciaire.

Par acte du 4 janvier 2013, la société CF a assigné la société EG Formation devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 25 septembre 2013, le tribunal de commerce a :

- fixé la créance de la société CF à la somme de 30 761,15 euro, mais ordonné à Maître Ripert ès qualités, d'inscrire au passif la somme de 29 445,69 euro, montant déclaré, à titre chirographaire et à titre de redevances de franchise du 31.08.2011 avec intérêts calculés selon le TBB + 3,5 % à compter de cette date jusqu'au jugement d'ouverture du 12 septembre 2012,

- fixé la créance de la société CF au passif de la société EG Formation à la somme de 30 000 euro représentant les redevances 2011/2012 et ordonne l'inscription de cette somme au passif du redressement judiciaire,

- débouté la société CF de sa demande de production de liasse fiscale 2010/2011 et de la somme de 3 354 euro liée à la non-production de cette liasse,

- débouté la société CF de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 30 000 euro pour perte d'image et de réputation,

- fixé la créance de la société CF à la somme de 2 000 euro à titre chirographaire pour l'indemnité pour frais irrépétibles, la condamne aux dépens qui seront employés en frais de procédure collective,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société EG Formation, Maître Ripert en sa qualité de mandataire judiciaire et la Selarl de Saint Rapt & Bertholet en la personne de Maître Bertholet, en qualité d'administrateur judiciaire, ont interjeté appel par déclaration faite le 24 octobre 2013.

Cette société, Maître Ripert et la Selarl Rapt & Bertholet ès qualités ont conclu le 20 janvier 2014.

La société CF a conclu le 10 mars 2014.

Le redressement judiciaire de la société EG Formation a été converti en liquidation judiciaire selon jugement du 19 novembre 2014. La société CF a déclaré sa créance le 19 janvier 2015.

Par acte du 22 septembre 2015, la société CF a assigné en intervention forcée Maître Ripert, en sa qualité de mandataire liquidateur et lui a signifié ses conclusions. Celui-ci n'a pas constitué avocat.

Dans les conclusions du 22 janvier 2014, la société EG Formation, assistée de Maître Ripert et la Selarl Bertholet & Rapt ès qualités demande à la cour de :

Principalement,

- réformer la décision,

- débouter la société La Compagnie de Formation de ses demandes,

- accueillir sa demande reconventionnelle,

- condamner au visa des articles 1134, 1142, 1146, 1147 la société La Compagnie de Formation à réparer son dommage,

- condamner cette société à lui payer la somme de 50 000 euro à titre provisionnel à valoir sur son préjudice financier,

- ordonner une expertise comptable,

Subsidiairement,

- prononcer la compensation des sommes réciproques et ce au visa de l'article 1289 du Code civile,

- condamner la société La compagnie de Formation à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens et dire que si l'exécution devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2011 modifiant le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 seront supportés par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soulève l'exception d'inexécution par le franchiseur de ses obligations pour expliquer le défaut de paiement des redevances 2010-2011, soutenant que la non-reconduction du contrat avait été décidée de mauvaise foi, alors que rien ne peut lui être reproché et qu'elle a réalisé de lourds investissements, notamment publicitaires. Elle indique que la demande en réparation du préjudice d'image n'a pas été déclarée à la procédure collective. Elle expose avoir subi un préjudice financier, estime que le contrat a été souscrit dans des conditions qui traduisent un déséquilibre contractuel, tant en raison de la date de conclusion du contrat qu'en raison des investissements qu'elle a faits, et qu'il apparaît que Pigier voulait implanter une autre école à Avignon. Selon elle, le placement en redressement judiciaire est la conséquence directe de la non-reconduction du contrat et une expertise comptable s'impose.

La société La Compagnie de Formation demande à la cour dans les conclusions du 18 mars 2014 (signifiées à Maître Ripert ès qualités le 22 septembre 2015) de :

- juger que la société EG Formation et ses mandataires agissant ès qualités est irrecevable et mal fondée en son appel,

- juger les conclusions de EG Formation irrecevables comme nouvelles en cause d'appel en application de l'article 564 du Code de procédure civile,

- juger que la cour n'est pas saisie de l'exception d'inexécution, au visa de l'article 954 du Code de procédure civile,

- débouter la société EG Formation de ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- fixer la créance de la société CF au passif de la société EG Formation à la somme complémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés des procédures collectives.

Cette société fait valoir qu'elle n'a pas reconduit neuf mois avant son terme le contrat qui arrivait à son terme, n'ayant pas de clause de tacite reconduction, et a respecté les dispositions contractuelles. Elle ajoute qu'elle peut justifier de multiples manquements de la société EG Formation, dont les clients se sont à plusieurs reprises plaints. Elle ajoute qu'elle a accepté, sur la demande de la société EG Formation, de lever la clause de non-concurrence qui s'imposait à cette dernière et de permettre de réaliser la fin de la formation des secrétaires médicales inscrites avant la fin du contrat de franchise et devant passer le concours session 2012. Elle fait état de l'attitude nuisible de la société EG Formation à l'enseigne Pigier, et du défaut de paiement des redevances contractuellement prévues.

Par note du 11 janvier 2016, la cour a invité la société EG Formation à adresser à la cour les pièces qu'elle avait communiquées selon bordereau du 22 janvier 2014 et à faire valoir ses observations le cas échéant sur les conséquences de son abstention. La société EG a fait parvenir son dossier à la cour.

Par note en délibéré du 25 janvier 2016, la cour a invité la société La Compagnie de Formation à faire valoir ses observations sur le fait que les conclusions signifiées au mandataire liquidateur qui n'ont pas été signifiées personnellement au débiteur doivent être écartées du débat, faute de respect du principe du contradictoire.

Sur ce :

Considérant que malgré la signification en intervention forcée qui lui a été délivrée, le mandataire liquidateur de la société EG Formation, appelante, n'a pas constitué avocat ; qu'en vertu du droit propre du débiteur condamné à payer une somme d'argent en raison d'une créance née antérieurement à la procédure collective, la société EG est fondée à faire valoir ses droits alors que le mandataire liquidateur, qui représente les créanciers mais également la société en liquidation judiciaire, fait en l'espèce, faute de constitution défaut dans la représentation du débiteur ; que la cour prendra en compte les conclusions du 22 janvier 2014 et les pièces 1 à 11 visées au bordereau annexé à ces conclusions,

Considérant par ailleurs, que les conclusions signifiées le 22 septembre 2015 au mandataire liquidateur qui n'intervient pas à la procédure n'ont pas été signifiées, afin de respecter le principe du contradictoire, personnellement au débiteur auquel est reconnu un droit propre à se défendre ; que ces dernières conclusions ne seront pas prises en compte,

Considérant que l'exception d'inexécution invoquée par l'appelante la société EG ne s'analyse par en une demande nouvelle mais en un moyen nouveau que le Code de procédure civile n'interdit pas et qui est destiné à faire échec aux prétentions de la société La Compagnie de Formation, conformément aux dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile,

Considérant que le non-renouvellement du contrat à durée déterminée, dans les conditions précisées dans le contrat, n'a pas à être motivé et la société appelante ne peut reprocher au franchiseur de ne pas reconduire le contrat,

Considérant qu'il est soutenu qu'elle est faite de mauvaise foi, compte tenu des efforts financiers réalisés par le franchisé que le franchiseur ne peut ignorer,

Considérant qu'il n'est soutenu aucune faute dans l'exécution du contrat par le franchisé,

Considérant qu'il apparaît que les investissements par le biais de trois emprunts de 44 000, 89 000 et 135 000 euro contractés en 2007 ont permis, selon la pièce 5 qu'elle verse aux débats, de réaliser des travaux "lors de la création de la société EG Formation" pour transformer les locaux afin d'y accueillir des élèves, qu'il n'est pas soutenu que ces travaux ont été faits exclusivement pour l'exercice seul de la franchise Pigier c'est-à-dire en pure perte dès lors que le contrat de franchise n'était pas renouvelé alors que la cour constate que la société EG Formation a continué son activité après la fin de l'exécution du contrat de franchise ; qu'il n'y a "aucun déséquilibre contractuel" comme il est soutenu par l'appelante ; que la mauvaise foi dans la non-reconduction du contrat n'est pas établie ; que la demande de dommages-intérêts de EG Formation ne peut être accueillie,

Considérant que la société La Compagnie de Formation a déclaré sa créance pour un montant de 29 445,62 euro, qu'elle demande la fixation de sa créance pour cette somme laquelle correspond aux redevances contractuelles de franchise demeurées impayées au 31 août 2011 ; qu'elle demande également les intérêts de retard calculés selon le TBB + 3,5 à compter de cette date et jusqu'au jugement d'ouverture du 12 septembre 2012, outre une somme de 3 354 euro correspondant aux sommes dues jusqu'au 31 octobre 2011 jusqu'au 12 septembre 2012 en raison du retard ;

Mais considérant comme le rappelle justement la société EG Formation, que la société La Compagnie de Formation n'a pas adressé de déclaration de créance pour d'autres sommes que celle de 29 445, 62 euro, de sorte que la demande relative aux intérêts et à l'indemnité pour retard est irrecevable,

Considérant qu'il n'y a pas lieu de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure,

Par ces motifs : LA COUR, Dit n'y avoir lieu à irrecevabilité des demandes de la société EG Formation, Infirmant sur le montant de la créance de la société La Compagnie de Formation au passif de la société EG Formation, Fixe au passif de la société EG Formation la créance de la société La Compagnie de Formation pour un montant de 29 445,62 euro, Confirme le jugement pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société EG Formation aux dépens.