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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 24 mars 2016, n° 14-06210

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Warning (SAS), Provence Fret (SARL)

Défendeur :

Federal Express International France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

M. Loos, Mme Schaller

Avocats :

Mes Olivier, Bertin, L'hoir

T. com. Paris, du 14 janv. 2014

14 janvier 2014

Faits et procédure

Par contrat du 14 octobre 2004, la société Federal Express International, désignée ci-après Fedex a conclu avec la société Warning différentes prestations de service d'enlèvement et de livraison d'envois pour les départements du Gard et de l'Hérault.

Cette couverture géographique a été étendue aux Bouches du Rhône et au Var en 2005.

Le 1er septembre 2007, un nouveau contrat a été conclu entre les parties.

Un premier avenant à ce contrat a été régularisé 1er septembre 2008 prévoyant son renouvellement jusqu'au 30 août 2009, puis un nouvel avenant est intervenu, prévoyant le renouvellement du contrat pour une durée déterminée de trois ans du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 avec modification de la période de préavis en cas de rupture, passant de six à trois mois.

Un nouvel avenant (avenant n 3) a été régularisé entre les parties le 6 décembre 2011, réduisant la couverture géographique de la sous-traitance opérée par la société Warning au seul département du Var avec effet au 6 mars 2012.

En suite de différents manquements reprochés à la société Warning au cours de l'année 2011, la société Fedex lui a adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2011 une mise en demeure de respecter ses obligations contractuelles ce, en visant la clause résolutoire du contrat (article 19.2).

Consécutivement à cette mise en demeure, la société Warning a adressé à la société Fedex un plan d'action sur le département du Var.

Nonobstant l'établissement et la mise en œuvre de ce plan d'action, et considérant que les manquements reprochés à la société Warning persistaient, la société Fedex lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2012 la résiliation du contrat pour faute avec effet au 16 janvier 2012.

La société Warning a réclamé une indemnisation consécutive à la résiliation du contrat sur la base d'un préavis de six mois, outre les mesures annexes inhérentes à cette résiliation en matière de licenciement, de résiliation de contrat de location des véhicules et d'entrepôt, ainsi qu'un préjudice moral.

Le 24 février 2012, la société Fedex a rejeté ces demandes.

Le 7 mars 2012, la société Warning et la société Provence Fret, cette dernière s'étant substituée à la société Warning, ont fait assigner en paiement la société Federal Express International France.

Vu le jugement prononcé le 14 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Lyon qui a :

- débouté les sociétés Warning et Provence Fret de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'avenant numéro 3 du 6 décembre 2011,

- condamné la société Federal Express International France à payer à la société Warning et à la société Provence Fret la somme de 54 377 euro en réparation du préjudice économique subi,

- condamné la société Federal Express International France à payer à la société Warning et à la société Provence Fret la somme de 12 500 euro pour préjudice moral,

- rejeté les autres demandes d'indemnisation,

- rejeté la demande reconventionnelle formée par la société Federal Express International France au titre des pénalités,

- condamné la société Federal Express International France au paiement de la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu l'appel interjeté par la société Warning et la société Provence Fret le 18 mars 2014,

Vu l'ordonnance prononcée le 6 novembre 2014 par le conseiller de la mise en état prononçant l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 18 mars 2014 par la société Warning et par la société Provence Fret, ordonnance ensuite infirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 mars 2015 qui a déclaré l'appel recevable,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Warning et la société Provence Fret le 17 septembre 2014,

Vu les dernières conclusions signifies le 28 juillet 2014 par la société Federal express International comportant appel incident,

La société Warning et la société Provence Fret demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- réformer la décision entreprise,

- dire nul l'avenant numéro 3 du 6 décembre 2011,

En toute hypothèse:

- dire et juger que la société Federal Express International France a résilié abusivement le contrat liant les parties en mettant en œuvre de mauvaise foi la procédure de résiliation pour faute et la clause résolutoire prévues au contrat,

- condamner la société Federal Express International France à payer à la société Warning et à la société Provence Fret la somme de 454 125, 49 Euros en réparation du préjudice subi tant matériel que moral (337 500 euro au titre de la perte de marge, 66 625,49 au titre des conséquences liées à la fermeture et 50 000 euro au titre du préjudice moral),

- rejeter l'appel incident de la société Federal Express International France et la débouter de toutes ses demandes,

- condamner la société Federal Express International France à payer à la société Warning et à la société Provence Fret la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Les appelantes considèrent que l'avenant en date du 6 décembre 2011 est nul puisque les circonstances ayant amené à sa signature sont susceptibles de constituer une erreur provoquée en application des articles 1108 et suivants.

Elles soutiennent par ailleurs que, le contrat ayant été conclu pour une durée déterminée, une résiliation unilatérale sans faute avant le terme est totalement inopérant.

Les appelantes considèrent également abusive la résolution du contrat par l'intimée.

La société Federal Express International France demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamnée à paiement au profit des appelantes, de débouter ces dernières de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de 40 260,86 euro avec intérêts à compter du jugement et capitalisation et de les condamner également au paiement de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Federal Express International France soutient que l'avenant n° 3 du 6 décembre 2011 est valable et que les manquements de la société Warning sont avérés.

Sur ce, LA COUR

a) Sur l'avenant du 6 décembre 2011

Considérant que l'avenant du 6 décembre 2011 conclu entre la société Fedex et la société Warning avec prise d'effet au 6 mars 2012 prévoit une modification de la couverture géographique désormais limitée au seul département 83; que les appelantes soulèvent la nullité de cet accord sur le fondement de l'article 1108 du code civil mais n'apportent aucun élément susceptible de caractériser le fait que, au jour de signature dudit avenant, leur consentement aurait été vicié par une quelconque erreur affectant la portée de leur engagement; que les éléments invoqués qui sont postérieurs au 6 décembre 2011 sont sans portée; que, par ailleurs, cet avenant comporte un préavis de 3 mois conforme aux usages puisque sa prise d'effet a été reportée au 6 mars 2012; qu'enfin, si le secteur géographique d'intervention de la société Warning a été restreint, il n'a pas pour autant été mis fin au contrat dont il ne peut pas être soutenu qu'il a fait l'objet d'une rupture unilatérale ; que les appelantes sont mal fondées à soutenir que le contrat à durée déterminée aurait été résilié avant l'échéance contractuelle du 31 août 2012 ;

b) Sur la résolution du contrat et ses conséquences

Considérant que, par courier recommandé du 23 décembre 2012 (en réalité 23 décembre 2011), la société Fedex a mis en demeure la société Warning " de rétablir la situation, ainsi que les niveaux de service requis selon nos engagements contractuels, sous peine de résiliation du contrat dans un délai de 15 jours, soit au plus tard le 6 janvier 2012 " ; que cette mise en demeure se réfère expressément à l'article 19.2 du contrat de sous-traitance du 1er septembre 2007 ;

Considérant que la mise en demeure du 23 décembre 2011 relève des erreurs de livraisons et d'enlèvements " dans le territoire couvrant les départements 13, 30, 34 et 83 "; que, ce faisant, la société Fedex occulte l'avenant du 6 décembre 2011 qui a restreint la compétence géographique de la société Warning au seul département du Var (83); que les exemples fournis dans le courrier recommandé du 23 décembre 2011 ne permettent aucunement de localiser les manquements reprochés; que la mise en demeure de régularisation faute d'acquisition de la clause résolutoire se trouve dès lors inopérante puisque la société Warning n'est plus autorisée à intervenir sur les départements 13, 30 et 34; que le commandement a été insusceptible de mettre en œuvre la clause résolutoire; que la société Warning a ainsi subi une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article 442-6 5°) du Code de commerce; que l'assiette de son préjudice ne reposant pas sur la rupture elle-même mais sur son caractère brutal, les appelantes ne peuvent réclamer une indemnisation portant sur une période allant jusqu'au terme du contrat qu'elles fixent au 31 août 2012 ;

Considérant que le préjudice des appelantes doit porter sur la perte de marge brute réalisée sur le seul département du Var ; qu'il résulte d'un document dressé par M. Kahn, expert-comptable de la société Warning, que le chiffre d'affaires de la société se rapportant à l'année 2011 pour le département du Var se chiffre à 204 698,05 euro; que la marge brute de 39,85 % conduit à un montant annuel de 81 565 euro soit 20 391 euro pour les trois mois de préavis; que cette somme indemnisant les appelantes de leur entier prejudice, il convient de les débouter de leurs demandes complémentaires au titre de la fermeture d'une agence, des frais de licenciement des salariés et de location d'entrepôts ; que la demande au titre du préjudice moral n'est aucunement caractérisée ;

c) Sur la demande incidente

Considérant que la société Fedex sollicite la condamnation de la société Warning et de la société Provence Fret à lui verser 40 260,86 euro se décomposant comme suit :

- 25 767,16 euro au tire des avoirs de décembre 2011,

- 5 969,70 euro au titre des avoirs de janvier 2012,

- 8 524 euro pour pénalités,

Considérant que ces demandes ne font pas l'objet de contestations dans le corps des écritures des appelantes; qu'à l'exception des pénalités, ces demandes sont par ailleurs justifiées (pièces 59 et 60 de l'intimée) et ont été soumises à l'appréciation de la société Warning (pieces 61,62 et 64 de l'intimée) ; qu'il doit être fait droit à cette demande à hauteur de 31 736,86 euro (25 767,16 euro + 5 969,70 euro) outre le intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2014, date du jugement et anatocisme selon les termes de l'article 1154 du code civil ; que les conditions de la compensation sont réunies.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré qui a rejeté la demande de nullité de l'avenant du 6 décembre 2011 ; Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant de nouveau : Dit que le commandement de payer du 23 décembre 2011 visant la clause résolutoire est sans portée ; Condamne la société Federal Express International à verser à la société Warning et à la société Provence Fret la somme de 20.391 euro pour rupture brutale de relations commerciales établies ; Condamne solidairement la société Warning et à la société Provence Fret à verser à la société Federal Express International la somme de 31 736,86 euro outre les intérêts au taux legal à compter du 14 janvier 2014 ; Dit que les intérêts dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts aux conditions de l'article 1154 du Code civil ; Ordonne la compensation ; Rejette toutes autres demandes y comprises celles formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des dépens qui seront supportés pour moitié par chaque partie. et accorde à la SCP Bertin & Petitjean Domevc, avocat, le benefice des dispositions de l'article 699 du Code de procedure civile.