Cass. com., 30 mars 2016, n° 13-12.122
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires soins experts
Défendeur :
de Carrière (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Darbois
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 2012), que la société Allergan Inc. (la société Allergan), qui commercialise un produit antirides composé de toxine botulique ayant des effets thérapeutiques et cosmétiques connu sous l'appellation " Botox ", est titulaire de la marque verbale française " Botolift " n° 07 3 544 503 déposée le 17 décembre 2007 pour désigner, en classes 3 et 5, notamment les produits de cosmétiques ; qu'elle a obtenu, selon décision du 30 juin 2009 du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, statuant sur son opposition, le rejet partiel de la demande d'enregistrement de la marque verbale française " Botoperfect " pour les produits de cosmétiques, déposée le 25 septembre 2008 par la société Bio Extend ; qu'ayant constaté la poursuite de la commercialisation, par cette dernière et la société LDA cosmétiques, devenue la société LSE, d'un produit antirides sous la dénomination " Botoperfect ", dont la promotion faisait référence au terme botox, elle a assigné ces sociétés en contrefaçon de marque et parasitisme ; que les sociétés LSE et Bio Extend ont reconventionnellement demandé l'annulation de la marque " Botolift " pour défaut frauduleux et opposé que la référence au botox constituait une publicité comparative licite ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés LSE et Bio Extend font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en nullité, pour dépôt frauduleux, de la marque française " Botolift " n° 07 3 544 503 alors, selon le moyen : 1°) qu'en application de l'adage " fraus omnia corrumpit ", le dépôt frauduleux d'une marque ne peut conférer au déposant un titre de protection valable ; que la fraude ne suppose pas la justification d'une utilisation publique antérieure de signe litigieux par la partie plaignante, mais la preuve d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ; qu'en l'espèce, pour débouter les sociétés LSE et Bio Extend de leur demande tendant à ce que soit constatée la nullité de la marque " Botolift ", la cour d'appel a considéré que celles-ci ne justifiaient pas de l'exploitation effective de la dénomination " Botoperfect ", de sorte qu'il n'était pas établi que la société Allergan poursuivait le dessein d'entraver cette exploitation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 712-6 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe " fraus omnia corrumpit " ; 2°) que l'annulation d'un dépôt de marque, pour fraude, ne suppose pas la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe litigieux, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Allergan n'avait pas déposé la marque " Botolift ", quand elle venait d'être déchue de la marque " Botox ", dans la seule intention de priver ses concurrents de la possibilité d'utiliser le préfixe " boto ", a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 712-6 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe " fraus omnia corrumpit " ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève, d'un côté, que les sociétés LSE et Bio Extend ne peuvent affirmer à la fois que le produit qu'elles commercialisent sous la dénomination " Botoperfect " fait l'objet d'une exploitation confidentielle et que la société Allergan poursuit le dessein d'entraver cette exploitation, et, de l'autre, que ces sociétés ne justifient d'une exploitation que par la production d'une fiche d'un centre antipoison datée de février 2004, au demeurant en dehors de la vie des affaires ; qu'en l'état de ces appréciations, faisant ressortir qu'en déposant la marque " Botolift ", la société Allergan n'avait pas sciemment méconnu les intérêts de ces sociétés, la cour d'appel a justement écarté le caractère frauduleux de ce dépôt ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que la société Allergan justifie de la notoriété mondiale du produit antirides connu sous la dénomination " Botox " depuis 1990, qu'elle exploite activement, et que l'intention frauduleuse que les sociétés LSE et Bio Extend prêtent à cette société d'avoir déposé la marque " Botolift " pour contourner la décision de justice ayant prononcé la déchéance de ses droits sur la marque française " Botox " ne repose que sur leurs assertions ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que les sociétés LSE et Bio Extend font grief à l'arrêt de les condamner pour contrefaçon par imitation de cette marque alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir du chef du premier moyen relatif à la nullité de la marque déposée par la société Allergan entraînera par voie de conséquence celle des dispositions visées au moyen en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le deuxième moyen ;
Sur le troisième moyen : Attendu que les sociétés LSE et Bio Extend font grief à l'arrêt de les condamner pour actes de concurrence déloyale alors, selon le moyen, que pour considérer que les sociétés LSE et Bio Extend avaient commis des agissements parasitaires, la cour d'appel a jugé que les mentions " l'alternative aux injections de Botox " et " botox like " portées sur les produits desdites sociétés avaient pour but de créer un lien dans l'esprit du consommateur entre ces produits et le produit commercialisé par la société Allergan ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si, tout au contraire, ces mentions ne constituaient pas des termes de comparaison objective entre deux produits de manière à les distinguer l'un de l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé la valeur économique et le succès en France et à l'étranger remporté par l'exploitation, dans ses applications thérapeutiques et cosmétiques, d'un produit composé de toxine botulique, commercialisé par la société Allergan sous la dénomination " Botox " adoptée en 1990, ainsi que l'importance des investissements réalisés par cette société dans la recherche et le développement mondial de ce produit, l'arrêt retient que c'est sans nécessité que les sociétés LSE et Bio Extend, qui commercialisent sous l'appellation " Botoperfect " un produit ne contenant pas de toxine botulique, ont apposé sur ce produit la mention " l'alternative aux injections de Botox " et assuré sa promotion avec le slogan " botox like ", cherchant à créer un lien dans l'esprit du consommateur entre leur produit et l'image positive véhiculée par le produit " Botox ", afin de tirer parti de la force attractive de ce dernier ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a fait ressortir le caractère fautif de la comparaison, nonobstant l'absence de droits privatifs en France de la société Allergan sur la dénomination " Botox ", a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen : - Attendu que les sociétés LSE et Bio Extend font grief à l'arrêt de prononcer des mesures d'interdiction et de retrait alors, selon le moyen : 1°) qu'en prononçant des mesures d'interdiction et de retrait sans aucunement motiver sa décision à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en prononçant des mesures d'interdiction et de retrait, sans lien avec les fautes retenues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir procédé à l'évaluation des dommages-intérêts alloués en réparation des préjudices résultant respectivement des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, l'arrêt retient qu'il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de retrait sollicitées, lesquelles suffisent à réparer le préjudice subi, sans qu'il y ait lieu d'ordonner les mesures de destruction et de publication également demandées ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a motivé sa décision, a fait ressortir le lien entre les fautes relevées et les mesures prononcées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.