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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 3 mars 2016, n° 14-03998

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Reveny (SCEA)

Défendeur :

Green Produce (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

Mmes Hairon, Rochette

Avocats :

Mes Sergent, Pascal, Roig, Vajou

T. com. Avignon, du 21 mars 2014

21 mars 2014

EXPOSE DU LITIGE

Fin juillet 2011, la SCEA Reveny, exerçant une activité de producteur de salades-maraîcher à Saint-Étienne du Gres a vendu à la société SAS Green Produce and Variations, grossiste exportateur, trois lots de salades de type "frisée variété Ophélie", destinés à sa cliente espagnole la société Primaflor située dans la région de Murcilla.

À l'arrivée des camions, la société Primaflor a refusé la marchandise en indiquant que les cœurs de salades présentaient des tâches brunes, ce qui les rendait impropres à leur consommation.

Aucun accord amiable n'ayant pu être trouvé, la marchandise a été détruite et la société SAS Green Produce a refusé de payer les factures qui lui ont été adressées pour un montant global de 13 984,85 euro.

Saisi par la SCEA Reveny d'une action en paiement, selon assignation en date du 20 octobre 2011, le Tribunal de commerce d'Avignon a rejeté l'ensemble des demandes de celle-ci, et faisant droit aux demandes reconventionnelles de la SAS Green Produce a:

- condamné la SCEA Reveny à restituer à la SAS Green Produce les 5 400 caisses qu'elle a en dépôt, avec une astreinte de 50 euro par jour de retard après la signification du présent jugement, ou à lui payer la somme de 8 100 euro si les 5 400 caisses n'étaient pas restituées, un mois après la date de signification du jugement

- condamné la SCEA Reveny à payer une somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 août 2014, la SCEA Reveny a relevé appel de la décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2015, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la SCEA Reveny demande à la cour de :

- constater que la prétendue avarie ne peut résulter avec certitude d'un manque de qualité de la marchandise

- constater que les caisses litigieuses n'ont pas été utilisées par la SCEA Reveny ou ont été restituées à la société IFCO

En conséquence,

- dire et juger que la société concluante s'est conformée aux prescriptions contractuelles sur la quantité et la qualité des produits

- condamner la société SAS Green Produce au paiement du solde des factures du 31 juillet 2011 d'un montant de 13 984,85 euro TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation du 20 octobre 2011

- débouter la SAS Green Produce de ses prétentions tendant au paiement de la somme de 19 800 euro

- condamner la SAS Green Produce au paiement d'une somme de 2 000 euro à titre de dommages- intérêts pour réticence abusive au paiement

- condamner la SAS Green Produce au paiement d'une somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses ultimes écritures, notifiées par voie électronique le 9 octobre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SAS Green Produce and Variations forme appel incident, demande à la cour, au visa de l'article 1641 du Code civil, de déclarer mal fondé l'appel de la SCEA Reveny et de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SCEA Reveny de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- déclarer recevable et bien-fondé son appel incident

- condamner la SCEA Reveny à restituer les 13 200 caisses qui lui ont été livrées sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir et, passé un délai d'un mois, condamner la société au paiement du montant de la consigne IFCO perdue par la société SAS Green Produce en raison des agissements de la SCEA Reveny, à savoir la somme de 19 800 euro

Y ajoutant,

- débouter la SCEA Reveny de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires

- condamner la SCEA Reveny au paiement d'une somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles devant la cour d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en accordant à son conseil le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ordonnance du en septembre 2015, la clôture de la procédure a été prononcée à effet différé au 15 octobre 2015.

Par arrêt du 5 novembre 2015, la cour a ordonné le renvoi de l'examen de l'affaire à l'audience du 11 janvier 2016, en raison du mouvement de grève des avocats du barreau de Nîmes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyens d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

Sur les demandes de la SCEA Reveny

Au soutien de son appel, la SCEA Reveny conteste les éléments retenus par le tribunal pour rejeter ses demandes et fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, la preuve n'est pas rapportée que les salades vendues auraient présenté des taches brunes, et que ses défauts lui seraient imputables. Elle précise que 20 autres ventes ont été réalisées à partir du même lot de salades et sur la même variété de salade frisée et qu'aucun client n'a fait part de difficulté sur la qualité de la marchandise. Elle estime donc qu'il existe un doute, et qu'en conséquence il convient de dire qu'elle s'est conformée aux prescriptions contractuelles sur la quantité et la qualité des produits et qu'elle est bien fondée à réclamer paiement des 3 factures correspondant à la marchandise livrée.

La SAS Green Produce réfute cette argumentation et maintient que les salades vendues présentaient des défauts qui sont imputables à la SCEA Reveny, et constituent des vices cachés dont celle-ci doit garantie, la marchandise étant impropre à la consommation. Elle s'oppose donc au paiement des factures.

Aux termes des dispositions de l'article 1641 du Code civil, le vice caché se définit comme un défaut de la chose qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il en avait eu connaissance. Il s'ensuit que pour engager la garantie, il faut que le vice soit caché, présente une gravité suffisante et soit antérieure à la vente, ou plus précisément au transfert de propriété.

En conséquence, dès lors que l'obligation de délivrance a été matériellement exécutée, il incombe à l'acquéreur d'établir que la chose ne répond pas à l'usage que l'on peut en attendre, et démontrer d'une part l'existence d'un vice, la gravité de celui-ci, mais également le caractère caché du vice et l'antériorité du vice par rapport à la vente.

Le 27 juillet 2011, la SCEA Reveny a fait livrer 26 palettes de salades frisées à la société espagnole Primaflor sur commande de la SAS Green Produce. Cette livraison a fait l'objet de la facture n° 11 334 du 31 juillet 2011 d'un montant de 6 375,60 euro TTC.

Le 29 juillet 2011 une 2e livraison de 26 palettes de salades frisées a été effectuée à la société espagnole Primaflor sur commande de la SAS Green Produce. Cette livraison a fait l'objet de la facture n° 11 336 d'un montant de 5 544 euro TTC en date du 31 juillet 2011.

Le 30 juillet 2011, la société espagnole Primaflor a reçu une 3e livraison de 10 palettes de salades frisées sur commande de la SAS Green Produce. Cette livraison a donné lieu à la facture n° 11 337 d'un montant de 2 065,25 euro TTC établie le 31 juillet 2011.

Il est justifié et non contesté, que dès réception de la première livraison la société Primaflor a refusé de prendre possession des marchandises livrées, en indiquant que les salades présentaient des taches brunes. La société Primaflor a refusé, pour les mêmes motifs, les deuxième et troisième expéditions.

Dès le 29 juillet, la SAS Green Produce a informé la société SCEA Reveny par mail des difficultés et du refus de la société Primaflor de prendre livraison des marchandises.

La société SCEA Reveny conteste tout défaut et prétend qu'aucune constatation contradictoire n'a été effectuée. La société SAS Green Produce verse cependant aux débats, une attestation régulière en la forme aux termes de laquelle, un salarié, commercial de la société Primaflor affirme qu'une " personne se présentant de la part de la SCEA Reveny est venue voir les salades litigieuses début août 2011 et a constaté la présence des taches marron sur le produit ". Bien que ce fait ait été abordé dans un mail qui lui a été adressé le 17 août 2011 et non contesté, la SCEA Reveny ne s'explique pas sur ce point.

Au soutien de ses allégations, la SAS Green Produce verse également aux débats le diagramme des températures du camion pendant le transport qui permet d'établir que les températures ont été maintenues à une valeur égale à 6° C. Elle justifie enfin avoir fait examiner 3 colis de salades par un laboratoire d'analyses indépendant, et accrédité, spécialiste en analyses agro-alimentaires sur les végétaux, qui ont été réceptionnés par ledit laboratoire le 5 août 2011, lequel a conclu que les salades présentaient des nécroses marginales au niveau des feuilles, correspondant à un problème physiologique appelé Tip Burn. Le laboratoire a expliqué que ces symptômes étaient dus à un stress hydrique ou thermique à proximité de la récolte avec une expression des symptômes en chambre froide.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la preuve est rapportée que le transport ne peut être incriminé et que les taches brunes constatées étaient inhérentes aux salades et ont été provoquées au cours de la culture de celle-ci. Il apparaît dès lors que les défauts constatés étaient antérieurs à la vente et ne pouvait être décelés lors de l'expédition, puisqu'ils se sont révélés après 2 jours passés en camion frigorifique.

La SCEA Reveny prétend que les autres salades provenant de la même parcelle et du même lot n'ont pas fait l'objet de réclamation. Elle ne produit cependant, pour seules et uniques pièces justificatives, que les factures correspondant à ces ventes, ce qui ne peut suffire à démontrer, qu'aucune réclamation n'a été formulée et que la marchandise vendue ne présentait aucun défaut.

La marchandise s'est révélée impropre à la consommation et a été détruite, avec l'accord de la SCEA Reveny qui en tout état de cause n'a pris aucune mesure pour récupérer la marchandise livrée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du tribunal, qui par des motifs pertinents, a estimé, au visa des articles 1641 et 1643 du Code civil, que la SCEA Reveny était tenue de la garantie des vices cachés des marchandises vendues et ne pouvait solliciter paiement du prix.

Sur les demandes de la SAS Green Produce

La SAS Green Produce fait valoir que pour faire livrer les salades achetées auprès de la SCEA Reveny elle faisait livrer par la société IFCO des palettes qu'elle louait au prix unitaire de 0,85 euro et qui avait un prix de consignes reversées par IFCO au moment où elles étaient restituées de 1,50 euro. La SAS Green Produce prétend avoir fait livrer en septembre 2011, 26 palettes, soit 26 × 300= 7 800 caisses destinées à recevoir de la marchandise, puis en octobre 2011, 18 palettes de 300 caisses. Elle soutient que ces caisses ne lui ont jamais été restituées et sont toujours en la possession de la société SCEA Reveny, ce que conteste cette dernière.

La SCEA Reveny soutient que la SAS Green Produce ne rapporte pas la preuve que ces caisses lui auraient été livrées, ni que ces caisses seraient toujours en sa possession et s'oppose aux demandes.

La SAS Green Produce verse aux débats une facture de transport du 7 novembre 2011 attestant que 18 palettes d'emballage ont effectivement été livrées à la société SCEA Reveny le 19 octobre 2011. Elles justifient également d'un échange de courriels au mois de septembre 2011 avec la société SCEA Reveny permettant d'établir que du 1er janvier au 8 septembre 2011, la société SCEA Reveny avait reçu 26 palettes de type 6424 x 300 vendues par la société IFCO. Elle ne justifie pas cependant des factures de location à la société IFCO.

Au vu de ces éléments, et en l'absence de toute explication et de tout justificatif de la SAS Green Produce, le tribunal a justement considéré d'une part que la société SAS Green Produce n'apportait pas la preuve que les 7 800 caisses reçues au cours de l'année 2011 n'avaient pas été utilisées pour honorer les commandes et étaient toujours en la possession de la société SCEA Reveny, et d'autre part que les 5 400 caisses livrées le 19 octobre 2011 étaient nécessairement toujours en la possession de la société SCEA Reveny en l'état de la rupture des relations commerciales entre les sociétés, faute pour pour la SCEA Reveny de justifier qu'elle aurait effectivement restituer ces caisses comme elle le prétend.

Il convient en conséquence de confirmer la décision, en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution relative aux 7 800 caisses reçues avant le mois d'octobre 2011, et ordonné la restitution sous astreinte des 5 400 caisses livrées le 19 octobre 2011.

La SAS Green Produce verse aux débats un avoir de consignations de la société IFCO qui permet d'établir que les caisses sont effectivement consignées 1,50 euro pièce. La somme de 8 100 euro réclamée à défaut de restitution est donc justifiée.

La décision doit être confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais d'instance

La SCEA Reveny succombe en son appel et devra assumer les dépens ainsi que les frais irrépétibles exposés par la SAS Green Produce que la cour arbitre à la somme de 1 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit les appels en la forme, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, y ajoutant, Condamne la SCEA Reveny à payer à la SAS Green Produce une somme de 1 800 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SCEA Reveny aux dépens, Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la Selarl Lexavoue Nîmes, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens, dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision