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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 3 mars 2016, n° 15-00575

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Martin Productions (SARL)

Défendeur :

Vivauto PL (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mmes Hairon, Rochette

Avocats :

Mes Fortunet, Benhamou, Pomies Richaud

T. com. Avignon, du 19 janv. 2015

19 janvier 2015

EXPOSE DU LITIGE

La SASU Vivauto PL, société exploitant un réseau national de contrôle technique de véhicules poids-lourds sous l'enseigne Autovision PL, a conclu le 28 décembre 2005, avec la SARL Martin Productions qui exploite un garage spécialisé dans les véhicules poids-lourds, situé à Sainte Thulle (04), une convention de partenariat, valant mise à disposition à titre onéreux de locaux et installations, aux fins d'exploiter un centre auxiliaire de contrôle technique poids-lourds, ainsi qu'une convention de partenariat tarifaire, permettant de bénéficier de remises.

Se prévalant d'une rupture abusive des relations, la SASU Vivauto PL, par exploit du 14 mars 2013, a saisi le Tribunal de commerce d'Avignon d'une demande visant à l'allocation d'une somme de 136 000 euro HT à titre de dommages-intérêts, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

Par jugement du 19 janvier 2015, le Tribunal de commerce d'Avignon a :

- déclaré recevable et bien fondée la demande de la SASU Vivauto PL

- condamné la SARL Martin Productions à payer à la SASU Vivauto PL une somme de 12 000 euro HT en réparation du préjudice subi, outre 6 000 euro à titre de dommages-intérêts et 3 500 euro à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 février 2015, la SARL Martin Productions a relevé appel de cette décision.

Par requête reçue au greffe de la cour le 3 juillet 2015, la SASU Vivauto PL a saisi le magistrat de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SARL Martin Productions, en ce que seule la Cour d'appel de Paris serait seule compétente pour connaître du litige, le magistrat de la mise en état, par ordonnance du 21 septembre 2015, s'est déclaré incompétent au profit de la cour pour statuer sur cette fin de non-recevoir.

Aux termes de ces dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 août 2015, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SARL Martin Productions demande à la cour, au visa des articles D. 443-2 et L. 442-6 I du Code du commerce, de :

A titre principal,

- dire l'appel recevable juste et fondé

- déclarer irrecevables les demandes de la SASU Vivauto PL fondées sur l'article L. 442-6 I du Code du commerce

- dire et juger que le Tribunal de commerce d'Avignon a commis un excès de pouvoir en faisant application de ces dispositions

- en conséquence annuler le jugement rendu entre les parties le 19 janvier 2015

A titre subsidiaire,

- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce en toutes ses dispositions

- dire et juger que le déménagement de la SARL Martin Productions n'a pas mis fin aux relations commerciales entre les parties

- dire et juger en conséquence n'y avoir lieu indemnisation de la rupture au profit de la SAS Vivauto PL

- dire et juger que la SAS Vivauto PL a mis fin à ses obligations contractuelles sans respecter les dispositions de la convention de partenariat

En conséquence,

- condamner la SAS Vivauto PL au paiement des sommes de :

2 989,78 euro au titre des factures impayées

11 038,95 euro au titre de la redevance restant à courir

20 417 euro au titre des investissements effectués sur l'installation de contrôle technique et restant à amortir

A titre infiniment subsidiaire,

- infirmer la décision en toutes ses dispositions

- dire et juger que le déménagement de la SARL Martin Productions s'est déroulé dans des circonstances excluant tout caractère brutal

- dire et juger en conséquence n'y avoir lieu indemnisation de la rupture au profit de la SAS Vivauto PL

En tout état de cause,

- condamner la SAS Vivauto PL au paiement d'une somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel et de première instance.

Dans ses ultimes écritures notifiées par voie électronique le 3 juillet 2015, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la SASU Vivauto PL, au visa des mêmes dispositions, demande à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevable l'appel, la Cour d'appel de Paris étant seule compétente.

Subsidiairement, la SASU Vivauto PL demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Martin Productions de l'intégralité de ses demandes, et condamné à payer une somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sollicite la condamnation de la SARL Martin Productions à lui verser les sommes suivantes :

144 000 euro HT correspondant à une période de 18 mois entre juillet 2012 et décembre 2013

10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat

5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 5 octobre 2015, la clôture de la procédure a été prononcée à effet différé au 31 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SAS Vivauto PL oppose à titre principal une fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la Cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code du commerce et de son décret d'application, et soutient que la Cour d'appel de Nîmes est incompétente et l'appel irrecevable.

La SARL Martin Productions conteste la compétence de la Cour d'appel de Paris, soutenant que celle-ci est juge d'appel des seules décisions prononcées par les juridictions spécialisées en application de l'article D. 442-4 du Code du commerce, la compétence n'étant pas liée à la matière, mais à la juridiction qui s'est prononcée en première instance. Elle estime donc que la SASU Vivauto PL aurait dû porter ses demandes devant le Tribunal de commerce de Marseille et qu'il y a lieu d'infirmer la décision déférée et de déclarer la SASU Vivauto PL irrecevable en ses demandes.

Aux termes des dispositions de l'article D. 442-3 du Code du commerce, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les territoires d'outre-mer, pour l'application de l'article L. 442-6 du Code du commerce, ont été fixés selon un tableau figurant en annexe de ces dispositions, aux termes duquel, le Tribunal de commerce de Marseille est seul compétent pour le ressort des Cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes.

Il résulte d'autre part, de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5, et D 442-3 du Code de commerce que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office.

Contrairement à ce qui est soutenu par la SARL Martin Productions, les dispositions des articles L. 442-6 III, alinéa 5, et D. 442-3 du Code de commerce ont pour conséquence de priver toute cour d'appel, autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions du premier de ces textes, et ce quelle que soit la juridiction initialement saisie. Dès lors que le droit des pratiques anticoncurrentielles est invoqué, les règles de compétence spéciale, d'ordre public, doivent recevoir application.

Dans l'acte introductif d'instance, la SASU Vivauto PL a expressément visé les dispositions de l'article L. 442-6 I du Code du commerce. Le tribunal de commerce a tranché le litige opposant les parties, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code du commerce. Il a ainsi méconnu les règles de compétence d'attribution et excédé ses pouvoirs. Il convient en conséquence de prononcer la nullité du jugement.

La Cour d'appel de Nîmes est incompétente ratione materiae, de sorte que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas pu déférer le fond du litige à la cour. Il convient en conséquence de renvoyer les parties à saisir à nouveau de leur litige la juridiction qu'elles aviseront.

La SARL Martin Productions qui succombe, devra supporter les dépens, ainsi que les frais irrépétibles exposés par la SASU Vivauto PL, que la cour arbitre, à la somme de 1 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Déclare bien fondée la fin de non-recevoir opposée par la SASU Vivauto PL, Annule le jugement déféré, Renvoie les parties à saisir de leur litige la juridiction qu'elles aviseront, Condamne la SARL Martin Productions à payer la somme de 1 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Martin Productions aux dépens.