CA Angers, ch. civ. A, 17 février 2015, n° 13-02827
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Miziniak (Epoux)
Défendeur :
Automobiles Peugeot (SA), Clara Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Hubert, Conseillers : Mme Grua, M. Chaumont
Avocats :
Mes Pineau, Lerouge, Dufourgburg
Faits et procédure
Le 17 août 2006, M. Philippe Miziniak a acheté une Peugeot 807 immatriculée 2383 ZC 49 affichant 40'000 km à la société Peugeot Clara Automobiles, concessionnaire Peugeot à Cholet (concession Clara) au prix de 30 000 euro.
Le 30 juin 2009, les airbags latéraux gauches et les prétensionneurs de ceinture de sécurité se sont déclenchés alors que Mme Martine Chaplet épouse Miziniak conduisait le véhicule à bord duquel avait pris place son fils mineur Hippolyte né le 30 avril 1994. Le véhicule a été immobilisé à l'atelier de la concession Clara.
Déplorant le défaut d'indemnisation malgré les rapports d'expertise amiable de M. TESSIER mandaté par la compagnie d'assurances de M. Miziniak et de M. CHARLOS mandaté par la compagnie AXA assureur de la concession Clara, les consorts Miziniak ont obtenu en référé la désignation de M. Jean-Yves Droual qui a déposé son rapport le 7 novembre 2010.
Sur la base de ce rapport, M. Philippe Miziniak, Mme Martine Chaplet épouse Miziniak et les époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Hippolyte (les consorts Miziniak) ont fait assigner, les 8 et 10 février 2012, la concession Clara et la société Automobiles Peugeot SA (la société Peugeot).
Aux termes de leurs dernières conclusions, ils ont, au visa des articles 1641 et 1154 du Code de civil, demandé au tribunal :
- de constater l'absence totale de responsabilité des époux Miziniak dans la survenance des troubles affectant le véhicule Peugeot 807 ;
- de constater que le véhicule Peugeot 807 était affecté d'un vice caché ;
- de voir dire que la société Peugeot Clara Cholet est tenue de la garantie au titre des vices cachés ;
- de constater les préjudices subis par M. Miziniak et sa famille;
- de débouter la société Peugeot Clara Automobiles de sa demande d'irrecevabilité ;
Avant-dire droit,
- d'ordonner un complément de mission d'expertise afin que M. Droual, expert précédemment désigné, arbitre la réduction du prix du véhicule Peugeot 807 conformément aux dispositions de l'article 1644 du Code civil ;
- de dire que l'expert devra indiquer au tribunal son estimation de la réduction du prix du véhicule Peugeot 807 au vu de son prix d'achat, des caractéristiques du véhicule lors de son acquisition par les consorts Miziniak, des vices constatés et du coût des réparations à prévoir pour une remise à l'état neuf;
- de dire que l'expert devra, après en avoir remis une copie à chacune des parties, déposé son rapport d'expertise complémentaire au greffe du tribunal de grande instance d'Angers dans un délai de 3 mois à compter du jour de la décision à intervenir ;
- d'accorder dès à présent aux consorts Miziniak une provision de 10'000 euro à valoir sur la restitution de partie du prix véhicule ;
Subsidiairement, si le tribunal entendait faire droit au moyen d'irrecevabilité de la concession Clara,
- d'ordonner cependant le renvoi de l'affaire la mise en état dans le cadre d'une bonne administration de la justice pour que les époux Miziniak déposent leurs écritures devant le juge de la mise en état ;
En tout état de cause,
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser aux époux Miziniak les sommes suivantes :
- 12 237,80 euro au titre du remboursement des frais de location de véhicule depuis juillet 2009 ainsi qu'au titre de l'acquisition du nouveau véhicule Renault Clio par M. Miziniak (5 746,53 euro + 6 491,27 euro) ;
- 300 euro par mois au titre du trouble de jouissance subi depuis le 12 juillet 2009 jusqu'au jugement ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser à Mme Miziniak la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser aux époux Miziniak, représentants légaux de Hippolyte Miziniak, la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- de condamner la même à verser aux consorts Miziniak la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet en tous les dépens comprenant le coût de la procédure de référé expertise ainsi que le coût de l'expertise et du complément d'expertise qui sera ordonné ;
- de déclarer le jugement opposable à la société Automobiles Peugeot;
- d'assortir les condamnations des intérêts au taux légal capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.
Alléguant l'absence de vice caché, la société Peugeot Clara Cholet s'est opposée aux demandes des consorts Miziniak sollicitant à titre subsidiaire la garantie de la société Automobiles Peugeot.
Par jugement en date du 2 août 2013 le tribunal de grande instance d'Angers a :
- débouté M. Philippe Miziniak, Mme Martine Chaplet épouse Miziniak et les époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Hippolyte de leur action en garantie des vices cachés et conséquemment de l'ensemble de leurs demandes ;
- débouté les sociétés Clara Automobiles et Automobiles Peugeot de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné solidairement M. Philippe Miziniak et Mme Martine Chaplet épouse Miziniak aux entiers dépens de l'instance.
M. Philippe Miziniak, Mme Martine Chaplet épouse Miziniak et les époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Hippolyte ont interjeté appel de ce jugement le 30 octobre 2013.
Les parties ont conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 novembre 2014.
Prétentions et moyens des parties
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :
- du 27 octobre 2014 pour M. Philippe Miziniak, Mme Martine Chaplet épouse Miziniak et les époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Hippolyte,
- du 27 mars 2014 pour la société Automobiles Peugeot SA
- du 14 novembre 2014 pour la SAS Clara Automobiles,
qui peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
Les consorts Miziniak demandent à la cour, au visa des articles 145 et 700 du Code de procédure civile, des articles 1641 et suivants, 1386-1 et suivants, 1382 et 1154 du Code civil :
- de les recevoir en leur appel et de les y déclarer bien-fondés ;
Avant-dire droit,
- d'ordonner un complément de mission d'expertise afin que M. Droual, expert précédemment désigné, arbitre la réduction du prix du véhicule Peugeot 807 immatriculé 2383ZC49 conformément aux dispositions de l'article 1644 du Code civil ;
- de dire que l'expert devra indiquer au tribunal son estimation de la réduction du prix du véhicule Peugeot 807 au vu de son prix d'achat, des caractéristiques du véhicule lors de son acquisition par les consorts Miziniak, des vices constatés et du coût des réparations à prévoir pour une remise à l'état neuf;
- de dire que l'expert devra, après en avoir remis une copie à chacune des parties, déposer son rapport d'expertise complémentaire au greffe de la Cour d'appel d'Angers dans un délai de trois mois à compter du jour de la décision à intervenir ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser dès à présent aux consorts Miziniak une provision de 10 000 euro à valoir sur la restitution de partie du prix véhicule ;
À titre principal,
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Angers en date du 2 août 2013 en toutes ses dispositions ;
- de constater l'absence totale de responsabilité des époux Miziniak dans la survenance des troubles affectant le véhicule Peugeot 807 immatriculé 2383ZC49 ;
- de constater que le véhicule Peugeot 807 acquis le 17 août 2006 auprès de la concession Peugeot Clara Automobiles de Cholet était affecté d'un vice caché ;
- de voir dire que la société Peugeot Clara Automobiles, vendeur, est tenue de la garantie au titre des vices cachés ;
- de constater les préjudices subis par M. Miziniak et sa famille;
À titre subsidiaire,
- de constater l'absence totale de responsabilité des époux Miziniak dans la survenance des troubles affectant le véhicule Peugeot 807 immatriculé 2383ZC49 ;
- de constater la défectuosité des systèmes passifs de sécurité installés dans le véhicule Peugeot 807 acquis le 17 août 2006 auprès de la concession Peugeot Clara Automobiles de Cholet par M. Miziniak;
- de dire que la société SA Automobiles Peugeot, constructeur du véhicule, est responsable de la défectuosité du produit ;
En tout état de cause,
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser aux époux Miziniak la somme de 12'237,80 euro au titre du remboursement des frais de location de véhicule depuis juillet 2009 ainsi qu'au titre de l'acquisition du nouveau véhicule Renault Clio par M. Miziniak (5 746,53 euro + 64 91,27 euro) ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser aux époux Miziniak la somme de 300 euro par mois au titre du trouble de jouissance subi par M. Miziniak et sa famille depuis le 12 juillet 2009 jusqu'à la vente de leur véhicule le 29 septembre 2011 (26 mois), soit la somme de 7 800 euro ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser à Mme Miziniak la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet à verser aux époux Miziniak, représentants légaux de Hippolyte Miziniak, la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- de condamner la même à verser aux consorts Miziniak la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
- de condamner la société Peugeot Clara Cholet en tous les dépens comprenant le coût de la procédure de référé expertise ainsi que le coût de l'expertise et du complément d'expertise qui sera ordonné ;
- de déclarer le jugement opposable à la société Automobiles Peugeot;
- d'assortir les condamnations des intérêts au taux légal capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil .
Les consorts Miziniak rappellent que Messieurs Tessier et Charlos, experts amiables, ont tous deux confirmé l'absence de choc à l'avant gauche du véhicule permettant d'expliquer le déclenchement du système de sécurité mais que M. Drean, conseiller technique régional Automobile Peugeot, après avoir examiné non contradictoirement le véhicule le 13 juillet 2009, a fait état de conclusions contraires. Ils ajoutent que le rapport d'expertise judiciaire de M. Droual a lui aussi conclu à l'absence de désordres susceptibles d'être à l'origine de la mise en œuvre des organes de sécurité passive du véhicule estimant que les désordres présentés par la roue avant gauche ne sont pas consécutifs à un choc mais à un manque de précaution au cours de manœuvres proches d'un trottoir. Il a imputé la mise à feu intempestive des airbags et des prétensionneurs à un fonctionnement erratique des capteurs et calculateurs du véhicule qui existait en germe au moment de la vente.
Ils précisent avoir dû revendre le véhicule atteint de vices rédhibitoires en octobre 2011 à un professionnel au prix de 2 700 euro ayant un urgent besoin d'un véhicule roulant. Ils sollicitent, sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, qu'il soit procédé par expertise à l'estimation de la réduction du prix compte tenu de cette revente.
À titre principal, se fondant sur les conclusions de M. Droual, ils affirment l'existence de vices cachés au jour de la vente en soutenant que les organes de commande de la mise à feu des airbags ne sont pas des pièces d'usure, leur durée de vie correspondant à celle du véhicule puisque leur déclenchement ne peut intervenir qu'une seule fois.
À titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1386-1 et 1386-4 du Code de civil, les consorts Miziniak font valoir que le défaut de conception des systèmes passifs de sécurité de leur véhicule ne fait aucun doute puisqu'après seulement 4 ans de service ils se sont déclenchés en l'absence de tout choc mettant gravement en péril la sécurité des occupants du véhicule.
En tout état de cause ils demandent le remboursement du coût de la location d'un véhicule de remplacement entre le 13 juillet 2009 et le 30 septembre 2010 (6 491,27 euro), du coût de l'acquisition d'un nouveau véhicule dans le cadre d'une location avec promesse de vente (5 746,53 euro) ainsi que 300 euro par mois au titre du trouble de jouissance du 2 juillet 2009 à septembre 2011 (7 800 euro). Au soutien de leur demande au titre du préjudice moral de Mme Miziniak et d'Hippolyte, ils invoquent un traumatisme psychologique réel avec leurs demandes immédiates ainsi que, s'agissant de Mme Miziniak, une plaie de 2 cm sur le bras gauche avec une légère cicatrice persistante.
La concession Clara demande à la cour :
Sur les demandes avant-dire droit,
Vu les articles 564 et 771 du Code de procédure civile,
- de dire et de juger irrecevables les demandes tendant à l'organisation d'un complément d'expertise et à l'allocation d'une provision comme nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ;
à titre subsidiaire,
- de décerner acte à la société Clara Automobiles de ses contestations et réserves d'usage à l'encontre de la demande en complément d'expertise ;
- de débouter les époux Miziniak de leur demande tendant à l'allocation d'une provision à valoir sur la réduction du prix du véhicule, ladite demande se heurtant à une contestation sérieuse ;
Sur les demandes au fond,
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
à titre principal,
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
et y ajoutant,
- de condamner les consorts Miziniak in solidum à payer à la société Clara Automobiles une indemnité de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de les condamner in solidum aux entiers dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
à titre subsidiaire,
- de débouter les époux Miziniak de leur demande tendant à la condamnation de la société Clara Automobiles au paiement de la somme de 27'300 euro représentant le prix d'acquisition du véhicule Peugeot 807 (30'000 euro), déduction faite de son prix de revente en l'état (2 700 euro), faute pour eux d'exercer l'action rédhibitoire et/ou estimatoire ;
- de débouter les époux Miziniak de leur demande tendant à la condamnation de la société Clara Automobiles au paiement d'une indemnité de 300 euro par mois depuis le mois de juillet 2009 et jusqu'à la vente de leur véhicule (29 septembre 2011) ;
- de débouter les époux Miziniak de leur demande tendant à la condamnation de la société Clara Automobiles au paiement de la location avec promesse de vente conclue le 15 septembre 2010 s'agissant d'un investissement dont les requérants n'ont pas vocation à être indemnisés ;
- de dire et de juger que l'indemnisation des époux Miziniak doit être limitée à 9 mois à raison de 300 euro par mois et qu'elle ne saurait en toute hypothèse excéder les frais de location de véhicules de substitution justifiés pour un montant de 6 941,27 euro ;
- de réduire à de plus justes proportions l'indemnité allouée au titre du préjudice moral de Mme Miziniak;
- de statuer ce que de droit sur le préjudice moral d'Hippolyte Miziniak;
- de condamner la société Automobiles Peugeot à garantir la société Clara Automobiles de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, frais irrépétibles et dépens ;
- de condamner in solidum les consorts Miziniak ou la société Automobiles Peugeot à payer à la société Clara Automobiles une indemnité de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner in solidum les consorts Miziniak ou la société Automobiles Peugeot aux entiers dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La concession Clara considère que la demande de complément d'expertise est nouvelle en cause d'appel en application de l'article 564 du Code de procédure civile, et que, présentée en première instance, le tribunal ne pouvait que se déclarer incompétent en application de l'article 771 du même Code. Elle émet toutes protestations et réserves sur ce complément d'expertise et s'oppose à la demande provisionnelle. Elle fait observer que le complément d'expertise est matériellement impossible puisque les appelants ont vendu le véhicule le 29 septembre 2011.
En outre, la concession Clara oppose une contestation sérieuse sur l'existence même d'un vice caché préexistant à la vente et fait valoir que, en application de l'article 1641 du Code civil, la réduction du prix doit s'apprécier au moment de l'achat après détermination du prix que l'acheteur aurait donné s'il avait connu des vices de la chose, c'est-à-dire en déduisant du prix d'achat le coût des réparations permettant de remédier à ces vices.
Sur le fond, la concession Clara conteste l'existence d'un vice caché et constate que l'expert judiciaire a procédé par voie d'affirmation en indiquant que les désordres existaient en germe au moment de la vente en l'absence de détection de désordres susceptibles d'être à l'origine de la mise en œuvre des organes de sécurité passive. Elle en déduit que l'antériorité du vice n'est pas démontrée.
Sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, la concession Clara considère que les consorts Miziniak ne peuvent exercer ni l'action rédhibitoire depuis la revente du véhicule ni l'action estimatoire faute d'avoir sollicité du juge des référés la mission d'expertise prévue par ce texte. Elle en déduit qu'ils ne peuvent prétendre qu'à l'allocation de dommages-intérêts au titre de la réparation des préjudices subis par l'effet du vice caché qu'ils invoquent.
Compte tenu des atermoiements des appelants dans le déclenchement et dans la conduite de la procédure, leur préjudice matériel résultant de leur obligation de louer un autre véhicule ne peut excéder 9 mois à hauteur de 300 euro par mois et, au maximum, la somme de 6 491,27 euro. Elle considère que la location-vente du nouveau véhicule est un investissement non indemnisable.
S'agissant des préjudices moraux, elle sollicite la réduction des prétentions des consorts Miziniak.
En cas de vices préexistants avant, s'agissant de vices de conception lors de la fabrication du véhicule, elle sollicite la garantie du constructeur, la société Peugeot.
La société Automobiles Peugeot SA demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil et des articles 699 et 700 du Code de procédure civile :
À titre principal :
- de confirmer le jugement du 2 août 2013 en ce qu'il a débouté les époux Miziniak de l'intégralité de leurs demandes ;
y ajoutant,
- de débouter les époux Miziniak de leur demande de complément d'expertise;
- de condamner solidairement les époux Miziniak à verser à la société Automobiles Peugeot la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner solidairement les époux Miziniak en tous les dépens d'appel ;
Subsidiairement :
- de rejeter les demandes des époux Miziniak au titre des préjudices moraux, en leur nom personnel ainsi que pour le compte de leur fils Hippolyte ;
- de limiter le préjudice de jouissance à la somme de 2 700 euro soit 300 euro sur 9 mois d'immobilisation ;
- de déduire de l'indemnisation éventuellement allouée aux appelants la valeur argus du véhicule au 29 septembre 2011 (amputée des frais de remise en état à dire d'expert) ;
si par extraordinaire un complément d'expertise était ordonné,
- d'étendre la mission de l'experte estimation des frais de remise en état du véhicule au jour de la panne soit le 30 juin 2009.
La société Peugeot fait observer que le désordre de déclenchement injustifié des airbags ne s'est produit qu'une fois en juin 2009 alors que le véhicule a été mis en circulation en avril 2005 et en déduit que l'impropriété à usage normal n'est pas démontrée. Elle considère que l'antériorité du vice à la vente ne résulte pas du rapport d'expertise judiciaire, aucun texte ne prévoyant une garantie perpétuelle des vices cachés sur certaines pièces. Elle estime aussi qu'en revendant le véhicule en l'état, les consorts Miziniak contredisent eux-mêmes leur affirmation de son caractère dangereux.
La société Peugeot s'oppose au complément d'expertise et à la demande provisionnelle en l'absence de vice caché.
À titre subsidiaire, elle relève que les préjudices moraux invoqués ne sont pas justifiés. Elle insiste sur le fait que les consorts Miziniak ayant tardé à agir en référé expertise alors que le refus d'indemnisation leur avait été notifié le 22 juillet 2009 et à agir au fond, leur préjudice d'immobilisation ne peut excéder 9 mois à 300 euro par mois. La société Peugeot fait valoir qu'au jour de sa revente, en septembre 2011, le véhicule était coté à argus 12 000 euro alors qu'il n'a été revendu que 2 700 euro. Elle demande que soit déduit de l'indemnisation le coût de remise en état du véhicule et sa valeur argus.
Motifs de la décision
1°) Sur la recevabilité de la demande de complément d'expertise
En application de l'article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, les consorts Miziniak ont présenté aux premiers juges, avant-dire droit, une demande de complément d'expertise fondée sur l'article 1644 du Code civil dont ils ont été déboutés. Leur demande identique présentée en cause d'appel n'est donc pas nouvelle et doit être déclarée recevable.
En tout état de cause, le bien-fondé de l'action estimatoire dans le cadre de laquelle s'inscrit la demande de complément d'expertise dépend de l'obligation du vendeur de garantir le véhicule litigieux à raison des vices cachés.
2°) Sur l'existence de vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus. Il incombe donc à l'acquéreur de rapporter la preuve que la chose vendue est atteinte d'un vice qui lui est inhérent, existant antérieurement la vente, non apparent, non connu de lui, et que ce vice constitue la cause technique des désordres et présente un caractère de gravité tel que cette chose en devient impropre à rendre l'usage attendu.
S'agissant de l'impropriété à usage, il n'est pas sérieusement contestable que le déclenchement intempestif sans cause extérieure des airbags latéraux gauche et des prétensionneurs de ceinture de sécurité constitue un désordre qui rend le véhicule dangereux dans des conditions de conduite normale et impose son immobilisation dès sa première manifestation.
Par ailleurs, il n'est ni contesté ni contestable que le risque de déclenchement inopiné des airbags et des prétensionneurs n'était pas apparent et était inconnu des époux Miziniak au jour de la vente.
Il incombe aux appelants de rapporter la preuve du vice caché qu'ils invoquent et de ses différents caractères. Ils doivent à ce titre établir que le vice existait antérieurement à la vente ou encore qu'il existait déjà à l'état de germe.
M. Droual, l'expert judiciaire, a procédé à ses opérations plus d'un an après l'immobilisation du véhicule. Recherchant l'existence d'une cause normale au déclenchement des airbags et des prétensionneurs de ceinture, il n'a relevé que des traces de frottement au niveau de la roue avant gauche et de la jante non consécutives à un choc mais apparemment à un manque de précaution au cours d'une manœuvre proche d'un trottoir. De l'examen du véhicule il a déduit l'absence de traces de chocs susceptibles d'enclencher le processus de mise en œuvre de ses organes de sécurité passive.
Après réalisation d'un test global des calculateurs à l'issue duquel il a relevé la présence de défauts affectant le calculateur de coussin gonflable, il a conclu que "la mise à feu des airbags et des prétensionneurs s'est produite de façon intempestive suite à un fonctionnement erratique des capteurs et calculateurs du véhicule." Il a déduit de ces constatations que "les désordres existaient en germe au moment de la vente du véhicule à Monsieur et Madame Miziniak par Peugeot Clara Automobiles le 1er juin 2006."
Cependant, en reprenant seulement les observations de l'expert et ses conclusions à l'issue d'opérations d'expertise contradictoires au cours desquelles ils n'ont pas invité M. Droual à s'expliquer sur l'antériorité du vice que l'expert se limite à affirmer sans argumentation, les consorts Miziniak ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de cette antériorité.
En effet, aucune pièce de la procédure ne permet d'affirmer que les capteurs et les calculateurs du véhicule, et notamment le calculateur du coussin gonflable, n'ont pas dysfonctionné postérieurement à la vente conclue plus de trois ans auparavant et durant les 38'500 km parcourus par le véhicule après son acquisition par les appelants.
Les consorts Miziniak se limitent à affirmer que les organes de commande de la mise à feu des airbags ne sont pas des pièces d'usure puisque leur durée de vie correspond à celle du véhicule. Une telle affirmation n'est pas de nature à les décharger de la preuve qui leur incombe de la préexistence à la vente du dysfonctionnement des capteurs et calculateurs.En effet, si ce dysfonctionnement a produit ses effets néfastes postérieurement à la vente, rien ne prouve qu'il préexiste à celle-ci.
En conséquence, la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts Miziniak de leur action estimatoire et les déboutera en conséquence de leur demande d'expertise fondée sur l'article 1644 du Code civil ainsi que de leurs demandes indemnitaires présentées sur ce fondement.
3°) Sur la défectuosité des systèmes passifs de sécurité
Les consorts Miziniak fondent en cause d'appel, à titre subsidiaire, leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la société Peugeot sur la garantie due au titre des produits défectueux. Les demandes tendant aux mêmes indemnisations que celles soumises au premier juge bien que fondées sur un nouveau fondement juridique sont recevables en application des articles 564 et 565 du Code de procédure civile.
Les consorts Miziniak affirment que les systèmes passifs de sécurité équipant le véhicule Peugeot 807 litigieux ayant causé leurs préjudices n'offraient pas la sécurité à laquelle ils pouvaient légitimement s'attendre.
En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le fabricant d'un produit est présumé responsable des conséquences dommageables de sa défectuosité lorsque celui-ci n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de sa présentation, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Pour obtenir réparation du dommage résultant d'une atteinte à sa personne supérieure à 500 euro, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le soudain déclenchement assourdissant des airbags et des prétensionneurs causé par le dysfonctionnement des capteurs et calculateurs du véhicule Peugeot 807 a occasionné à Mme Miziniak et à son fils mineur Hippolyte une atteinte à leur personne.
S'agissant d'un système de sécurité essentiel en cas de collision, les acquéreurs et utilisateurs successifs d'un véhicule peuvent légitimement en attendre, durant toute la durée de vie du véhicule, non seulement une totale efficacité de protection dans les conditions normales de son déclenchement, mais aussi qu'il ne soit pas lui-même à l'origine de leur préjudice corporel.
L'expertise de M. Droual permet d'éliminer l'existence, le 30 juin 2009, d'une cause normale de déclenchement du système de sécurité litigieux et d'imputer celui-ci au dysfonctionnement des capteurs et calculateurs du véhicule Peugeot 807 mis en circulation par la société Peugeot en avril 2005. Le déclenchement intempestif et anormal des airbags et des prétensionneurs de ceinture ne peut donc s'expliquer autrement que par la présence d'un défaut des organes de sécurité passive du véhicule et des instruments permettant leur pilotage. Une telle défaillance et les dommages en résultant pour Mme Miziniak et son fils Hippolyte sont donc présumés imputables à une défectuosité, la société Peugeot n'invoquant ni ne rapportant la preuve d'aucune des causes d'exonération prévues à l'article 1386-11 du Code civil.
Dans ces conditions, en réparation de leur préjudice psychologique, la cour condamnera la société Peugeot à payer à Mme Martine Chaplet épouse Miziniak la somme de 700 euro et aux époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils Hippolyte, la somme de 500 euro.
4°) Sur les autres demandes
La société Peugeot succombant en appel sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, à Mme Miziniak et aux époux Miziniak ès qualités de représentant de leur fils Hippolyte, pris ensemble, la somme de 2 000 euro, et la même somme à la concession Clara.
Par ces motifs, La cour statuant publiquement et contradictoirement, CONFIRME le jugement rendu le 2 août 2013 par le tribunal de grande instance d'Angers, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et celles fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Statuant à nouveau et y ajoutant, Vu les articles 1386-1 et suivants du Code de civil, constate la défectuosité des systèmes passifs de sécurité installés dans le véhicule Peugeot 807 acquis le 17 août 2006 auprès de la société Peugeot Clara Automobiles de Cholet par M. Philippe Miziniak ; déclare la société Automobiles Peugeot SA, constructeur du véhicule, responsable du dommage causé par cette défectuosité résultant de l'atteinte à la personne de Mme Martine Chaplet épouse Miziniak et à celle de son fils Hippolyte ; condamne la société Automobiles Peugeot SA à payer à Mme Martine Chaplet épouse Miziniak la somme de 700 euro et aux époux Miziniak ès qualités de représentants légaux de leur fils Hippolyte, la somme de 500 euro en réparation de leur préjudice psychologique ; déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamne, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Automobiles Peugeot SA à payer à Mme Miziniak et aux époux Miziniak ès qualités de représentant de leur fils Hippolyte, pris ensemble, la somme de 2 000 euro, et la même somme à la concession Clara au titre de leur frais irrépétibles de procédure de première instance et d'appel ; condamne la société Automobiles Peugeot SA au paiement des entiers dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire et d'appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP DUFOURGBURG qui le sollicite.