CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 23 février 2016, n° 15-20867
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Européenne de Développement et d'Innovation Technologique (Sté)
Défendeur :
Brabender GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Hecq-Cauquil, M. Mulliez
Avocats :
Mes Motteau, Colombier, Beltz, SCP Fisselier & Associés, SCP BCF & Associés
La société de droit allemand Brabender GmbH a conclu le 25 mai 2005 un contrat de distribution exclusive avec la société française AIS dont la société Edit SAS a pris le contrôle au cours de l'année 2009.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2012, Brabender a notifié à Edit la fin des relations d'affaires avec effet au 31 décembre 2012, effet par la suite repoussé au 31 mars 2013.
Contestant cette résiliation, Edit a fait assigner Brabender par acte du 30 mai 2013 devant le Tribunal de commerce de Bordeaux à l'effet d'obtenir réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6, I ,5° du Code de commerce.
Par jugement du 11 avril 2014, le Tribunal de commerce de Bordeaux, statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par Brabender au regard de la clause attributive de compétence figurant à l'article 22 du contrat, s'est déclaré incompétent, renvoyant Edit à mieux se pourvoir.
Le 25 avril 2014, Edit a formé contredit.
Par arrêt du 1er décembre 2014, la Cour d'appel de Bordeaux a ordonné la transmission du dossier à la Cour d'appel de Paris.
Aux termes de son contredit repris oralement à l'audience, Edit prie la cour, infirmant le jugement, de dire le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent en application de l'article 5 § 3 du Règlement 44/2001 et sollicite la condamnation de Brabender à lui verser 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle soutient que le contrat du 25 mai 2005 lui est inopposable dès lors qu'elle s'est abstenue de recueillir l'accord de Brabander dans les conditions de l'article 24 de ce contrat. Subsidiairement, elle dit que les clauses attributives de juridiction sont inapplicables aux actions fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en ce qu'elles font échec à une compétence territoriale impérative des juridictions françaises, concernent des droits indisponibles et une action en responsabilité délictuelle.
Par des conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, Brabender sollicite le rejet du contredit, la confirmation du jugement du tribunal de commerce en ce qu'il s'est déclaré incompétent, subsidiairement, elle demande de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une ou plusieurs questions préjudicielles quant à la validité et l'interprétation de la clause attributive de compétence en vertu de l'article 23-1 du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 par rapport à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et de condamner Edit à lui verser 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur quoi :
Considérant que Edit soutient en premier lieu que la clause attributive de juridiction figurant à l'article 22 du contrat du 25 mai 2005 lui est inopposable au motif que selon l'article 24, la transmission du contrat ne peut se réaliser qu'avec l'accord de l'autre partie, qu'elle n'a pas cherché à recueillir le consentement de Brabander et que celle-ci n'a pas donné son accord à la poursuite du contrat de distribution avec elle ;
Mais considérant que la reprise de l'activité de la société AIS par Edit au cours de l'année 2011 et l'acceptation tacite par Brabender de la cession du contrat de distribution sont établies par les pièces produites en particulier les lettres de Edit des 18 mai et 29 juillet 2011 faisant savoir à Brabender qu'elle avait repris les activités de AIS et l'attestation du 13 février 2014 de M. Blanc, expert-comptable de Edit relativement au chiffre d'affaires réalisé avec Brabender, étant observé que Edit est devenue destinataire des factures correspondant aux commandes passées auprès de Brabender sans changement du numéro client (facture n° 321602 du 8 novembre 2011, pièces 5 et 6); que le contrat à durée indéterminée conclu entre Brabender et AIS le 25 mai 2005 s'est donc poursuivi avec Edit, cette dernière ne rapportant pas la preuve qu'il y aurait été mis fin ; que Edit s'est trouvée subrogée dans les droits et obligations de la société AIS, étant observé qu'elle avait une parfaite connaissance des termes de ce contrat ainsi qu'il résulte en particulier de la lettre de son conseil du 4 décembre 2012, contestant la durée de préavis en vertu de l'article 16 ;
Qu'il s'ensuit que l'article 22 dudit contrat est opposable à Edit;
Considérant que cet article dispose: " Tous les différends éventuels sont soumis à la compétence des tribunaux du lieu du siège social du fournisseur. Si le fournisseur agit en qualité de demandeur, il lui est également possible de saisir le Tribunal du lieu où le concessionnaire à son siège social " ;
Que le lieu du siège social du fournisseur, Brabender, se trouve en Allemagne ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient Edit en second lieu, cette clause attributive de compétence est valable en vertu de l'article 23-1 du Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale de ce Règlement qui dispose :
" Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce Tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ... "
Que cette clause s'applique, peu important à cet égard l'existence de dispositions impératives du droit interne, comme en l'espèce les règles de compétence territoriale de l'article R. 420-3 du Code de commerce concernant les atteintes aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du même Code, ces dernières fussent-elles constitutives d'une loi de police ;
Que de même, cette clause, par la généralité de ses termes (" tous les différends "), inclut tous les litiges découlant du rapport contractuel et ainsi les litiges nés de la rupture brutale des relations commerciales établies fondés sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° précitées, peu important qu'ils soient, en droit français, qualifiés de délictuels ;
Considérant qu'il convient donc de rejeter le contredit et de condamner Edit, partie succombant à payer à Brabender la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Par ces motifs : Rejette le contredit. Condamne la société Edit SAS aux dépens et au paiement à la société Brabender GmbH & Co. KG de la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toute autre demande.