Livv
Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 9 mars 2016, n° 14-03400

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alcoba Distribution (SAS)

Défendeur :

Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mmes Dorsch, Alzeari

Avocats :

Mes Laissue-Stravopodis, Litou-Wolff, Fourgoux

TGI Mulhouse, ch. com., du 30 juin 2014

30 juin 2014

Faits procédure prétentions des parties :

La SAS Alcoba Distribution exploite un hypermarché sous l'enseigne E.Leclerc à Saint-Louis 68.

Par jugement du 30 juin 2014, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse a déclaré la publicité comparative pratiquée par la SAS Distribution Casino France parfaitement licite et conforme aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, a débouté la SAS Alcoba Distribution de l'ensemble de ses demandes, a ordonné la publication du jugement au sein du point de vente E.Leclerc de Saint-Louis ainsi qu'au sein du point de vente Géant de Saint-Louis, a condamné la SAS Alcoba Distribution à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration faite au greffe le 4 juillet 2014, la SAS Alcoba Distribution a interjeté appel de cette décision.

La SAS Distribution Casino France s'est constitué intimée le 11 juillet 2014.

Dans des dernières conclusions du 16 septembre 2015, la SAS Alcoba Distribution a demandé à la cour d'appel de réformer la décision rendue le 30 juin 2014 par le Tribunal de grande instance de Mulhouse et statuant à nouveau de dire et juger que les publicités comparatives diffusées par la SAS Distribution Casino France sont illicites notamment en ce qu'elles trompent le consommateur, de dire et de juger que la SAS Distribution Casino France se rend coupable de concurrence déloyale à son encontre et en conséquence d'ordonner la publication de la décision à intervenir, de condamner la SAS Distribution Casino France à lui verser une somme de 200 000 euro à titre de dommages intérêts outre intérêts au taux légal et celle du 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans des dernières conclusions reçues le 2 juillet 2015, la SAS Distribution Casino France a demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement entrepris.

Motifs de la décision :

Le présent litige porte sur la diffusion par la défenderesse de publicités comparatives dans son point de vente de Saint-Louis, entre les prix pratiqués au sein de son hypermarché et ceux pratiqués dans l'hypermarché E.Leclerc, concurrent géographique direct.

Il appartient à la cour de vérifier si les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ont été respectées par la SAS Distribution Casino France.

L'article précité prévoit que toute publicité qui met en comparaison des biens, en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, elle porte sur des biens ou services répondant aux même besoins ou ayant le même objectif, elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ses biens ou services dont le prix peut faire partie.

La diffusion d'une publicité comparative qui ne répond pas à ces conditions légales occasionne un préjudice au concurrent visé par cette publicité et qui doit être réparé sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Il convient tout d'abord de rappeler que le régime de la publicité comparative a été assoupli et que désormais le prix n'est plus qu'une caractéristique objectivement comparée au même titre que les autres, devant être comme elle essentielle, pertinente, vérifiable et représentative des biens ou services.

Selon la jurisprudence communautaire, issue des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il n'est plus nécessaire d'effectuer une comparaison sur des produits rigoureusement identiques, mais simplement sur des produits qui répondent aux mêmes besoins ou qui ont le même objectif c'est-à-dire qui présentent un " degré d'interchangeabilité " suffisant pour le consommateur.

La publicité comparative stimule la concurrence entre les entreprises et la confrontation des offres concurrentes notamment ce qui concerne les prix, relève de la nature même de la publicité comparative, et la Cour de justice a ainsi considéré que le choix du nombre de comparaisons auquel l'annonceur souhaite procéder entre les produits qu'il offre et ceux qu'offrent ses concurrents relève de l'exercice de sa liberté économique.

La Cour de cassation a par ailleurs jugé que le fait pour l'auteur d'une publicité comparative de choisir des paramètres qui lui étaient favorables n'était pas déloyal dès lors qu'il s'était appuyé sur des renseignements qui étaient exacts.

Il résulte de la lecture des pièces versées aux débats et notamment des annexes numéros 2, 3, 4, et 6 communiquées par l'intimée et les annexes numéros 7 et 14 produites par la partie appelante, qu'une information essentielle figure sur les affiches procédant aux publicités comparatives, lesquelles précisent en caractère très lisible, qui ne peuvent échapper aux consommateurs normalement avisés, que les modalités de la liste des produits figurant sur les tickets sont disponibles " à l'accueil du magasin ".

En outre, la consultation du listing effectivement disponible à l'accueil du magasin sous forme de tableau de comparaison permet de prendre connaissance de la composition de la sélection des produits choisis lesquels sont répertoriés de manière précise et détaillée dans leur marque, dans leur quantité, le poids et le cas échéant dans leur conditionnement.

Ainsi, contrairement aux allégations de la partie appelante, les caractéristiques des produits et notamment leur poids et la marque, sont renseignés sur le ticket de caisse ayant servi à établir la publicité notamment celle de juillet 2013 et ces éléments sont parfaitement précisés dans le listing disponible à l'accueil du magasin pour tout consommateur qui souhaiterait en avoir connaissance tel qu'il lui est indiqué sur le support de communication.

La comparaison effectuée par la SAS Distribution Casino France ne se fonde pas exclusivement sur la seule reproduction de ticket de caisse dès lors qu'elle a pris la précaution de porter à la connaissance du consommateur les caractéristiques et qualités respectives des produits afin de lui permettre d'apprécier la différence des prix.

La société appelante ne peut soutenir l'existence d'une volonté généralisatrice de la part de la SAS Distribution Casino France dès lors que la publicité comparative porte sur un échantillonnage représentatif de produits résultant d'une sélection par rapport à ceux des concurrents dont la SAS Alcoba Distribution.

La partie appelante a contesté aussi l'objectivité de la publicité réalisée par la SAS Distribution Casino France.

Les publicités comparatives réalisées en mai 2013 et mai 2014 par la SAS Distribution Casino France contiennent des produits Leclerc moins chers que les produits Géant et démontrent ainsi l'absence d'ajustement des prix et l'objectivité des relevés de prix effectués.

Par ailleurs, la présence d'un jeu vidéo dans le panel des produits comparés, ne permet pas à la partie appelante de soutenir que les produits qui ont fait l'objet de comparaison ne seraient pas représentatifs, dès lors que l'achat d'un jeu vidéo est un achat très courant dans les familles en présence d'enfants et, en ce sens est représentatif.

En ce qui concerne le relevé de prix effectué par l'organisme Ezee World, aucun élément produit aux débats ne permet d'affirmer que les produits présents sur le site " quiestlemoinscher.com " étaient identiques à ceux de la publicité comparative litigieuse ni que leurs prix ont été constatés le même jour.

En conséquence, ce relevé n'apporte aucun élément de preuve pertinent au soutien des allégations de la SAS Alcoba Distribution.

La partie appelante soulève aussi que les publicités comparatives de la SAS Distribution Casino France ne comporteraient pas l'inscription de la durée de maintien des prix annoncés et seraient ainsi illégales.

Or, la SAS Alcoba Distribution n'était d'aucun fondement juridique cette argumentation et ne démontre pas que les annonceurs sont tenus par cette obligation.

De plus, l'annonce simultanée de deux prix différents dans le même magasin pour un même article est susceptible de constituer une infraction que si cette anomalie repose sur une publicité inexacte ou de nature à induire en erreur le consommateur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que la SAS Distribution Casino France informe les consommateurs qu'à une date précise, un relevé de prix a été effectué sur une quantité précise de produits représentatifs et vérifiables et dont l'ensemble est moins cher qu'au point de vente E.Leclerc.

La formule " Ici c'est moins cher " utilisée lors de la publicité de mai 2014 ne peut être contestée.

La SAS Alcoba Distribution soutient que la SAS Distribution Casino France a mis un obstacle pour procéder à un relevé de prix, alors que l'huissier de justice qui a procédé aux constatations du 25 mars 2014 n'avait pas d'autorisation judiciaire pour pénétrer au sein du magasin, que néanmoins le directeur de l'enseigne Géant à Saint-Louis et le sous-directeur l'ont autorisé à procéder à un relevé de prix, et chaque fois que l'huissier de justice s'est présenté à eux que ce soit pour les constats du 25 mars 2014, du 3 avril 2014, du 2 mai 2014 et du 7 mai 2014.

La SAS Distribution Casino France démontre que les relevés de prix ont été autorisés sur le site.

Dans ces conditions, la SAS Alcoba Distribution ne démontre pas que la publicité comparative de la SAS Distribution Casino France contrevient aux dispositions de l'article L. 121-8 et suivants du Code de la consommation et qu'elle est illicite.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée.

Succombant la SAS Alcoba Distribution sera condamnée aux dépens de l'appel.

L'équité appelle l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Distribution Casino France.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Alcoba Distribution.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Mulhouse, chambre commerciale, le 30 juin 2014, Y ajoutant, Condamne la SAS Alcoba Distribution aux dépens de l'appel, Condamne la SAS Alcoba Distribution à verser à la SAS Distribution Casino France la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Alcoba Distribution.