CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 8 mars 2016, n° 14-04091
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Laforêt Franchise (SASU)
Défendeur :
Ensemble et Toit (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Palau
Conseillers :
MM. Ardisson, Leplat
Avocats :
Mes Buquet-Roussel, Feschet, Debray, Meyer-Sagnier
La SASU Laforêt Franchise développe un réseau d'agences immobilières sous l'enseigne Laforêt, dans le cadre de contrats de franchise.
Par acte du 5 octobre 2004, la SARL Laforêt Immobilier et Monsieur Hebert, en son nom et au nom de la société en cours de constitution, ont conclu un contrat de franchise d'une durée de 5 ans et 6 mois, soit jusqu'en mars 2010, l'implantation étant située à Dammartin en Goele (77).
Par acte du 24 décembre 2010, la société Laforêt Franchise et l'EURL Ensemble et Toit, représentée par Monsieur Hebert, ont conclu un contrat de franchise pour la même implantation.
Par courriel du 23 juillet 2012, adressé à divers franchisés, la société Ensemble et Toit a fait part de ses griefs à l'encontre de la société Laforêt Franchise.
Par courrier du 12 septembre 2012, la société Laforêt Franchise le lui a reproché et fait état d'une manœuvre de déstabilisation du réseau.
Par acte du 23 janvier 2014, la société Laforêt Franchise a fait assigner la société Ensemble et Toit devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour que celle-ci soit condamnée à lui payer les sommes de 17 490 euro au titre de la résiliation anticipée du contrat et de 15 000 euro à titre de préjudice complémentaire.
Par jugement du 9 mai 2014, le tribunal a :
prononcé la résiliation du contrat de franchise avec effet au terme d'un délai de 30 jours à compter du prononcé du jugement
condamné la société Ensemble et Toit à payer à la société Laforêt Franchise la somme de 10 000 euro à titre d'indemnité de résiliation
condamné la société Laforêt Franchise à payer à la société Ensemble et Toit la somme de 50 000 euro à titre de dommage et intérêts
condamné la société Laforêt Franchise à payer à la société Ensemble et Toit la somme de 1 406,29 euro
ordonné la compensation de ces sommes
déclaré caduque l'autorisation donnée à la société Laforêt Franchise d'accéder aux données de la société Ensemble et Toit à partir de la base de données Pericles et de s'y connecter directement sauf autorisation préalable de la société Ensemble et Toit
fait interdiction à la société Laforêt Franchise de :
. copier ces données par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit
. utiliser directement ou indirectement ces données à des fins de prospection dans on intérêt ou de celui de membres de son réseau comme de tiers
dit que cette caducité et ces interdictions prendront effet 30 jours à compter du jugement
ordonné l'exécution provisoire des trois décisions relatives à la protection des données de la société Ensemble et Toit
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et partagé les dépens par moitié.
Le tribunal a rejeté les autres demandes.
Par acte du 28 mai 2014, la société Laforêt Franchise a interjeté appel.
Dans ses dernières conclusions en date du 24 août 2015, la société Laforêt Franchise demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a dit que la société intimée avait commis une faute en dénigrant publiquement le réseau Laforêt et soit infirmé pour le surplus.
Elle demande qu'il soit jugé que la résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société Ensemble et Toit et que soient rejetées les demandes de celle-ci.
Elle demande, y ajoutant, qu'il soit jugé que la société Ensemble et Toit a commis une faute en résiliant hâtivement le contrat dès le 9 juin 2014 sans attendre une décision définitive.
Elle demande, en conséquence, que la société Ensemble et Toit soit condamnée à lui payer les sommes de :
20 988 euro au titre de la résiliation anticipée
1 661,43 euro des redevances impayées
15 000 euro de la réparation du préjudice complémentaire
5 000 euro du chef de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Laforêt Franchise reproche à la société Ensemble et Toit d'avoir porté atteinte à l'image de marque du réseau en prenant celui-ci à témoin par son courriel du 23 juillet 2012, en déclarant espérer en avril 2013 sur son site Facebook la fin rapide de son contrat, en dévalorisant son réseau, en diffusant une image négative de celui-ci par l'utilisation de la photographie ancienne d'une agence fermée et en critiquant d'autres membres du réseau. Elle ajoute que la société a persévéré dans ses attaques ad nominem contre ses actuels dirigeants ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier dressé le 6 janvier 2014, d'articles et de commentaires sur le " mur " même de Monsieur Hebert.
Elle souligne que, par ordonnance du 20 février 2014, le juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société à cesser de la dénigrer et de porter atteinte à son image.
Elle invoque d'autres courriels de Monsieur Hebert, repris sur son site Facebook, demandant aux autres agences franchisées des renseignements sur leur situation ou critiquant le franchiseur. Elle relève que la page Facebook est visible mondialement.
Elle fait grief à l'intimée de distinguer les actes de Monsieur Hebert à titre personnel de ceux effectués en qualité de gérant de la société. Elle relève que, sur son site Facebook accessible à tous, il critique son franchiseur. Elle considère que ses actes ne sont pas détachables de ses fonctions de gérant. Elle rappelle l'ordonnance de référé précitée.
Elle soutient que le dénigrement est caractérisé.
Elle rappelle l'article 1134 du Code civil et l'article 6.3 du contrat de franchise aux termes duquel le franchisé s'engage à respecter le savoir-faire et l'image de marque du réseau.
Elle indique qu'elle est clairement visée et prise pour cible et fait valoir, citant des arrêts, que le dénigrement est une faute justifiant la résiliation du contrat de franchise. Elle invoque une rupture de confiance.
Elle sollicite donc la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Ensemble et Toit.
Elle ajoute que la société a rompu d'elle-même les relations contractuelles le 9 juin 2014 alors que le jugement n'était pas exécutoire de ce chef. Elle souligne qu'il a clairement limité l'exécution provisoire.
L'appelante demande donc que la société s'acquitte des redevances dues jusqu'au terme du contrat selon le montant minimal, 1 166 euro, prévu. Elle conteste qu'il s'agisse d'une clause pénale et excipe de la simple application de la convention des parties.
Elle excipe d'un préjudice distinct causé par le dénigrement qui est fondé non sur l'existence d'un lien contractuel mais sur des attaques en tant que telles. Elle ajoute que le retrait des propos dénigrants ne retire pas à sa demande son objet. Elle affirme qu'elle peut cumuler des demandes fondées sur la responsabilité contractuelle et sur la responsabilité délictuelle en cas de préjudices distincts.
La société conteste avoir commis une faute en autorisant, le 18 juin 2012, l'installation d'un franchisé dans la commune de Saint Soupplets à 11 kilomètres du fonds de l'intimée.
Elle invoque l'absence de clause d'exclusivité territoriale et relève, citant des arrêts, qu'une telle exclusivité n'est pas obligatoire.
Elle réfute tout abus. Elle rappelle qu'il appartient à l'intimée de le démontrer compte tenu de la liberté du commerce et de la licéité du préjudice concurrentiel.
Elle relève l'implantation des concurrents locaux Orpi, Adic et Century 21 qui démontre l'impossibilité de couvrir une telle zone géographique avec une seule agence et excipe de la conclusion de la présentation de l'état du marché aux termes de laquelle elle insiste sur un travail de proximité.
Elle souligne que sa présentation du marché local n'a porté que sur la ville de Dammartin en Goele, que le franchisé n'a pas fait d'observation et qu'elle n'a " installé " aucun franchisé dans celle-ci.
Elle relève que le marché local a été défini comme la seule ville de Dammartin en Goele et que la difficulté du secteur, reconnue par elle, est limitée à cette ville. Elle reproche au tribunal d'avoir décidé que cette observation s'appliquait à une ville différente. Elle estime que la prospection par l'intimée d'une zone plus large correspond à un choix personnel qui ne peut lui créer des droits.
Elle conteste que le document d'informations pré contractuelles ait fait état de 10 transactions annuelles seulement dans la commune, ce document ne citant que quelques ventes.
Elle estime avoir respecté l'intérêt supérieur du réseau soit une forte proximité.
Elle estime non pertinentes l'invocation du licenciement de Monsieur Buyens et les fermetures d'agences Laforêt non mises en perspective et au surplus non établies et souligne l'importance des emplois perdus dans l'immobilier.
Elle souligne l'importance de la diversification des métiers qu'elle promeut et affirme que le développement du réseau par l'ouverture de nouvelles agences a été promu dès 2008 ce qui n'a pas inquiété l'intimée lorsqu'elle a conclu le contrat litigieux. Elle relève que les autres réseaux comptent davantage d'agences. Elle soutient que sa politique lui a permis de résister à la crise.
Elle ajoute que le contrat de franchise de l'agence de Saint Soupplets a été signé avec une société qui exploitait déjà une agence immobilière de sorte qu'aucun point de vente n'a été créé ex nihilo. Elle observe que l'intimée a conclu qu'elle ne lui reproche pas " d'avoir créé une nouvelle concurrence " et invoque un aveu judiciaire. Elle estime non transposable l'arrêt du 3 janvier 1996.
Elle reproche à la société de revendiquer une zone importante comprenant 11 000 logements alors que les préconisations sont de 1 500 à 2 000 logements par négociateur et que la société n'a jamais employé plus de trois négociateurs.
Elle soutient que les décisions internes au franchiseur n'ont pas d'effet sur un éventuel abus, le départ de dirigeants ne pouvant être invoqué. Elle souligne l'importance de son catalogue de formations et estime que le fait que le franchisé ait choisi une formation de sa propre initiative ne caractérise pas l'insuffisance de la sienne. Elle déclare que le franchisé ne lui reproche pas une absence d'assistance.
La société conteste avoir manqué à sa parole et indique que les conditions de sa proposition de résiliation amiable n'ont pas été acceptées.
Elle réfute tout préjudice causé par la franchise de la société de Saint Soupplets dont le chiffre d'affaires a baissé en 2013 et observe que le chiffre d'affaires des deux franchisés a crû au premier semestre 2014.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 3 en date du 13 novembre 2015, la société Ensemble et Toit conclut au rejet des demandes de l'appelant et, subsidiairement, à la modération de la clause pénale fixée à un euro.
Elle demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a fait injonction au franchiseur de cesser tout accès à sa base de données à compter de la résiliation, lui a interdit de copier par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit son fichier client personnel et lui a interdit, ainsi qu'à tout personne liée à lui de prospecter l'un des clients figurant dans son fichier.
Elle sollicite également sa confirmation en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Elle demande son infirmation en ce qui concerne des dommages et intérêts complémentaires et réclame de ce chef le paiement de la somme de 30 000 euro.
Elle demande le versement d'une somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société expose qu'en mars 2010, la société Laforêt Franchise a licencié des fondateurs et des cadres dirigeants et mis en place une politique de déploiement du réseau avec ouverture de nouvelles agences au mépris de la rentabilité des exploitations et qu'elle n'a conclu le second contrat qu'à la suite d'un ultimatum du franchiseur qui menaçait de supprimer l'enseigne. Elle note que le document d'information précontractuelle qui lui a été remis date de janvier 2010 et précise que le secteur de son implantation est particulièrement difficile.
Elle rappelle la procédure et reproche à la société Laforêt Franchise d'être revenue sur sa parole alors qu'elle s'était engagée à procéder amiablement à la cessation de leurs relations contractuelles sans indemnité.
Elle invoque un manquement du franchiseur à son obligation de loyauté.
Elle rappelle, citant un ouvrage sur la franchise, l'esprit de " coopération constructive et généreuse " qui interdit de concurrencer un franchisé par une nouvelle implantation comme il a été jugé par la cour de cassation le 3 janvier 1996.
Elle souligne que le secteur d'implantation de la société était difficile ainsi que l'a précisé le document d'information précontractuelle avec 3 000 logements et 10 transactions annuelles et fait valoir que la ville de Dammartin en Goele n'est pas le seul marché travaillé par elle ou par les autres agences de la ville. Elle fait état d'un périmètre de la zone de chalandise d'environ 20 kilomètres.
Elle invoque donc un risque de porter atteinte à un franchisé historique et estime ce risque connu par la société qui avait en 2010 licencié Monsieur Buyens, développeur réseau, pour ce motif. Elle lui fait grief de se retrancher derrière la lettre du contrat.
Elle excipe de la situation alarmante des franchisés dont 32% ont fait l'objet d'une radiation, d'une liquidation ou d'un redressement judiciaire.
Elle reproche donc à la société d'avoir, nonobstant la conjoncture, les méthodes reprochées par elle à Monsieur Buyens, la mise en garde qu'elle lui a adressée en 2012 et ses obligations, autorisé un fonds concurrent situé dans sa zone de chalandise à intégrer le réseau Laforêt.
Elle ajoute que la société lui a proposé en janvier 2013 de quitter le réseau au 30 juin 2014 sans pénalité, qu'elle a proposé un délai plus court et que la société Laforêt Franchise ne lui a pas répondu, malgré ses relances, avant de l'assigner.
Elle soutient que la société a pris des décisions contraires à ses intérêts et excipe d'arrêts condamnant de tels actes.
Elle lui fait grief non d'avoir créé " une nouvelle concurrence " mais de ne pas avoir respecté les engagements découlant de la relation de franchise dont l'obligation de loyauté et de préservation des intérêts communs. Elle estime que ce passage sous l'enseigne Laforêt, dans sa zone de chalandise, disperse le potentiel du chiffre d'affaires. Elle relève que le chiffre d'affaires de cette société était passé de 174 000 euro à 68 100 euro ce qui démontre une désaffection de la clientèle et ternit l'image de la marque au plan local. Elle conteste tout effet " inter-cabinet ".
Elle indique que les trois agences Orpi implantées dans la zone géographique litigieuse sont la propriété d'une même société ayant des activités diversifiées et qu'il en est de même de celles de la sociéét Adic. Elle ajoute qu'elle n'avait pas contesté l'implantation d'une agence Laforêt à Claye Souilly à 13 kilomètres.
Elle reproche à la société d'accroître le nombre d'implantations, et de droit d'entrée, sans égard pour les anciens franchisés. Elle excipe de motivations de la cour d'appel de Versailles dans une espèce opposant l'appelante à Monsieur Buyens.
Compte tenu de ces manquements, elle sollicite la résiliation du contrat aux torts du franchiseur à compter du 9 juin 2014.
Elle estime qu'en assortissant les accès au logiciel de gestion de l'exécution provisoire, le tribunal a nécessairement entendu mettre un terme au contrat à cette date.
Elle fait état d'une baisse de son chiffre d'affaires depuis la franchise de l'agence de Saint Soupplets de 75 785 euro, fait état des efforts réalisés pour parvenir à un résultat à l'équilibre soit une amputation de trésorerie de 6 000 euro, une augmentation du compte courant d'associé de 9 963 euro et une privation des dividendes de 39 452 euro et sollicite le paiement d'une somme de 50 000 euro à ce titre.
Elle demande la confirmation du jugement en ce qui concerne le fichier clients qui lui appartient exclusivement.
En ce qui concerne les demandes de l'appelant, elle invoque la règle du non-cumul des responsabilités et soutient que, compte tenu de l'existence d'un contrat, seule la responsabilité contractuelle peut être recherchée. Elle ajoute que seul le dommage prévisible est réparable.
Elle conteste toute faute.
Elle soutient que les faits de dénigrement allégués ne sont imputables ni à elle-même ni à son dirigeant dans l'exercice de ses fonctions. Elle fait état de propos tenus par Monsieur Hebert sur son site personnel Facebook. Elle observe que la société Laforêt avait assigné devant le juge des référés la société Ensemble et Toit et Monsieur Hebert et déclare que Monsieur Hebert a exécuté la décision. Elle ajoute que la diffusion des pages Facebook a une portée locale et n'a pas eu d'incidence sur le réseau qui a recruté de nombreux franchisés.
Elle conteste, pour les motifs précités, que la descente de l'enseigne le 9 juin 2014 soit fautive.
Elle réfute tout préjudice de la société qui ne peut cumuler les deux responsabilités et qui ne peut, en application de la règle " non bis in idem " solliciter le versement de deux sommes distinctes en réparation du même préjudice et ayant pour origine la même faute contractuelle.
Subsidiairement, en ce qui concerne la demande au titre des redevances courant jusqu'au terme du contrat, elle conteste tout préjudice et soutient que cette clause constitue une clause pénale don telle demande la modération.
En ce qui concerne la responsabilité délictuelle, elle conteste tout préjudice.
Elle s'oppose à la demande portant sur le rappel des redevances, le contrat ayant été résilié aux termes du jugement ce qui rend non causées les factures émises postérieurement.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2015.
Sur le dénigrement invoqué
Considérant que Monsieur Hebert a, dans des courriels circularisés auprès de franchisés du réseau Laforêt et sur son site Facebook écrit, à propos des dirigeants de Laforêt, " Qu'ils s'en aillent " ; qu'il leur a reproché, dans leurs rapports avec les franchisés, leur " art du mensonge ", leurs " magouilles " et leurs " pratiques douteuses " ainsi qu'une volonté de l' " arnaquer " ;
Considérant qu'il a opposé la situation actuelle à celle " convivial(e), clair(e), efficace " du passé ;
Considérant qu'il a espéré la fin rapide de son contrat de franchise ; qu'il a cité les " meilleurs réseaux de franchise " sans y inclure son franchiseur ;
Considérant que ces propos ont porté atteinte à l'image du réseau; qu'ils constituent des actes de dénigrement ;
Considérant qu'ils sont tenus par Monsieur Hebert et, à l'exception des courriels, sur son site Facebook ;
Mais considérant que Monsieur Hebert a formé ces critiques en tant que franchisé ; qu'il a reproché à la société Laforêt ses manquements en tant que franchiseur ; que ces actes de dénigrement ont été commis en sa qualité de gérant de la société Ensemble et Toit dans les rapports de celle-ci avec la société Laforêt Franchise ;
Considérant que ces actes engagent donc la responsabilité de la société intimée ;
Sur la faute alléguée
Considérant que la société Laforêt Franchise a intégré dans son réseau de franchise une agence immobilière située à Saint Soupplets, à 11 kilomètres de celle de la société Ensemble et Toit ;
Considérant qu'aucune clause du contrat de franchise ne réserve à la société Ensemble et Toit une exclusivité territoriale jusqu'à cette commune ;
Considérant, toutefois, que le contrat de franchise est conclu dans l'intérêt commun des deux parties ; qu'un processus de partenariat est engagé ; qu'il induit un devoir de coopération ; que le franchiseur doit faire preuve de loyauté ;
Considérant que le franchiseur est susceptible de manquer à ce devoir et d'abuser de son droit s'il intègre dans son réseau une agence même existante ;
Considérant que la société Laforêt Franchise a reconnu, dans le document d'informations précontractuelles, que le marché de Dammartin en Goele était particulièrement difficile ; qu'il ressort de sa présentation que la ville compte 8 000 habitants, comporte 3 000 logements et que le marché est peu dynamique alors que les principaux réseaux d'agence y sont représentés;
Considérant qu'il résulte de ce document que la société Ensemble et Toit devait étendre géographiquement ses activités ;
Considérant que le marché local ne s'est pas particulièrement développé jusqu'aux faits litigieux ;
Considérant que la société intimée démontre, par des annonces, que les agences implantées dans la même zone de chalandise prospectent des biens situés à Saint Soupplets et réciproquement ; que cette zone de chalandise est donc commune;
Considérant que, dans ces conditions, la franchise accordée à l'agence située à Saint Soupplets constitue un manquement de la société appelante à ses devoirs;
Considérant que les agences Orpi implantées dans la même zone appartiennent à la même personne ; que les établissements de la société Adic mutualisent leurs coûts ; qu'il n'existe donc pas de concurrence entre ces agences contrairement à la situation des deux agences Laforêt ;
Considérant que le passage d'une agence immobilière existante dans un réseau lui procure les avantages du réseau et de la franchise; que la circonstance que l'agence située à Saint Soupplets existait avant son intégration au réseau Laforêt Franchise ne peut donc exonérer la société appelante de ses fautes ;
Considérant qu'il résulte d'un courrier de la société Ensemble et Toit qu'elle s'était opposée en mai 2012 à la franchise litigieuse ;
Considérant que la hausse, en 2014, du chiffre d'affaires de la société Ensemble et Toit a seulement compensé la perte importante enregistrée lors de l'exercice suivant la franchise contestée et s'explique par des efforts publicitaires financés notamment par l'augmentation du compte courant d'associé ; qu'elle ne justifie donc pas la décision de la société Laforêt Franchise ;
Considérant qu'ainsi, la société Laforêt Franchise a, en intégrant l'agence de Saint Soupplets, manqué à son obligation d'exécuter dans l'intérêt commun des deux parties le contrat de franchise ;
Considérant qu'elle a donc commis une faute ;
Sur les conséquences de ces fautes sur le contrat
Considérant que ces fautes des deux parties justifient le prononcé de la résiliation du contrat de franchise ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les demandes financières de la société Laforêt Franchise
Considérant que le contrat est résilié, notamment, en raison du comportement fautif du franchisé;
Considérant que l'article 12 du contrat stipule qu'en cas de résiliation anticipée du fait du franchisé, celui-ci doit payer une somme égale aux redevances qu'il aurait dû payer jusqu'à la fin du contrat soit, en l'espèce, la somme de 20 098 euro ;
Considérant que constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ;
Considérant que l'obligation de payer une somme égale aux redevances qui auraient dû être payées constitue donc une clause pénale ;
Considérant que le préjudice subi par la société Laforêt Franchise du fait de la résiliation est limité par la présence d'un autre franchisé à Saint Soupplets soit dans une même zone géographique ; que, dès lors, le montant de la clause pénale est manifestement excessif ; que la clause pénale sera réduite à 10 000 euro ;
Considérant que compte tenu de la date de la résiliation, la demande de paiement de la somme de 1 661,43 euro correspondant aux sommes dues au 30 juin 2014 ne sera pas accueillie ;
Considérant que les actes de dénigrement peuvent justifier non seulement la résiliation du contrat mais encore l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice, distinct, causé ; que, compte tenu du préjudice causé, une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts sera allouée à la société Laforêt Franchise ;
Considérant que la société Ensemble et Toit sera donc condamnée au paiement d'une somme de 15 000 euro ;
Sur les demandes financières de la société Ensemble et Toit
Considérant que l'intégration de l'agence de Saint Soupplets a, compte tenu de la zone géographique concernée et des avantages conférés par le contrat de franchise, nécéssairement créé un préjudice financier à la société Ensemble et Toit ;
Considérant que la société justifie, en 2013, d'une amputation de sa trésorerie, de l'augmentation du compte courant d'associé et de la baisse de la rémunération de son dirigeant pour un montant d'environ 55 000 euro ;
Considérant, toutefois, qu'elle ne rapporte pas la preuve que, compte tenu de l'aléa de l'activité exercée, ces pertes sont, dans leur intégralité, imputables à la seule franchise de l'agence de Saint Soupplets ;
Considérant qu'au vu des éléments ci-dessus et de la comparaison des bilans produits, ce préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 25 000 euro ;
Considérant qu'elle ne justifie pas d'un préjudice complémentaire ;
Sur les autres demandes
Considérant que compte tenu du sens du présent arrêt, les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel seront rejetées ; que, pour le même motif, chaque partie conservera la charge des dépens exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs, Contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Laforêt Franchise et alloué à la société Ensemble et Toit la somme de 50 000 euro, Statuant de nouveau de ces chefs, Condamne la SARL Ensemble et Toit à payer à la SAS Laforêt Franchise la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la SAS Laforêt Franchise à payer à la SARL Ensemble et Toit la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts, Y ajoutant, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens exposés en cause d'appel.