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Décisions

ADLC, 23 mars 2016, n° 16-D-04

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre à l'occasion de la commercialisation des droits audiovisuels du Championnat de France de rugby de Pro D2

ADLC n° 16-D-04

23 mars 2016

L'Autorité de la concurrence (section V),

Vu les saisines enregistrées le 8 juillet 2015 sous les numéros 15-0063F et 15-0064M par lesquelles la société Ma Chaîne Sport SAS (MCS) a saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande de mesures conservatoires à l'appui d'une saisine relative à des pratiques mises en œuvre par la Ligue nationale de rugby (LNR), le Groupe Canal Plus (GCP) et Eurosport à l'occasion de la commercialisation des droits audiovisuels du Championnat de France de Pro D2 ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu l'avis n° 2015-21 du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 25 novembre 2015 rendu sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par la société MCS ainsi que par les sociétés GCP et Eurosport et par la LNR ; Vu les décisions de secret des affaires 15-DSA-335 du 5 octobre 2015, 15-DSA-338 du 9 octobre 2015, 15-DSA-347 du 23 octobre 2015, 15-DSA-351 du 27 octobre 2015, 15-DSA-357 et 15-DSA-358 du 4 novembre 2015, 15-DSA-361 et 15-DSA-362 du 9 novembre 2015, 15-DSA-381 et 15-DSA-382 du 18 novembre 2015, 15-DSA-383 du 20 novembre 2015, 15-DSA-398 et 15-DSA-399 du 1er décembre 2015, 15-DSA-417 du 7 décembre 2015, 15-DSA-441, 15-DSA-442 et 15-DSA-443 du 21 décembre 2015, 16-DSA-21 et 16-DSA-22 du 28 janvier 2016, 15-OPR-98 du 23 novembre 2015, 15-DEC-56 du 17 décembre 2015, 16-DEC-07, 16-DEC-08, 16-DEC-09, 16-DEC-10 et 16-DEC-11 du 8 février 2016, 15-DECR-34 du 29 décembre 2015 et 16-DECR-01 du 8 janvier 2016 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement, et les représentants des sociétés MCS, GCP et Eurosport et les représentants de la LNR, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 17 février 2016 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR DE LA TÉLÉVISION PAYANTE ET LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. À la différence des chaînes de télévision gratuites qui se financent essentiellement par la publicité, et par les redevances audiovisuelles pour les chaînes publiques, les chaînes de télévision payantes tirent principalement leurs revenus des redevances versées par leurs distributeurs qui se financent eux-mêmes par la vente d'abonnements aux consommateurs finals. Ces redevances peuvent être forfaitaires ou dépendre du nombre d'abonnés, par exemple lorsqu'une chaîne distribuée à l'unité reçoit une redevance directement proportionnelle au nombre de ses abonnés.

2. Les chaînes de télévision payantes uniquement disponibles à l'unité pour un prix relativement élevé doivent impérativement recruter des abonnés et pour cela leur offrir des programmes attractifs et exclusifs qu'ils ne pourront trouver sur les chaînes gratuites ou sur les chaînes thématiques uniquement accessibles par abonnement à un bouquet payant. Elles sont, pour cette raison, souvent appelées " chaînes premium ". En matière de programmes sportifs attractifs susceptibles d'être des moteurs d'abonnement, eux-mêmes qualifiés de contenu " premium ", les chaînes doivent acheter les droits audiovisuels aux organisateurs de ces compétitions, notamment les fédérations et les ligues sportives qui les détiennent.

1. LA SOCIÉTÉ MA CHAÎNE SPORT SAS

3. Créée en octobre 2007, la société Ma Chaîne Sport SAS (ci-après " MCS ") est active dans le secteur de la télévision payante. Elle édite plusieurs chaînes thématiques, dont la chaîne de télévision thématique sportive payante éponyme. Depuis avril 2014, MCS est une filiale à 100 % du groupe Altice, groupe qui contrôle également l'opérateur de communications électroniques et distributeur de chaînes de télévision SFR-Numericable.

4. La chaîne thématique sportive MCS, initialement développée autour du football, diffuse des compétitions de nombreuses disciplines sportives, dont le football (championnat national de France, UEFA U21, Coupe du Brésil), le tennis (certains tournois ATP et WTA), le basketball (Pro A et Pro B, championnat universitaire américain), le handball, le football américain et la gymnastique. La chaîne MCS est actuellement distribuée par Numericable (1) et CanalSat (2).

5. Fin 2014, MCS bénéficiait d'une notoriété de [10-20] % selon le baromètre de notoriété de l'institut d'études et de sondage CSA. Entre janvier et juin 2014, son audience cumulée moyenne par jour atteignait [0 - 0,3] million de téléspectateurs (3).

6. MCS a réalisé un chiffre d'affaires de 18,8 millions d'euro en 2013 et de 21,3 millions d'euro en 2014.

2. LA SAS EUROSPORT

7. Le Groupe Eurosport édite des chaînes de télévision payantes thématiques sportives, dont les chaînes Eurosport 1 et Eurosport 2. Leurs versions spécifiquement adaptées aux préférences des téléspectateurs français sont diffusées en France et en Suisse, Belgique, Luxembourg, Andorre, et Monaco.

8. Eurosport France est une société du Groupe Eurosport. En janvier 2015, le Groupe Eurosport était une filiale du Groupe TF1 et du groupe Discovery, un des leaders mondial de la télévision payante, qui détenait 51 % du capital d'Eurosport SAS et 20 % du capital d'Eurosport France SAS. Depuis le 22 juillet 2015, Discovery détient l'intégralité du capital d'Eurosport et d'Eurosport France.

9. Les chaînes Eurosport diffusées en France sont une déclinaison de la chaîne internationale Eurosport diffusée dans 54 pays. Eurosport France diffuse plus de 100 sports à l'antenne, et notamment du rugby (Pro D2, coupe du monde féminine, fédérale 1), du cyclisme (tour de France, tour d'Espagne), du football (coupe de France, D1 féminine), du tennis (dont Roland Garros), des sports d'hiver, des sports mécaniques (dont Moto GP) et des sports olympiques d'été (athlétisme, natation, etc.). Depuis l'été 2015, les chaînes Eurosport sont distribuées en exclusivité, y compris sur les réseaux câblés, sur CanalSat (4).

10. Fin 2014, Eurosport bénéficiait d'une notoriété de [70-85] % selon le baromètre de notoriété de l'institut d'études et de sondage CSA. Entre janvier et juin 2014, son audience cumulée moyenne par jour atteignait [0,8-1,1] million de téléspectateurs (5).

11. Eurosport France a réalisé un chiffre d'affaires de 65,3 millions d'euro en 2013 et de 64,3 millions d'euro en 2014.

3. LA SA D'ÉDITION DE CANAL PLUS ET LA SA GROUPE CANAL PLUS

12. La société Groupe Canal Plus (ci-après GCP) est une filiale à 100 % du groupe Vivendi. Elle est principalement active en métropole dans l'édition de chaînes payantes généralistes et thématiques, de chaînes gratuites et dans l'agrégation et la distribution d'offres de télévision payante (CanalSat).

13. Le 12 mai 2015, Vivendi a annoncé une offre publique d'achat auprès des actionnaires de la société d'édition de Canal Plus (ci-après SECP). Cette offre s'est clôt le 16 septembre et a permis à Vivendi de détenir 100 % de SECP.

14. GCP édite une chaîne premium (Canal+) et cinq déclinaisons de cette chaîne, dont la chaîne Canal+ Sport. La chaîne Canal+, en tant que chaîne généraliste, propose d'importants programmes sportifs, le plus souvent des compétitions premium, en plus de ses programmes d'information, de fiction et de divertissement. GCP détient les droits de diffusion en France d'une série de compétitions dans de nombreuses disciplines, dont principalement le football (Ligue 1, Ligue 2 à partir des saisons 2016-2017 et Ligue des champions), les sports mécaniques (dont la Formule 1), le rugby (dont Top 14 et Pro D2) et le tennis (Tournois de Bercy, de Monte-Carlo, et Coupe Davis).

15. Les offres de GCP (chaînes Canal+ et CanalSat) sont distribuées sur toutes les plates-formes de diffusion : TNT (52 % des abonnés), satellite (29 %), ADSL (15 %), câble (uniquement les chaînes Canal+, 4 %), mobile et Internet.

16. La chaîne Canal+ Sport bénéficie d'une notoriété de [65-80] % selon le baromètre de notoriété des chaînes de l'institut de sondage CSA. Son audience cumulée moyenne par jour était de [1,4-1,7] million de téléspectateurs entre janvier et juin 2014.

17. GCP éditait également une chaîne sportive thématique, Sport +, dont la diffusion a été arrêtée le 26 juin 2015. Les principales compétitions sportives diffusées par la chaîne Sport+ à sa fermeture (6) étaient la Pro A de basket, les matchs amicaux de l'équipe de France de Football pour l'UEFA, les championnats de France de gymnastique, les championnats du monde de formule E et les coupes Davis et Fed Cup (Tennis). Entre 2012 et l'arrêt de sa diffusion en 2015, Sport+ était distribuée exclusivement par CanalSat, sauf pour les réseaux câblés, où elle était diffusée par Numericable.

18. En 2013, SECP a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 1,9 milliard d'euro, et de 1,8 milliard d'euro en 2014, réalisé principalement en France. En 2013, Groupe Canal + a réalisé un chiffre d'affaires mondial consolidé de 5,3 milliards d'euro, dont 4,1 en France, et de 5,5 milliards d'euro en 2014, dont 4,1 en France.

4. L'ASSOCIATION LIGUE NATIONALE DE RUGBY

19. La Fédération française de rugby (ci-après " FFR "), association déclarée reconnue d'utilité publique, est une fédération sportive agréée et délégataire du ministre chargé des sports, conformément à l'article L. 131-14 du Code du sport. À ce titre, la FFR dispose de pouvoirs pour organiser, gérer, promouvoir et réglementer en France la pratique du rugby sous toutes ses formes et le représenter à l'international.

20. Par décision de son assemblée générale extraordinaire du 13 juin 1998, la FFR a décidé de créer une ligue professionnelle dotée de la personnalité morale. Cette ligue professionnelle, dénommée Ligue nationale de rugby (LNR) a été créée le 24 juillet 1998.

21. La LNR est une association régie par la loi du 1er juillet 1901. Elle assure la représentation, la gestion et la coordination des activités du rugby professionnel. La LNR est chargée d'organiser, de gérer et de réglementer les championnats de France professionnels de 1ère et de 2ème division de rugby à XV masculin (respectivement Top 14 et la Pro D2).

22. À ce titre, la LNR est notamment chargée de commercialiser les droits audiovisuels des championnats de France professionnels de 1ère et 2ème division, dont la FFR est propriétaire. Outre la commercialisation du Top 14 qui constitue sa principale source de revenus, la LNR est donc chargée de la commercialisation des droits audiovisuels de la Pro D2, qu'elle a décidé de mettre en vente séparément du Top 14 pour les saisons 2015-2016 à 2019-2020.

B. LES FAITS

23. Le 18 décembre 2014, la LNR a ouvert une consultation pour la commercialisation des droits du championnat de Pro D2 de rugby, qui s'est déroulée sur trois tours. L'objectif de la LNR lors de cette consultation, outre l'aspect financier, était d'assurer un développement à long terme de la Pro D2 reposant sur un engagement éditorial de la part des diffuseurs afin de garantir une meilleure exposition de la compétition.

24. Afin d'atteindre ce dernier objectif et éviter la situation connue lors de la saison 2014-2015 pendant laquelle les 60 matchs diffusés de la Pro D2 l'avaient été à 25 créneaux horaires différents, la LNR a proposé une modification du schéma de diffusion de la compétition, en lui attribuant des horaires fixes, le jeudi soir pour un match décalé et le vendredi soir pour les autres matchs, en évitant ainsi les plages horaires encombrées du week-end.

25. Pour ses deux premiers tours, la consultation portait sur la sélection d'un diffuseur unique de la compétition. La LNR estimait que cette exclusivité était nécessaire afin d'inciter les diffuseurs à proposer des dispositifs éditoriaux et promotionnels ambitieux. Trois candidats ont déposé des offres en réponse à cette consultation : MCS, Eurosport et GCP via sa chaîne sportive premium Canal+ Sport. À chaque tour, les candidats étaient individuellement reçus par la LNR afin d'échanger sur leurs offres et de discuter des points d'amélioration.

26. À l'issue du deuxième tour, la LNR a constaté que les offres des candidats atteignaient des montants nettement supérieurs à celui des saisons précédentes et proposaient une meilleure exposition télévisuelle.

27. Elle a alors envisagé un allotissement des droits pour le troisième tour, consistant à distinguer la diffusion de la meilleure affiche (le match du jeudi) de la diffusion des autres matchs. Un tel allotissement, fréquent en matière de droits sportifs, permet, en cas d'attribution des lots à plusieurs chaînes, de faire bénéficier la compétition d'une plus large audience et de plusieurs dispositifs promotionnels. Mais il présente l'inconvénient de diminuer l'attrait de chaque lot pour les diffuseurs qui ne peuvent plus se prévaloir de la retransmission exclusive de la compétition, sauf s'ils parviennent à gagner tous les lots.

28. Toutefois, cet inconvénient était limité pour la ligue puisque les offres déposées au titre du deuxième tour d'enchères étaient fermes et définitives, ce qui lui donnait une garantie d'issue favorable même en cas d'échec du troisième tour.

29. Finalement, la LNR a décidé le 12 mars 2015 d'inclure deux nouveaux packs (" Pack jeudi " et " Pack week-end ") au troisième tour de la consultation et en a informé chaque candidat au cours de rendez-vous individuels, le 19 mars pour MCS et le 20 mars 2015 pour GCP puis pour Eurosport, afin de recueillir leurs éventuelles observations.

30. À cette occasion, Eurosport a proposé à la LNR d'ajouter la rediffusion du match du jeudi au pack du week-end, permettant au diffuseur remportant ce pack de se prévaloir d'une diffusion intégrale de la compétition, et de maintenir le lot initial pour la diffusion intégrale de la compétition lors de ce troisième tour.

31. La LNR a retenu cette proposition et a relancé la consultation le 23 mars 2015 en laissant aux candidats un délai de sept jours pour déposer leurs offres.

32. Lors de ce troisième tour, Eurosport a déposé une offre jugée crédible sur chacun des trois lots, GCP a déposé une offre sur le seul Pack jeudi, son offre du deuxième tour pour obtenir la diffusion intégrale restant néanmoins valable, et MCS a amélioré son offre pour la diffusion intégrale exclusive mais n'a pas candidaté sur les deux nouveaux lots.

33. Après trois jours de négociations avec les candidats, la LNR a sélectionné la combinaison d'offres d'Eurosport et de Canal+ Sport. Cette solution " non exclusive " aboutissait à un montant financier légèrement inférieur à celui proposé par MCS pour une diffusion exclusive, mais permettait une meilleure exposition de la Pro D2 sur des chaînes bénéficiant d'une forte audience.

34. Par ailleurs, selon la LNR, l'offre de MCS ne respectait pas les conditions de forme exigées. En effet, elle n'était valable que jusqu'au 3 avril 2015, alors que la LNR demandait à ce que les offres des candidats soient valables jusqu'au 31 mai 2015. En outre, les lettres d'accompagnement de SFR-Numéricable, dont les propositions étaient associées à l'offre de MCS, n'étaient pas signées.

35. Il faut ajouter que les offres proposées par les candidats intégraient des engagements de promotion de la Pro D2 reposant sur un dispositif de promotion externe (campagne de publicité dans la presse) et interne au groupe auquel appartenait chaque candidat. En particulier, l'offre de MCS intégrait dès le premier tour un dispositif de promotion de la Pro D2 au sein des boutiques de SFR-Numéricable.

36. Ce point est important car, en parallèle de la consultation, la LNR devait se préoccuper du renouvellement du contrat de partenariat marketing passé avec Orange qui portait à la fois sur le Top 14 et la Pro D2 et prenait fin au terme de la saison 2014-2015. Ce type de partenariat permet à une entreprise d'associer sa marque à l'image d'un sport ou d'une compétition considérée comme populaire en lui garantissant généralement une exclusivité sectorielle, en l'espèce ne pas avoir d'autres sponsors actifs dans le secteur des télécoms.

37. Le plan de promotion proposé par MCS pouvait diminuer l'attrait de ce partenariat pour Orange et faisait donc courir un risque financier à la LNR. Informé de ce risque, MCS a adjoint à son offre des engagements supplémentaires, subordonnés à l'acceptation de son offre pour les droits de la Pro D2. Ces engagements portaient sur le partenariat des compétitions de Top 14 et de Pro D2 ainsi que des clubs sponsorisés par Orange dans le cas où ceux-ci perdraient leur contrat. Ces partenariats étaient d'un montant comparable à celui du contrat de partenariat d'Orange pour les saisons précédentes.

C. LES PRATIQUES EN CAUSE

38. MCS estime que l'attribution des droits de la Pro D2 à GCP et Eurosport par la LNR résulterait de deux ententes connexes entre ces trois entités et que la procédure de mise en concurrence aurait été gérée de manière discriminatoire à son égard, ce qui constituerait un abus de position dominante de la LNR, pratiques contraires aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et aux articles 101 et 102 TFUE.

39. S'agissant des ententes alléguées, la plaignante envisageait une première entente horizontale entre ses deux concurrents, GCP et Eurosport, et une seconde entente verticale entre trois acteurs, les deux précédents et la LNR.

40. Elle a précisé, lors de la séance, qu'elle dénonçait en fait une seule entente dont le but était de l'exclure et qui se serait déroulée en deux étapes. Dans un premier temps, GCP et Eurosport se seraient concertés afin de convaincre ensemble la LNR de constituer des lots. Dans un second temps, Eurosport et GCP, rejoints par la LNR, se seraient concertés pour organiser un " simulacre de concurrence " au troisième tour, aux fins d'évincer MCS en attribuant tous les lots à GCP et Eurosport.

41. En outre, MCS dénonce une exploitation abusive par la LNR de la position dominante qu'elle détiendrait soit sur " le marché de l'acquisition de droits audiovisuels sportifs semi-premium " auxquels appartiendraient les droits de la Pro D2, soit sur " le marché de l'appel d'offres pour l'attribution des droits de la Pro D2 pour les saisons 2015-2016 à 2019-2020 ".

42. MCS estime que la LNR aurait abusé de sa position dominante par un comportement discriminatoire à son endroit afin de l'exclure du marché : un délai trop court laissé aux candidats pour présenter leurs offres lors du troisième tour qui aurait avantagé GCP et Eurosport, le choix d'une solution moins-disante au plan financier pour l'attribution des droits et le fait d'avoir imposé à MCS, et non aux autres candidats, d'adjoindre à son offre des engagements supplémentaires de partenariat marketing sans lien avec la Pro D2.

43. Accessoirement à sa saisine au fond, MCS a déposé une demande de mesures conservatoires. Elle demande, d'une part, de suspendre l'attribution des droits de la Pro D2 à GCP et Eurosport et toute communication y afférente et, d'autre part, d'organiser une nouvelle procédure d'attribution de ces droits par une mise en concurrence transparente et non discriminatoire.

II. Discussion

44. L'article L. 462-8 du Code de commerce prévoit que l'Autorité de la concurrence peut " rejeter la saisine par décision motivée lorsque les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants ". En outre, l'article R. 464-1 du même Code dispose que : " la demande de mesures conservatoires mentionnée à l'article L. 464-1 ne peut être formée qu'accessoirement à une saisine au fond de l'Autorité de la concurrence ".

1. SUR LES ABUS DE POSITION DOMINANTE DÉNONCÉS

a) Sur le marché des droits " semi-premium " auquel appartiendraient les droits de la ProD2 et sur lequel la LNR serait en position dominante

45. Sur les marchés amont de l'acquisition de droits de diffusion de programmes audiovisuels, sur lesquels les détenteurs de droits sont offreurs et les éditeurs de chaîne de télévision sont demandeurs, la pratique décisionnelle a distingué les marchés relatifs à l'acquisition des droits de diffusion des films de cinéma et de séries d'une part, et ceux portant sur la diffusion d'évènements sportifs d'autre part (7).

46. S'agissant des droits audiovisuels des compétitions sportives, la pratique décisionnelle a progressivement distingué (8) :

• le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des matches de la Ligue 1 de football ;

• le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des compétitions régulières de football qui se déroulent tout au long d'une année et qui impliquent des équipes françaises (qui incluent notamment la Ligue 2, les coupes nationales, la Ligue des Champions et l'Europa League) ;

• le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des championnats étrangers de football les plus attractifs ;

• le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des autres compétitions de football ;

• le marché de l'achat de droit pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des événements sportifs d'importance majeure autres que footballistiques ;

• le marché de l'achat de droits pour une diffusion sur des services de télévision payante et gratuite des compétitions sportives autres que footballistiques et hors événements d'importance majeure.

47. Ce dernier marché, qui est de loin le plus important en nombre de droits concernés, rassemble les droits les moins valorisés qui n'ont pas été distingués par une attractivité particulière. Il est désigné par commodité par l'expression marché " des autres droits ".

48. La pratique décisionnelle n'a jamais tranché, au fond, la question du marché pertinent auquel appartiennent les droits du rugby même si l'Autorité a considéré dans sa décision de mesures conservatoires n° 14-MC-01 du 30 juillet 2014, confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 9 octobre 2014, que les droits du Top 14 présentaient l'ensemble des caractéristiques des droits premium et, en conséquence, étaient susceptibles de relever de marchés pertinents autres que celui du marché " des autres droits ". S'agissant des droits de la Pro D2, aucune décision n'a remis en cause la pratique décisionnelle établie qui considère que ces droits relèvent du marché " des autres droits ".

49. Toutefois MCS, s'éloignant de cette segmentation, soutient que les droits de la Pro D2 appartiendraient à un marché nouveau des droits audiovisuels sportifs "semi-premium " qui regrouperait des droits " qui, sans réunir l'ensemble des critères habituellement retenus par la jurisprudence pour identifier un caractère premium, sont des moteurs d'audience significatifs pour les chaînes thématiques sportives et des contenus suffisamment attractifs pour également intéresser les chaînes premium " (cote 29).

50. Selon elle, ces droits " semi-premium " seraient au moins ceux de la Pro D2 de rugby, de la Pro A de basket, de la D1 de handball, qui relèvent actuellement du marché " des autres droits ", et ceux de la Ligue 2 de football, qui relève actuellement du marché des droits " des compétitions régulières de football qui se déroulent tout au long d'une année et qui impliquent des équipes françaises ".

51. Mais la définition des marchés pertinents s'appuie principalement sur l'analyse de la substituabilité des biens du côté de la demande, et à titre complémentaire, sur l'analyse de cette substituabilité du côté de l'offre. Or, de ce point de vue, les critères proposés par la plaignante pour définir un marché nouveau des droits sportifs " semi-premium " sont inopérants.

52. En effet, la plaignante ne s'explique pas sur les éléments objectifs permettant de distinguer les compétitions qui seraient des " moteurs d'audience " pour chaînes thématiques ordinaires mais seulement des contenus " attractifs " pour les chaînes premium. Son approche revient d'ailleurs à partir de l'offre, en classant les chaînes payantes dans différentes catégories, puis à projeter sur les droits audiovisuels ces catégories pour analyser leur substituabilité.

53. Mais la pratique décisionnelle raisonne en sens inverse : elle part de la demande de contenus sportifs. Elle distingue des droits sportifs premium, ainsi qualifiés parce qu'ils réunissent un certain nombre de caractéristiques objectives précises, et considère que c'est en achetant de tels droits qu'une chaîne acquiert le statut de chaîne premium.

54. La mesure de l'attractivité et donc de la substituabilité des droits sportifs par référence aux chaînes qui les détiennent ne rend pas compte de la réalité du marché. Il apparaît ainsi que des chaînes sportives premium comme Canal+ et Canal+Sport possèdent une large variété de droits, d'attractivité et de valeur très hétérogènes (9), par exemple ceux de certaines compétitions de moto, de cyclisme, de golf, de triathlon ou de boxe, qui ne sont pas des contenus premium et dont la valorisation sur le marché est même très inférieure à celle des droits " semi-premium " dont la saisissante a donné une liste indicative.

55. Par ailleurs, la plaignante relève, à juste titre, comme l'avait déjà fait l'Autorité dans sa décision n° 14-MC-01, que le marché " des autres droits " est défini par défaut et regroupe un ensemble de droits hétérogènes en attractivité et en valeur. Il lui est donc possible de distinguer dans cette masse certains droits plus chers que les autres et de constater, notamment à partir de ce critère du prix, que la ProD2 est, en effet, plus attractive que beaucoup d'autres évènements sportifs dont les audiences télévisées sont confidentielles.

56. Il lui est également possible d'affirmer que cette compétition est devenue aujourd'hui aussi attractive que le championnat professionnel de basket ou de handball et de rappeler que la valeur des droits audiovisuels peut évoluer au cours du temps en fonction de l'amélioration du niveau des compétitions et de l'intérêt du public, ce qui ouvre la possibilité que certains droits sportifs puissent changer de catégorie, comme la pratique décisionnelle l'a reconnu pour le Top 14.

57. À partir de ces constats, la plaignante caractérise les droits " semi-premium " par le fait qu'ils seraient " suffisamment attractifs " (cote 30) sans toutefois l'être au point de constituer des contenus premium. Elle considère, à cet égard, que la ProD2 ne réunit pas toutes les caractéristiques d'un produit premium car " sa valorisation est en valeur absolue inférieure à 10 millions d'euro " (Cote 29).

58. Mais, au-delà de ces quelques exemples de droits ayant atteint des prix plus élevés, elle n'apporte aucun élément permettant, à partir de ce critère d'attractivité mesuré par un prix, de distinguer clairement les contenus " semi-premium " de ceux qui ne le sont pas. En l'absence d'une analyse probante de la substituabilité, la notion de droit audiovisuel sportif " semi-premium ", fondée sur le seul critère d'un prix plus élevé que la moyenne des " autres droits ", est à elle seule insuffisante pour définir un marché pertinent.

59. Enfin et surtout, une telle classification entre contenus " semi-premium " et contenus ordinaires au sein de l'ensemble hétérogène que constituent les " autres droits " est indifférente pour le droit de la concurrence tant que l'on n'indique pas quelle conséquence juridique on doit en tirer.

60. En effet, en l'état actuel de la jurisprudence, " les autres droits " sont l'ensemble des droits sportifs qui ne sont soumis qu'au droit commun des contrats et au principe de la liberté du commerce sans être ni encadrés par une réglementation publique, ni régulés par une jurisprudence des autorités de concurrence.

61. Distinguer au sein de cet ensemble des droits qualifiés de " semi-premium " n'aurait de sens que si l'on pouvait préciser en quoi ces contenus ne devraient plus être soumis au seul principe de la liberté du commerce et quelles conséquences les autorités de concurrence devraient en tirer pour appliquer le Code de commerce ou le traité TFUE.

62. Mais, lors de la séance, MCS a été incapable d'indiquer les conséquences juridiques précises que pourrait entraîner un classement en droits sportifs " semi-premium ". Elle a reconnu qu'elle n'estimait pas possible d'imposer aux titulaires de ces droits une attribution par mise en concurrence transparente et non discriminatoire sur le modèle des appels d'offres que la jurisprudence exige pour les droits premium. Elle n'a pas non plus soutenu que l'on devrait limiter a priori la durée d'exclusivité de ces droits comme on le fait pour les droits premium ou comme le demandent les articles L. 333-1, R. 333-1 à R. 333-3 du Code du sport pour certaines catégories de droits sportifs en France.

63. Imposer de telles conditions reviendrait en effet à faire absorber la catégorie des droits semi-premium par celle des droits premium.

64. Aucun élément apporté par la saisissante ou recueilli au cours de l'instruction ne justifie donc de modifier la pratique décisionnelle actuelle et de considérer que les droits de la ProD2 ne font plus partie du marché des " autres droits ".

b) Sur l'hypothèse d'une dominance de la LNR sur le marché instantané de la procédure de mise en concurrence pour l'attribution des droits de la Pro D2

65. La plaignante estime que la consultation en vue de l'attribution des droits de la Pro D2 pour les saisons 2015-2016 à 2019-2020 revêt les caractéristiques d'un appel d'offres et qu'il existe donc un marché pertinent instantané limité à cette seule consultation sur lequel la LNR serait dominante par construction.

66. Mais s'il est vrai qu'un appel d'offres est, pour les entreprises qui y répondent, un marché instantané sur lequel on peut observer des pratiques d'entente ou des abus de position dominante, le simple fait de décider d'organiser un appel d'offres ne suffit pas à créer un marché amont limité au bien mis en concurrence et sur lequel l'organisateur de la consultation serait en position dominante.

67. Au cas d'espèce, il faut d'abord relever, comme l'a fait le CSA dans son avis, que la LNR n'est pas tenue par les articles L. 333-1, R. 333-1 à R. 333-3 du Code du sport de procéder à une mise en concurrence transparente et non discriminatoire pour la vente des droits de la Pro D2. Ce point n'est pas contesté par la plaignante qui ne soutient pas non plus que la ligue était tenue de procéder à un appel d'offres en application de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence en matière d'attribution des droits sportifs premium.

68. Il est donc établi et non contesté que la LNR est juridiquement libre d'attribuer les droits de la ProD2 par la procédure qu'elle juge la plus appropriée.

69. Elle pouvait donc, pour les années 2016 à 2020, soit vendre ces droits de gré à gré comme elle le faisait avant 2007, soit les proposer comme un lot séparé lors de l'attribution des droits du Top 14 comme elle l'a fait en 2011, soit les proposer lors d'une consultation séparée, ce qu'elle a choisi de faire, mais avec une procédure de son choix et des critères de sélection qui auraient pu être différents de ceux qui ont été retenus.

70. Dans ces conditions, le simple fait que cette consultation puisse être vue comme un marché pertinent instantané n'emporte aucune conséquence pour la qualification d'une position dominante de la LNR en tant qu'organisateur de la consultation.

71. En effet, sur un tel marché instantané, la LNR n'est pas en concurrence avec les diffuseurs pour l'achat des droits télévisés mais vendeur de ces droits. Elle ne peut donc abuser de sa position pour évincer des concurrents et renforcer sa dominance sur un marché sur lequel elle n'est pas présente en tant qu'offreur.

72. Certes, par analogie avec ce qui est jugé pour le football, on pourrait considérer que la LNR abuse, à l'occasion d'un appel d'offres, d'une position dominante qu'elle détiendrait sur un marché amont de la vente des droits audiovisuels du fait de l'attractivité et de la valeur des droits qu'elle détient. Mais ce raisonnement, pour être valablement tenu, demande que soit au préalable démontré que les droits en cause, en l'espèce ceux de la ProD2, sont susceptibles de procurer une telle position dominante, ce qui demande d'analyser leur substituabilité par rapport à ceux d'autres compétitions sportives du point de vue des chaînes sportives.

73. Dans le cas contraire, il suffirait qu'une petite fédération sportive détentrice des droits audiovisuels de compétitions, certes très honorables comme toutes les disciplines sportives mais peu attractives pour les diffuseurs, décide de ne plus les vendre de gré à gré mais par appel d'offres pour créer de ce fait un minuscule marché pertinent de ses propres droits sportifs sur lequel elle serait en monopole. Un tel raisonnement ne saurait être accepté.

74. En réalité, la saisissante tente avec cet argument du marché instantané de réintroduire l'idée qu'il existerait en amont un marché pertinent très étroit, limité aux seuls droits de la ProD2 ou aux seuls droits détenus par la LNR. Mais cette hypothèse a déjà été écartée lors de l'analyse de la notion nouvelle de droits " semi-premium ".

75. En conséquence, le simple fait que la LNR ait librement souhaité recourir à une mise en concurrence pour vendre les droits de la ProD2 n'est pas un critère suffisant pour définir une position dominante sur un marché amont limité à ces droits.

2. SUR L'ENTENTE DÉNONCÉE

76. Dans sa plainte initiale, MCS dénonce deux ententes, d'une part, " une entente horizontale entre GCP et Eurosport, aux fins de coordonner leurs offres et de convaincre la LNR de renoncer au principe du diffuseur unique " et, d'autre part, " une entente verticale entre la LNR, GCP et Eurosport pour modifier les conditions d'attribution des droits de la ProD2 " aux fins d'attribuer ces droits à GCP et Eurosport et d'en évincer MCS.

77. Toutefois, ces ententes ne seraient pas indépendantes et la plaignante a confirmé, lors de la séance, qu'elle ne visait en fait qu'une seule entente " séquencée ", dont la concertation alléguée entre GCP et Eurosport ne constituerait qu'une " étape préparatoire ", en considérant que " pour que [la] stratégie commune [de GCP et d'Eurosport] visant à se partager les droits de la Pro D2 produise pleinement ses effets, GCP et Eurosport devaient obtenir le concours de la LNR ".

78. Mais elle n'apporte aucun élément probant d'un déroulement anormal de la consultation de nature à étayer l'hypothèse d'une telle entente séquencée. Elle ne soutient pas que les critères de sélection des offres auraient été modifiés en cours de consultation pour être orientés en sa défaveur, ni ne démontre que le déroulement de la consultation aurait été modifié ou interrompu dans le seul but d'en fausser le résultat.

79. Elle ne démontre pas non plus que les offres de GPC et Eurosport retenues seraient non conformes aux critères de choix fixés par la consultation et n'apporte aucun élément étayant son allégation que ces offres par lots seraient manifestement désavantageuses pour la LNR, se contentant de relever, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que son offre globale était légèrement meilleure au plan financier.

80. Les éléments du dossier et les débats ont, au contraire, montré que les objectifs affichés par la LNR avant l'ouverture de la consultation n'ont pas été modifiés et que son choix final apparaît économiquement rationnel dès lors que les deux objectifs poursuivis, obtenir un prix aussi élevé que possible et améliorer l'exposition de la ProD2, ont bien été atteints.

81. Enfin, la plaignante présente comme un indice d'entente le fait que GCP et Eurosport auraient soumissionné sur les lots qui, selon elle, les intéressaient le plus : " GPC diffusant la Ligue 1 de football, il est évident que seul le Pack jeudi l'intéressait " ; " Eurosport avait tout intérêt à obtenir le Pack Week-end plutôt que le Pack jeudi afin de préserver les intérêts de son partenaire GCP " (cote 37).

82. Mais cet argument manque en fait puisque les concurrents n'ont pas soumissionné sur les seuls lots qu'ils ont obtenus. GPC avait fait, au second tour, une offre ferme sur l'intégralité de la compétition. De même, l'entente aurait dû, selon la plaignante, conduire Eurosport à se concentrer sur le seul lot du week-end alors qu'elle a soumissionné sur tous les lots, le Pack Week-end, le Pack Jeudi et le pack intégral, et de manière crédible lors du troisième tour de consultation.

83. De plus, la plaignante présente l'intérêt d'Eurosport pour le Pack Week-end comme un indice de collusion. Cette préférence s'expliquerait, selon elle, par le désir de cette société "de préserver les intérêts de son partenaire GCP ", sans apporter le moindre élément étayant la possibilité d'une entente entre ces deux entreprises. On est donc face à un raisonnement circulaire où la plaignante suppose une entente préalable entre GCP et Eurosport pour élaborer un indice destiné à en prouver l'existence.

84. Faute d'éléments matériels probants, qu'il est certes difficile à réunir en matière d'entente, la plaignante pourrait au moins s'appuyer sur ce qu'il est convenu d'appeler une preuve intellectuelle en montrant la cohérence du scénario collusif allégué. Mais le scénario anticoncurrentiel exposé apparaît au contraire contradictoire à plusieurs égards.

85. En premier lieu, les objectifs de l'entente à trois, la concertation verticale qui en aurait été le cœur et les indices d'un objet anticoncurrentiel des pratiques, sont exactement les mêmes que ceux utilisés pour alléguer un abus de position dominante de la LNR. La plaignante insiste elle-même sur le rôle décisif de la ligue en estimant que pour écarter MCS " GCP et Eurosport devaient obtenir le concours de la LNR ". Il apparaît ainsi que l'exclusion de MCS qui est dénoncée pouvait être mise en œuvre de manière unilatérale par la ligue et on comprend mal la nécessité pour elle de passer par une entente préalable avec GCP et Eurosport.

86. En second lieu, en admettant même que l'entente verticale était nécessaire à la mise en œuvre de la discrimination alléguée, on ne comprend toujours pas l'intérêt de la LNR d'y participer. En effet, une entente est mise en œuvre pour maximiser l'intérêt collectif de ses membres au détriment des opérateurs trompés par la concertation. Une entente horizontale entre GCP et Eurosport devrait donc avoir pour objectif d'obtenir la ProD2 à moindre coût au détriment de la LNR. Mais si celle-ci participe à l'entente verticale finale, qui absorbe la précédente, alors il faut admettre que la LNR rejoint GCP et Eurosport pour vendre ses droits dans des conditions désavantageuses dans le seul but d'écarter l'offre de MCS, alors même que celle-ci lui serait plus favorable.

87. Il s'agit là d'un scénario tout à fait improbable dans lequel l'organisateur de l'appel d'offres contribue à son propre malheur en participant à une concertation qui dessert ses intérêts. D'autant que la plaignante, interrogée sur ce point lors de la séance, a indiqué qu'elle ne soutenait pas que les dirigeants de la ligue, en participant personnellement à une entente, auraient privilégié leur propre intérêt au détriment de celui de leur organisation. Leur légitimité pour sélectionner les titulaires des lots en fonction de l'idée qu'ils se faisaient de l'intérêt de la LNR n'est donc pas contestée.

88. Dans ces conditions, et en l'absence de tout indice probant d'un déroulement anormal de la consultation, l'entente verticale alléguée par la plaignante n'apparaît que comme une manière de contester le libre choix de la LNR de retenir la proposition de GCP et Eurosport plutôt que la sienne.

3. CONCLUSION

89. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les faits invoqués dans le cadre de la saisine ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants pour étayer l'existence de pratiques qui auraient eu pour objet ou pour effet d'entraver le libre jeu de la concurrence.

90. Il convient, en conséquence, de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce et de rejeter au fond la saisine enregistrée sous le numéro 15-0063F et, partant, la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 15-0064M.

DÉCISION

Article 1er : La saisine de la société Ma Chaîne Sport SAS enregistrée sous le numéro 15-0063F est rejetée.

Article 2 : La demande de mesures conservatoires de la société Ma Chaîne Sport SAS enregistrée sous le numéro 15-0064M est rejetée.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Jehanne Richet, rapporteure, et l'intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par M. Thierry Dahan, vice-président, président de séance, Mme Pierrette Pinot, Mme Isabelle de Silva, Mme Carol Xueref et M. Philippe Choné, membres.

Notes :

1 Début février 2016, MCS était distribuée à partir de l'offre TV power à 49,9 euro par mois.

2 Dès l'offre panorama à 24,90 euro par mois.

3 Source : Médiamat et institut CSA, cités par Cornerplay, cotes 10 947.

4 Dans l'offre Panorama à 29,90 euro par mois.

5 Source : Médiamat et institut CSA, cités par Cornerplay, cotes 10 947.

6 Cf. cotes 9 574 et 9 575.

7 Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et Canalsatellite par Vivendi et Groupe Canal Plus.

8 Décisions de l'Autorité n° 12-DCC-100, point 78, et n° 14-DCC-50, point 95, précitées.

9 Cf. cotes 10 938 et 10 940, recensant les différents droits détenus par Canal + et Canal + Sport.