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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 26 février 2016, n° 12-06933

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garages de l'Odet (SA)

Défendeur :

Lemaux-Thiery, Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Le Potier, Dotte-Charvy

Avocats :

Mes Chaudet, Daoulas, Tessier, SCP Kermarrec-Gicquelay, Lhermitte, Guennec

TGI Quimper, du 25 sept. 2012

25 septembre 2012

Exposé du litige

Par acte du 26 avril 2007,la société Garages de l'Odet a vendu à M. Yannick Le Maux-Thierry un véhicule Renault Velsatis d'occasion moyennant la somme de 18 450 euro, après déduction d'une reprise de 400 euro, avec une garantie or de douze mois.

Se plaignant de vibrations anormales et se prévalant des conclusions d'expertises amiables, M. Lemaux-Thierry a obtenu, par ordonnance de référé du 12 novembre 2008, l'organisation d'une expertise.

Le véhicule litigieux ayant subi une panne au mois de février 2009, le juge des référés, par ordonnance du 20 mai 2009, a étendu la mission de l'expert au point de savoir si la pompe à injection présentait des anomalies.

L'expert a déposé son rapport le 27 novembre 2009.

Par acte du 20 novembre 2010, M. Le Maux-Thierry a assigné la société Garages de l'Odet et la société Renault devant le tribunal de grande instance de Quimper aux fins d'obtenir la résolution de la vente et des dommages et intérêts.

Par jugement du 25 septembre 2012, le tribunal a :

- dit que les vibrations du véhicule Renault Velsatis immatriculé 4669 YP 56 constituent un vice caché,

- dit que ce défaut relevait également de la garantie contractuelle de la société Garages de l'Odet,

- prononcé la résolution de la vente du véhicule,

- condamné la société Garages de l'Odet à payer à M. Le Maux-Thierry la somme de 18 450 euro correspondant au prix de vente avec intérêts au taux légal à compter de la date du 20 novembre 2010,

- dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions posées par l'article 1154 du Code civil,

- ordonné à M. Le Maux-Thierry de restituer le véhicule à la société Garages de l'Odet,

- dit n'y avoir lieu à condamner la société Renault France à garantir la société Garages de l'Odet des condamnations prononcées à son encontre,

- débouté M. Le Maux-Thierry de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum la société Garages de l'Odet et la société Renault à payer à M. Le Maux-Thierry la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Garages de l'Odet et la société Renault aux entiers dépens en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire.

La société Garages de l'Odet a formé appel de ce jugement en demandant à la cour, par ses dernières conclusions du 14 mai 2013, de le réformer et de :

- dire qu'il n'est pas établi que le désordre existe, faute d'avoir été constaté de façon contradictoire,

- dire que les vibrations invoquées par M. Lemaux-Thierry ne rendent pas le véhicule impropre à sa destination,

- débouter M. Lemaux-Thierry de toutes ses demandes,

- la mettre hors de cause,

Subsidiairement,

- ordonner une mission d'expertise complémentaire, afin qu'il soit vérifié l'existence du désordre, son imputation et les responsabilités encourues,

Encore plus subsidiairement, si la cour venait à confirmer le jugement sur ce point,

- condamner la société Renault à la garantir intégralement,

- condamner M. Lemaux-Thierry à payer la somme de 1 800 euro au titre de l'indemnité d'occupation, du jour de la vente au jour effectif de la restitution,

- dire et juger que le véhicule devra être restitué, après réparation de la panne en lien avec la pollution au gaz oil,

- condamner M. Lemaux-Thierry ou toute partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 8 octobre 2013, M. Yannick Lemaux-Thierry demande à la cour de :

Vu les articles 1610 et suivants, 1641 et suivants du Code civil,

Vu l'article 515 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Quimper le 25 septembre 2012 sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes plus amples ou contraires et de ses demandes de dommages et intérêts,

Et par conséquent,

- condamner la société Garages de l'Odet au paiement des sommes de :

- 18 450 euro avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 26 avril 2007,

- 54 690 euro à titre de dommages intérêts,

- 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les sociétés Garages de l'Odet et Renault aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 2 juillet 2013, la société Renault demande à la cour de:

A titre principal,

- constater que l'action en résolution de vente exercée par M. Le Maux-Thierry n'est pas justifiée, en l'absence du moindre vice caché démontré avec pertinence et que la réalité du préjudice n'est nullement établie,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux,

Statuant à nouveau,

- débouter M. Le Maux-Thierry de son action rédhibitoire laquelle s'avère injustifiée en l'état,

A titre subsidiaire,

- confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y avait lieu à garantie de la société Renault à l'égard de la société Garages de l'Odet,

- confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Le Maux-Thierry de ses demandes de dommages et intérêts complémentaires,

- condamner le succombant au paiement d'une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs

La société Garages de l'Odet fait grief au jugement d'avoir prononcé la résolution de la vente du véhicule en raison d'un vice caché alors que les vibrations n'ont pas été constatées par l'expert judiciaire, que si elles existent elles peuvent être liées à un défaut de conduite de M. Le Maux-Thierry et que ce dernier ayant parcouru 55 823 kilomètres avec le véhicule litigieux, il ne peut justifier d'un vice rendant le véhicule impropre à sa destination.

M. Le Maux-Thierry sollicite la confirmation du jugement qui a prononcé la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil en retenant que les problèmes vibratoires affectant le véhicule sont des vices cachés.

Il conclut à l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, notamment pour préjudice de jouissance et location d'un nouveau véhicule, en retenant que ces préjudices ne sont pas en lien avec le vice caché, mais avec la panne de la pompe à injection du 20 février 2009, et il maintient sa demande de mise en œuvre de la garantie contractuelle du garagiste qui n'a pas fait cesser les désordres de la pompe à injection lesquels sont à l'origine de la panne qui a entraîné l'immobilisation du véhicule.

La société Renault, à l'encontre de laquelle M. Le Maux-Thierry ne forme aucune demande autre qu'au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile, soutient que la preuve n'est pas rapportée que le véhicule litigieux est affecté d'un vice caché.

Il est constant que peu de temps après la vente du véhicule, M. Le Maux-Thierry s'est plaint de vibrations, lesquelles ont été constatées par un expert amiable, puis que, se plaignant de ce problème vibratoire, il a obtenu l'organisation d'une expertise par ordonnance du 12 novembre 2008.

L'expert judiciaire n'a pu procéder à un essai sur route pour constater l'éventuelle survenance de vibrations conformément à sa mission, en raison de la panne du véhicule survenue le 20 février 2009, pour l'analyse des causes de laquelle sa première mission a été étendue.

Toutefois, il a pu valablement donner son avis au vu des pièces du dossier et a ainsi considéré "qu'à en juger par les nombreux échanges d'avis techniques (17 fiches) entre le Garage de l'Odet et le constructeur, ainsi que des interventions successives pour tenter d'y remédier, il semble que le phénomène vibratoire signalé par le propriétaire ne soit pas seulement illusoire".

Et, le premier juge a procédé à une exacte analyse des éléments du dossier et particulièrement des fiches de liaison, pour retenir que :

- le constat par le personnel de la société Garages de l'Odet de plusieurs vibrations dès la première remise du véhicule par le demandeur, montre que ce problème affectait le véhicule au jour de la vente,

- le véhicule était remis à plusieurs reprises à la société Garages de l'Odet qui tentait, sans succès, par des réparations de remédier aux vibrations et ne trouvait pas le remède,

- le problème était signalé au constructeur, la société Renault, qui suggérait des solutions pour mettre fin au problème, parmi lesquelles le changement du calculateur, pris en charge par la garantie or.

L'expert amiable, M. Pochic avait de son côté constaté la réalité des vibrations lors du rétrogradage de la quatrième à la troisième vitesse, et considéré que ce phénomène était anormal sur un véhicule haut de gamme.

La société Garages de l'Odet et la société Renault invoquent qu'un défaut de la conduite de M. Le Maux-Thierry serait la cause de ces vibrations.

Pourtant, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, ce grief n'est étayé par aucun élément du dossier et n'est pas compatible avec le fait que le véhicule litigieux est équipé d'une boîte automatique et que, par ailleurs, le personnel du garage a lui-même constaté l'existence de ce problème à plusieurs reprises lors de son essai.

Le premier juge a à juste titre retenu que la survenance de ces vibrations même à des allures modérées ou en sous régime, est de nature à entraver la bonne marche du véhicule et est un défaut qui compromet l'usage du véhicule, nonobstant le kilométrage effectué par l'acquéreur qui n'aurait pas acheté le véhicule s'il avait connu ce vice grave.

Par ailleurs, s'agissant de la cause de la panne du 20 février 2009, imputée lors de la demande d'expertise à une panne de la pompe à injection, l'expert judiciaire a expliqué que le moteur du véhicule litigieux ne comporte pas de pompe à injection à proprement parler, que le fonctionnement de la pompe haute compression est normal, et a constaté que le dommage à l'injecteur n° 6 provient de la pollution solide du carburant utilisé, laquelle est à l'origine de la panne du 20 février 2009.

Il a en effet constaté après avoir fait procéder à plusieurs analyses de carburant prélevé par lui, une forte pollution du gasoil entre le filtre et l'injection.

Comme en première instance, M. Le Maux-Thierry conteste les conclusions de l'expert relatives à la pollution du carburant et à ses conséquences.

Mais il ne fournit pas d'élément pertinent de nature à contrer l'avis circonstancié de l'expert.

Ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, la défaillance de l'injecteur n° 6, consécutive à la pollution du carburant, ne constitue ni un défaut de conformité au sens de l'article 1604 du Code civil, ni un vice caché alors que ce vice n'était pas existant au jour de la vente et qu'il provient d'un élément extérieur au bien vendu et, par ailleurs, n'est pas de nature à mobiliser la garantie contractuelle.

Il s'en suit que M. Le Maux-Thierry est fondé en sa demande de résolution de la vente à raison du seul vice caché donnant lieu aux vibrations du véhicule.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné la société Garages de l'Odet à lui payer la somme de 18 450 euro correspondant au prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2010, et capitalisation des intérêts dans les conditions posées par l'article 1154 du Code civil.

Comme en première instance, M. Le Maux-Thierry sollicite l'indemnisation du préjudice de jouissance qu'il a subi depuis l'immobilisation du véhicule en mars 2009 à la suite de la panne et réclame à ce titre la somme de 54 690 euro, soit la location d'un véhicule de remplacement pendant 30 mois à 1 823 euro par mois.

Mais, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande de dommages et intérêts exclusivement fondée sur le préjudice résultant de l'immobilisation du véhicule à la suite de la panne du 20 février 2009, alors que cette panne n'engage pas la garantie et la responsabilité de la société Garages de l'Odet.

Sur les demandes de la société Garages de l'Odet

Il est de principe qu'en matière de vice caché, le vendeur tenu de restituer le prix de vente qu'il a reçu n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de ce véhicule ou à l'usure résultant de cette utilisation.

Il y a donc lieu de débouter la société Garages de l'Odet de ses demandes tendant à obtenir que M. Le Maux-Thierry soit condamné à une l'indemnité d'occupation, du jour de la vente au jour effectif de la restitution, ou à réparer le véhicule avant sa restitution.

Par ailleurs, la demande de la société Garages de l'Odet tendant à obtenir la condamnation de la société Renault à la garantir intégralement est irrecevable pour être une demande nouvelle en appel, le garage de l'Odet n'ayant formé aucune demande contre la société Renault en première instance ainsi que l'a relevé le premier juge.

Sur les autres demandes

La décision du premier juge concernant les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile sera confirmée.

La société garage de l'Odet qui succombe en son appel sera tenue aux dépens de l'appel, mais il n'y a pas matière à condamnation au titre des frais irrépétibles au bénéfice ou au préjudice de quiconque.

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 25 septembre 2012 par le Tribunal de grande instance de Quimper ; Dit irrecevable comme nouvelle en appel la demande de la société Garages de l'Odet condamner la société Renault à la garantir intégralement des condamnation prononcées à son encontre ; Dit n'y avoir lieu à condamnation par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Garages de l'Odet aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.