CA Aix-en-Provence, 10e ch., 5 novembre 2015, n° 14-05486
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bodinier
Défendeur :
Chevrolet France (SAS), Ace Europe France, Etat Français, Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
e : Mme Belieres
Conseillers :
Mmes Gilly-Escoffier, Vella
Avocats :
Mes Alvarez, Guedj, Beauchet, de Villepin, Conte
Exposé des faits et de la procédure
Le 3 septembre 2007, M. Philippe Bodinier a été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel il a été blessé.
Il a soutenu qu'il avait acquis le 9 février 2007 un véhicule de marque Chevrolet auprès du garage Diat pour la somme de 27 900 euro, que le 3 septembre 2007 alors qu'il se trouvait à l'arrière de son véhicule le frein à main avait lâché et qu'il avait été coincé entre le véhicule et un mur.
Par ordonnance du 18 décembre 2012, rendue sur assignations de M. Bodinier des 14 et 17 septembre 2012, le président du Tribunal de grande instance de Toulon a condamné in solidum la SAS Chevrolet France (Chevrolet) et la société Ace Europe France (Ace) à verser à M. Bodinier la somme de 8 000 euro à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice.
Par arrêt du 21 novembre 2013 la Cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé cette décision et M. Bodinier s'est désisté du pourvoi en cassation qu'il avait formé contre cet arrêt.
Par actes d' huissier de justice en date des 27, 28 et 29 mars 2013 M. Bodinier a assigné devant le Tribunal de grande instance de Toulon, la SAS Chevrolet, la société Ace et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et l'Etat français aux fins d'indemnisation de son préjudice corporel sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil.
Par jugement du 6 février 2014 le tribunal a :
- déclaré les demandes principales et accessoires de M. Bodinier irrecevables,
- déclaré recevables les demandes reconventionnelles des sociétés Chevrolet et Ace et de l'État français,
- déclaré le jugement commun et opposable à la CNMSS,
- condamné M. Bodinier à restituer aux sociétés Chevrolet et Ace la provision de 8 000 euro allouée en référé,
- rejeté l'ensemble des demandes de l'État français,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. Bodinier aux dépens en ce compris ceux exposés par l'État français avec distraction,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le Tribunal a retenu dans les motifs de sa décision que :
- l'action de M. Bodinier était soumise au délai de prescription prévu par l'article 1386-17 du Code civil,
- le mail envoyé le 4 novembre 2009 par un représentant de la société Ace au conseil de M. Bodinier ne constituait pas une reconnaissance expresse de responsabilité, en tout cas était univoque,
- l'action indemnitaire était prescrite dès le 20 décembre 2010, avant même l'assignation en référé du 14 septembre 2012.
Par acte du 18 mars 2014, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, M. Bodinier a interjeté un appel général contre cette décision.
Une ordonnance, devenue irrévocable, de caducité de la déclaration d'appel de M. Bodinier vis-à-vis de la CNMSS a été rendue le 13 janvier 2015 par le conseiller de la mise en état en application de l'article 902 du Code de procédure civile.
Moyens des parties
M. Bodinier demande dans ses conclusions du 18 juin 2014, de :
- infirmer le jugement,
- dire son action non prescrite,
- condamner in solidum les sociétés Chevrolet et Ace à lui verser les sommes suivantes :
- dépenses de santé actuelles : 5 068,94 euro dont à déduire le recours d'un même montant de la CNMSS,
- frais divers : soit honoraires du médecin de recours et frais de transport 407 euro,
- pertes de gains professionnels actuels : 11 720,04 euro sur lesquels le recours de l'État français s'effectuera à concurrence du même montant,
- déficit fonctionnel temporaire : 5 372 euro,
- souffrances endurées : 8 000 euro,
- déficit fonctionnel permanent : 7 191 euro,
- préjudice esthétique permanent : 3 500 euro,
- préjudice d'agrément : 5 000 euro,
- condamner les sociétés Chevrolet et Ace aux dépens et à lui verser la somme de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile
Il fait valoir que :
- son action n'est pas prescrite ; en effet d'une part, conformément à l'article 2226 du Code civil l'action en responsabilité née d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé et ayant été consolidé le 21 décembre 2008 il avait jusqu'au 21 décembre 2018 pour agir, d'autre part, une offre indemnitaire a été faite par la société Ace le 4 novembre 2009 ce qui constitue une reconnaissance de son droit, interruptive de prescription, en application de l'article 2248 du Code civil ; enfin le dommage est la conséquence d'un produit défectueux, ainsi que relevé par l'expert amiable dans son rapport du 28 juillet 2009, et le délai de prescription de l'article 1386-17 du Code civil n'était pas achevé au jour de son assignation en référé du 14 mars 2012,
- la société Chevrolet a été le vendeur initial de son véhicule ainsi que cela résulte du protocole d'accord qu'elle a signé le 7 février 2009 comportant résolution du contrat de vente avec restitution du prix du véhicule d'un montant de 27 900 euro contre reprise de celui-ci,
- l'expert désigné par la société d'assurances a établi son rapport au contradictoire de l'ensemble des parties qui n'ont jamais formulé aucune contestation,
- il ressort de ce rapport d'expertise que le système de freinage par frein à main du véhicule était défectueux et n'a pas offert à son utilisateur la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre, peu important à cet égard que l'origine du dysfonctionnement du système de frein à main n'ait pas été établie,
- que la réparation doit être intégrale et qu'il doit donc être replacé dans la situation qui était la sienne antérieurement à l'accident.
Les sociétés Chevrolet et Ace demandent dans leurs conclusions du 10 octobre 2014, au visa des articles 9 et 122 du Code de procédure civile, 1386-1 et suivants et en particulier 1386-17 du Code civil, de :
- confirmer le jugement du 6 février 2014,
- condamner M. Bodinier à leur verser la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elles soutiennent que :
- l'action de M. Bodinier est prescrite ; en effet d'une part, l'article 2226 qu'il invoque ne s'applique pas puisque son action est fondée sur le caractère défectueux du véhicule et le délai de prescription est celui prévu à l'article 1386-17 du Code civil, de sorte que le rapport d'expertise technique ayant été établi le 20 décembre 2007, l'action était prescrite au jour de leur assignation en référé par actes du 14 septembre 2012 ; d'autre part, si l'article 2240 du Code civil applicable depuis la loi du 17 juin 2008 stipule que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de la prescription, une telle reconnaissance de leur part ne saurait résulter du protocole d'accord sur la reprise du véhicule, ni de leur participation à l'expertise médicale ou à des pourparlers en vue de l'indemnisation de M. Bodinier,
- M. Bodinier a renoncé à agir par le protocole signé et exécuté, la mention manuscrite qu'il a ajoutée, lorsqu'il l'a signé postérieurement à la société Chevrolet, selon laquelle il se réservait le droit de solliciter une indemnisation au titre de son préjudice corporel ne lui étant pas opposable,
- il n'est pas établi que la société Chevrolet a été le vendeur initial ou intermédiaire du véhicule, n'étant pas constructeur mais seulement importateur et distributeur en France des véhicules de la marque
- la société Diat est intervenue sur le frein à main quelques jours avant l'accident et est susceptible d'avoir engagé sa responsabilité en qualité de garagiste réparateur,
- M. Bodinier ne rapporte pas la preuve d'un défaut du produit au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil ; ainsi le rapport de son expert d'assurances qui ne leur est pas opposable pour ne pas comporter des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité comporte des contradictions,
- les demandes d'indemnisation ne sont fondées ni en leur principe ni en leur montant.
L'État français demande dans ses conclusions du 10 novembre 2014, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 1153 du Code civil,
- infirmer le jugement,
- constater que sa créance définitive s'élève à la somme de 21 651,18 euros,
- condamner in solidum la société Chevrolet France et la société Ace à lui payer en remboursement de sa créance à concurrence de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, préjudice personnel exclu la somme de 11 720,04 euro
- condamner in solidum les sociétés Chevrolet et Ace à lui rembourser les charges patronales, hors indemnité de droit commun, soit la somme de 9 931,14 euros,
- juger que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification de ses conclusions,
- condamner in solidum les sociétés Chevrolet et Ace aux dépens de l'instance avec distraction et à lui verser la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir, notamment, qu'il est subrogé dans les droits de la victime pour le poste de préjudice " rémunérations " et qu'en sa qualité d'employeur il est bien fondé à solliciter le remboursement de la totalité des sommes versées pendant la période d'indisponibilité de son agent, que le poste de préjudice " charges patronales " ne peut être considéré de façon isolée et doit être rattaché au poste de préjudice " rémunérations ".
Motifs de la décision
Sur la responsabilité
Il résulte de l'article 1386-17 du Code civil que l'action en réparation des dommages causés à la personne du fait d'un produit défectueux telle que prévue aux articles 1386- 1 et 1386-2 de ce Code se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
Il est prévu à l'article 2240 du Code civil qui reprend l'article 2248 du même Code qui est invoqué M. Bodinier que " la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ".
En l'espèce, l'expert ayant procédé à l'expertise amiable du véhicule, à laquelle les sociétés Chevrolet et Ace ont participé, a mentionné dans son rapport en date du 20 décembre 2007 que :
- la défaillance du système de frein à main est constatée par l'ensemble des parties,
- le " constructeur " propose de remplacer le mécanisme dans le cadre de la garantie, par un modèle identique, ainsi que la remise en état de la carrosserie au titre des conséquences,
- la position de M. Bodinier est catégorique ; il ne souhaite pas faire réparer le véhicule et demande l'annulation de la vente,
- le " constructeur " reste sur sa position à savoir la réparation du véhicule et sa restitution une fois les travaux terminés,
- la responsabilité de l'utilisateur n'est pas engagée,
- la cause de la défaillance n'est pas déterminée,
- le constructeur demande de récupérer la pièce défectueuse pour examen en usine, ce qui est refusé,
- de façon technique nous sommes bien dans le cadre d'un produit défectueux
- la responsabilité du " constructeur " est engagée ; à ce titre la proposition verbale de prise en charge des dommages suite à l'expertise en est le reflet.
Lors de cette expertise amiable contradictoire la société Chevrolet n'a pas contesté sa qualité de producteur du véhicule, y compris le système de frein à main ; elle a d'ailleurs signé le 7 février 2008 un protocole par lequel elle a accepté, en connaissance des conclusions de l'expertise amiable technique, de résilier la vente du véhicule réalisée par l'intermédiaire d'un tiers, la société DIAT, distributeur de la marque ; en toutes hypothèses, elle est assimilée à un producteur par l'article 1386-6 du Code civil pour s'être présentée comme telle en apposant son nom et sa marque sur le produit.
En revanche, l'expertise amiable technique ne permet pas d'affirmer que la société Chevrolet a reconnu sa responsabilité dans les conséquences corporelles dommageables du sinistre survenu le 3 septembre 2007.
Cependant par un mail du 4 novembre 2009 dont l'authenticité n'est pas contestée, la société Ace a indiqué au conseil de M. Bodinier qu'après réception du rapport d'expertise médicale amiable des Dr. Brochard et Fyon en date du 28 juillet 2009, elle était en mesure de lui faire part d'une offre à concurrence de 10 325 euro qu'elle a détaillée par postes de préjudices (gêne temporaire totale : 145 euro, gêne temporaire partielle : 1 000 euro, déficit fonctionnel permanent : 1 680 euro, souffrances endurées : 4 500 euro, préjudice esthétique : 2 000 euro et préjudice d'agrément : 1 000 euro) et qu'elle restait dans l'attente de son accord pour lui adresser une quittance d'indemnité et les pièces de règlement.
Par ce message qui a été envoyé en connaissance des conclusions du rapport d'expertise technique du véhicule qui concluait à une défaillance du système de frein à main produit par la société Chevrolet et des conclusions du rapport d'expertise médicale de M. Bobinier, qui contient une proposition d'indemnisation détaillée par postes de préjudice et qui est ferme, non équivoque et non assortie de réserves, alors qu'en la matière aucune obligation légale de faire une offre d'indemnisation ne pesait sur l'assureur, la société Ace a reconnu la responsabilité de son assurée et le droit à indemnisation de M. Bodinier au titre de son préjudice corporel par suite de la défaillance du système de frein à main que la société Chevrolet avait produit.
Les sociétés Chevrolet et Ace ne sont pas fondées à soutenir que M. Bodinier a renoncé par le protocole des 7 et 19 février 2008 à leur réclamer l'indemnisation de son préjudice corporel dans la mesure où la renonciation à ce droit ne saurait résulter de la seule mention dactylographiée selon laquelle 'les parties déclarent se désister de toute instance et action au titre du véhicule litigieux' qui ne vise que la réparation du préjudice matériel afférent au véhicule lui-même, d'autant que par mention manuscrite M. Bodinier a spécialement indiqué 'ce protocole concerne uniquement le véhicule et n'inclue pas les dommages corporels pour lesquels je ne renonce pas à toute action' , étant précisé que M. Bodinier a pu valablement ajouter cette mention manuscrite avant de signer lui-même le protocole, le 19 février 2008, mention qui n'a suscité à l'époque aucune remarque de la part du co-contractant.
Ainsi par la reconnaissance du droit à indemnisation du préjudice corporel de M. Bodinier, le cours du délai de prescription de trois ans prévu à l'article 1386-17 du Code civil a été interrompu.
A la date des assignations en référé des 14 et 17 septembre 2012, ce délai était en cours et a de nouveau été interrompu jusqu'à l'ordonnance du juge des référés du 18 décembre 2012.
Au jour de l'assignation devant le Tribunal de grande instance de Toulon, soit le 28 mars 2013 le délai n'était pas écoulé et l'action n'est donc pas prescrite.
Le jugement doit en conséquence être infirmé et les sociétés Chevrolet France et Ace doivent être condamnées in solidum à indemniser M. Bodinier de son préjudice corporel consécutif à l'accident en application des articles 1386-1 et 1386-2 du Code civil.
Sur l'indemnisation
Les experts Brochard et Fyon indiquent que M. Bodinier a présenté une fracture ouverte de stade 1 des deux os de la jambe droite et qu'il conserve comme séquelles des algies d'effort et de contact du membre inférieur droit et une discrète sensation de gêne locale sur hernie aponévrotique.
Ils concluent à :
- une hospitalisation du 3 septembre 2007 au 7 septembre 2007 et du 21 septembre 2008 au 24 septembre 2008,
- un arrêt temporaire des activités professionnelles du 3 septembre 2007 au 3 décembre 2007 et du 24 septembre 2008 au 10 octobre 2008,
- un déficit fonctionnel temporaire total du 3 septembre 2007 au 7 septembre 2007 et du 21 septembre 2008 au 24 septembre 2008,
- un déficit fonctionnel temporaire partiel du 8 septembre 2007 au 14 décembre 2007 et du 25 septembre 2008 au 21 octobre 2008,
- une période d'observation du 15 décembre 2007 au 20 septembre 2008 et du 22 octobre 2008 au 20 décembre 2008,
- une consolidation au 21 décembre 2008,
- des souffrances endurées de 3,5/7
- un déficit fonctionnel permanent de 2 %,
- un préjudice esthétique permanent de 2/7,
- il n'y a pas lieu d'envisager des frais médicaux certains et prévisibles après consolidation,
- le sinistre et ses suites sont à l'origine d'une répercussion définitive sur les activités personnelles du sujet par gêne à la pratique de la course à pied, en rapport avec les séquelles retenues au titre du déficit fonctionnel permanent.
Leur rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le 9 septembre 1960, de son activité de mécanicien marine, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles 5 068,94 euro
Ce poste est constitué des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, et divers pris en charge par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, selon décompte définitif au 21 septembre 2012 soit 5 068,94 euro, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.
- Frais divers 407 euro
Ils sont représentés par
* les honoraires d'assistance à expertise par le docteur Fyon, médecin conseil, soit 300 euro au vu de la facture établie au nom de M. Bodinier le 28 juillet 2009,
* les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales, soit 107 euro selon le décompte kilométrique communiqué.
Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables
- Perte de gains professionnels actuels 11 720,04 euro
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.
Au vu du décompte produit par l'Etat français les soldes et indemnités maintenus se sont élevés à 11 720,04 euro bruts pour les périodes d'arrêt d'activité retenues par l'expert (3 septembre 2007 au 3 décembre 2007 et du 24 septembre 2008 au 10 octobre 2008) ; cette somme qui a été exposée par l'Etat français, en conséquence du dommage subi par M. Bodinier, doit lui être attribuée ; aucune somme ne revient à ce titre à la victime qui n'invoque, d'ailleurs, aucune perte supplémentaire et personnelle de gains.
Préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire 1 830 euro
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d'environ 600 euro par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 180 euro pendant la période d'incapacité totale de 9 jours et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 50 % durant laquelle selon le rapport d'expertise le blessé a subi des contraintes thérapeutiques ( suites opératoires, soins infirmiers, rééducation, marche en appui sur cannes et port de contention) durant 4,5 mois, soit 1 350 euro puis durant la période d'observation, l'expert ayant relevé des difficultés au plein épanouissement de ses activités ludiques et sportives habituelles durant 12 mois, soit 300 euro, soit au total 1 830 euro.
- Souffrances endurées 6 000 euro
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison des douleurs physiques du traumatisme initial et des soins astreignants dont le port de contention et la prise en charge en rééducation fonctionnelle, outre les souffrances morales associées ; évalué à 3,5/7 par les experts, il justifie l'octroi d'une indemnité de 6 000 euro.
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent 2 880 euro
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).
Il est caractérisé par des algies d'effort et de contact du membre inférieur droit et une discrète sensation de gêne locale sur hernie aponévrotique, ce qui conduit à un taux de 2 % justifiant une indemnité de 2 880 euro pour un homme âgé de 48 ans à la consolidation.
- Préjudice esthétique 2 500 euro
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique
Qualifié de 2/7 au titre de la longue cicatrice de la face antérieure de la jambe droite présentant en son tiers moyen un aspect herniaire aponévrotique persistant, il doit être indemnisé à hauteur de 2 500 euro
- Préjudice d'agrément 2 000 euro
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
L'expert a retenu une gêne certaine à la pratique de la course à pied ; M. Bodinier justifie ne plus pouvoir pratiquer comme antérieurement certaines activités sportives auxquelles il s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir la marche sportive et le jogging, suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 2 000 euro.
Le préjudice corporel global subi par M. Bodinier s'établit ainsi à la somme de 32 405,98 euro soit 11 720,04 euro revenant à l'Etat français et 15 617 euro revenant à la victime, provisions non déduites, après imputation de la créance de la Cnmss, qui portent intérêts au taux légal en application de :
- l'article 1153 du Code civil pour l'Etat français à compter du 9 janvier 2014, date de la demande en justice, sa créance dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime n'étant pas indemnitaire et se bornant au paiement d'une somme d'argent,
- l'article 1153-1 du Code civil à compter du prononcé du présent arrêt, soit le 5 novembre 2015.
Sur le remboursement des charges sociales patronales
L'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 autorise l'employeur à poursuivre directement contre le tiers responsable le remboursement des charges sociales patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci.
S'agissant d'un dommage personnel et distinct de celui de la victime, ces dépenses ne s'imputent pas sur l'indemnité due par l'auteur du dommage à cette dernière.
Au vu du décompte communiqué, elles s'élèvent pour la période du 3 septembre 2007 au 3 décembre 2007 et du 24 septembre 2008 au 10 octobre 2008 à la somme de 9 931,14 euro au paiement de laquelle sont tenues les sociétés Chevrolet et Ace, outre les intérêts légaux à compter du 9 janvier 2014, date de la demande en justice.
Sur les demandes annexes
Les sociétés Chevrolet et Ace qui succombent et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens de l'instance et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à M. Bodinier une indemnité de 2 500 euro au titre de ses frais irrépétibles et à l'Etat français une somme de 1 500 euro au même titre.
Par ces motifs, La Cour, - Infirme le jugement, Statuant à nouveau, - Dit que l'action de M. Philippe Bodinier en indemnisation de son préjudice corporel consécutif au sinistre du 3 septembre 2007, fondée sur les articles 1386-1 et 1386-2 du Code civil n'est pas prescrite, - Déclare M. Philippe Bodinier recevable en cette demande, - Condamne in solidum la SAS Chevrolet France et la compagnie d'assurances Ace Europe France à indemniser M. Philippe Bodinier de son préjudice corporel consécutif à cet accident, - Fixe le préjudice corporel global de M. Philippe Bodinier à la somme de 32 405,98 euro, soit 11 720,04 euro revenant à l'Etat français et 15 617 euro revenant à la victime, - Condamne in solidum la SAS Chevrolet France et la société Ace Europe France à payer à : * M. Philippe Bodinier la somme de 15 617 euro, sauf à déduire les provisions versées, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2015, * l'Etat français la somme de 11 720,04 euro au titre des salaires et accessoires de salaire maintenus et celle de 9 931,14 euro au titre des charges patronales, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014, - Condamne in solidum la SAS Chevrolet France et la société Ace Europe France à payer au titre de leur frais irrépétibles, à : * M. Philippe Bodinier la somme de 2 500 euro, * l'Etat français la somme de 1 500 euro, - Déboute la SAS Chevrolet France et la société Ace Europe France de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés, - Condamne in solidum la SAS Chevrolet France et la société Ace Europe France aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.