CA Amiens, 1re ch. civ., 8 octobre 2015, n° 14-00789
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Peugeot Motocycles (SA)
Défendeur :
Debruyne (Epoux), Pacifica (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boiffin
Conseillers :
Mmes Lorphelin, Liberge
Avocats :
Mes Godreuil, Barety, de la Royere
DÉCISION :
Mme Nadia Hugot épouse Debruyne a acquis pour son fils Christopher un scooter neuf de marque Peugeot modèle Ludix Ice Blade, mis en circulation le 28 mai 2010 et produit par la société Peugeot Motocycles.
Le 23 juin 2010, vers 22h00, un incendie s'est déclaré dans la dépendance de l'immeuble des époux Christophe et Nadia Debruyne situé [...] où avait été remisé ce scooter vers 21H45, incendie ayant provoqué la destruction de cette dépendance et celle des autres véhicules et biens meubles s'y trouvant.
Imputant l'origine de cet incendie à la défectuosité du scooter, M. Christophe Debruyne a assigné le 13 août 2012 la société Peugeot Motocycles devant le Tribunal de grande instance d'Amiens afin d'obtenir la condamnation de celle-ci à l'indemniser de ses préjudices sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil.
Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance d'Amiens devant lequel sont intervenus Mme Nadia Debruyne et la société Pacifica, assureur des époux Debruyne, a :
- dit que la société Peugeot Motocycles est responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil,
- fixé le préjudice des époux Debruyne à la somme de 91 277 euro,
- condamné la société Peugeot Motocycles à payer à la société Pacifica, subrogée dans les droits de M Debruyne, la somme de 84 545 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et aux époux Debruyne la somme de 6 732 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Peugeot Motocycles aux dépens et à payer " aux demandeurs " la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel de ce jugement formé par la société Peugeot Motocycles et ses conclusions signifiées le 15 mai 2014 par lesquelles, en poursuivant l'infirmation à titre principal, elle demande à la cour de débouter les époux Debruyne et la société Pacifica de toutes leurs prétentions et de les condamner en tous les dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ou, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux Debruyne de leurs demandes au titre de l'indemnisation du scooter, de l'immobilisation des deux véhicules Ford et Suzuki, des honoraires d'expertise et des frais de destruction,
Vu les conclusions signifiées le 11 juillet 2014 par lesquelles les époux Christophe et Nadia Debruyne et la société Pacifica, intimés, demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la société Peugeot Motocycles de toutes ses prétentions et de la condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à leur verser la somme de 3 000 euro par application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile,
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'à l'appui de son recours et pour conclure, à titre principal, au rejet de toutes les demandes formées à son encontre par les époux Debruyne et la société Pacifica, la société Peugeot Motocycles soutient que ceux-ci ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un défaut affectant le scooter litigieux au moment de sa vente alors qu'ils ne démontrent pas non plus en avoir fait un usage 'raisonnable', n'ayant pas respecté le plan d'entretien qui prévoyait une première révision impérative à l'issue du délai d'un mois après la vente ou les premiers 500 km parcourus, bien que M Christopher Debruyne ait signalé au concessionnaire avoir décelé une odeur de brûlé en provenance de ce scooter ;
Qu'elle estime que cette faute l'exonère de toute responsabilité dans la survenance du sinistre, dès lors que " le constructeur ne peut garantir son produit qu'à la condition que le plan d'entretien soit parfaitement respecté par l'utilisateur " ;
Qu'elle ajoute démontrer l'absence de défaut lors de la mise en circulation du scooter en faisant valoir que si ce défaut avait existé dès ce moment, le scooter aurait " obligatoirement pris feu immédiatement après cette mise en circulation ou dans les jours l'ayant suivie, ce qui n'a pas été le cas ", ce que confirme, selon elle, l'apparition ultérieure " d'une odeur de brûlé " ;
Considérant, cependant, qu'il ressort des constatations et conclusions non contestées de l'expertise amiable contradictoire réalisée par M François Bignon du Laboratoire Lavoue, expert mandaté par la société Pacifica, que " le sinistre incendie a pris naissance au droit du scooter ", cet incendie apparaissant " être intrinsèque au scooter " ; qu'ayant pris feu, ce scooter, mis en circulation le 28 mai 2010 et qui totalisait 853 km lors du sinistre litigieux, est ainsi à l'origine du dommage subi par les époux Debruyne ;
Qu'une telle inflammation de ce scooter hors de toute intervention humaine caractérise la défectuosité, au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil, de ce produit qui, dans ces conditions, n'offrait pas la sécurité à laquelle son acquéreur pouvait légitimement s'attendre ;
Considérant que comme les intimés l'opposent à l'appelante et l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le défaut de respect des préconisations du fabricant en ce qui concerne la première révision d'entretien du scooter, le seuil des 500 km prévu pour cette révision ayant été dépassé d'environ 300 km lors du sinistre, ne peut suffire à caractériser un usage anormal du produit de nature à remettre en cause cette garantie de sécurité à laquelle son acquéreur pouvait légitimement prétendre, s'agissant en particulier de l'absence de risque d'incendie hors de toute intervention humaine ;
Que ce défaut ne peut davantage constituer une faute exonérant le fabricant de sa responsabilité en application de l'article 1386-13 du Code civil puisqu'il n'est pas établi qu'il ait un lien avec l'inflammation du scooter, ainsi que le prétend sans le prouver d'aucune manière la société Peugeot Motocycles, et qu'à cet égard, est dépourvu de portée probante car émanant d'elle-même, le courrier de cette société du 13 juillet 2011 rapportant l'indication fournie par son concessionnaire selon laquelle " le conducteur du scooter " avait déclaré à ce dernier avoir, avant le sinistre, " décelé une odeur de brûlé " " en provenance du scooter ", assertion dont les intimés contestent l'exactitude ;
Considérant que pour le même motif, la société Peugeot Motocycles ne prouve pas plus que le défaut affectant le scooter et à l'origine des dommages, n'ait pas existé lorsque celui-ci a été mis en circulation pour la première fois, le 28 mai 2010, la seule circonstance, invoquée par elle, que l'incendie soit survenu environ un mois après, le 23 juin 2010, et non " immédiatement " après cette première mise en circulation, ne pouvant davantage y suffire ;
Considérant que c'est donc par une juste appréciation des éléments qui lui étaient soumis et par des motifs pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a dit la société Peugeot Motocycles responsable de plein droit du dommage causé par le défaut de son produit sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil ;
Considérant que les dispositions du jugement entrepris relatives à l'évaluation de ce dommage, non critiquées, doivent être elles aussi confirmées, étant ici observé qu'en appel, les époux Debruyne et la société Pacifica ne remettent pas en cause celles les ayant déboutés de leurs demandes au titre de l'indemnisation du scooter, de l'immobilisation des deux véhicules Ford et Suzuki détruits lors de l'incendie, des honoraires d'expertise et des frais de destruction ;
Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la société Peugeot Motocycles qui succombe en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel et à verser aux intimés la somme de 1 200 euro par application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Condamne la société Peugeot Motocycles aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société Pacifica et aux époux Nadia et Christophe Debruyne la somme de 1 200 euro par application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.