Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 4 juin 2014, n° 12-29.848

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Enoka, Uraina

Défendeur :

BR ameublement (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, SCP Thouin-Palat, Boucard

TPI Nouméa, du 2 mai 2011

2 mai 2011

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X a acheté un meuble, destiné à supporter une télévision, à la société BR ameublement, laquelle a procédé au montage du meuble ; que l'ensemble constitué par la télévision et le meuble sur lequel celle-ci était posée a basculé sur Joseph X, âgé de 15 mois, provoquant son décès ; que M. et Mme X, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, ont assigné la société BR ameublement en responsabilité ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. et Mme X font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ; que la protection du consommateur exige que la responsabilité de tous les participants au processus de production soit engagée si le produit fini fourni par eux présente un défaut ; qu'est donc producteur responsable du fait du produit défectueux le professionnel qui a procédé au montage de ce produit; qu'en jugeant pourtant que la responsabilité de la société BR ameublement ne pouvait être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux au prétexte qu'elle ne pouvait être qualifiée de producteur au sens de l'article 1386-6 du Code civil puisque son activité principale était la vente de biens mobiliers et non la fabrication et la production de meubles, tout en constatant que c'était un employé de la société BR Ameublement qui avait monté les meubles importés livrés en kit et que la société BR ameublement était donc intervenue de manière déterminante dans le processus de production du meuble de télévision que les époux X avaient acquis et qui avait basculé sur leur enfant entraînant sa mort, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ; 2°) que l'article 1386-4 du Code civil dispose qu'est assimilé au producteur du produit défectueux celui qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente ; que la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant la directive 85-374-CEE du 25 juillet 1985 et introduisant dans le Code civil la responsabilité du fait des produits défectueux a prévu son extension à la Nouvelle-Calédonie ; que l'article 1386-4 du Code civil doit donc être interprété comme disposant qu'est assimilé au producteur du produit défectueux celui qui importe un produit en vue d'une vente dès lors qu'il exerce sur un territoire où la responsabilité du fait des produits défectueux d'un producteur peut être recherchée et, donc, en particulier, en Nouvelle-Calédonie ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1386-6 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant soutenu, devant la cour d'appel, qu'il n'était pas contesté que la société BR ameublement n'avait pas pour activité principale la production de meubles, mais que sa responsabilité était incontestable en sa qualité d'importateur et de vendeur du meuble litigieux, dès lors qu'elle devait être assimilée à un producteur, en application des dispositions de l'article 1386-6, 2°, du Code civil, M. et Mme X, qui invoquaient ainsi, à l'égard de la société BR ameublement, la seule qualité d'importateur assimilable à celle de producteur, au sens de cet article, ne sont pas recevables à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec leurs propres écritures ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté qu'aux termes de l'article 1386-6, 2°, du Code civil, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui importe un produit dans la Communauté européenne, la cour d'appel a retenu à bon droit que la société BR ameublement ne pouvait être assimilée à un producteur, au sens de cette disposition, au motif qu'elle n'avait pas importé un produit dans la Communauté européenne, dès lors que la Nouvelle-Calédonie, qui est au nombre des pays et territoires d'outre-mer faisant l'objet du régime spécial d'association à l'Union européenne défini dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne fait pas partie de l'Union et se trouve à son égard dans la même situation qu'un pays tiers, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 8 février 2000, Emesa sugar, C-17-98), peu important que la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive 85-374-CEE du 25 juillet 1985 du Conseil, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, soit applicable en Nouvelle-Calédonie ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil ; Attendu que, pour décider qu'aucune faute, manquement ou négligence n'a été prouvé à l'encontre de la société BR ameublement, l'arrêt constate que les monteurs du meuble ont déclaré avoir suivi la notice de montage du meuble pour l'installation des six pieds montés à l'atelier, avant qu'il ne soit livré au domicile de M. et Mme X ;

Qu'en statuant ainsi, sans préciser l'élément de preuve sur lequel elle fondait cette constatation, qui ne pouvait résulter du procès-verbal de police du 3 décembre 2007, dès lors que celui-ci contenait la déclaration d'un employé de la société BR ameublement mentionnant l'absence de notice de montage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a constaté qu'aucune faute, manquement ou négligence n'a été prouvée à l'encontre de la société BR ameublement, l'arrêt rendu le 7 juin 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nouméa, autrement composée.