CA Lyon, 3e ch. A, 17 mars 2016, n° 15-03158
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Laboratoire d'hygiène Lyonnais (SAS)
Défendeur :
Adam
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
Selarl Legi Consultants, Me Guezlane
Exposé du litige
Le 19 avril 2012, Nathalie Adam, exploitant un restaurant à l'enseigne A la Belle Epoque, a signé avec la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais, un contrat prévoyant des prestations d'audit et de conseil en sécurité alimentaire, d'analyse microbiologique et d'hygiène antiparasitaire pour une durée de trois ans, moyennant le prix de 1 069,22 euro TTC par an.
Par courrier du 23 avril 2012, Nathalie Adam a notifié à la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais la rétractation de son engagement et a fait opposition auprès de sa banque au paiement des trois chèques remis.
N'obtenant pas le paiement de ses factures, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais a obtenu une ordonnance d'injonction de payer le 17 juillet 2013 du Tribunal de commerce de Lyon, devenue caduque, en application de l'article 1425 du Code de procédure civile, faute de consignation des frais de l'opposition que Nathalie Adam avait formée.
Par acte du 5 mai 2014, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais a assigné Nathalie Adam devant le Tribunal de commerce de Lyon pour solliciter le paiement de la somme de 3 207,67 euro à titre principal.
Par jugement en date du 4 mars 2015, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- jugé Nathalie Adam mal fondée en sa demande de validation de la rétractation et de dommages et intérêts pour méconnaissance des dispositions du Code de la consommation et l'a rejetée,
- jugé que le consentement donné par Nathalie Adam a été vicié et surpris par dol et violence,
- jugé que le contrat est nul,
- débouté la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais à payer à Nathalie Adam la somme de 5 000 euro au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais à verser à Nathalie Adam la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties.
Par déclaration reçue le 13 avril 2015, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 7 juillet 2015, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce que le Tribunal de commerce de Lyon a jugé que Nathalie Adam ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-20 du Code de la consommation et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euro pour non-respect de l'article susvisé,
- réformer le jugement dont appel pour le surplus,
et statuant à nouveau,
- constater qu'elle apporte la preuve de ce que son commercial est arrivé au restaurant de Nathalie Adam, non pas en plein service de midi, mais à 8 heures 50 et qu'il en est reparti à 9 heures 54,
- constater donc que la preuve des faits qui lui sont reprochés n'est en rien établie et que le témoignage présenté par Nathalie Adam est mensonger,
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat pour dol et violence,
débouter Nathalie Adam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Nathalie Adam à lui payer :
* 1 069,22 euro TTC au titre de la facture du 19 avril 2012, avec intérêt au triple de l'intérêt légal à compter du 19 juin 2012,
* 2 138,45 euro TTC au titre de la facture du 29 novembre 2012, avec intérêt au triple de l'intérêt légal à compter du 10 décembre 2013,
* 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, compte tenu du comportement parfaitement critiquable de Nathalie Adam,
* 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation des intérêts, par application de l'article 1154 du Code civil et par ailleurs l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution.
- dire que Nathalie Adam supportera les entiers dépens de la première instance et de celle d'appel.
Elle fait notamment valoir que :
- l'article L. 121-20 du Code de la consommation prévoyant au bénéfice du consommateur un délai de rétractation de 7 jours est inapplicable car Nathalie Adam est commerçante et le contrat a un rapport direct avec l'activité de restauration de celle-ci, les prestations d'hygiène visées au contrat faisant partie intégrante des obligations professionnelles applicables à tout restaurateur,
- Nathalie Adam ne rapporte pas la preuve que sa signature ait été extorquée par le dol et la violence,
- le contrat avait bien une cause qui consistait en l'exécution de prestations en matière d'hygiène, relevant des obligations professionnelles de tout restaurateur,
- si les prestations n'ont pas été exécutées c'est parce que Nathalie Adam a décidé de résilier le contrat quelques jours après l'avoir signé et a fait opposition au paiement des chèques, de sorte que cette absence d'exécution est entièrement imputable à celle-ci et ne peut justifier le refus de payer la créance.
Dans ses dernières conclusions, Nathalie Adam demande à la cour de :
à titre principal,
- constater la validité de sa rétractation en date du 23 avril 2012 qui a anéanti le contrat signé le 19 avril 2012,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la nullité du contrat pour vice du consentement, défaut de cause et non-fourniture de prestation,
en conséquence,
- rejeter l'intégralité des demandes fins et prétentions de la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais comme étant injustifiées et infondées,
à titre reconventionnel,
- condamner la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais à lui payer :
* 5 000 euro pour procédure abusive,
* 2 000 euro pour méconnaissance des dispositions du Code de la consommation,
* 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait notamment valoir que :
- elle doit bénéficier des règles protectrices du droit de la consommation, et notamment du droit de rétractation prévu à l'article L. 121-20 du Code de la consommation, car elle travaille seule tel un petit artisan et son activité n'a aucun rapport avec l'objet du démarchage,
- son consentement a été vicié car elle n'a signé la convention litigieuse qu'en raison d'un harcèlement de la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais évoquant une obligation légale de souscrire le contrat, le commercial de cette société s'étant, en outre, présenté pour la signature du contrat au moment du service,
- la cause objective du contrat était le caractère obligatoire de la prestation proposée par la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais et c'est ce qui a été déterminant dans son consentement,
- aucune prestation visée à la convention n'a été effectuée,
- l'appelante n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil en ne lui donnant pas d'explications et en lui faisant croire qu'il s'agissait d'un engagement obligatoire relevant des règles d'hygiène à respecter impérativement.
- le contrat ne comportait pas de formulaire de rétractation, pourtant obligatoire selon l'article R. 121-3 du Code de la consommation.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du Code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2015.
Motifs de la décision
Sur l'application de l'article L. 121-20 du Code de la consommation :
Ce texte prévoit un délai de rétractation de sept jours au bénéfice du consommateur qui a conclu avec un professionnel un contrat de vente de biens ou fournitures de prestations de service à distance autre que portant sur des services financiers.
L'article L. 121-16 précise que ce contrat est celui conclu sans la présence simultanée des parties en utilisant exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance.
En l'espèce, le contrat a été conclu avec la présence simultanée des parties.
En fait, tout en invoquant ce texte, Nathalie Adam invoque un contrat signé suite à un démarchage à domicile et par-là la faculté de rétractation offerte par L. 121-25 en cas de conclusion d'un tel contrat.
L'article L. 121-22 précise que ces dispositions ne s'appliquent pas aux prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'espèce le contrat a pour objet des prestations d'audit et de conseil en sécurité alimentaire, d'analyse microbiologique et d'hygiène antiparasitaire lesquelles ont un rapport direct avec l'exploitation d'un restaurant par Nathalie Adam.
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a jugé inapplicables les dispositions précitées et par-là sans effet la rétractation notifiée par Nathalie Adam à la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais.
Sur le vice du consentement :
Au soutien de ses allégations, Nathalie Adam produit une attestation de Nicole Witmer, serveuse, qui déclare d'une part, que le contrat a été signé entre deux clients en plein service du midi et alors que Nathalie Adam était débordée et d'autre part, que cette visite faisait suite à des appels réguliers d'une personne disant faire partie du service d'hygiène et qui a insisté pour avoir un rendez-vous présenté comme obligatoire.
Elle produit également l'attestation de Pierre Tourigny, cuisinier qui dit avoir été témoin d'une démarche au restaurant " A la Belle Epoque ", laissant croire qu'ils avaient affaire au service d'hygiène, de la part du représentant de la société Laboratoire d'hygiène, lequel a été insistant et s'est présenté en plein service.
De son côté, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais produit une attestation de la société Elemasoft qui indique qu'elle gère la flotte des véhicules de la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais comme tiers indépendant et qu'il figure sur sa base de données en date du 19 avril 2012, que le véhicule de marque Renault Clio immatriculé BV 785 YQ s'est arrêté <adresse> (qui est l'adresse du restaurant A la Belle Epoque) à 8 heures 50 min 33 sec et en est reparti à 9 heures 54 min 57 sec.
Cette attestation est corroborée par le relevé de la journée du 19 avril 2012 concernant le véhicule précité et désignant l'utilisateur comme étant " Salvatore ", étant précisé que le contrat a été signé par Salvatore Mirto lequel certifie sur l'honneur qu'à la date du 19 avril 2012, il était le conducteur habituel du véhicule de marque Renault Clio immatriculé BV 785 YQ et que ce jour-là, il s'il s'est rendu au restaurant " A la Belle Epoque " pour rencontrer madame Adam avec laquelle il avait rendez-vous à 8 heures 50 et qu'il est reparti de chez elle à 9 heures 54.
Ces pièces contredisent les déclarations des salariés de Nathalie Adam laquelle, à défaut de tout autre élément de preuve, ne prouve pas que son consentement ait été vicié par violence ou dol.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur la cause du contrat :
Nathalie Adam prétend que le contrat est dépourvu de cause car la cause objective qui a déterminé son consentement était le caractère obligatoire de la prestation proposée.
La cause objective du contrat est le but immédiat et direct qui conduit le débiteur à s'engager ; elle est commune à tous les débiteurs concluant le même type de contrat. Elle diffère de la cause subjective qui est le motif déterminant et propre à chacun et qui est indifférent à la validité du contrat.
Dans le contrat signé par Nathalie Adam, le but immédiat et direct qui l'a conduite à s'engager est l'obtention des prestations promises.
Le contrat a donc bien une cause objective, celle invoquée par Nathalie Adam étant en fait une cause subjective.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris qui a prononcé la nullité du contrat.
Sur l'inexécution du contrat :
L'inexécution par la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais de ses prestations est la conséquence de l'inexécution par Nathalie Adam de ses obligations, celle-ci ayant formé opposition aux chèques qu'elle avait remis en invoquant leur perte, ayant notifié la résiliation du contrat et ayant maintenu sa position malgré les contestations de la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais.
En conséquence, Nathalie Adam n'est pas fondée à invoquer une exception d'inexécution par la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais de ses prestations pour refuser d'exécuter ses propres obligations.
Sur les demandes de la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais :
En l'état des motivations précédentes, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais est fondée à réclamer, en exécution du contrat signé par Nathalie Adam :
* la somme de 1 069,22 euro TTC au titre de la facture du 19 avril 2012 avec intérêt contractuel égal au triple de l'intérêt légal applicable le 19 avril 2012 et ce, à compter du 19 juin 2012,
* la somme de 2 138,45 euro TTC au titre de la facture du 29 novembre 2012 avec intérêt contractuel égal au triple de l'intérêt légal applicable le 29 novembre 2012 et ce, à compter du 10 décembre 2013.
Aux termes de l'article 1153 du Code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ou contractuel à compter de la première mise en demeure ou autre point de départ prévu par le contrat ; le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires.
En l'espèce, la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais ne prouve pas avoir subi un préjudice indépendant de celui du retard de paiement réparé par l'octroi des intérêts moratoires.
Elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts complémentaire.
Sur la demande reconventionnelle de Nathalie Adam :
Nathalie Adam sollicite 5 000 euro de dommages-intérêts au motif que la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais a manqué à ses obligations d'information et de conseil, n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 111-2 du Code de la consommation et a trompé sa religion en lui faisant croire que son engagement était obligatoire car il relevait des règles d'hygiène à respecter impérativement.
Les dispositions de l'article L. 111-2 du Code de la consommation ne sont pas applicables aux commerçants concluant un contrat en rapport avec leur activité professionnelle.
Pour le surplus, Nathalie Adam procède par voie d'affirmation.
Nathalie Adam demande aussi 2 000 euro pour méconnaissance de l'obligation de joindre, au contrat, un formulaire détachable de rétractation prévue par l'article R. 121-3 du Code de la consommation.
L'article L. 121-25 du Code de la consommation n'étant pas applicable, ne l'est pas non plus l'article R. 121-3 relatif au formulaire détachable de rétractation devant être inséré dans le contrat.
En conséquence, Nathalie Adam doit être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, Nathalie Adam partie perdante doit supporter les dépens et garder à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés. Des considérations d'équité commandent de la dispenser de verser à la société Laboratoire d'hygiène Lyonnais une indemnité pour les frais irrépétibles.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Condamne Nathalie Adam à payer la SAS Laboratoire d'hygiène Lyonnais les sommes de : * 1 069,22 euro TTC au titre de la facture du 19 avril 2012 avec intérêt contractuel égal au triple de l'intérêt légal applicable le 19 avril 2012 et ce, à compter du 19 juin 2012, * 2 138,45 euro TTC au titre de la facture du 29 novembre 2012 avec intérêt contractuel égal au triple de l'intérêt légal applicable le 29 novembre 2012 et ce, à compter du 10 décembre 2013, Déboute la SAS Laboratoire d'hygiène Lyonnais du surplus de ses demandes, Déboute Nathalie Adam de ses demandes, Condamne Nathalie Adam aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.