Livv
Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 15 mars 2016, n° 14-02869

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Est-Elec (SARL)

Défendeur :

New Lighting (SARL), Lited (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maillard

Conseillers :

Mmes Simon-Rossenthal, Bousquel

Avocats :

Selas Fidal, SCP MRMP, Me Artaud

T. com. Reims, du 23 sept. 2014

23 septembre 2014

LES FAITS, LA PROCEDURE ET LES PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 4 mars 2011, la SARL Est-Elec, spécialisée dans l'équipement électrique, a passé commande à la SARL New Lighting, qui a pour activité la fourniture de professionnels en lampes LED, de 131 spots LED 3X8w 4000 K blancs et 51 convertisseurs SB 1517 dimmable 700 ma 1-10 v, pour équiper deux magasins d'un centre commercial situé à Saint Brice Courcelles pour un montant total de 10 245,30 euro HT ;

La SARL New Lighting a, elle même, passé commande des produits concernés auprès de l'un de ses fournisseurs, la SAS Prolampes, devenue la SAS Lited, importateur,

Les produits ont été livrés le 1er avril 2011 et mis en ace par la SARL Est-Elec, elle-même ;

La SARL Est-Elec a informé sa co-contractante le 18 mai 2011 que certaines pièces livrées ne fonctionnaient plus et en a demandé l'échange ;

Le 21 juin 2011 et le 12 juillet 2011 la SARL Est-Elec a informé la SARL New Lighting de nouvelles défaillances de pièces et en a demandé l'échange ;

La SARL New Lighting a échangé dans un premier temps les pièces défectueuses et a souhaité vérifier l'installation électrique de la SARL Est-Elec sans que cela soit suivi d'effet ; elle a proposé l'échange de l'intégralité des produits le 30 novembre 2011 et en décembre 2011, la SARL Est-Elec a ramassé, elle-même les Led par des halogènes.

Par acte du 23 mai 2012, SARL Est-Elec a fait assigner la SARL New Lighting devant le Tribunal de commerce de Reims aux fins notamment d'entendre condamner la requise à lui régler la somme de 20 769,20 euro en réparation du préjudice causé par l'inexécution, la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, aux dépens et d'ordonner l'exécution provisoire de la décision ;

Par acte du 25 septembre 2012, la SARL New Lighting a fait assigner la SAS Lited en intervention forcée devant le Tribunal de commerce de Reims aux fins notamment d'entendre dire que la requise sera tenue de la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans le cadre de l'instance principale, d'entendre ordonner la jonction des deux instances, d'entendre condamner la requise à lui régler la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'entendre condamner tout succombant aux dépens ;

La SARL New Lighting a notamment demandé au premier juge de débouter la requérante de ses demandes ; subsidiairement, au cas où elle serait condamnée, de dire que la SAS Lited sera tenue de la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre dans le cadre de la procédure engagée par la SARL Est-Elec et, reconventionnellement, de condamner la SARL Est-Elec à lui régler la somme de 2 990,75 euro au titre des factures non acquittées assortie des intérêts légaux à compter du 8 février 2012, date de la mise en demeure ; la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens SARL Est-Elec ;

Par jugement rendu le 1er octobre 2013, le Tribunal de commerce de Reims a ordonné la jonction des deux instances ;

Par jugement rendu le 23 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Reims a, notamment : débouté la SARL Est-Elec de ses demandes, dit la SAS Lited hors de cause, condamné la SARL Est-Elec à régler à la SARL New Lighting les sommes de 2 990,75 euro en règlement de factures outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2012, la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la décision ;

Pour statuer ainsi, le Tribunal de commerce de Reims a considéré qu'il n'est pas établi que le mode d'installation de la SARL Est-Elec n'était pas lui-même en cause ; que la SARL New Lighting a cherché très rapidement à apporter une solution aux problèmes rencontrés par sa cliente et a ramassé les produits défectueux, tandis que le ramassement de l'intégralité des produits a été ensuite proposé et refusé par la SARL Est-Elec qui a ramassé, elle-même, les produits livrés par des halogènes ce qui n'a pas permis à la SARL New Lighting de mettre en œuvre son engagement ; que la SARL Est-Elec doit, en conséquence, assumer seule le ramassement des spots livrés par des produits techniquement différents ; que le refus par la SARL Est-Elec des propositions de sa co-contractante ne la dispensait pas de payer les factures qu'elle ne contestait pas ne pas avoir réglées.

Par déclaration reçue le 28 octobre 2014 au greffe de la cour, la SARL Est-Elec a interjeté appel de cette décision ;

Par conclusions transmises le 12 mars 2015 au greffe de la présente juridiction par RPVA la SARL Est-Elec a demandé à la cour d'appel de céans d'infirmer la décision entreprise, et,

Vu les dispositions des articles 1641, 1644, 1645, 2224 et 2240 du Code civil, de condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro au titre de la garantie des vices cachés, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2011 ;

A titre subsidiaire, vu la théorie de l'engagement unilatéral de volonté et l'article 1382 du Code civil, de condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro en réparation du préjudice causé par l'inexécution,

A titre infiniment subsidiaire, vu la théorie de l'enrichissement sans cause, de condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro sur ce fondement ;

En tout état de cause, de condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais d'exécution à venir, dont distraction au profit de son conseil sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile

Par conclusions transmises le 20 avril 2015 au greffe de la présente juridiction, la SARL New Lighting a demandé à la Cour d'appel de Reims, notamment, de prononcer la caducité de l'appel, de la déclarer recevable en son appel incident, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par l'appelante au titre de la garantie des vices cachés ;

Subsidiairement, vu les articles 1641, 1644 et 1645 du Code civil et les pièces versées aux débats, de dire inexistants les vices compromettant le bon fonctionnement des lampes LED et des convertisseurs, de débouter l'appelante de ses demandes formées au titre de la garantie des vices cachés ; plus subsidiairement, de constater l'absence d'engagement unilatéral invoqué à tort par l'appelante et confirmer le jugement entrepris de ce chef ; plus subsidiairement, de débouter l'appelante de ses demandes formulées au titre de l'enrichissement sans cause ; en tout état de cause, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a exclu la garantie de la SAS Lited de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la SARL New Lighting, de condamner la SAS Lited à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre en ce compris les condamnations à payer les dépens et les frais irrépétibles, de condamner les sociétés Lited et Est-Elec à lui payer, chacune, la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de son conseil sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il convient d'observer que le conseiller de la mise en état a, par ordonnance rendue le 2 juin 2015, débouté les intimées de leurs demandes visant à entendre prononcer la caducité de l'appel.

Par conclusions transmises le 17 avril 2015 au greffe de la présente juridiction, la SAS Lited a notamment demandé, sur le fond, à la Cour d'appel de Reims, de débouter l'appelante de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris, y ajoutant, de condamner toute partie succombante à lui régler la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel, et aux dépens dont distraction au profit de son conseil sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile ;

L'affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2016.

SUR CE,

Sur la caducité de l'appel élevée par la SARL New Lighting

Par ordonnance rendue sur incident le 2 juin 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté ces demandes et déclaré l'appel recevable.

Il n'y a donc pas lieu à statuer sur cette demande.

Sur la recevabilité de la demande de la SARL Est-Elec visant à entendre condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro au titre de la garantie des vices cachés :

Aux termes de l'article 563 du Code civil, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ;

En première instance, la SARL Est-Elec avait notamment demandé la condamnation de la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro ;

Il s'agit donc d'un moyen nouveau tendant à justifier en appel les prétentions soumises aux premiers juges, tendant aux mêmes fins, c'est-à-dire au paiement de la somme susvisée, sur un fondement juridique différent ;

Cette demande ne peut donc pas être déclarée irrecevable pour ce motif ;

Cependant, aux termes de l'article 1648 du Code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ;

En première instance, l'appelante avait demandé au tribunal de condamner l'intimée à lui régler la somme de 20 769,20 euro en réparation du préjudice que l'inexécution lui avait causé et de débouter l'intimée de ses demandes ;

Lorsque la garantie contre les vices cachés a été invoquée pour la première fois en appel, il convient de se placer à la date des conclusions d'appel pour apprécier si l'action en garantie des vices cachés a été intentée dans le délai légal,

En l'espèce les conclusions d'appel contenant ce moyen ont été déposées le 12 mars 2015, plus de deux ans après la découverte du vice et plus de deux ans après l'assignation introductive d'instance ;

L'action en vice caché de l'appelante est donc irrecevable pour non-respect des dispositions de l'article 1648 du Code civil.

Sur la demande de la SARL Est-Elec visant à entendre condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro sur le fondement de l'article 1382 du Code civil au titre de la théorie de l'engagement unilatéral de volonté en réparation que l'inexécution lui a causé

Aux termes de l'article 1103 du Code civil l'engagement est unilatéral lorsque une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres sans que de la part de ces dernières il y ait d'engagement ;

L'appelante soutient que l'intimée s'est engagée à ramasser l'intégralité des produits livrés et qu'elle a proposé auparavant, à plusieurs reprises, des solutions de ramassement ; que le matériel était défectueux ; que cependant, la SARL Est-Elec a dû ramasser les produits par des halogènes à ses frais ; que sa propre installation électrique n'était pas en cause et que l'intimée a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard.

Cependant, pour qu'il y ait engagement unilatéral il faut qu'il n'y ait pas d'acceptation nécessaire, or, la proposition de ramassement est une réponse à plusieurs demandes de l'appelante au vu des nombreux courriers de demande d'échange adressés dans le cadre de l'exécution du contrat par l'appelante à l'intimée que cette dernière a produit aux débats, de plus, il convient d'observer que le ramassement ne pouvait avoir lieu alors que les produits avaient déjà été ramassés par l'acheteuse, l'appelante ne saurait donc fonder sa demande en paiement sur le fondement délictuel de la théorie de l'engagement unilatéral, d'une part parce qu'il n'est pas démontré qu'il y ait un engagement unilatéral, d'autre part parce qu'il s'agit de l'inexécution d'un contrat et que ce sont les règles de la responsabilité contractuelle qui doivent être appliquées en vertu du principe du non cumul ; l'appelante sera donc déboutée de sa demande sur ce point.

Superfétatoirement, il convient d'observer que l'appelante se fondait, en première instance, sur les dispositions de l'article 1147 qui concerne la responsabilité contractuelle et dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part ;

Ce moyen a été examiné par le tribunal de commerce en première instance ;

En l'espèce, l'appelante n'ayant pas permis un examen contradictoire par les parties de son installation électrique, elle n'établit pas que les défauts allégués proviennent des produits livrés qui n'ont pas été examinés par un expert indépendant ; de plus, Monsieur Henri Hirsinger, qui était, à l'époque du retour de 6 spots, envoyé par l'intimée et a quitté l'entreprise depuis, a attesté le 5 février 2013 avoir constaté que ces 6 spots étaient en état de marche ; d'autre part, le remplacement des produits est l'un des remèdes pour remédier à la non-conformité des produits à l'usage qui en est attendu, or, en l'espèce, la société venderesse a, chaque fois, proposé le remplacement des produits dont se plaignait l'acheteuse, jusqu'à lui proposer le remplacement de l'intégralité des produits vendus, il n'est donc pas établi par l'appelante que la SARL New Lighting ait inexécuté ses obligations contractuelles.

Sur la demande de la SARL Est-Elec visant à entendre condamner la SARL New Lighting à lui régler la somme de 20 769,20 euro au titre de la théorie de l'enrichissement sans cause :

Aux termes de l'article 1371 du Code civil, les quasi contrats sont des faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et quelquefois un engagement volontaire des deux parties.

Les règles de l'enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties. L'appelante ne saurait donc fonder sa demande en paiement sur la théorie de l'enrichissement sans cause et en sera déboutée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Est-Elec de ses demandes

Aucune condamnation n'étant mise à la charge de la SARL New Lighting, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit la SAS Lited hors de cause et de débouter la SARL New Lighting de ses demandes sur ce point.

Sur la demande en paiement de factures de la SARL New Lighting

Il n'est pas contesté que les factures dont le règlement est réclamé, non contestées en leur montant, n'ont pas été réglées ;

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Est-Elec à régler à la SARL New Lighting les sommes de 2 990,75 euro en règlement de factures outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2012.

Il convient également de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SARL Est-Elec à régler à la SARL New Lighting la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la SARL New Lighting à régler à la SAS Lited, mise hors de cause, la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

La SARL Est-Elec sera condamnée à régler à la SARL New Lighting, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, la somme de 3 000 euro et aux dépens de la procédure d'appel opposant ces parties, dont distraction au profit du conseil de l'intimée dans les conditions et formes de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SARL New Lighting sera condamnée à régler à la SAS Lited, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel, la somme de 500 euro et aux dépens de l'instance d'appel l'opposant à cette dernière, dont distraction au profit du conseil de la SAS Lited.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Déclare la SARL Est-Elec irrecevable en son action fondée sur le vice caché pour non-respect des dispositions de l'article 1648 du Code civil, Déboute la SARL Est-Elec de ses demandes en paiement fondées sur l'engagement unilatéral de sa co-contractante en réparation du préjudice que l'inexécution lui a causé et sur l'enrichissement sans cause de cette dernière, Confirme le jugement rendu le 23 septembre 2014 par le Tribunal de commerce de Reims en toutes ses dispositions, Condamne la SARL Est-Elec à régler, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, la somme de 3 000 euro à la SARL New Lighting et aux dépens d'appel dans l'instance opposant ces deux parties dont distraction au profit de Maître Aurore Artaud dans les conditions et formes de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la SARL New Lighting à régler, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, la somme de 500 euro à la SAS Lited et aux dépens d'appel dans l'instance opposant ces deux parties dont distraction au profit de la SCP Marteau-Regnier-Mercier-Ponton, avocats, dans les conditions et formes de l'article 699 du Code de procédure civile.