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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 23 mars 2016, n° 14-05597

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Editions Atlas (SAS)

Défendeur :

Selarl Brenac et Associés (ès qual.), Opec (Sté), Gorget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Sonneville, M. Baïssus

Avocats :

Mes Rives, Landon, Goguyer Lalande, Sorel, Bertrand

T. com. Toulouse, du 6 févr. 2012

6 février 2012

Exposé des faits et procédure :

La SAS Editions Atlas exerce essentiellement dans le secteur de l'édition et de la commercialisation de produits de loisirs, elle distribue ses produits en particulier par la vente à domicile en utilisant un réseau de près de 350 agents commerciaux couvrant l'ensemble du territoire national.

Patrice Gorget a été agent commercial pour le compte de la SAS Editions Atlas à compter du 22 août 2001.

Après avoir créé au cours de l'été 2010 la SARL Margo diffusion associés (ci-après MDA) dont P. Gorget est le gérant, un contrat a été signé avec la société Editions Atlas le 1er août 2010, le secteur géographique étant porté de 281 340 à 354 614 habitants.

Par lettre recommandée du 2 mai 2011, la SAS Editions Atlas a rompu ledit contrat.

Le Tribunal de commerce de Toulouse, ayant été saisi le 8 juillet 2011 par la SARL MDA en paiement d'indemnités de préavis et de rupture, a, par jugement du 6 février 2012 :

- dit la demande de la SARL MDA recevable en ce qu'elle a un intérêt à agir,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial passé entre la SARL MDA et la SAS Editions Atlas aux torts de celle-ci,

- condamné, au visa de l'article L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, la SAS Editions Atlas à payer à la SARL MDA les sommes suivantes :

+ 31 294 euro au titre du préavis de résiliation,

+ 209 328 euro au titre de l'indemnité de rupture du contrat,

- dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter d'un mois après la signification du jugement et jusqu'au parfait paiement,

- débouté la SARL MDA de sa demande de remboursement des dé-commissionnements,

- condamné la SAS Editions Atlas à payer à la SARL MDA la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (CPC),

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 10 février 2012, la SAS Editions Atlas a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 22 mai 2013, la Cour d'appel de Toulouse a :

- annulé le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse,

- déclaré la SARL MDA recevable à agir,

- jugé injustifiée la résiliation du contrat d'agent commercial par la SAS Editions Atlas pour absence de faute grave,

- condamné la SAS Editions Atlas à payer à la SARL MDA les sommes de :

- 57 766,74 euro au titre de l'indemnité de rupture,

- 7 220,84 euro au titre de l'indemnité de préavis,

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2011,

- débouté la SARL MDA de sa demande relative aux décommissionnements,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la SAS Editions Atlas de sa demande de ce chef,

- condamné la SAS Editions Atlas à payer à la SARL MDA la somme de 3 000 euro sur ce fondement,

- condamné la SAS Editions Atlas aux dépens de première instance et d'appel dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par jugement du 29 août 2013, le Tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation de la SARL Opec venant aux droits de la SARL MDA et a désigné la Selarl Brenac & associés liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 16 septembre 2014, la Chambre commerciale de la cour de cassation a :

- cassé l'arrêt de la cour d'appel sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société MDA de décommissionnements

- et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Toulouse autrement composée,

- condamné la société Opec et la société Brenac et associés ès qualités aux dépens

- et rejeté la demande de la SAS Editions Atlas en application de l'article 700 du CPC.

La Cour de cassation a cassé l'arrêt au visa de l'article 954 alinéa 1er du CPC en reprochant à la cour de ne pas avoir pris en compte une demande formulée sans équivoque dans les motifs des conclusions de la société Editions Atlas sur l'irrecevabilité de pièces.

Par déclaration du 2 octobre 2014, la SAS Editions Atlas a saisi la Cour d'appel de Toulouse en conséquence de l'arrêt de cassation.

Par acte du 6 mai 2015, la SAS Editions Atlas a appelé en intervention forcée Patrice Gorget.

Par conclusions de procédure du 7 janvier 2016, la SAS Editions Atlas a demandé le report de l'ordonnance de clôture fixée au 4 janvier 2016.

Par conclusions de procédure du 14 janvier 2016 la Selarl Brenac et associés ès qualités a sollicité le report de l'ordonnance de clôture ou la défixation de l'affaire.

Par courrier du 6 janvier 2016, la SAS Editions Atlas s'est opposée à la défixation de l'affaire.

La clôture a été fixée au 11 janvier 2016 puis a été reportée au 19 janvier 2016.

Prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées le 28 décembre 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Editions Atlas demande de :

- statuer ce que de droit sur la demande de sursis à statuer présentée par Monsieur Gorget.

- dire irrecevables les pièces de Monsieur Gorget numérotées de 3 à 57 et de 61 à 67 au visa de l'article 906 du CPC.

- dire nul et de nul effet le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 6 février 2012 au visa de l'article 16 du CPC,

- juger que la convention du 1er août 2010 et les conditions réelles de son exécution ne permettent pas à la société Opec de se prévaloir du statut légal des agents commerciaux au visa de l'article L. 134-1 du Code de commerce et de l'article 12 du CPC,

- constater que la société Opec est défaillante à faire la preuve de sa qualité d'agent commercial au visa de l'article 9 du CPC,

- débouter la société Opec de toutes ses demandes, fins et conclusions au visa des L. 131-1 du Code de commerce relatif à la convention de courtage, l'article 134-4 du Code de commerce, et les articles 1134 et 1982 du Code civil,

- condamner Monsieur Gorget au paiement de la somme de 68 579,50 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2013, date du paiement, majoré de cinq points à compter du 16 novembre 2014.

Plus subsidiairement encore,

- dire et juger que le montant de l'indemnité de rupture qui pourrait éventuellement être dû à la société Opec ne peut être supérieur à la somme de 45 750,39 euro.

- condamner solidairement la Selarl Brenac es-qualité de mandataire liquidateur la société Opec et Monsieur Gorget au paiement de la somme de 9 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

Par conclusions notifiées le 6 janvier 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Selarl Brenac et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société Opec venant aux droits de la société Margo Diffusion associés demande de :

- prendre acte de ce qu'elle s'en remet sur la question de la nullité du jugement

- statuer sur le fond dans le cadre de l'évocation

- juger que le contrat liant la société MDA à la société Atlas est un contrat d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce,

à titre subsidiaire,

- appliquer le contrat en toutes hypothèses et lui allouer l'indemnisation prévue à défaut de faute grave prouvée

à titre encore plus subsidiaire,

- dire que la société Editions Atlas a engagé sa responsabilité et ne rapporte pas la preuve d'une faute de son agent commercial la SARL MDA au visa de l'article 1184 du Code civil, et que cette dernière est en droit d'obtenir l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 du Code de commerce,

en conséquence,

- condamner la société Editions Atlas à lui verser :

. 31 294 euro TTC au titre du préavis en application de l'article L. 134-11 du Code de commerce

. 209 328 euro au titre de l'indemnité de cessation de contrat au visa de l'article L. 132-12 du Code de commerce

en toute hypothèse,

- condamner la société Editions Atlas à lui payer la somme de 240 622 euro sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce, 1135 et 1147 du Code civil

- juger que ces sommes porteront intérêts à compter du 2 mai 2011 et à défaut à compter de l'assignation du 8 juillet 2011 avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil

- juger qu'en l'absence de déclaration au passif, l'éventuel arrêt déboutant la société MDA de ses demandes ne pourra valoir droit à restitution pour la société Atlas à hauteur de 68 569,50 euro.

- lui allouer 6 000 euro en application de l'article 700 du CPC.

Par conclusions notifiées le 31 février 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Patrice Gorget demande de :

- à titre liminaire sur la recevabilité de la SAS Editions Atlas :

surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal de commerce de Toulouse se prononce sur la demande de relevé de forclusion formée par la société Editions Atlas dans la procédure en liquidation de la société Opec au visa des articles 122 et suivants du CPC,

- sur la recevabilité des pièces qu'il a communiquées :

dire les pièces communiquées par M. Gorget recevables et débouter la société Editions Atlas de ce chef, au visa des articles 900 et suivants, notamment 906 et 908 du Code de procédure civile,

- Sur le fond

- constater que le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du du 6 février 2012 a bien respecté les règles de procédure civile et notamment le principe du contradictoire,

- constater la constitution tardive (septembre 2015), bien qu'assignée, devant la Cour de la Selarl Brenac et Associes, en qualité de mandataire liquidateur de la société Opec (anciennement dénommée MDA),

- constater que, curieusement, la Selarl Brenac et Associés, ès qualitès, avait pourtant informé le conseil de M. Gorget d'une constitution en l'espèce devant la Cour bien avant sa constitution effective,

En tirer toutes les conséquences de droit et de fait,

- dire que M. Gorget et la société MDA devenue société Opec en liquidation ont bien bénéficié de contrats d'agents commerciaux,

- dire que M. Gorget a bien un intérêt à agir et à demander l'obtention des indemnités de rupture dues en vertu de la loi,

- constater que la SAS Editions Atlas n'apporte pas la preuve objective de ce que son agent commercial M. Gorget et société MDA aurait commis une faute grave au sens des dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce,

En conséquence,

- juger que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable à la SAS Editions Atlas, et la condamner à verser l'indemnisation compensatrice prévue par l'article L. 134-12,

- dire que les sommes allouées seront réglées en considération de la procédure de liquidation judiciaire en cours de la société Opec et notamment des créanciers inscrits, étant rappelé que le mandataire liquidateur ne s'est pas constitué en l'espèce alors même que l'intérêt des créanciers de la société en liquidation Ie commandait au regard du montant des sommes sollicitées,

- confirmer de ces chefs la décision entreprise du Tribunal de commerce de Toulouse du 6 février 2012,

- débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner à la SAS Editions Atlas de communiquer tous les documents comptables nécessaires à la vérification du montant des commissions dues sur le fondement des articles L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-6 Code de commerce

- constater que sa pièce communiquée sous le numéro 43 (relevés mensuels de chiffres d'affaires de septembre 2010 à mai 2011) est largement insuffisante au regard de la sommation de communiquer adressée et que sa pièce n°43 ne couvre pas toute la période indiquée par M. Gorget (la pièce n° 43 de la société Editions Atlas ne vise qu'à tenter de diminuer les commissions qu'elle propose de verser à titre subsidiaire dans ses écritures),

- condamner la SAS Editions Atlas à payer à M. Gorget en qualité d'agent commercial en nom propre et sous la dénomination de la SARL MDA (tenant toujours compte de la liquidation en cours de la société Opec et les créanciers déclarants) :

. la somme de 31 294 euro TTC, sur le fondement de l'article L. 134-11 au titre du préavis,

. la somme de 209 328 euro non soumise à TVA, sur le fondement de l'article L. 134-12 au titre d'indemnité de cessation de contrat,

. la somme de 500 000,00 euro sur le fondement de l'article L 134-6 alinéa 2 du Code de commerce au titre de la commission due sur ce fondement, sous réserve concernant le montant de cette commission de la communication par la société Editions Atlas des pièces sollicitées par sommation de communiquer ou sur injonction de la cour ; au besoin, la cour ordonnera un sursis à statuer sur ce chef de demande,

- dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 2 mai 201 1 (lettre de résiliation de la société Editions Atlas), à défaut à compter de la date d'assignation du 8 juillet 2011,

- condamner la SAS Editions Atlas à payer à M. Gorget un somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Motifs de la décision :

- Procédure :

- Sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et des pièces :

Eu égard au délai écoulé entre la date des conclusions de procédure des 7 et 14 janvier 2016 et la dernière clôture fixée au 19 janvier 2016, la cour a demandé aux parties, dès l'ouverture des débats, si elles souhaitaient un renvoi de l'affaire eu égard aux diverses conclusions de procédure déposées depuis le 7 janvier 2016 et en dépit de la clôture fixée en définitive au19 janvier.

Les parties ont considéré qu'à l'issue de l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2016 et après examen des pièces communiquées avant le 7 janvier 2016, pour une audience fixée au 19 janvier 2016, et dont l'irrecevabilité était soulevée pour tardiveté de communication, les litiges procéduraux étaient levés et ne souhaitaient pas un renvoi de l'affaire.

Il n'y a donc pas lieu à rabat de l'ordonnance de clôture.

Il convient de constater la recevabilité des dernières conclusions et des pièces utilement communiquées avant le 7 janvier à défaut d'autres motifs d'irrecevabilité soulevés par la SAS Editions Atlas.

- Sur la demande de sursis à statuer pour relever de forclusion :

Patrice Gorget sollicite un sursis à statuer en raison de l'appel formé par la SAS Editions Atlas à l'encontre de l'ordonnance du Tribunal de commerce de Toulouse du 9 janvier 2015 qui l'a déclarée irrecevable en sa demande de relevé de forclusion au passif de la société Opec.

Or, si la SAS Editions Atlas a formé une action en relevé de forclusion pour solliciter le versement de sommes à la société MDA devenue Opec dans le cadre de la procédure collective, en revanche dans le présent litige, elle ne demande pas la condamnation ou la fixation d'une quelconque créance auprès de la société MDA devenue Opec. La demande de sursis à statuer de Patrice Gorget n'a donc pas lieu d'être ordonnée.

- Sur la demande de nullité du jugement au visa de l'article 16 du CPC :

il ressort de l'arrêt de cassation qui a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Toulouse que la cassation n'a été que partielle et que l'arrêt de la cour d'appel a été confirmé en ce qu'il a débouté la SARL MDA de sa demande au titre des décommissionnements, après avoir annulé le jugement.

Si la Cour de cassation n'a pas critiqué l'arrêt du chef de l'annulation du jugement, la portée du dispositif de l'arrêt de cassation conduit à examiner nécessairement l'annulation du jugement de nouveau soulevée devant la cour d'appel de renvoi.

Selon les dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Dans l'acte introductif d'instance délivré le 8 juillet 2011, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, la SARL MDA sollicitait à titre principal la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts de la SAS Editions Atlas ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 31 294 euro TTC au titre du préavis et celle de 209 328 euro au titre de l'indemnité de rupture, en faisant valoir une violation de l'obligation de ne pas modifier l'équilibre du contrat ainsi qu'une modification du volume des produits. Dans ses écritures du 10 novembre 2011, la SAS Editions Atlas a conclu à l'irrecevabilité de la SARL MDA pour défaut d'intérêt à agir en résiliation du contrat. La SARL MDA a alors déposé des écritures le 21 novembre 2011 par lesquelles elle ne sollicitait plus le prononcer de la résiliation du contrat mais le constat d'une résiliation aux torts de la SAS Editions Atlas en l'absence de faute grave de sa part tout en reprenant ses prétentions financières. Lors de l'audience du 28 novembre 2011, le tribunal de commerce s'est opposé à une demande de renvoi présentée par la SAS Editions Atlas.

En dépit du caractère oral de la procédure devant la juridiction consulaire, le changement de moyens développés par la SARL MDA pour obtenir l'indemnisation de la rupture du contrat imposait à la juridiction consulaire de faire droit à la demande de renvoi afin de respecter le principe de la contradiction, étant observé que la SARL MDA avait répliqué en 11 jours aux écritures de la SAS Editions Atlas et qu'il ne restait à cette dernière que 7 jours pour répondre aux nouveaux moyens avancés par la SARL MDA. Le tribunal de commerce a d'ailleurs relevé que " la SAS Editions Atlas reste non disante sur la notion de faute grave ".

Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la décision de première instance.

- Sur la recevabilité à agir de Patrice Gorget :

Patrice Gorget a été appelé en cause à titre personnel par la SAS Editions Atlas par acte du 6 mai 2015 ; il a ensuite formé des demandes à l'encontre de la SAS Editions Atlas.

Aucune exception n'est soulevée sur la recevabilité de ses demandes. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef en dépit des motifs allégués par Patrice Gorget.

- Sur le fond :

Après annulation du jugement, la cour est saisie des demandes des parties par l'effet dévolutif de l'appel en application de l'article 562 du CPC.

Préalablement, sur le contrat en litige, il convient de préciser, sur ce chef de débat posé dès la première instance, que si le 10 septembre 2001, Patrice Gorget a signé avec la SAS Editions Atlas SAS un contrat d'agent commercial, dès le 1er août 2010, Patrice Gorget a démissionné du poste d'agent commercial, en précisant que la collaboration se poursuivrait par le biais de la SARL MDA dont il était le gérant et que le contrat signé avec elle reprenait les mêmes conditions que celui signé avec lui-même en son nom personnel. A cette même date, la SARL MDA a signé un contrat d'agent commercial rédigé en termes quasi identiques sauf extension du secteur géographique passant de 281 340 habitants à 354 614 habitants, et complément de l'article 7.7. sur la restitution des commissions trop perçues notamment " lorsque l'agent, pour quelque raison que ce soit, aura cessé ses fonctions, et notamment dans le cadre d'une poursuite d'activité au sein des Editions Atlas sous un autre mandat, il sera tenu de restituer les commissions indûment perçues d'avance ".

Toutefois, l'article 10 desdits contrats stipulait : le présent contrat étant conclu Intuitu Personae, tout changement dans la structure juridique de l'agent et de tout projet de cession de contrat doit être soumis à l'agrément du mandant au plus tard un mois avant la survenance soit du changement de la structure juridique, soit de la cession projetée.

Force est de constater que le second contrat ne contient strictement aucune précision sur la poursuite du premier contrat. L'article 7.7 du contrat du 1er août 2010 évoque seulement une activité précédente aux Editions Atlas sous un autre mandat. Il n'a pas été signé un avenant au contrat au contrat de Patrice Gorget avec transmission du contrat à la SARL MDA mais un nouveau contrat après démission de Patrice Gorget. Enfin, l'attestation du 2 août 2010 évoquée par la Selarl Brenac ès qualités comme pièce adverse n° 42, en page 36 de ses conclusions, n'est pas produite alors qu'elle aurait mentionné : " dans le cadre de la poursuite de son activité au sein des éditions Atlas, M. P Gorget, gérant de la SARL Margo Diffusion Associés "…,

La Cour de cassation a d'ailleurs validé l'arrêt de la cour d'appel sur le débouté relatif aux demandes de la SARL MDA concernant les décommissionnements, débouté fondé sur l'analyse du seul contrat en litige après démission de Patrice Gorget comme agent commercial en nom personnel.

Il en résulte que le seul contrat applicable au litige est celui du 1er août 2010 souscrit par la SARL MDA.

- Sur la qualification du contrat du 1er août 2010 liant la SARL MDA à la SAS Editions Atlas :

Pour la première fois dans le cadre de ce litige et après l'arrêt de renvoi de cassation du 16 septembre 2014, la SAS Editions Atlas a remis en cause la qualification du contrat du 1er août 2010 intitulé contrat d'agent commercial.

Aux termes de l'article L. 134-1 alinéa 1er du Code de commerce " l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achats, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. "

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Celui qui se prétend agent commercial doit en rapporter la preuve.

Il doit ainsi établir qu'il exerce une activité de négociation pour le compte et au nom de son mandant, en toute indépendance, c'est-à-dire qu'il choisit librement les modalités d'exécution de sa mission et que sa mission s'exerce à titre permanent et non à titre ponctuel ou occasionnel.

En l'espèce la SAS Editions Atlas et Me Brenac ès qualités produisent le contrat du 1er août 2010 litigieux. La SAS Editions Atlas, qui est un professionnel, connaissait nécessairement la portée de la loi du 25 juin 1991 et le statut de l'agent commercial lorsqu'elle a signé le contrat la liant à la SARL MDA. Or, il s'intitule " contrat d'agent commercial ".

Son objet défini à l'article 1.1 du contrat est " le mandat de vente à titre exclusif et en son nom et pour son compte des ouvrages qu'il édite et commercialise ".

L'article 1.2 stipule que " le présent mandat est régi par les dispositions générales de la loi 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants et les dispositions particulières de la présente convention ".

Il était prévu à l'article 5.1 que l'agent devait prendre les commandes pour le compte du mandant, entreprendre toutes les démarches et exécuter les formalités nécessaires de la conclusion de la vente pour le compte de la société Editions Atlas.

A l'article 6.2, il est stipulé " qu'en sa qualité d'agent commercial, l'agent jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique sous réserve des dispositions de l'article 11 de la présente convention " ; l'article 11 portait uniquement sur le règlement des différends pour stipuler qu'ils relèvent de la compétence légale.

La cessation du contrat prévue à l'article 9 correspondait aux dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce sur le statut d'agent commercial.

Ces seuls éléments et obligations contractuelles du mandataire, définis en termes précis et clairs, suffisent à affirmer que le contrat écrit qui a été souscrit est un contrat d'agent commercial répondant aux critères d'indépendance et de capacité de négociation de l'agent commercial, la capacité de négociation ne portant pas uniquement ni nécessairement sur le prix des produits à commercialiser.

Les conditions d'exercice du contrat litigieux n'étaient pas contraires aux principes d'indépendance et de négociation de l'agent posées par ledit contrat. Aucun lien de subordination n'est établi entre les parties et à l'examen de " plans de vente Atlas" fournis à l'agent, il ressort que ce sont des fascicules rappelant les techniques de négociation pour agents débutants face aux réactions du client, et démontrant que l'agent disposait d'une marge de négociation des produits pour les vendre notamment en choisissant ses fourchettes de prix ou en adaptant l'offre en fonction du budget du client, du nombre de produits promotionnels commandés etc ...

Il convient de débouter la SAS Editions Atlas de sa demande de requalification du contrat. La SARL MDA bénéficiait donc du statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner les demandes de dommages-intérêts de la Selarl Brenac et associés au titre des articles 1184 du Code civil ou L. 442-6, I 5e du Code de commerce.

- Sur les conditions de la rupture du contrat :

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

En revanche, selon les dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce, " la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial;

2° la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée

3° selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence "

En l'espèce, la SAS Editions Atlas invoque dans sa lettre de résiliation du 2 mai 2011 des fautes pour manquement à sa charte des agents commerciaux et au document qu'elle a intitulé " procédure courtage " dans le cadre de 5 bons de commandes qu'a fait souscrire la SARL MDA entre le 9 février 2011 et le 24 février 2011.

Il appartient à la cour de dire si les fautes alléguées caractérisent des manquements d'une exceptionnelle gravité, si elles sont préalables à la résiliation et si elles ne sont pas en lien avec un manquement ou une activité défaillante de la mandante elle-même.

Aucune lettre de mise en demeure préalable à la lettre du 2 mai 2011 n'a été adressée à la SARL MDA relatant les manquements listés dans la lettre de résiliation. Ces griefs ne portent que sur 5 commandes et datant de 3 mois.

Il est reproché à l'agent commercial pour l'essentiel de ne pas avoir vérifié les informations données sur le client concernant le n° de téléphone ou l'adresse de l'employeur ou encore le statut professionnel exact du client ou des différences entre le bon remis au client et celui adressé au mandant et pour le bon de commande Sylvain Frazie du 11 février 2011, il est reproché que le bon ne soit ni daté ni signé de la main du client. Partant de ces constatations, la SAS Editions Atlas dénonce un manque de loyauté dans l'exercice du mandat par l'agent commercial. Toutes ces commandes sont inférieures à 3 000 euro et donc n'étaient pas soumises aux conditions strictes de vérifications des informations transmises pour les commandes supérieures à ce montant dans le livre de procédure de la SAS Editions Atlas et qui en outre a été édité en cours de contrat en 2011 et non avant août 2010.

Parmi les manquements retenus, la cour ne décèle ainsi que des erreurs de vérification de certains éléments d'information dans les bons visés, manquements qui auraient dû relever d'un simple rappel à l'ordre du mandant mais ne justifiaient pas pour la première fois d'une résiliation pour faute d'une exceptionnelle gravité dès lors que ces erreurs étaient très vite réparables et régularisables par le mandant, ce qu'il a fait puisqu'il ne justifie pas du fait que chacune des 5 commandes visées a été annulée.

En revanche, le grief d'établissement de faux bon de commande relevait d'une faute grave à condition d'être établie. Or, la SAS Editions Atlas dénonce le fait que le bon de commande du 11 février 2011 de la version intégrale du " Monde de Winnie l'Ourson " pour 1 591,20 euro TTC par Sylvain Frazie, policier de profession, est un faux bon de commande en se fondant sur un autre bon de commande du même client en date du 7 novembre 2009 pour la version privilège du " point de croix diney point de croix facile " pour le prix de 1 009,40 euro TTC avec une signature manifestement différente.

En revanche, le mandant ne produit aucune pièce attestant que Sylvain Frazie n'a pas signé le bon de commande du 11 février 2011 ni avalisé la commande correspondante ni d'ailleurs le fait que la signature de référence était bien la sienne pour la commande du point de croix. Le caractère faux du bon de commande n'est donc pas suffisamment établi.

La cour ne retient aucune faute grave établie au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce et ce d'autant plus que le gérant de la SARL MDA avait obtenu le label qualité lorsqu'il était agent commercial en nom propre comme la SARL MDA elle-même pour la qualité de ses prestations moins de quelques mois avant la résiliation du contrat d'agent commercial de sa nouvelle société et sans qu'aucun grief n'ait été adressé par la mandante entre le 1er août 2010 et la lettre de résiliation à la SARL MDA.

- Sur les demandes de la Selarl Brenac ès qualités au titre des indemnités d'agent commercial dues :

En l'absence de faute grave, la SARL MDA a droit aux deux indemnités prévues par les articles L. 134-11 et 134-12 du Code de commerce. Mais, pour leur calcul, seules doivent être prises en compte les commissions perçues par la SARL MDA.

Pour l'indemnité de rupture, le second contrat devant être pris en compte n'a eu qu'une durée de 9 mois, elle ne peut donc pas être supérieure à cette durée. Selon l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leur prétention. Il résulte des pièces versées en procédure par la SARL MDA, intitulées commissions sur vente ou bonus, d'août 2010 à mars 2011 et non mai 2011 en l'absence de chiffre d'affaires réalisé en avril et mai 2011, que le montant hors taxes des commissions versées par la SAS Editions Atlas s'élève à la somme de 57 766,74 euro.

A titre subsidiaire, la SAS Editions Atlas demande à la cour de limiter le montant de l'indemnité à la somme de 45 750,39 euro, correspondant aux seules commissions. Cependant, les bonus avancés par la SARL MDA, supplément de commissions, ne font l'objet d'aucune contestation. Dès lors, le montant de l'indemnité de rupture allouée à la SARL MDA sera arrêté à la somme de 57 766,74 euro.

Pour le préavis, sa durée est d'un mois compte tenu de la durée du contrat inférieure à un an. La moyenne mensuelle des commissions dont la SARL MDA justifie étant de 7 220,84 euro, cette somme lui sera allouée au titre de cette seconde indemnité.

Ces deux sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance.

- Sur les demandes de la SAS Editions Atlas à l'encontre de Patrice Gorget :

La SAS Editions Atlas demande la condamnation de Patrice Gorget à 68 579,50 euro avec intérêts mais sans préciser dans le dispositif de ses conclusions qui sera bénéficiaire de cette condamnation alors que sa demande repose sur la dénonciation d'un détournement de la somme qu'elle a versée à la SARL Opec en exécution de l'arrêt du 22 mai 2013 de la cour d'appel de Toulouse pour sa partie définitivement acquise et non cassée par la Cour de cassation.

Il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur les difficultés d'exécution de sa précédente décision dans sa partie définitive et ce d'autant plus qu'une plainte a été déposée par la Selarl Brenac et associés pour détournement de fonds auprès du parquet de Saint-Gaudens, correspondant aux faits dénoncés.

La SAS Editions Atlas sera déboutée de sa demande à l'encontre de P. Gorget.

- Sur les demandes de Patrice Gorget :

Appelé en intervention forcée à titre personnel, il ne peut demander le versement ni des commissions dues au titre de l'article L. 134-6 du Code de commerce ni des indemnités de préavis et de rupture du contrat d'agent commercial dues à la SARL MDA seule titulaire du contrat d'agent commercial.

Il convient de débouter Patrice Gorget de ces demandes.

Eu égard à la situation respective des parties et à l'issue du procès, il convient de laisser les dépens et les frais irrépétibles à la charge de la SAS Editions Atlas.

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'arrêt de cassation de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 16 septembre 2014, Constate que les parties n'ont pas sollicité un renvoi de l'affaire pour conclure plus utilement, Déclare recevables les conclusions et pièces produites par les parties avant la clôture, Rejette la demande de sursis à statuer, Dit que le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 6 février 2012 est annulé, et, statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel et dans la limite de l'arrêt de cassation partielle du 16 septembre 2014, Dit que le contrat objet du litige est le contrat du 2 août 2010 liant la SARL MDA à la SAS Editions Atlas, Dit que le contrat est un contrat d'agent commercial et déboute la SAS Editions atlas de sa demande de requalification, Dit que les fautes reprochées à la SARL MDA pour justifier la résiliation du contrat le 2 mai 2011 ne sont pas des fautes au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce, Condamne la SAS Editions Atlas à verser à la Selarl Brenac et associés en qualité de liquidateur de la SARL MDA les sommes de : - 57 766,74 euro au titre de l'indemnité de rupture, - 7 220,84 euro au titre de l'indemnité de préavis, Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2011, Déboute la SAS Editions Atlas de ses demandes à l'encontre de Patrice Gorget, Déboute Patrice Gorget de ses demandes à l'encontre de la SAS Editions Atlas, Condamne la SAS Editions Atlas aux dépens de première instance et d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Editions Atlas à payer à : - la Selarl Brenac et associés en qualité de liquidateur de la SARL MDA la somme de 4 000 euro ; - Patrice Gorget la somme de 2 500 euro.