Livv
Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 30 octobre 2015, n° 14-02145

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Munoz

Défendeur :

Axa France Iard (SA), SIF Unis France (SAS), Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale, Mutuelle Nationale Militaire Devenue Mutuelle Uneo, Organisme Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potee

Conseillers :

Mmes Contal, Clement

Avocats :

Mes Bacle, Froidefond de la SCP Billy Froidefond

TGI Poitiers, du 14 avr. 2014

14 avril 2014

Faits et procédure

M. Munoz et Mme Nouts ont fait l'acquisition, au magasin super U de Saint Georges les Baillargeaux, d'un siphon à chantilly fabriqué et distribué par la société SIF Unis France.

Lors de l'utilisation de ce siphon le 1er janvier 2011, la tête vissée sur celui-ci a explosé et M. Munoz a été grièvement blessé à l'oeil gauche, dont il a définitivement perdu la vision.

Une expertise amiable du siphon a été réalisée par la société Polyexpert désignée par la GMF, assureur de M. Munoz en présence de la société Unis France et de son assureur, la société Axa Assurances.

Le 18 janvier 2012, M. Munoz a assigné en référé la société SIF Unis afin de voir ordonner une mesure d'expertise médicale.

Par ordonnance en date du 7 mars 2012, le président du tribunal de grande instance de Poitiers a ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au Docteur Yves Poupet qui a déposé son rapport d'expertise définitif.

Au vu de ce rapport, M. Munoz a fait assigner devant le tribunal de grande instance la société SIF Unis France et sa compagnie d'assurances, la société Axa sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil pour obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 14 avril 2014, le tribunal a :

- prononcé le rabat de l'ordonnance de clôture à la date de l'audience des plaidoiries le 10 février 2014 ;

- dit que M. Munoz n'avait pas démontré l'existence d'un défaut du produit fabriqué par la société SIF Unis France ;

- dit mal fondée l'action sur l'article 1384 alinéa 1 du Code civil,

- débouté M. Munoz en toutes ses demandes ;

- dit que M. Munoz devra supporter l'ensemble des dépens de l'instance et l'a condamné en tant que de besoin au paiement de ceux-ci.

La cour

Vu l'appel de ce jugement interjeté par M. Munoz ;

Vu les conclusions de M. Munoz en date du 27 juin 2014 aux termes desquelles il demande à la cour de :

- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la Caisse Nationale Militaire De Sécurité Sociale et à la Mutuelle Uneo.

- vu les articles 1386-1 et suivant du Code civil, dire que la société SIF Unis est responsable au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux des dommages subis par lui

- condamner solidairement la société SIF UNIS et son assureur Axa à lui payer les sommes suivantes :

'132 euro en réparation de son déficit fonctionnel temporaire total,

'1 220,20 euro en réparation de son déficit fonctionnel temporaire,

'6 000 euro au titre des souffrances endurées,

'1 500 euro en réparation de son préjudice esthétique temporaire,

'41 170 euro en réparation de son déficit fonctionnel permanent,

'70 000 euro au titre de l'incidence professionnelle

'83 712 euro en réparation de la perte de gains professionnels futurs,

'5 000 euro en réparation de son préjudice d'agrément,

Total : 208 734,20 euro

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal depuis le 1er janvier 2011 date de l'accident.

- condamner la société SIF Unis et la compagnie Axa au paiement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société SIF Unis et la compagnie Axa aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise,

Vu les conclusions de la société SIF Unis France et de la société Axa du 25 août 2014 dans desquelles elles demandent à la cour de :

- dire que M. Munoz ne démontre pas l'existence d'un défaut du produit fabriqué par la société SIF Unis France et le débouter de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, si le principe de responsabilité devait être retenu, débouter M. Munoz de sa demande au titre du préjudice d'agrément ainsi qu'au titre de sa demande de pertes de gains professionnels futurs

- dire qu'il y a lieu de réduire de manière significative la demande présentée au titre de l'incidence professionnelle et en tout état de cause, débouter M. Munoz de sa demande à hauteur de 70 000 euro

- surseoir à statuer sur les demandes de M. Munoz en raison de l'absence de créance des organismes sociaux

- débouter M. Munoz de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamner à leur verser la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu la signification de la déclaration d'appel par actes des 2 juillet et 15 juillet 2014 délivrée par M. Munoz à la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale et à La Mutuelle Nationale Militaire lesquelles n'ont pas constitué avocat ;

Sur ce

Aux termes de l'article 1386-1 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

L'article 1386-4 prévoit qu'un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.

L'article 1386-9 du même Code précise que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Enfin l'article 1386-13 indique que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la victime doit d'abord prouver qu'elle a subi un dommage. Elle doit également rapporter la preuve que le dommage découle d'un défaut du produit c'est à dire que le produit n'offrait pas la sécurité à laquelle elle pouvait légitimement s'attendre. Enfin la charge de la preuve du lien de causalité entre le dommage et le défaut de sécurité de la chose incombe aussi à la victime.

Si en l'espèce l'existence du dommage et le lien de causalité entre le dommage et le siphon ne sont pas sérieusement contestés, les parties s'opposent sur le caractère défectueux du produit.

Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'expertise amiable contradictoire du siphon que la rupture et la multiplicité des débris de la tête de siphon laissent penser à un phénomène de rupture sous contrainte liée à la pression dans la bouteille et que le défaut matière de la tête de siphon peut résulter d'un défaut dans le coulage de la matière plastique ou d'un choc ayant généré une amorce de rupture.

L'expert amiable ajoute que si l'identification de la causalité de la rupture nécessite le concours d'un laboratoire spécialisé en avarie sur matière plastique, en l'absence de la totalité des débris, il ne peut être certain que les analyses permettent la localisation du défaut primaire à l'origine de l'amorce de la rupture.

L'expert conclut qu'au stade de l'expertise, aucune causalité précise ne peut être identifiée et il ajoute " Nous ne pouvons exclure qu'un choc par l'usager ou antérieur à l'achat ait endommagé la tête et provoqué une amorce de rupture ".

La seule implication du siphon dans la réalisation du dommage subi par M. Munoz ne suffit pas à établir son défaut au sens de l'article 1386-1 du Code civil.

Il n'est pas contesté par M. Munoz qu'il a bien pris connaissance des conditions d'utilisation mentionnées sur la notice d'information incluse avec le siphon litigieux.

Cette notice d'information indique clairement au chapitre Indications de sécurité que :

- l'utilisation de matières premières non conformes peut bloquer la vanne et dans un tel cas ne pas dévisser la tête de l'appareil. Le placer sur une table ou dans l'évier et attendre un moment jusqu'à ce que le contenu soit retombé. Couvrir ensuite la tête de l'appareil d'un torchon et presser légèrement le levier jusqu'à ce que tout le gaz soit évacué

- le siphon à crème est un appareil soit pression. S'il tombe ou s'il est endommagé, il représente une source de danger potentielle et ne doit plus être utilisé...

Or il ressort des propres déclarations de M. Munoz qu'ayant constaté que la préparation dans le siphon ne sortait pas malgré la cartouche de gaz, il avait néanmoins continué à manipuler le siphon sous pression sans respecter la procédure recommandée dans cette hypothèse.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société SIF Unis France a fourni les informations suffisantes pour attirer l'attention de l'utilisateur du siphon lorsque celui-ci est sous pression

Dans ces conditions, en raison, d'une part, de l'absence de preuve d'une défaillance technique du siphon et, d'autre part, des informations suffisantes fournies par le fabricant de celui-ci sur son usage, il convient de considérer que ce siphon à chantilly offrait à son utilisateur la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s'attendre.

Aucune responsabilité dans la survenance de l'accident ne peut, dès lors, être retenue à l'encontre de la société SIF Unis France sur le fondement de la responsabilité du fait d'un produit défectueux.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré.

Les circonstances de la cause ne justifient pas l'octroi d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Y ajoutant ; Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. Munoz aux dépens d'appel.