CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 mars 2016, n° 13-21519
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Panther (SA)
Défendeur :
Dia Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Lief, Lallement, Lopez
Exposé du litige
La société Groupe Panther (ci-dessous, société Panther) indique être une société française créée en 1972 ayant pour activité principale la création, le développement, la fabrication et la distribution de produits d'hygiène, de beauté, de cosmétique et de parfum, tant sur le territoire français qu'à l'exportation.
Elle déclare fabriquer et distribuer ses produits en deux gammes, sous deux marques :
- les produits de la gamme "Cottage", concernant tous types de clients et distribués en grandes et moyennes surfaces,
- les produits de la marque "Institut Arnaud", objet d'une distribution sélective dans des parfumeries ou des instituts de beauté haut de gamme.
La société Dia Limited (ci-dessous, société Dia) est une société ukrainienne déclarant avoir pour objet la distribution de produits de beauté d'origine française, soit au travers de son propre réseau de distribution, soit auprès de commerçants ou de chaînes de magasins dans le cadre de contrats d'approvisionnement spécifiques, en Ukraine, qu'elle importe de France au travers de sa filiale dédiée, la société Lyal.
Les sociétés Panther et Dia ont entretenu des relations commerciales et contractuelles depuis l'année 2000.
Elles ont conclu le 20 décembre 2007 un contrat pour la distribution exclusive des deux produits de la société Panther, Institut Arnaud et Cottage, pour le marché local ukrainien par la société Dia.
Ce contrat prévoyait notamment qu'il était signé pour une période d'essai venant à expiration le 31 décembre 2010. Il contenait des quantités minimum de chacun des produits que le distributeur s'engageait à acheter, pour les années 2008, 2009 et 2010.
Deux nouveaux contrats, un par gamme de produits, ont étés conclus en 2010 pour les trois années suivantes, précisant également les quantités minimum que le distributeur devait acheter.
Etait encore précisé que le contrat était signé pour une période d'essai venant à expiration le 31 décembre 2013, mais qu'il serait renouvelé par accord tacite pour une période de trois ans, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
Le 9 janvier 2012, la société Dia a passé une commande de produits auprès de la société Panther, commande qui n'a pas été livrée.
La société Dia a assigné, par acte du 26 juin 2012, la société Panther devant le Tribunal de commerce de Paris qui a, par jugement du 25 octobre 2013 :
- prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SA Groupe Panther à compter du 1er janvier 2012,
- condamné la SA Groupe Panther à payer à la société Dia Limited à titre de dommages et intérêts la somme de 214 000 euro déboutant pour le surplus,
- débouté la société de droit ukrainien Dia Limited de ses autres demandes,
- condamné la SA Groupe Panther à payer à la société Dia Limited la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement à charge pour la société Limited de fournir une caution couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné la SA Groupe Panther aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,17 euro dont 13,25 euro de TVA.
La société Panther a fait appel de cette décision, par acte reçu au greffe le 8 novembre 2013.
Dans ses dernières conclusions du 18 décembre 2015, la société Panther demande à la cour de :
- écarter la demande de la société Dia tendant à voir écarter des débats les pièces 16 et 17 produites par la société Groupe Panther
Sur le fondement des articles 1134, 1147, 1149 du Code civil, et L. 442-6 du Code de commerce,
- juger que la société SA Groupe Panther était bien fondée à opposer à la société Dia l'exception d'inexécution du contrat de distribution liant les parties, du fait des manquements de la société Dia à ses obligations contractuelles,
- constater qu'à la date à laquelle la société Dia a prétendu constater la rupture des relations commerciales entre les parties, soit le 9 février 2012, la livraison datée par la société Dia du 9 janvier 2012 n'était pas encore exigible,
- constater l'absence de mise en demeure par la société Dia à la société Groupe Panther de livrer cette commande,
- juger en conséquence que la société Dia ne peut imputer à faute à la société Groupe Panther un refus de livraison de cette commande,
- en conséquence, débouter la société Dia de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, dans l'éventualité dans laquelle la cour retiendrait une faute de la société SA Groupe Panther, débouter néanmoins la société Dia de ses demandes indemnitaires, en l'absence d'éléments de preuve suffisants du préjudice allégué par la société Dia,
- à titre infiniment subsidiaire, dans l'éventualité dans laquelle la cour estimerait satisfactoires les éléments de calcul de son préjudice proposé par la société Dia, limiter à la somme de 27 578 euro l'indemnisation du préjudice allégué par Dia,
- condamner la société Dia à payer à la société Groupe Panther une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Dia aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution, avec application pour ceux d'appel des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Grappotte-Benetreau, avocat au Barreau de Paris.
Par ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2015, la société Dia demande à la cour de :
- ordonner le rejet des débats des pièces adverses n° 16 intitulée " Traduction libre en français des pièces versées aux débats en Anglais ", et 17 intitulée " Rapport d'expertise officieuse de Monsieur Descouens "
- constater la résiliation unilatérale et fautive,
- débouter la société Panther de toutes ses demandes,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a constaté la résiliation fautive de la convention par le Groupe Panther et condamné ce dernier à verser à la concluante à titre de dommages intérêts l'équivalent de la marge brute perdue jusqu'à l'expiration de la période contractuelle en cours, soit la somme de 214 000 euro outre la somme de 15 000 euro au titre des frais irrépétibles,
- infirmer la décision déférée pour le surplus,
- condamner la société Panther SA à payer en outre à la société Dia Limited les sommes de :
Perte sur Entreposage 3 853,16 euro
Main d'œuvre manutention des stocks (4 personnes pendant deux semaines) 745 euro
Coût du licenciement de 2 personnes 1 704,36 euro
Modification de la documentation commerciale 2 341,56 euro
Coût de la certification hygiène 2012 1 660,42 euro
Modification de la documentation commerciale 2 341,56 euro
Stocks interdit de vente 21 489,98 euro
Préjudice d'image 100 000 euro
Préjudice moral 20 000 euro
Dommages intérêts au titre des exercices 2014 à 2016 370 944 euro
- dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 1er mars 2012,
- dire que les intérêts acquis depuis plus d'une année porteront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1153 du Code civil,
- condamner au paiement de la somme de 15 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Bolling Durand Lallement, société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Motivation :
Sur la demande de rejet des pièces 16 et 17 de la société Panther :
La société Dia sollicite que soient écartées les pièces 16 et 17 produites par la société Panther, transmises le 17 novembre 2015.
La pièce 16 constitue une traduction libre en langue française de plusieurs pièces précédemment communiquées en langue anglaise.
Les pièces dont la traduction est assurée par cette pièce 16 étant déjà au débat, le contenu de cette dernière pièce n'est pas nouveau, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.
La pièce 17 intitulée " rapport d'expertise officieuse " a été signée le 8 juillet 2014.
Il s'agit d'un document de 7 pages procédant à l'analyse des documents comptables et financiers de la société Dia, au vu desquels elle fonde ses demandes d'indemnisation du préjudice.
La communication de cette pièce avec la pièce 16 est intervenue le 17 novembre 2015, soit plus d'un mois avant la date annoncée de l'ordonnance de clôture.
La société Dia a signifié ses dernières conclusions le 16 décembre 2015, soit un mois après la communication de cette pièce, sans justifier qu'elle a été dans l'impossibilité de prendre en considération cette pièce.
Dès lors, cette pièce ne sera pas écartée des débats.
Sur la demande principale :
La société Panther conteste avoir refusé d'exécuter la commande de la société Dia du 9 janvier 2012, expliquant avoir voulu attendre la communication par la société Dia de l'état de son stock et de son plan marketing, de sorte que cette absence de livraison ne saurait constituer une rupture de contrat.
Elle ajoute qu'il n'est pas établi qu'elle n'a pas livré la commande dans le délai fixé au contrat, l'absence de livraison au 9 février 2012 ne pouvant caractériser la rupture des relations commerciales.
La non-communication par la société Dia de l'état de ses stocks et de son plan marketing constitue des exceptions d'inexécution du contrat qu'elle pouvait lui opposer.
Elle dément avoir voulu mettre un terme aux relations contractuelles du fait de la perte du client Brocard en Ukraine, ou voulu évincer la société Dia de ce marché au bénéfice de ce client.
De son côté, la société Dia soutient que la société Panther a refusé de lui livrer la commande passée le 9 janvier 2012, par crainte de perdre le plus gros distributeur en Ukraine qui l'avait informée de sa volonté de ne plus s'approvisionner en produits Cottage et Institut Arnaud via la société Dia. Or, aucune obligation contractuelle n'imposait à la société Dia de conserver la société Brocard comme cliente, et aucun grief ne peut lui être fait justifiant ce refus.
Sur ce,
Dans les deux contrats conclus à la fin de l'année 2010 pour la période triennale expirant au 31 décembre 2013 entre les sociétés Panther et Dia, cette dernière est désignée comme seul et unique agent et distributeur pour les produits en cause.
La société Brocard est une chaîne de magasins de distribution au détail installée en Ukraine, qui constituait un important client, ou le plus important client, de la société Dia pour les produits de la société Panther.
Par mail du 6 juin 2011 Monsieur Korchi, associé gérant de la société Dia, a transmis à Monsieur Greau, chef de zone pour l'Est de l'Europe de la société Panther, un communiqué informant que le groupe russe de sociétés l'Etoile faisait l'acquisition de la chaîne de magasins Brocard (pièce 9 appelante).
Une rencontre a eu lieu à la fin du mois de septembre 2011 entre les dirigeants des sociétés Panther et Dia au siège de Panther.
En novembre 2011, le dirigeant de la société Panther s'est rendu à Moscou et a rencontré les dirigeants de la société ayant pris le contrôle de la société Brocard.
La société Dia a passé le 9 janvier 2012 une commande de produits auprès de la société Panther. Si cette dernière relève qu'il n'est pas produit le mail d'envoi de la commande, elle ne conteste pas son existence, et la société Dia verse pour en justifier un tableau de commande du 1er janvier 2012, un mail du 8 janvier 2012 et un autre du 18 janvier 2012 faisant référence à cette commande (pièces 4, 5 et 7 de l'intimée).
La société Panther lui répondait alors le 18 janvier 2012 en l'invitant à faire le point avec Monsieur Greau, lequel devait se rendre le lendemain à Kiev, où il rencontrait alors séparément les représentants de la société Goyard, puis ceux de la société Dia.
Lors de l'entrevue avec les représentants de la société Goyard, ceux-ci lui auraient fait part de leur jugement négatif sur la société Dia.
Selon la société Panther, Monsieur Greau aurait rapporté la situation à la société Dia en leur demandant comment elle entendait redresser la situation, alors que selon la société Dia il les aurait informés qu'il était mis fin à leurs relations au vu des exigences des nouveaux actionnaires de la société Goyard.
La société Brocard pour sa part indique (pièce 10 appelant) dans un courrier avoir attiré l'attention de Monsieur Greau sur sa volonté d'améliorer quelques modes de représentation des marques dans son réseau, et l'avoir invité à en informer la société Dia.
A la suite de ces réunions, Monsieur Greau a demandé par mail du 26 janvier 2012 à la société Dia de lui communiquer un état complet de ses stocks (pièce 3 appelante).
Relancée sur ce point le 1er février 2012 par Monsieur Greau, la société Dia indiquait le même jour adresser deux compte-rendus, et soulignait qu'il n'avait pas été répondu à sa dernière commande du début du mois de janvier 2012
Le 1er février 2012 Monsieur Greau répondait que la société Dia savait qu'elle allait perdre la distribution des produits auprès de la société Brocard, et que sa visite en janvier 2012 avait pour but d'essayer de convaincre cette société de continuer à travailler avec Dia, ce qui n'a pas été possible. Il poursuivait son message en indiquant " si vous y tenez nous pouvons livrer vos commandes en cours mais cela ne ferait que gonfler le stock à reprendre ".
Par lettre du 9 février 2012 à la société Panther, le gérant de la société Dia écrivait que lors de la réunion du 19 janvier 2012 Monsieur Greau l'avait informé de la volonté de la société Panther de mettre fin à l'accord de distribution par sa société des produits Cottages et Institut Arnaud en Ukraine, qui seraient désormais distribués par les sociétés Alkor/Kurs - soit le groupe de distribution du nouvel actionnaire de la société Brocard.
Dans un courrier du 15 février 2012 la société Panther rappelait le rachat par un groupe russe de Brocard, qu'elle présente comme le plus gros groupe de parfumerie en Ukraine, et indiquait que la direction de Brocard leur avait signifié sa volonté de ne "plus référencer Cottage et Institut Arnaud à travers votre société.
Le groupe Panther n'a donc aucune responsabilité dans cette cessation d'activité.
Par contre, vous comprendrez qu'institut Arnaud et Cottage ne peuvent pas se passer du plus gros distributeur ukrainien".
Ce courrier se poursuit en présentant deux possibilités s'offrant à la société Dia :
- soit poursuivre la vente des produits de la société Panther sans être chez Brocard et sans changer de réseau de distribution, mais elle faisait part de doutes quant à la possibilité d'atteindre les minima du contrat fixé en 2012,
- soit que la société Dia indique être dans l'impossibilité de respecter les chiffres d'affaires minimum sans Brocard, et dans ce cas un accord serait trouvé avec reprise des stocks et compensation.
La société Panther conteste avoir refusé de procéder à la livraison de la commande passée du 9 janvier 2012 et indique avoir proposé à la société Dia de livrer la commande dans son mail du 1er février 2012.
Pour autant, la société Panther n'établit pas avoir livré effectivement à la société Dia cette commande du 9 janvier 2012, et ne produit aucune pièce qui justifierait de cette livraison.
Il ressort du mail de la société Panther du 18 janvier 2012 que lorsqu'elle a été relancée par le gérant de la société Dia, elle lui a répondu par un message d'attente, en l'invitant à faire le point avec Monsieur Greau.
L'article 6 du contrat relatif aux stocks contient l'engagement du distributeur de maintenir un stock suffisant pour couvrir deux mois de vente, et celui du fabricant de garantir au distributeur un réassortiment régulier des produits pendant toute la durée du contrat. Cet article prévoit également " sur les bases des prévisions annuelles, le fabricant livre le distributeur dans un délai de 2 semaines (15 jours). S'il n'y a pas de prévision ou s'il y a un dépassement de ces prévisions, la livraison prendra jusqu'à 12 semaines, délai expressément accepté par le distributeur. Ce délai de 12 semaines est un engagement partiel et valable uniquement si la fabrication des produits est prévue pendant cette période ".
Ainsi les contrats prévoient que la société Panther doit livrer sur les bases des prévisions annuelles le distributeur dans un délai de 2 semaines ; le délai de 12 semaines concerne les dépassements des prévisions annuelles, et il n'est pas établi que ce soit le cas de la commande du 9 janvier 2012.
De plus, une lettre du 19 novembre 2009 de la société Panther informe ses clients des nouvelles procédures de commandes, et de l'organisation mise en place pour les gérer ; il y est indiqué que toutes les commandes reçues avant le mercredi après-midi seront analysées par son département de vente le jeudi, et qu'une date de livraison serait donnée le vendredi.
Ainsi toute commande devait être traitée sous huitaine, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque à tout le moins la société Dia n'a pas été informée dans ce délai de la date de livraison, laquelle n'a pas été effectuée.
L'article 6 contient l'engagement pour le distributeur de maintenir un stock suffisant pour couvrir deux mois de vente, mais pas l'obligation d'informer le fournisseur sur l'état de ce stock.
Aussi, il n'existe pas de manquement contractuel caractérisé par l'absence d'information par la société Dia à la société Panther de l'état de son stock, aucune obligation n'étant prévue à ce titre dans le contrat ; la société Panther ne peut soutenir que constitue un défaut de loyauté dans l'exécution du contrat l'absence d'information par la société Dia de l'état de son stock, au vu de l'article 6, qui contient par ailleurs l'engagement du fournisseur d'assortir régulièrement le distributeur.
S'agissant du plan marketing, l'article 4 de ces contrats indique que " la politique marketing sera élaborée conjointement entre le fabricant (Panther) et le distributeur " (Dia), et que " pendant la durée du présent contrat, le plan marketing sera établi entre le fabricant et le distributeur en septembre de chaque année pour l'année suivante ".
Ce plan était donc établi entre les parties, et les pièces 88 et 89 de l'intimée montrent que ces plans étaient dressés sur une documentation de la société Panther.
Dès lors, la société Panther ne peut déduire de l'absence de plan marketing communiqué par la société Dia qu'une inexécution contractuelle est caractérisée.
La société Dia était le distributeur et agent exclusif en Ukraine de la société Panther pour les produits institut Arnaud et Cottage.
La société Panther n'a pas répondu à la commande qui lui était passée le 9 janvier 2012 par la société Dia, manquant ainsi à son obligation de l'approvisionner en produits dont elle devait assurer la commercialisation, ce qui constitue un manquement contractuel.
L'article L. 442-6 du Code du commerce prévoit qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers: ...de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".
En l'espèce, dans son courrier du 15 février 2012 (improprement daté du 15 février 2011), après avoir rappelé que le groupe Brocard était le plus gros groupe de parfumerie en Ukraine et ne souhaitait plus référencer les produits Cottages et Institut Arnaud à travers la société Dia, la société Panther affirme que ces produits ne peuvent pas se passer du groupe Brocard.
Elle en déduit l'impossibilité de continuer à poursuivre les relations commerciales avec la société Dia, ce qu'elle explicite du reste en indiquant " le groupe Panther n'a donc aucune responsabilité dans cette cessation d'activité ".
Ainsi, la société Panther expose que l'origine de la cessation d'activité se trouve dans la volonté du groupe Brocard de ne plus faire appel à la société Dia pour approvisionner son réseau de distribution ; elle prend acte de cette volonté pour mettre fin à la relation commerciale la liant à la société Dia.
Si elle conteste avoir été à l'initiative de la rupture et avance avoir attendu de la société Dia que celle-ci lui expose comment elle comptait faire face à la perte du client Brocard, cela ne ressort pas des pièces versées, la lettre du 15 février 2012 présentant au contraire la rupture des relations contractuelles avec la société Dia comme une conséquence de l'expression de la volonté de la société Brocard de ne plus poursuivre l'approvisionnement de son réseau par la société Dia.
La société Dia était au courant du rachat de la société Brocard et en a avisé la société Panther, mais il n'est pas établi qu'elle connaissait la volonté de Brocard de ne plus traiter avec elle ; ainsi, le mail du 6 juin 2011 de la société Dia à la société Panther porte seulement sur le rachat de Brocard par la société russe, pas sur la volonté du nouvel actionnariat de Brocard de ne plus travailler avec la société Dia.
De même, il n'est pas établi que la visite en septembre 2011 des dirigeants de la société Dia à la société Panther avait pour objet la définition de nouvelles orientations de la société Dia du fait du refus de Brocard de travailler avec elle, aucun procès-verbal de réunion accréditant ses dires n'étant versé et de telles rencontres entre distributeur et fournisseur relevant des pratiques courantes, comme l'illustrent les pièces 59 à 63 de l'intimée.
Du reste, l'invitation du 27 septembre 2011 de la société Panther (sa pièce 1) pour justifier de la venue des dirigeants de la société Dia évoque la planification des achats de fin d'année ou l'étude de nouveaux produits, non le refus de Brocard de travailler avec la société Dia.
De même, la connaissance par la société Dia d'une possible rencontre en Russie du dirigeant de la société Panther avec les nouveaux actionnaires de Brocard n'établit pas que la société Dia était informée du refus de Brocard de continuer à travailler avec elle.
Enfin le courrier de la société Dia du 20 décembre 2011 au groupe Bomond, concurrent de Brocard en Ukraine, dans lequel elle évoque ne pas pouvoir approvisionner des réseaux de distribution concurrents de Brocard, illustre le fait qu'elle se considérait alors toujours engagée avec Brocard.
Ainsi, il n'est pas justifié que la société Dia savait qu'elle allait perdre la distribution des produits Institut Arnaud et Cottage auprès de Brocard avant le 19 janvier 2012.
Si, dans son courrier du 15 février 2012, si la société Panther envisage la possibilité pour la société Dia de poursuivre la vente des produits de ses deux marques sans être référencée chez Brocard, elle fait immédiatement part de ses doutes quant à la possibilité pour la société Dia de parvenir à ses résultats.
Cette analyse de la société Panther est exposée avant même que la société Dia n'ait pu proposer des solutions alternatives au refus de Brocard de passer par son intermédiaire, et ce alors qu'aucune disposition contractuelle n'imposait à la société Dia de conserver Brocard dans sa clientèle.
Les objectifs du contrat en cours prévoyaient pour les produits institut Arnaud des ventes d'un montant de 52 000 euro en 2011, de 56 000 euro en 2012, et pour les produits Cottages des ventes de 33 000 euro en 2011, de 36 000 euro en 2012. La société Dia a acheté en 2011 à la société Panther un montant de 115 307 euro de marchandises (pièce 51), soit un montant bien supérieur aux objectifs fixés par le contrat.
La société Dia justifie de la présence sur le marché ukrainien d'autres réseaux de distribution, de taille certes inférieure à Brocard, avec lesquels elle aurait pu développer des alliances si elle avait été délivrée de l'obligation de ne fournir dans certains centres commerciaux que par le réseau Brocard.
Il n'est pas démontré que la société Dia n'a pas respecté les objectifs de vente convenus dans le contrat pour les années 2011 et 2012.
L'affirmation par la société Panther de la fin des relations commerciales avec la société Dia apparaît comme une conséquence de la volonté de la société Brocard de ne plus avoir recours à la société Dia, sans qu'il ne soit justifié de grief particulier à l'encontre de la société Dia.
Dès lors, le refus exprimé par la société Panther de poursuivre la relation contractuelle apparaît brutal au sens de l'article L. 442-6 précité, la société Panther ne pouvant se fonder sur une baisse constatée du volume des ventes et un non-respect par la société Dia de ses obligations contractuelles.
Sur les demandes de réparation :
La société Panther conteste le préjudice allégué par la société Dia, tant s'agissant de sa durée d'appréciation que de sa justification.
Selon elle, la société Dia n'aurait pas été privée de ses bénéfices en 2012 et 2013 ainsi que ceux des trois années suivantes, le renouvellement du contrat pour une durée de trois années supplémentaires n'ayant rien d'automatique. Ainsi, le préjudice ne pourrait être considéré que sur les années 2012 et 2013. Elle ajoute que la perte de chance pour les années suivantes ne pourrait être que minime, les possibilités de renouvellement du contrat étant faibles au vu de la médiocrité des chiffres de vente.
Elle avance que le préjudice d'image sollicité est disproportionné et conteste la demande au titre du préjudice moral, ce d'autant que les dépenses alléguées par la société Dia sont en rapport avec des salons au cours desquels les produits Panther n'étaient pas distribués, et que cette société s'appuyait sur la publicité faite dans les magazines russes par la société Panther.
La société Dia rappelle que la perte de marge brute résultant de la rupture constitue un chef de préjudice indemnisable, qu'en l'espèce la société Panther a résilié en janvier 2012 des contrats s'appliquant jusqu'à la fin de l'année 2013, la privant ainsi du bénéfice de deux années.
Elle sollicite également l'indemnisation des préjudices directs mais annexes qui résulteraient selon elle de la rupture brutale.
Elle sollicite également le versement d'une indemnité de 100 000 euro au titre de son préjudice d'image, du fait de sa notoriété sur le marché ukrainien, étant elle-même engagée contractuellement avec des revendeurs locaux pour les produits Panther et n'ayant pu satisfaire sa propre clientèle.
Elle sollicite, outre une indemnisation au titre du préjudice moral, l'indemnisation du fait du défaut de reconduction du contrat conclu entre les deux sociétés à son échéance de trois ans, en faisant état des frais engagés sur place pour faire connaître les produits de la société Panther.
Elle ajoute perdre le bénéfice du concept commercial qu'elle a développé et être dans l'impossibilité de trouver un fournisseur de produits de remplacement.
Sur ce,
Selon l'article 1149 du Code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
En l'occurrence, les contrats conclus entre les sociétés Panther et Dia pour la fourniture en Ukraine des produits Cottage et Institut Arnaud s'appliquaient jusqu'au 31 décembre 2013.
Les objectifs des contrats pour les produits institut Arnaud étaient sur des ventes de 56 000 euro en 2012 et 60 000 euro en 2013, et pour les produits Cottages de 36 000 euro en 2012 et de 39 000 euro en 2013.
La demande d'indemnisation de la société Dia porte sur la perte de sa marge brute, non au vu des objectifs qui lui ont été fixés par le contrat, mais au regard du dépassement de ses objectifs qu'elle justifie en indiquant avoir réalisé en 2011 des résultats supérieurs à ces objectifs.
Si le fait que les projections de résultats et de marges 2012 et 2013 aient été visés par le comptable de la société Dia ne peut suffire à les avérer, s'agissant de projections de résultats, en revanche il a pu certifier la marge brute effectivement réalisée par ces sociétés au cours des années précédentes.
Par ailleurs, la société Panther étant fournisseur des produits, elle a connaissance des volumes au vu desquels la société Dia établit cette marge.
Les développements de la société Panther reposant sur sa pièce 17 ne sauraient remettre en cause le calcul fait par la société Dia du montant de sa marge nette au cours des années précédant cette rupture.
La marge brute de la société Dia ayant été de 144 540 euro en 2009, de 113 033 euro en 2010 et de 61 393 euro en 2011, il convient de retenir une moyenne de marge de 107 000 euro par année, de sorte que le tribunal de commerce a justement apprécié le gain dont a été privé la société Dia pour les années 2012 et 2013 à 214 000 euro.
S'agissant de la réparation sollicitée par la société Dia au titre des préjudices directs mais annexes résultant de la rupture brutale, elle fait état du coût de licenciement de deux personnes et de la modification de la documentation commerciale, mais n'en justifie pas.
Pour autant, les pièces versées n'établissent pas que la société Dia a effectivement engagé des sommes à ce titre. De la même façon, la seule pièce versée par la société Dia faisant état d'un stock des produits de la société Panther non écoulés plus de deux années après la fin des relations contractuelles ne peut à elle seule fonder la demande présentée par la société Dia à ce titre.
S'agissant du préjudice d'image, les pièces versées (45 à 47 de l'intimée) ne permettent pas d'apprécier la réalité et le quantum du préjudice qu'aurait subi la société Dia de ce chef. Par conséquent, il ne sera pas fait droit à cette demande.
La société Dia fait état des dépenses importantes qu'elle aurait engagées lors de salons pour promouvoir les produits de la société Panther, et s'appuie sur l'attestation d'un ancien salarié de la société Panther pour soutenir avoir permis le développement des marques de cette société.
Pour autant, si les pièces versées montrent que la société Dia a effectivement engagé des frais de participation à des salons, elle n'assurait pas alors la seule promotion des produits de la société Panther.
Par ailleurs, il ressort d'un rapport de mission de la société Panther antérieur à la rupture que la société Dia n'engageait que peu de frais de publicité, profitant de ceux engagés en Russie dans les revues russes, également distribuées en Ukraine.
De même, les frais évoqués au titre des frais de voyage, des rémunérations de vendeuses, des coûts afférents aux certificats de conformité sanitaire et des dépenses d'équipement (pièce 68 à 71) sont imprécis, en ce que la société Dia, qui commercialisait aussi des produits provenant d'autres fournisseurs français n'engageait pas ces frais pour la seule société Panther.
Au vu de ce qui précède, et la demande de la société Dia reposant sur des projections de marge réalisée alors que les objectifs chiffrés ne sont pas connus, le préjudice qu'elle aurait subi n'apparaît pas acquis dans son principe ni déterminable dans son montant.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à sa demande présentée à ce titre ni à celle reposant sur un préjudice moral, lequel n'est pas démontré.
Sur les autres demandes :
La société Panther succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
La société Panther étant condamnée au paiement des dépens, elle sera également condamnée au versement à la société Dia d'une somme supplémentaire de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Rejette la demande tendant à voir écarter les pièces 16 et 17 de la société Panther, Confirme le jugement du tribunal de commerce du 25 octobre 2013, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société Panther au paiement des dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Bolling Durand Lallement, société d'avocats, Condamne la société Panther à verser à la société Dia une somme supplémentaire de 3 000 euro à titre d'indemnités pour frais irrépétibles.