CA Toulouse, 2e ch., 16 mars 2016, n° 12-02195
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Damy Agence Commerciale (SARL), Guignon (ès qual.)
Défendeur :
Roldan (SAS), Nateco (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellarin
Conseillers :
MM. Baïssus, Cousteaux
Avocats :
Selarl Jurivox, Mes Vernier Dufour, Malet
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Roldan est spécialisée dans la sélection, l'achat, le conditionnement et la commercialisation de petits articles de ménage, bazar, quincaillerie, et dans leur mise en place auprès des grandes surfaces dans le cadre d'opérations promotionnelles (foires avec reprise, les articles non vendus au bout d'un certain temps, en général trois semaines, étant repris par la société Roldan). La SAS Nateco, filiale de Roldan, commercialise une gamme spécifique de produits de beauté et de bien-être.
Depuis 1997, la SARL Agence Commerciale Damy est l'agent commercial des sociétés Nateco et Roldan selon les modalités suivantes :
- avec la société Roldan :
Le 15 septembre 1997, un contrat d'agent commercial est signé entre Roldan et Damy, pour une durée indéterminée, par lequel est confié à la société Damy le " secteur Franche-Comté ", soit les départements 21, 25, 39, 70, 71 et 90,
Par acte sous seing privé du 2 février 2000, Damy se voit concéder un nouveau secteur, le " secteur Est ", qui regroupe les départements 54, 55, 57, 67, 68 et 88,
Le 7 mars 2001, après opération de rachat par la SARL Agence Commerciale Damy à un autre agent, la SAS Roldan lui concède le secteur appelé " Savoie ", qui regroupe les départements 01, 38, 73 et 74.
- avec la société Nateco :
Le 15 mai 1997, un contrat d'agent commercial est signé entre Nateco et Damy, pour une durée indéterminée, par lequel est confié à la société Damy le " secteur Franche-Comté ", soit les départements 21, 25, 39, 70, 71 et 90,
Le 8 mars 2001, Damy se voit concéder un nouveau secteur, le " secteur Est ", qui regroupe les départements 54, 55, 57, 67, 68 et 88,
Après opération de rachat par la SARL Agence Commerciale Damy à un autre agent, la SAS Roldan lui concède le secteur appelé " Savoie ", qui regroupe les départements 01, 38, 73 et 74, à compter du 1er janvier 2001.
Des difficultés sont apparues, amenant la SAS Roldan et la SARL Agence Commerciale Damy à discuter d'une rupture de leurs relations fin 2004.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2005, la société Roldan a signifié à la SARL Agence Commerciale Damy la rupture du contrat de mandat commercial pour le secteur Est, soit les départements 54, 55, 57, 67, 68, 88, en indiquant que " les manquements caractérisés à vos obligations essentielles découlant du contrat constituent des fautes privatives de toute indemnité au sens de la législation applicable ".
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2006, la société Nateco a également résilié le contrat de la SARL Agence Commerciale Damy pour le même secteur Est dans des termes similaires à ceux de la lettre de Roldan.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2007, la SAS Roldan a résilié le contrat portant sur les secteurs Franche-Comté et Savoie, lui reprochant représenter une société concurrente créée par le gérant de la SARL Agence Commerciale Damy.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 2007, la SAS Nateco a notifié à la SARL Agence Commerciale Damy la résiliation des contrats portant sur les secteurs Franche-Comté et Savoie.
La SARL Agence Commerciale Damy a assigné la SAS Roldan devant le Tribunal de commerce de Besançon par acte du 22 février 2007, en paiement d'une indemnité de rupture relative à la résiliation du 18 mars 2005.
La SARL Agence Commerciale Damy a assigné la SAS Nateco devant le Tribunal de commerce de Besançon par acte du 2 mars 2007 en paiement d'une indemnité de rupture relative à la résiliation du 13 octobre 2006 et de commissions sur les articles de Noël.
Le Tribunal de commerce de Besançon, par jugement du 15 décembre 2008, confirmé par la cour d'appel du même lieu du 5 mai 2010 a joint les procédures et s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Toulouse.
Celui-ci, après avoir rejeté par jugement du 5 décembre 2011 une demande de sursis à statuer, par jugement du 19 mars 2012, a :
- Dit que la SARL Agence Commerciale Damy est partiellement déchue de son droit à réparation, dans son litige avec la société Roldan
- dit que la SARL Agence Commerciale Damy s'est rendue coupable de fautes graves à l'encontre de sa mandante, la société Nateco
- débouté la SARL Agence Commerciale Damy de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la SARL Agence Commerciale Damy à transmettre à la société Nateco tout extrait de comptabilité permettant d'évaluer le chiffre d'affaires réalisé avec la société Tancarville, précisant la commission perçue par la société Damy au titre de cette activité, sous astreinte provisoire de 30 euro par jour de retard à compter du 30e jour suivant la signification du jugement, se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte ;
Sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice subi par la SAS Roldan et la SAS Nateco en attente de la communication des justificatifs ;
Condamné la SARL Agence Commerciale Damy à payer une somme de 3 000 euro à la société Roldan et une somme de 1 500 euro à la société Nateco sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens.
La SARL Agence Commerciale Damy a interjeté appel de cette décision le 27 avril 2012.
M. Guigon, liquidateur judiciaire de la SARL Agence Commerciale Damy, est intervenu volontairement.
L'appelante et les intimées ont respectivement notifié leurs dernières écritures par RPVA les 10 décembre 2014 et 21 décembre 2015, ces dernières ayant précédemment conclu le 8 décembre 2014. L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2015.
Par conclusions de procédure du 22 décembre 2015, M. Guigon ès qualités soulève l'irrecevabilité des conclusions adverses du 21 décembre 2015 comme dirigées contre la SARL Agence Commerciale Damy et non contre lui, et comme tardives.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Il est fait expressément référence, pour l'exposé des moyens, aux conclusions visées.
La SARL Agence Commerciale Damy, représentée par M. Guigon, liquidateur judiciaire, conclut à l'infirmation du jugement entrepris et :
- sur le dossier Nateco, demande qu'il soit retenu qu'elle n'a commis aucune faute grave, en conséquence de condamner la SAS Nateco à lui payer, en la personne de M. Guigon son Mandataire Judiciaire la somme en principal de 247 640,36 euro correspondant à deux années de commissions brutes calculées sur la moyenne des 3 dernières années civiles complètes, une indemnité de réemploi de 33 % de l'indemnité de fin de contrat soit 81 721,32 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2007 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, ainsi que 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- sur le dossier Roldan, demande qu'il soit retenu qu'elle n'est pas déchue de son droit à réparation, en conséquence, de condamner la SAS Roldan à lui payer en la personne de M. Guigon ès qualités la somme en principal de 342 515,15 euro sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce à titre d'indemnité de fin de contrat sur les secteurs visés par le courrier du 18 mai 2007, soit les départements 21, 25, 39, 70, 71, 90, 73, 74, 38, 01, une indemnité de réemploi de 33 % de l'indemnité de fin de contrat soit 114 170,57 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2007 capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil, ainsi que 2 000 euro sur le fondement de l'Article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs conclusions du 21 décembre 2015, la SAS Roldan et la SAS Nateco sollicitent, au visa des articles L. 134-13, L. 134-4 al. 3 du Code de commerce et 1382 du Code civil, la confirmation du jugement, et ainsi,
- s'agissant du dossier Roldan, demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de l'appelante à l'encontre de la société Roldan compte tenu de la déchéance du droit à réparation ;
Et, à titre subsidiaire s'il était néanmoins statué sur les demandes formulées contre Roldan, dire et juger qu'en tout état de cause l'Agence Damy s'est rendue coupable de fautes graves privatives de toute indemnité à l'encontre de sa mandante Roldan ;
Et à titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu'elle ne justifie d'aucun préjudice et qu'en tout état de cause ce préjudice viendrait se compenser avec les dommages-intérêts découlant des fautes graves et de la concurrence déloyale dont Damy s'est rendue coupable à l'encontre de Roldan et qui serait évalué à dire d'expert ;
- s'agissant du dossier Nateco, de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré partiellement irrecevables les demandes de l'appelante à l'encontre de la société Nateco compte tenu de la déchéance du droit à réparation
Dire et juger qu'en tout état de cause l'Agence Damy s'est rendue coupable de fautes graves privatives de toute indemnité à l'encontre de sa mandante Nateco ;
Et à titre subsidiaire, dire et juger qu'elle ne justifie d'aucun préjudice et qu'en tout état de cause ce préjudice viendrait se compenser avec les dommages-intérêts découlant des fautes graves et de la concurrence déloyale dont Damy s'est rendue coupable à l'encontre de Nateco et qui serait évalué à dire d'expert ou toute liquidation d'astreinte pour défaut de communication persistant des pièces comptables ;
Allouer à chacune des Concluantes une somme complémentaire de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles et de l'article 700 et condamner Damy aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la recevabilité des conclusions du 21 décembre 2015
Le fait que les conclusions litigieuses désignent comme adversaire au litige la SARL Agence Commerciale Damy, et non M. Guigon, liquidateur judiciaire intervenu volontairement en qualité de liquidateur judiciaire par conclusions du 10 décembre 2014, est sans incidence dès lors que M. Guigon n'est pas une partie distincte mais le représentant de la SARL Agence Commerciale Damy, seul habilité à le faire.
Il résulte de l'article 783 du Code de procédure civile que les conclusions déposées jusqu'au prononcé de l'ordonnance de clôture sont recevables, sauf pour l'adversaire à établir qu'il a été privé du moyen de répliquer, ce qui justifierait le prononcé de l'irrecevabilité en application de l'article 16 du Code de procédure civile. Or, un mois séparant la date envisagée pour le prononcé de l'ordonnance de clôture de celle de l'audience de plaidoiries, M. Guigon ès qualités avait la possibilité de solliciter le report de l'ordonnance de clôture et de conclure.
La demande de l'appelant tendant à déclarer ces conclusions irrecevables est rejetée.
- Sur la recevabilité des demandes de la SARL Agence Commerciale Damy
Aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'agent commercial dont les relations avec le mandant ont cessé, a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, et perd ce droit s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend le faire valoir.
La SAS Roldan, de même que la SAS Nateco, ont notifié successivement deux lettres de ruptures, visant chacune un ou des secteurs particuliers. A la suite de la première rupture, les relations se sont poursuivies sur les secteurs non concernés. La SARL Agence Commerciale Damy n'est dès lors pas fondée à soutenir que le contrat d'agent commercial formait un tout et que le point de départ du délai ouvrant droit à réparation est celui de la dernière lettre de rupture.
A l'égard de la SAS Roldan
La lettre recommandée de rupture concernant le secteur Est a été notifiée à la SARL Agence Commerciale Damy le 19 mars 2005. C'est elle qui fait naître le droit à réparation de telle sorte que le courrier recommandé adressé le 29 octobre 2004 à la SAS Roldan par la SARL Agence Commerciale Damy, qui contestait une offre d'indemnité proposée, est inopérant.
Ainsi, la SARL Agence Commerciale Damy qui ne justifie pas avoir notifié à la SAS Roldan sa volonté d'obtenir une indemnisation antérieurement à l'assignation du 22 février 2007 est déchue de tout droit relatif à cette rupture.
La lettre recommandée de rupture concernant les secteurs Franche Comté et Savoie date du 18 mai 2007. Dans le cadre de l'instance engagée sur assignation du 22 février 2007, la SARL Agence Commerciale Damy a par conclusions notifiées au conseil de la SAS Roldan, à une date dont il n'est pas discuté qu'elle est antérieure à l'expiration du délai d'un an, sollicité l'indemnisation de l'entier préjudice découlant des différentes ruptures. Cette notification, intervenue conformément aux articles 671 et suivants du Code de procédure civile, a interrompu le délai édicté par l'article L. 134-12 du Code de commerce, dès lors que la SARL Agence Commerciale Damy a ensuite comparu à l'audience.
La SARL Agence Commerciale Damy est en conséquence recevable en ses demandes à l'encontre de la SAS Roldan, relatives à la rupture intervenue concernant les secteurs Franche Comté et Savoie.
A l'égard de la SAS Nateco
La lettre recommandée de rupture concernant le secteur Est a été notifiée à la SARL Agence Commerciale Damy le 13 octobre 2006. La SARL Agence Commerciale Damy qui a formé une demande d'indemnisation par voie d'assignation de la SAS Nateco en date du 2 mars 2007 n'encourt aucune déchéance.
La lettre recommandée de rupture concernant les secteurs Franche Comté et Savoie date du 25 mai 2007. Dans le cadre de l'instance engagée, la SARL Agence Commerciale Damy a par conclusions notifiées au conseil de la SAS Nateco, à une date dont il n'est pas discuté qu'elle est antérieure à l'expiration du délai d'un an, sollicité l'indemnisation de l'entier préjudice découlant des différentes ruptures. Cette notification, intervenue conformément aux articles 671 et suivants du Code de procédure civile, a interrompu le délai édicté par l'article L. 134-12 du Code de commerce, dès lors que la SARL Agence Commerciale Damy a ensuite comparu à l'audience.
La SARL Agence Commerciale Damy est en conséquence recevable en l'intégralité de ses demandes relatives aux différentes ruptures notifiées par la SAS Nateco.
- Sur le fond de la demande
Le mandant, qui en l'espèce a pris l'initiative de rompre le contrat le liant à la SARL Agence Commerciale Damy, lui doit le paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce destinée à réparer le préjudice subi, sauf si la cessation du contrat est, selon l'article L. 134-13 1°, " provoquée par la faute grave de l'agent commercial. "
La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel. Pour apprécier si les manquements de l'agent commercial sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, il convient de prendre en considération toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour de la décision, et le mandant peut même invoquer une faute commise antérieurement à la rupture dont il a eu connaissance postérieurement à cette rupture.
La rupture prononcée par la SAS Roldan, concernant les secteurs Franche-Comté et Savoie
Pour dénier à la SARL Agence Commerciale Damy tout droit à réparation, la SAS Roldan invoque à la fois un "désinvestissement évident", un manquement général de l'Agence à ses obligations essentielles, et surtout, un triple manquement à l'obligation de loyauté constitué selon elle par le fait :
- que la SARL Agence Commerciale Damy ne l'a pas informée qu'elle acceptait à partir de 2005 la représentation d'une société concurrente, la société Tancarville,
- que la société Tancarville est en fait détenue directement par M. Damy,
- que M. Damy s'est servi de la SAS Roldan pour développer son activité.
L'article 134-4 alinéa 2 du Code de commerce édicte une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information entre l'agent commercial et son mandant.
L'article 6 du contrat liant les parties, daté du 2 février 2000 pour les secteurs concernés, indique que l'agence Damy peut effectuer des opérations pour son compte et celle de toute autre entreprise, qu'elle déclare travailler pour les entreprises visées à l'annexe 6, et qu'elle est tenue d'informer son mandant de la prise d'une nouvelle carte, immédiatement et dans le mois qui suit, à défaut de quoi sa créance constituerait un motif légitime de rupture. Cet article précise également que compte tenu de la spécificité de l'activité du mandat (opération promotionnelle de type " foire au Ménage "), la SAS Roldan interdit à la SARL Agence Commerciale Damy de s'intéresser directement ou indirectement à tout type de foire correspondant à celle de Roldan sur l'ensemble du territoire national, pendant la durée du contrat, et deux ans après l'expiration de celle-ci.
Il est établi que la société Tancarville, en redressement judiciaire, a été reprise par M. Damy dont l'offre a été acceptée le 6 octobre 2005 et qui en est devenu le gérant, et le constat dressé les 20 et 21 mars 2007, accompagné d'une facture relative à des produits de ménage, gadgets, démontre que la société Tancarville a noué des relations commerciales concurrentes de celles de la SAS Roldan avec le centre Leclerc de Montbéliard (25), par l'intermédiaire de M. Osiowski, commercial dont il n'est pas contesté qu'il travaillait également dans le cadre du mandat liant la SARL Agence Commerciale Damy à la SAS Roldan. Les explications fournies par le responsable du centre Leclerc révèlent que ces ventes interviennent dans le cadre d' " opérations. "
La SARL Agence Commerciale Damy ne soutient ni ne justifie avoir informé son mandant de cette activité, qui est susceptible de concerner la même clientèle que celle de la SAS Roldan, et par son action commerciale, la SARL Agence Commerciale Damy était dès lors en mesure de pouvoir avantager la société dans laquelle son dirigeant avait des intérêts, au détriment de sa mandante, la SAS Roldan. On relève que la société Tancarville était une entreprise de 25 salariés susceptible de représenter une concurrence sérieuse. La violation de l'article 6 et de l'obligation de loyauté est manifeste, et caractérise la faute grave privative pour l'agent commercial de tout droit à réparation du préjudice subi du fait de la rupture.
Les ruptures prononcées par la SAS Nateco
La lettre de rupture du 13 octobre 2006 formule plusieurs griefs :
- de nombreuses erreurs de comptage et retards dans les enlèvements, avec mécontentement des clients, une absence de réponse aux demandes d'explications du mandant,
- une chute du nombre de ventes de présentoirs " fan de mode " en 2006 (2 contre 6 en 2005)
- une chute considérable du chiffre d'affaires de 2004 à 2006, en dépit de l'apport d'une partie du chiffre d'affaires par Nateco.
- tous ces faits révélant une absence de mise en œuvre des moyens suffisants pour assumer le mandat.
En soi, ni les erreurs de comptabilité, ni l'insuffisance de résultats, ni l'insuffisance professionnelle ne peuvent caractériser une faute grave sauf s'il est établi qu'ils résultent d'une activité insuffisante et délibérée de l'agent commercial.
La SAS Nateco invoque cependant une circonstance révélée postérieurement à cette rupture, à savoir le fait pour la SARL Agence Commerciale Damy d'avoir caché une activité parallèle et concurrentielle, au travers de la société Tancarville. La reprise de cette activité par le dirigeant de l'appelante a démarré dès novembre 2005, soit près d'un an avant la lettre de rupture, ce qui autorise la mandante à l'invoquer.
Les contrats liant la SAS Nateco à la SARL Agence Commerciale Damy sont rédigés dans les mêmes termes que ceux conclus avec la SAS Roldan. L'article 6 faisait dès lors obligation à la SARL Agence Commerciale Damy de signaler toute prise de nouvelle carte, et lui interdisait de s'intéresser directement ou indirectement à tout type de foire correspondant à celle de Nateco sur l'ensemble du territoire national, pendant la durée du contrat, et deux ans après l'expiration de celle-ci. Or il apparaît que la SARL Agence Commerciale Damy n'a pas signalé cette activité, qui s'exerce auprès de la même clientèle que celle de la SAS Roldan, et par son action commerciale, la SARL Agence Commerciale Damy était dès lors en mesure de pouvoir avantager la société dans laquelle son dirigeant avait des intérêts, au détriment de sa mandante, la SAS Nateco. Le comparatif des produits commercialisés par la société Tancarville atteste clairement de l'identité de marché entre la SAS Nateco et la société Tancarville, cette dernière ayant proposé à une même clientèle des présentoirs de produits de bien-être et beauté de même gamme que ceux de la SAS Nateco.
C'est ce grief qui a justifié la rupture des deux mandats concernant les secteurs Franche Comté et Savoie.
Comme pour la SAS Roldan, la violation de l'article 6 et de l'obligation de loyauté est manifeste, et caractérise la faute grave privative pour l'agent commercial de tout droit à réparation du préjudice subi du fait de la rupture.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu'il déboute la SARL Agence Commerciale Damy des demandes non atteintes par la forclusion.
- Sur les autres demandes
Il n'est plus sollicité de transmission de documents, les intimées n'ayant formulé une demande qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où ne serait pas retenue de faute grave et où il conviendrait d'évaluer le préjudice subi du fait de la concurrence déloyale.
En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué aux intimées l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.
Par ces motifs LA COUR, Déclare recevables les conclusions notifiées le 21 décembre 2015 par la SAS Roldan et la SAS Nateco, Confirme le jugement déféré en ce qu'il déclare la SARL Agence Commerciale Damy déchue de son droit à réparation, mais seulement au titre de la rupture du contrat de mandat notifié par la SAS Roldan selon lettre datée du 18 mars 2005, Le réformant sur la demande formée au titre de la rupture notifiée par la SAS Roldan selon lettre du 18 mai 2007, Déclare cette demande recevable, Au fond, déboute M. Guigon, liquidateur judiciaire de la SARL Agence Commerciale Damy, de cette demande, Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux demandes de M. Guigon, liquidateur judiciaire de la SARL Agence Commerciale Damy, formées contre la SAS Nateco, Constate que les demandes relatives à la transmission de documents sont sans objet, et qu'aucune demande en évaluation du préjudice des sociétés intimées n'est formulée, Confirme le jugement en ses autres dispositions, Y ajoutant, Condamne M. Guigon, liquidateur judiciaire de la SARL Agence Commerciale Damy, à payer une indemnité de 1 200 euro à chacune des sociétés intimées en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Guigon ès qualités au paiement des dépens dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.