CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 11 mars 2016, n° 13-16061
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MTV Logistique (SARL)
Défendeur :
Orru (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Schoonwater, M. Richard
Avocats :
Mes Henry, Cornut, Boccon Gibod, Meiffret-Delsanto
Faits et procédure
La société Orru a eu recours aux services de la société de transport MTV Logistique à partir de fin juin 2010. Le 29 septembre 2010, la société Orru a informé la société MTV Logistique de la fin du recours à ses services à compter du 1er décembre 2010 en raison de la réorganisation du service logistique, rupture confirmée par lettre recommandée du 1er octobre 2010 à MTV. La société Orru a accepté, à la demande de MTV, que le préavis s'achève fin décembre 2010.
Par exploit en date du 22 avril 2011, la MTV Logistique a assigné la société Orru devant le Tribunal de commerce de Toulon aux fins notamment de constater la rupture brutale, par la société Orru, de la relation existante et de condamner Orru au paiement de la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts,
Par jugement du 14 mars 2012, le Tribunal de commerce de Toulon a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Marseille en application de l'article 47 du Code de procédure civile au motif de l'élection de Monsieur Ferrero, dirigeant de la société Orru, élu juge au Tribunal de commerce de Toulon.
Par jugement rendu le 11 avril 2013, le Tribunal de commerce de Marseille a débouté la société MTV Logistique de toutes ses demandes et condamné la société MTV Logistique à payer à la société Orru la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,
La société MTV Logistique a interjeté appel de ce jugement le 1er aout 2013.
Par ses dernières conclusions signifiées le 24 février 2014, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 11 avril 2013 par le Tribunal de commerce de Marseille ;
- constater la brusque rupture de ses relations avec la société Orru ;
- en conséquence, condamner la société Orru à payer à la société MTV Logistique la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- condamner la société Orru à payer à la société MTV Logistique la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Sur la régularité de la saisine du Tribunal de commerce de Marseille, elle fait valoir qu'Orru est irrecevable en son exception d'incompétence, n'ayant soulevé in limine litis aucune exception de procédure en ce sens devant le Tribunal de commerce de Marseille, et qu'en tout état de cause le problème invoqué a été régularisé dans la mesure où le Tribunal de commerce de Toulon s'est déclaré spontanément incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille (même si ce n'est pas pour les raisons citées par Orru). Sur le fond, elle soutient qu'existait entre les parties une relation commerciale établie depuis juin 2010, de sorte que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce est applicable. Elle prétend que la notification de la rupture n'a pas été régulière car la lettre n'a pas été adressée à MTV, lettre qui n'a d'ailleurs pas été refusée, mais a été adressée à une autre société elle-même en liquidation judiciaire.
La société Orru, par ses dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2013, demande à la cour de :
A titre principal,
- statuant à nouveau, dire qu'en assignant la société Orru devant le Tribunal de commerce de Toulon, la société MTV Logistique n'a pas respecté la procédure visée aux articles L. 442-6, III alinéa 5, D. 442-3 et l'annexe 4-2-1 du Code de commerce ;
- en conséquence, rejeter intégralement les demandes formées par la société MTV Logistique ;
A titre subsidiaire,
Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 11 avril 2013, en ce qu'il a dit que la relation commerciale entre la société Orru et la société MTV Logistique n'était pas établie ;
En conséquence, débouter la société MTV Logistique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre infiniment subsidiaire :
- dire que la société Orru a adressé un préavis écrit et n'a pas rompu la relation commerciale avec la société MTV Logistique de manière brutale ;
- en conséquence rejeter intégralement les demandes formées par la société MTV Logistique ;
En tout état de cause :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 11 avril 2013, en ce qu'il a condamné la société MTV Logistique à payer à la société Orru la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;
- condamner la société MTV Logistique à payer à la société Orru la somme de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Elle soutient que la procédure est irrégulière, le litige ayant été porté devant le Tribunal de commerce de Toulon, et non devant celui de Marseille en violation de l'annexe 4-2-1 visée par l'article D. 442-3 du Code de commerce.
Sur le fond, elle fait valoir :
- que la relation avec l'appelante n'est pas établie au sens de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce, l'appelante ne justifiant que de 6 factures sur une période de 6 mois ;
Que la rupture du contrat n'a pas été brutale car d'une part, elle a donné lieu à un préavis d'un mois, d'autre part, Orru a informé MTV de la rupture par courrier électronique, puis par lettre recommandée avec accusé de réception, courrier que l'appelante a cependant refusé.
Elle conteste enfin le montant du préjudice allégué par l'appelante dans la mesure où cette dernière prétend avoir réalisé un chiffre d'affaires moyen de 10 000 euro par mois, alors que les factures établies sur la période sont de seulement 7 260,63 euro HT.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure. " ;
Sur la régularité de la procédure
Considérant que seules les juridictions visées par l'article D. 442-3 du Code de commerce et son annexe 4-2-1 sont compétentes pour statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code ; que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir, laquelle peut, conformément à l'article 123 du Code de procédure civile, être soulevée en tout état de cause ; la demande de la société Orru tendant à voir dire la procédure irrégulière sur le fondement de l'article D. 442-3 du Code de commerce est en conséquence recevable ;
Considérant qu'il est constant que le jugement entrepris a été rendu par le Tribunal de commerce de Marseille, juridiction en l'espèce compétente aux termes de l'annexe 4-2-1 visée par l'article D. 442-3 du Code de commerce ; qu'il est indifférent que ce tribunal ait été saisi par renvoi au visa de l'article 47 du Code de procédure civile, et non en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce ; que la société Orru sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef ;
Sur la rupture
Considérant que les parties sont entrées en relation en juin 2010 ; que la relation ne durait que depuis trois mois lorsque Orru a notifié la rupture ; que cette relation, particulièrement brève, ne s'est pas inscrite dans un courant d'affaires substantiel et régulier sur une durée significative ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que la relation commerciale ne présentait pas le caractère d'une relation établie susceptible d'entrer dans les prévisions de l'article L. 442-6, I, 5° ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de condamner MTV à payer à Orru la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Condamne la SARL MTV Logistique à payer à la SAS Orru somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.