Cass. 1re civ., 25 février 2016, n° 14-21.253
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Evasion deux roues (SARL)
Défendeur :
Peugeot motocycles (SAS), Manuel, ACM IARD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Truchot
Avocats généraux :
M. Cailliau : Avocats : Mes SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Gaschignard, Me Le Prado
LA COUR : - La société Peugeot motocycles a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; Attendu que les moyens du pourvoi principal de la société Evasion deux roues (la société Evasion) n'énonçant aucun grief contre Mme Manuel, la présence de celle-ci devant la cour d'appel de renvoi au titre du litige opposant cette société à la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM) et à la société Peugeot motocycles (la société Peugeot) n'est plus nécessaire ; que Mme Manuel sera, sur sa demande, mise hors de cause de ce chef ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé, qu'un incendie s'est déclaré dans la maison de Mme Manuel, causant d'importants dégâts ; qu'alléguant que le sinistre avait été provoqué par le dysfonctionnement d'un scooter qui avait pris feu dans le garage, Mme Manuel a assigné la société ACM, son assureur, la société Evasion, vendeur du motocycle, et la société Peugeot, producteur de celui-ci, en paiement de diverses provisions ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, ci-après annexés :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société Peugeot fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à Mme Manuel une certaine somme, à titre provisionnel, alors, selon le moyen : 1°) que le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, condamner une partie à verser une provision en présence d'une contestation sérieuse sur le principe de son obligation ; que l'existence d'une obligation à la charge du fabricant, fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, est sérieusement contestable lorsque la preuve d'un défaut du produit n'est pas rapportée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, suivant les conclusions de l'expert, s'est bornée à relever que le " feu s'est déclaré au niveau de la roue arrière du scooter où se situe le pot catalytique " et que " l'embrasement du scooter résulte d'un dysfonctionnement intrinsèque, savoir la présence d'essence par chute gravitaire à partir du réservoir dans la ligne d'alimentation interne vers le pot catalytique porté à une température d'environ 350 à 400 °C, dans les minutes qui ont suivi la mise du scooter sur béquille " ; qu'en se déterminant par ces considérations, impropres à caractériser un défaut du scooter et, partant, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à la charge du fabricant de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1386-9 du Code civil, ensemble l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ; 2°) que le juge des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, condamner une partie à verser une provision en présence d'une contestation sérieuse sur le principe de son obligation ; que l'existence d'une obligation à la charge du fabricant, fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, est sérieusement contestable lorsqu'il existe une incertitude sur la cause du sinistre ; que la société Peugeot faisait valoir que plusieurs événements, autres qu'un défaut du scooter, pouvaient être à l'origine de l'incendie, tels un défaut d'entretien de celui-ci, une décharge de la batterie ou un possible encrassement du circuit ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher, pour retenir que la cause du sinistre n'était pas sérieusement contestable, si les autres causes alléguées par la société Peugeot n'excluaient pas l'existence d'une obligation non sérieusement contestable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386-9 du Code civil, ensemble l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, qu'il résultait des conclusions de l'expert que le feu s'était déclaré au niveau de la roue arrière du scooter, que cet embrasement résultait d'un dysfonctionnement du pot catalytique survenu dans les minutes ayant suivi la mise de l'engin sur béquille, résultant de la présence d'essence par chute gravitaire à partir du réservoir dans la ligne d'alimentation interne vers le pot catalytique ayant atteint une température d'environ 350 à 400 °C à la suite de l'usage du motocycle, et que ce processus d'embrasement concordait techniquement avec les difficultés de démarrage à froid spontanément décrites par Mme Manuel, la cour d'appel a pu déduire de ces constatations souveraines caractérisant l'existence d'un défaut de sécurité du produit en cause, sans être tenue de répondre à de simples allégations dépourvues d'offre de preuve et dont elle avait d'ailleurs ainsi exclu la pertinence, une obligation non contestable à la charge du producteur, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du pourvoi incident : - Attendu que la société Peugeot fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Evasion à verser à la société ACM une certaine somme, à titre provisionnel, alors, selon le moyen, que la cassation d'un chef de dispositif entraîne par voie de conséquence celle des autres chefs qui lui sont rattachés par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation du chef de dispositif ayant débouté la société Peugeot de sa demande tendant à voir constater l'existence d'une obligation sérieusement contestable qui excluait que soit octroyée à Mme Manuel la provision qu'elle réclamait entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition ayant fait droit à la demande de la société ACM tendant à voir condamner la société Peugeot à lui verser la somme de 141 916,40 euro à titre provisionnel, par subrogation dans les droits de Mme Manuel, la victime, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que le premier moyen du pourvoi incident étant rejeté, le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ; Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à référé du chef du recours en garantie de la société Evasion contre la société Peugeot, l'arrêt énonce que, pour les motifs pertinents rappelés par le premier juge, les recours en garantie entre le fabricant et le revendeur sont de la compétence du juge du fond, de sorte que la demande en garantie formée par la société Evasion, vendeur, contre la société Peugeot, producteur, ne peut être tranchée par le juge des référés ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, pris de ce que le premier juge avait considéré que la demande en garantie du producteur à l'égard du vendeur, et non celle du second à l'égard du premier, échappait au pouvoir du juge des référés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen du pourvoi principal, Met sur sa demande hors de cause Mme Manuel, au titre du pourvoi principal opposant la société Evasion deux roues à la société Assurance du crédit mutuel IARD et à la société Peugeot motocycles, casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé du chef du recours en garantie de la société Evasion deux roues à l'égard de la société Peugeot motocycles, l'arrêt rendu le 16 mai 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux.