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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 mars 2016, n° 12-08674

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Federation du Logement, de la Consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine

Défendeur :

Caisse d'épargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Le Potier, Lefeuvre

Avocats :

Mes Sevestre, Cressard, SCP Lefevre Pelletier, Associés

TGI Rennes, du 30 oct. 2012

30 octobre 2012

Exposé du litige

La Fédération du logement, de la consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine (la FLCE 35) est une association de consommateurs agréée à agir en justice pour la défense des intérêts collectifs des consommateurs en application de l'article L. 421-1 du Code de la consommation.

Prétendant avoir constaté que les offres préalables de prêt immobilier proposées par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire (la Caisse d'épargne) comportaient des clauses illicites ou abusives, elle l'a, par acte du 18 mars 2011, fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Rennes en cessation sous astreinte de la diffusion de ces clauses et en paiement de dommages-intérêts.

Estimant que les nouvelles offres de prêt immobilier diffusées par la banque au moment où il statuait avaient, à l'exception d'une seule, supprimé ou modifié les clauses qui pouvaient être effectivement illicites ou abusives, le premier juge a, par jugement du 30 octobre 2012 :

débouté la FLCE 35 de sa demande de cessation de diffusion de la clause d'exigibilité anticipée des offres successives de prêt immobiliers de la Caisse d'épargne,

constaté l'illicéité de la clause d'inaliénabilité des offres initiales maintenue dans la nouvelle offre,

ordonné la cessation de la diffusion de ces clauses dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous peine d'astreinte provisoire de 200 euro par manquement constaté pendant trois mois,

constaté que l'illicéité de la clause de capitalisation des intérêts de retard figurant dans les offres initiales avait été réparée dans la nouvelle offre et que la demande de la FLCE 35 était devenue sans objet,

constaté que l'illicéité de la clause de préavis de remboursement par anticipation figurant dans les offres initiales avait été réparée dans la nouvelle offre et que la demande de la FLCE 35 était devenue sans objet,

constaté que l'illicéité de la clause définissant les frais d'études en cas de caducité du contrat figurant dans les offres initiales avait été réparée dans la nouvelle offre et que la demande de la FLCE 35 était devenue sans objet,

débouté la FLCE 35 de sa demande de publication du jugement,

condamné la Caisse d'épargne au paiement d'une somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts,

condamné la Caisse d'épargne au paiement d'une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

débouté la FLCE 35 de sa demande d'exécution provisoire.

La FLCE 35 a relevé appel de cette décision le 21 décembre 2012, en demandant à la cour de :

dire que sont abusives les clauses des offres initiales relatives à l'exigibilité anticipée en cas de vente, de changement de destination ou d'hypothèque sans autorisation expresse du prêteur de l'immeuble financé, d'inexactitude des renseignements fournis lors de la demande de prêt, de défaut de production des justificatifs d'affectation des fonds, de non-réalisation des garanties convenues, et, d'une manière générale, de toute inobservation des obligations de l'emprunteur,

dire qu'est illicite et abusive la clause de remboursement anticipé des offres initiales,

dire qu'est illicite la clause d'annulation et de révision du contrat figurant dans les offres initiales,

dire qu'est illicite la clause de capitalisation des intérêts figurant dans les offres initiales,

dire que sont illicites et abusives les clause de la nouvelle offre relatives à l'exigibilité anticipée en cas de cession ou d'affectation en garantie de l'immeuble financé lorsque le prêt est garanti par une société de caution mutuelle, de liquidation judiciaire de l'emprunteur ou de la caution, de falsification des documents ayant concouru à l'octroi du crédit, de non-constitution effective des sûretés convenues, et de décès de l'emprunteur,

dire qu'est illicite la clause de la nouvelle offre relative à l'annulation et à la révision du contrat,

ordonner la cessation immédiate de la diffusion de ces clauses à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 1 000 euro par manquement constaté,

condamner la Caisse d'épargne à faire publier à ses frais un extrait du dispositif de l'arrêt dans le quotidien Ouest-France dans les 15 jours de la signification de la décision, sous peine d'astreinte de 1 000 euro par jour de retard,

condamner la Caisse d'épargne au paiement de la somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts,

condamner la Caisse d'épargne au paiement d'une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Appelante à titre incident, la Caisse d'épargne demande quant à elle à la cour de :

à titre principal, déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de suppression de clauses illicites ou abusives figurant dans sa nouvelle offre de prêt,

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la FLCE 35 de sa demande de cessation de diffusion des clauses d'exigibilité anticipée, constaté que l'illicéité des clauses de capitalisation des intérêts de retard, de préavis de remboursement par anticipation, et de remboursement des frais d'études en cas de caducité du contrat sont devenues sans objet et débouté la FLCE 35 de sa demande de publication du jugement,

infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté l'illicéité de la clause d'exigibilité immédiate en cas d'aliénation du bien financé figurant dans les offres initiales et maintenue dans la nouvelle offre, ordonné la cessation immédiate de la diffusion de cette clause sous peine d'astreinte, condamné la Caisse d'épargne au paiement des sommes de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts et de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ne constaterait pas l'irrecevabilité de la demande de suppression de clauses figurant dans sa nouvelle offre, constater que celles-ci ne sont ni illicites, ni abusives,

en conséquence, débouter la FLCE 35 de l'ensemble de ses demandes,

en tout état de cause, condamner la FLCE 35 au paiement d'une indemnité de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour le FLCE 35 le 7 octobre 2014, et pour la Caisse d'épargne le 5 décembre 2014.

Exposé des motifs

Sur les demandes de suppression de clauses abusives ou illicites

Contrairement à ce que la FLCE 35 prétend, la Caisse d'épargne démontre suffisamment par la production d'un constat d'huissier du 18 avril 2013 que les offres de prêt immobilier actuellement proposées aux emprunteurs ont été modifiées.

Dès lors, la demande initiale de l'association de consommateurs en cessation sous astreinte de la diffusion des offres n° E 1249838 et E 1255034, qui ne sont plus proposées, est devenue sans objet.

Si, dans le corps de ses conclusions, la FLCE 35 évoque les dispositions de l'article L. 421-6 alinéa trois du Code de la consommation issues de la loi du 17 mars 2014 conférant aux associations de consommateurs le droit de demander au juge de déclarer non écrites les clauses illicites ou abusives figurant dans des contrats identiques conclus par un même professionnel, elle n'a, dans le dispositif de ces conclusions, pas saisi la cour d'une telle demande relativement à des contrats déjà conclus sur la base des offres initialement diffusées par la Caisse d'épargne.

Or, aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions récapitulées dans le dispositif des conclusions des parties.

En revanche, la FLCE 35 a régulièrement demandé à la cour d'ordonner la suppression de diverses clauses abusives ou illicites figurant toujours dans l'offre actuellement diffusée.

À cet égard, la Caisse d'épargne soutient à tort que cette demande serait irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, alors que, conformément à l'article 566 du Code de procédure civile, cette prétention ne constitue que la conséquence ou le complément de ses prétentions originaires.

En toutes hypothèses, il est de principe que, saisi d'une action collective en suppression de clauses abusives ou illicites, le juge est tenu d'examiner, au besoin d'office, le caractère abusif ou illicite des clauses contractuelles figurant dans le nouveau contrat proposé par un professionnel à sa clientèle, alors même que l'association de consommateurs demanderesse n'aurait pas conclu sur ces clauses.

La clause d'annulation et de révision du contrat

L'articles 4 des deux offres initiales était ainsi conçu :

" Le contrat sera caduc (...) si l'acte de vente ou le contrat de prestation de services auquel le présent prêt est lié n'est pas signé dans un délai de cinq mois qui suit la date de l'acceptation de cette offre par les emprunteurs.

Dans une telle hypothèse, le prêteur conservera les frais de dossier dans les limites fixées par l'article R. 312-1 du Code de la consommation ".

Dans les offres actuellement diffusées, ce même article 4 est rédigé en ces termes :

" Le contrat sera caduc (...) si l'acte de vente ou le contrat de prestation de services auquel le présent prêt est lié n'est pas signé dans un délai de cinq mois qui suit la date de l'acceptation de cette offre par les emprunteurs.

Dans une telle hypothèse, le prêteur conservera des frais d'étude d'un montant de 0,75 % du montant du prêt, sans pouvoir excéder 150 euro, conformément aux dispositions de l'article R. 312-1 du Code de la consommation.

Ces frais d'étude seront perçus par prélèvement ou par chèque libellé à l'ordre du prêteur ".

La FLCE 35 fait valoir que les offres initiales, comme celle diffusée actuellement, seraient illicites, dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-14 du Code de la consommation, elles ne mentionnent pas distinctement le montant des frais d'étude.

Cependant, si les offres initiales ne faisaient en effet pas ressortir distinctement les frais supportés par l'emprunteur en cas de caducité de celles-ci, l'offre actuellement diffusée par la Caisse d'épargne spécifie de façon claire et intelligible les modalités de calcul des frais d'études et le plafond applicable, ainsi que les modalités de perception de ces frais.

La clause d'exigibilité anticipée

Les articles 16 et 18 des conditions générales des offres initiales n° E 1255034 et E 1249838 étaient ainsi conçus :

" Le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite aux emprunteurs par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l'autre des cas suivants :

affectation du prêt à un objet autre que celui prévu à l'offre de prêt,

utilisation du ou des prêts au remboursement des prêts déjà consentis pour le financement de l'opération, à l'exception des prêts ayant servi à l'acquisition du terrain sur lequel est édifiée la construction (cette exception ne s'applique qu'aux prêts conventionnés-PAS) et des prêts accordés dans le cadre de réaménagements,

vente ou cessation d'occupation du logement dans les conditions prévues dans les conditions spécifiques de chaque type de prêt,

liquidation judiciaire de l'emprunteur sauf maintien de l'activité tel que prévu à l'article L. 641-10 du Code de commerce, de procédure collective de la caution le cas échéant, de saisie, avis à tiers détenteur, opposition administrative ou protêt établis à l'encontre de l'emprunteur,

défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et autres accessoires, quinze jours après mise en demeure par simple lettre recommandée,

inexactitude des renseignements fournis lors de la demande de prêt,

défaut de production, dans un délai d'un mois suivant la réquisition qui en sera faite des justifications relatives à l'affectation des fonds aux dépenses de l'opération, objet du prêt,

inobservation de la réglementation spécifique applicable à chaque type de prêt consenti par le prêteur et conditionnant l'octroi de ces prêts (nouveaux prêts à 0 %, prêt conventionné, PAS, ou prêts d'épargne logement),

défaut de paiement des primes d'assurance,

non-réalisation des garanties prévues à l'offre de prêt pour les montants et au rang prévus,

d'une manière générale, inobservation des obligations prévues dans l'offre de prêt.

De plus, les emprunteurs s'interdisent pendant toute la durée du prêt, sous peine d'exigibilité immédiate du prêt :

de ne rien faire qui puisse diminuer la valeur de l'immeuble objet du prêt,

d'en changer la nature ou la destination,

de vendre ou hypothéquer cet immeuble ou de nantir les parts donnant vocation à la jouissance et à la propriété de cet immeuble, sans l'autorisation expresse du prêteur "

Cette clause d'exigibilité anticipée du prêt figure dans la nouvelle offre actuellement diffusée en ces termes :

" Le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite aux emprunteurs par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l'autre des cas suivants :

affectation du prêt à un objet autre que celui prévu à l'offre de prêt,

cession ou affectation en garantie du bien objet du financement par l'emprunteur, en cas de cautionnement du crédit par la Compagnie européenne de garanties et de cautions ou par toute autre société de cautionnement mutuel,

liquidation judiciaire de l'emprunteur, ou de la caution, sauf poursuite de l'activité telle que prévue à l'article L. 643-1 du Code de commerce, jugement prononçant la cession à son encontre,

défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et autres accessoires, quinze jours après mise en demeure par simple lettre recommandée,

falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l'octroi du ou des crédits consentis,

défaut de production imputable à l'emprunteur, dans un délai d'un mois suivant la réquisition qui en sera faite des justifications relatives à l'affectation des fonds aux dépenses de l'opération, objet du prêt,

inobservation de la réglementation spécifique applicable à chaque type de prêt consenti par le prêteur et conditionnant l'octroi de ces prêts,

défaut de paiement des primes d'assurance emprunteur,

non-constitution effective des sûretés prévues au contrat,

décès de l'emprunteur ".

La FLCE 35 soutient que ces clauses, dans leur ensemble, étaient et demeurent abusives au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation en ce qu'elles laissent croire aux emprunteurs que le prêteur dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la survenance d'un cas entraînant la déchéance du terme, et qu'elles seraient de surcroît présumées abusives au sens de l'article R. 132-2-4° du même Code en ce qu'elles reconnaissent au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis raisonnable.

Si les offres initialement diffusées, qui autorisaient la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues dès lors que l'emprunteur n'avait pas observé une quelconque obligation, même mineure, résultant du contrat de prêt, étaient de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs, dans la mesure où elles laissaient penser que l'établissement de crédit disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'existence d'une inobservation quelconque, même mineure, commise par l'emprunteur, il n'en est plus de même de l'offre actuellement diffusée par la Caisse d'épargne qui ne prévoit plus d'exigibilité immédiate pour "d'une manière générale, inobservation des obligations prévues dans l'offre de prêt".

Cette offre n'envisage en effet la déchéance du terme du prêt que dans des circonstances expressément spécifiées dont, lorsqu'il s'agit d'inobservations par l'emprunteur de ses obligations, aucune n'apparaît comme mineure, ce qui exclut que la banque puisse se prévaloir de cette sanction dans des conditions discrétionnaires.

Par ailleurs, l'offre actuellement diffusée subordonne la mise en œuvre de la déchéance du terme à l'envoi préalable d'une mise en demeure en accordant, lorsque la régularisation est encore possible comme en cas de non-paiement d'une échéance de remboursement à bonne date, un délai à l'emprunteur pour s'acquitter de son obligation et en ne faisant en toute état de cause pas obstacle au recours au juge pour contester le bienfondé de la déchéance préalablement annoncée par la mise en demeure.

La FLCE 35 soutient encore que la clause d'exigibilité immédiate en cas de vente ou de cessation d'occupation du logement, ou de diminution de valeur et de changement de nature ou de destination de l'immeuble financé figurant dans les offres initiales serait illicite en ce qu'elle constituerait une atteinte injustifiée au principe constitutionnellement reconnu du droit de disposer de sa propriété de la manière la plus absolue, et que la clause d'exigibilité immédiate en cas de cession ou d'affectation en garantie de l'immeuble financé lorsque le prêt est garanti par une société de caution mutuelle figurant dans l'offre actuellement diffusée porterait toujours illicitement atteinte à ce droit constitutionnel.

Il est exact que l'obligation d'occuper l'immeuble financé et l'interdiction d'en changer la nature ou la destination stipulées dans les offres de prêts initialement diffusées par la Caisse d'épargne étaient illicites et abusives en ce qu'elles portaient atteinte au droit de propriété et créaient un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs, dès lors qu'elles restreignaient exagérément le droit des emprunteurs de jouir librement de leur bien immobilier, sans procurer corrélativement d'avantage déterminant au prêteur en vue de la protection de ses intérêts.

Toutefois, la nouvelle offre limite le droit de la Caisse d'épargne à se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt au seul cas de cession ou d'affectation en garantie au profit d'un tiers d'un immeuble financé au moyen d'un prêt garanti par le cautionnement d'une société de caution mutuelle.

Contrairement à ce qui est soutenu, il ne s'agit nullement d'une clause d'inaliénabilité interdisant à l'emprunteur de disposer de son bien en le vendant, ni même à en restreindre l'usage, de sorte qu'elle ne saurait être déclarée illicite comme étant contraire à l'article 544 du Code civil.

Il ne s'agit pas davantage d'une clause irréfragablement abusive au sens de l'article R. 132-1 du Code de la consommation, dès lors qu'elle ne reconnaît pas à la banque le droit discrétionnaire de modifier la durée du prêt ou de résilier unilatéralement le contrat, la déchéance du terme ne pouvant intervenir que dans la seule hypothèse, qui ne dépend pas de la volonté du prêteur, de transfert de la propriété du bien financé ou de son affectation en garantie au profit d'un tiers.

En cas de vente, cette clause ne crée pas, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, dès lors qu'elle affecte seulement l'usage que l'emprunteur pourra faire du prix de son bien en le contraignant à l'affecter en priorité au remboursement de son prêt immobilier, et que cette obligation est la contrepartie raisonnable du risque particulier pris par le prêteur en consentant un prêt immobilier dont la durée et le montant sont généralement importants.

La durée du contrat rend en effet l'appréciation de la capacité de remboursement de l'emprunteur plus incertaine, et c'est la perspective de la permanence du bien financé dans le patrimoine de celui-ci qui contribue à faire accepter par la banque un risque raisonnable d'évolution défavorable de ces capacités de remboursement.

En outre, en l'absence de cette clause, la banque serait à même d'obtenir un résultat équivalent à l'objectif de maintien du bien financé dans le patrimoine de l'emprunteur en exigeant, à des conditions plus onéreuses pour ce dernier, une inscription d'hypothèque, ce dont il résulte qu'elle ne confère pas au prêteur un avantage sans contrepartie pour l'emprunteur.

Enfin, l'obligation mise à la charge de l'emprunteur, qui ne consiste qu'à affecter tout ou partie du prix de l'immeuble financé au remboursement du capital restant encore dû au moment de la cession, ne le prive pas de la possibilité d'acquérir un nouvel immeuble en empruntant le cas échéant à nouveau sans avoir à supporter la charge d'un encours de crédit immobilier antérieur.

Par ailleurs, la restriction du droit des emprunteurs d'affecter l'immeuble en garantie au profit d'un tiers lorsque celui-ci a été garanti par une société de caution mutuelle est proportionnée à l'objectif de prévention d'exposition de la banque aux risques du crédit et, comme précédemment souligné, la Caisse d'épargne aurait en toutes hypothèses été à même d'obtenir un résultat équivalent en exigeant au moment de l'octroi du prêt une inscription d'hypothèque de premier rang à des conditions plus onéreuses pour l'emprunteur.

Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté l'illicéité de cette clause et ordonné sa suppression.

La FLCE 35 soutient d'autre part que les clauses, figurant dans les offres initiales de la Caisse d'épargne et maintenues dans son offre actuellement diffusée, d'exigibilité immédiate en cas de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de l'emprunteur ou de la caution seraient illicites et abusives.

Il résulte toutefois de l'article L. 643-1 du Code de commerce que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité rend exigibles les créances non échues, de sorte que la clause de déchéance du terme en cas de liquidation judiciaire de l'emprunteur ne fait que reprendre ces dispositions d'ordre public et n'est donc ni illicite, ni abusive.

En revanche, l'exigibilité immédiate du prêt en cas de liquidation judiciaire de la caution crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur, dès lors que, sans faute de sa part, elle fait supporter par celui-ci le risque d'insolvabilité d'un tiers que la banque avait pourtant fait le choix d'accepter comme garant du concours octroyé.

En cela, cette clause est abusive et devra être supprimée de l'offre actuellement diffusée par la Caisse d'épargne, le jugement attaqué étant complété en ce sens.

La FLCE 35 soutient aussi que les clauses d'exigibilité anticipée pour inexactitude des renseignements fournis lors de la demande de prêt telles qu'elles figuraient dans les offres initiales étaient abusives, dès lors qu'elles permettaient à la Caisse d'épargne de se prévaloir de la déchéance du terme même en cas d'erreur mineure sans rapport avec l'obligation essentielle de remboursement incombant à l'emprunteur, et que la clause d'exigibilité immédiate en cas de falsification de documents ou de faux documents fournis ayant concouru à l'octroi du crédit, telle qu'elle figure dans l'offre actuellement diffusée, demeure abusive dans la mesure où elle peut toujours sanctionner un usage involontaire de faux document par l'emprunteur ou une falsification portant sur un détail sans conséquence.

Il est exact que, dans leur rédaction initiale, les clauses autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors que l'une quelconque des déclarations faites par l'emprunteur était reconnue fausse ou inexacte, étaient de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs, dans la mesure où elles laissaient penser que l'établissement de crédit disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'existence d'une inexactitude quelconque dans les déclarations de l'emprunteur.

Mais il a été remédié à cet abus dans l'offre actuellement diffusée, dès lors que, contrairement à ce que la FLCE 35 soutient, la sanction de la déchéance du terme est limitée aux seuls cas de falsifications et d'usages de documents falsifiés imputables à l'emprunteur et de nature à fausser l'appréciation que la banque pouvait avoir, lors de l'octroi du crédit, des risques nés de l'endettement.

La FLCE 35 soutient par ailleurs que les clauses d'exigibilité immédiate en cas de non-réalisation des garanties prévues à l'offre de prêt pour les montants et au rang prévus, telle qu'elles figuraient dans les offres initiales, et de non-constitution effective d'une sûreté contractuellement convenue, telle qu'elle figure dans l'offre actuellement diffusée par la Caisse d'épargne, seraient abusives, dès lors que cette circonstance pourrait ne pas être imputable à l'emprunteur et que l'inscription de la garantie à un rang inférieur n'est pas nécessairement préjudiciable à la banque.

Toutefois, il est loisible au prêteur de conditionner l'octroi de son crédit à la constitution de toute garantie qu'il estime efficace, et il entre dans les obligations essentielles de l'emprunteur de constituer la garantie contractuellement convenue.

Dès lors, la clause litigieuse qui, telle que rédigée dans l'offre actuellement diffusée, ne permet pas à la banque, contrairement à ce que la FLCE 35 prétend, de se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme pour perte du rang de la sûreté en raison de sa propre inaction, ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs et n'est donc pas abusive.

La FLCE 35 soutient enfin que la clause d'exigibilité anticipée pour décès de l'emprunteur, telle qu'elle figure dans l'offre actuellement diffusée, serait abusive, dès lors qu'elle permet à la Caisse d'épargne de se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme même en cas de poursuite du remboursement du prêt à bonne date par un coemprunteur ou par les héritiers du défunt.

Le prêt étant consenti par la banque en considération de la situation patrimoniale et du sérieux de son cocontractant, il n'est pas abusif qu'en l'absence de coemprunteur, celle-ci se prévale de la déchéance du terme en cas de survenance de son décès, peu important l'intention des héritiers de poursuivre l'exécution du contrat.

En revanche, cette clause d'exigibilité immédiate crée un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs, dès lors qu'elle laisse croire à un coemprunteur survivant continuant à respecter son obligation de remboursement ou bénéficiant du paiement par l'assureur des prestations prévues en cas de décès du bénéficiaire de la police, que la banque peut néanmoins se prévaloir discrétionnairement de la déchéance du terme du prêt.

En cela, cette clause est abusive, de sorte qu'elle devra, être supprimée, le jugement attaqué étant complété en ce sens.

Sur les mesures réparatoires

Pour les motifs précédemment exposés, il convient d'ordonner la cessation de la diffusion des clauses jugées abusives dans le mois de la signification du présent arrêt, sous peine d'astreinte provisoire de 1 000 euro par manquement constaté par la production d'une offre proposée à un emprunteur et continuant à comporter ces clauses.

Pour parvenir à une réparation adéquate et intégrale du préjudice résultant de la diffusion de clauses jugées abusives, il est nécessaire d'ordonner, en application de l'article L. 421-9 du Code de la consommation, la publication du dispositif du présent arrêt dans la rubrique d'annonces légales et judiciaires du journal Ouest-France, toutes éditions du samedi.

Il n'y a pas lieu à astreinte, la FLCE 35 étant autorisée à faire procéder à la publication aux frais de la Caisse d'épargne sans que le coût de l'insertion puisse excéder 5 000 euro HT.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

D'autre part, il est de principe que la stipulation de clauses abusives constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs justifiant l'octroi de dommages-intérêts à l'association ayant agi en suppression de ces clauses.

À cet égard, il convient de rappeler que l'offre actuellement diffusée par la Caisse d'épargne comporte toujours des clauses jugées abusives, source d'un préjudice collectif pour les consommateurs.

Au regard de ce préjudice ainsi caractérisé, il sera alloué à la FLCE 35 une somme de 7 500 euro à titre de dommages-intérêts.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de l'association de consommateurs demanderesses l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'en sus de l'indemnité équitablement allouée par le premier juge en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la Caisse d'épargne sera condamnée au paiement d'une indemnité complémentaire de 5 000 euro

Par ces motifs, LA COUR : Infirme partiellement le jugement rendu le 30 octobre 2012 par le Tribunal de grande instance de Rennes ; Statuant à nouveau sur l'entier litige, Dit que la demande de suppression de clauses abusives ou illicites figurant dans les offres de prêt immobilier n° E 1249838 et E 1255034 diffusées par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire est devenue sans objet du fait de la modification de ces offres par la banque ; Déclare la demande de suppression de clauses abusives ou illicites figurant dans l'offre de prêt immobilier actuellement diffusée par la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire recevable ; Déclare abusives les clauses d'exigibilité anticipée en cas : de liquidation judiciaire de l'emprunteur et de la caution, en ce qu'elle concerne la caution, de décès de l'emprunteur, en ce qu'elle laisse croire au coemprunteur survivant qu'elle peut lui être appliquée ; Ordonne à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire de supprimer ces clauses de son offre de prêt immobilier actuellement diffusée dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d'astreinte provisoire de 1 000 euro par manquement qui sera constaté par la simple production d'une offre proposée à un emprunteur et continuant à comporter ces clauses ; Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt dans la rubrique d'annonces légales et judiciaires du journal Ouest-France, toutes éditions du samedi ; Autorise la Fédération du logement, de la consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine à procéder à cette publication aux frais de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire, sans que le coût de l'insertion puisse excéder 5 000 euro HT ; Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire à payer à la Fédération du logement, de la consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine une somme de 7 500 euro à titre de dommages-intérêts ; Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire à payer à la Fédération du logement, de la consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bretagne-Pays de Loire aux dépens de première instance et d'appel ; Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Accorde à la Selarl d'avocats Sevestre et Sizaret le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.