CJUE, 4e ch., 7 avril 2016, n° C-315/14
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Marchon Germany GmbH
Défendeur :
Karaszkiewicz
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bay Larsen
Avocat général :
M. Szpunar
Juges :
MM. Malenovský, Safjan, Mmes Prechal, Jürimäe (rapporteur)
Avocats :
Mes Stempfle, Nitsche, Zafar, Herbertz, Heinicke
LA COUR (quatrième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 17, paragraphe 2, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO L 382, p. 17).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Marchon Germany GmbH (ci-après "Marchon") à Mme Karaszkiewicz au sujet de l'indemnité de clientèle réclamée par cette dernière à Marchon à la suite de la résiliation de son contrat d'agent commercial.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3 Les deuxième et troisième considérants de la directive 86/653 prévoient ce qui suit:
"considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l'intérieur de [l'Union européenne], les conditions de concurrence et l'exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu'à la sécurité des opérations commerciales; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l'établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents;
considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s'effectuer dans des conditions analogues à celles d'un marché unique, ce qui impose le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n'éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l'harmonisation proposée".
4 L'article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose:
"1. Les mesures d'harmonisation prescrites par la présente directive s'appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.
2. Aux fins de la présente directive, l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée 'commettant', soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant."
5 L'article 3 de ladite directive est rédigé en ces termes:
"1. L'agent commercial doit, dans l'exercice de ses activités, veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi.
2. En particulier, l'agent commercial doit:
a) s'employer comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé;
[...]"
6 L'article 17, paragraphes 1 et 2, de cette même directive prévoit:
"1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.
2. a) L'agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où:
- il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients
et
- le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l'agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. [...]
b) Le montant de l'indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir de la moyenne annuelle des rémunérations touchées par l'agent commercial au cours des cinq dernières années et, si le contrat remonte à moins de cinq ans, l'indemnité est calculée sur la moyenne de la période.
[...]"
Le droit allemand
7 Aux termes de l'article 89b, paragraphe 1, du code de commerce (Handelsgesetzbuch):
"Après la fin du contrat, l'agent commercial peut exiger du commettant une indemnité appropriée lorsque, et dans la mesure où,
1. le commettant retire, même après la fin du contrat, des bénéfices considérables d'une relation d'affaires avec de nouveaux clients démarchés par l'agent commercial,
2. le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l'agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients.
Est assimilé au démarchage d'un nouveau client le fait pour un agent commercial d'avoir approfondi la relation d'affaires avec un client existant de manière telle que cela équivaut, d'un point de vue économique, au démarchage d'un nouveau client."
Le litige au principal et la question préjudicielle
8 Dans le cadre de son activité de grossiste en montures de lunettes, Marchon commercialise une gamme de montures de différents modèles, marques et collections auprès d'une clientèle constituée d'opticiens.
9 Afin d'assurer la distribution de ses montures, Marchon a recours aux services de plusieurs agents commerciaux. Elle confie ainsi à chacun d'eux la tâche de négocier la vente non pas de l'ensemble des montures de sa gamme, mais de celles appartenant à une ou à plusieurs marques déterminées. Il ressort de la décision de renvoi que, pour un même secteur géographique, chaque agent commercial est mis en concurrence avec ceux auxquels Marchon a confié l'écoulement des montures de ses autres marques.
10 Mme Karaszkiewicz, qui a exercé les fonctions d'agent commercial de Marchon entre le mois de septembre 2008 et le mois de juin 2009, était chargée par celle-ci de l'écoulement des montures des marques C. K. et F. À cet effet, Marchon avait mis à sa disposition une liste d'opticiens avec lesquels elle entretenait déjà des relations d'affaires concernant d'autres marques de montures. Mme Karaszkiewicz négociait la vente des montures qui lui avaient été confiées essentiellement avec ces opticiens.
11 À la suite de la résiliation de son contrat, Mme Karaszkiewicz a réclamé à Marchon une indemnité de clientèle au titre de l'article 89b du code de commerce. À ce sujet, elle faisait notamment valoir que les opticiens ayant acheté pour la première fois, grâce à son intervention, des montures de marques C. K. ou F. devaient être considérés comme de nouveaux clients, au sens de cette disposition, alors même qu'ils figuraient déjà sur la liste de clients que cette société avait mise à sa disposition.
12 Le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a fait droit à la demande de Mme Karaszkiewicz en limitant toutefois, au titre de l'équité, le montant de l'indemnité octroyée à la moitié de ce que l'intéressée avait sollicité. Cette juridiction a en effet considéré que le travail de négociation accompli par cette dernière avait été facilité par le fait que les nouveaux clients qu'elle prétendait avoir apportés à Marchon connaissaient déjà auparavant cette société.
13 Marchon a interjeté appel de cette décision devant l'Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich). Cette dernière juridiction ayant confirmé ladite décision, cette société a introduit un recours en "Revision" devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).
14 La juridiction de renvoi considère que l'issue du recours dépend de l'interprétation de l'article 17, paragraphe 2, sous a), de la directive 86/653, et notamment du point de savoir si un agent commercial doit être regardé comme ayant apporté de nouveaux clients, au sens de cette disposition, dans des circonstances telles que celles en cause au principal.
15 Selon cette juridiction, la notion de "nouveaux clients", au sens de ladite disposition, pourrait se limiter aux personnes qui n'entretenaient, avant l'intervention de l'agent commercial concerné, aucune relation d'affaires avec le commettant. Néanmoins, ladite juridiction se demande si une interprétation plus large de cette même disposition ne devrait pas être retenue lorsque, eu égard à la structure de distribution du commettant, l'agent commercial assure la distribution d'une partie seulement des marchandises de celui-ci. En effet, au regard de l'esprit et de la finalité de la directive 86/653, et en particulier de l'objectif de protection de l'agent commercial dans ses relations avec le commettant, pourraient être considérées comme de nouveaux clients, au sens de l'article 17, paragraphe 2, sous a), de cette directive, les personnes qui n'avaient acheté jusque-là au commettant aucune des marchandises dont la promotion a été confiée à l'agent commercial, nonobstant les opérations intervenues entre ces personnes et ce commettant s'agissant de marchandises distinctes.
16 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
"L'article 17, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive 86/653 doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à l'application d'une disposition nationale en vertu de laquelle les 'nouveaux clients' peuvent également être des clients apportés par l'agent commercial qui effectuent déjà des opérations avec le commettant en ce qui concerne des produits de l'assortiment de produits distribué par ce dernier, mais non en ce qui concerne les produits que le commettant a exclusivement chargé l'agent commercial de placer ?"
Sur la demande tendant à la réouverture de la phase orale de la procédure
17 Par acte déposé au greffe de la Cour le 18 novembre 2015, Marchon a demandé que soit ordonnée la réouverture de la procédure orale.
18 Cette société fait valoir, en substance, que certaines des notions utilisées par M. l'avocat général dans ses conclusions, à savoir celles de "produit", de "nouvelle catégorie de produits" et de "marque", n'auraient pas été débattues entre les parties.
19 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, l'avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu'elle est insuffisamment éclairée ou lorsqu'une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l'affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l'article 23 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne.
20 En l'occurrence, la Cour, l'avocat général entendu, considère qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre à la question posée par la juridiction de renvoi et que l'affaire ne doit pas être tranchée au regard d'un fait nouveau qui serait de nature à exercer une influence décisive sur sa décision ou d'un argument qui n'aurait pas été débattu devant elle.
21 S'agissant, en particulier, des notions de "produit", de "nouvelle catégorie de produits" et de "marque", utilisées par M. l'avocat général dans ses conclusions, il y a lieu de relever que les parties ont eu amplement l'occasion, dans leurs observations écrites et lors de l'audience, de débattre de ces notions.
22 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de Marchon tendant à la réouverture de la procédure orale.
Sur la question préjudicielle
23 Avant de procéder à l'analyse de la question posée par la juridiction de renvoi, il convient de rappeler que, ainsi qu'il ressort de son article 1er, la directive 86/653 harmonise les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les parties au contrat d'agence et notamment, à ses articles 13 à 20, celles réglementant la conclusion et la fin d'un tel contrat.
24 En ce qui concerne la fin du contrat d'agence, l'article 17 de cette directive impose aux États membres de mettre en place un mécanisme de dédommagement de l'agent commercial en leur permettant de choisir entre deux options, soit une indemnité déterminée selon les critères énoncés au paragraphe 2 de cet article, à savoir le système de l'indemnité de clientèle, soit la réparation du préjudice en fonction des critères définis au paragraphe 3 de celui-ci, à savoir le système de la réparation du préjudice (arrêt Quenon K., C-338/14, EU:C:2015:795, point 24).
25 Il est constant que la République fédérale d'Allemagne a opté pour le système de l'indemnité de clientèle.
26 C'est dans ce contexte que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 17, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que les clients apportés par l'agent commercial pour les marchandises qu'il est chargé par le commettant de vendre peuvent être considérés comme de nouveaux clients, au sens de cette disposition, et ce alors même que ces clients entretenaient déjà des relations d'affaires avec ce commettant concernant d'autres marchandises.
27 Aux termes de l'article 17, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive 86/653, l'agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où il a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les opérations avec les clients existants, et où le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients. Le paiement de cette indemnité doit être équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment des commissions que l'agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients.
28 Les termes mêmes de cette disposition, en ce qu'ils distinguent entre nouveaux clients et clients existants, pourraient, certes, suggérer que doivent être considérés comme nouveaux clients uniquement ceux avec lesquels le commettant n'entretenait, jusqu'à l'intervention de l'agent commercial et de manière générale, aucune relation d'affaires. Néanmoins, ces termes ne permettent pas, à eux seuls, de déterminer avec certitude si le caractère "nouveau" ou "existant" d'un client doit s'apprécier par rapport à l'ensemble de la gamme du commettant ou à certaines marchandises en particulier.
29 Il convient, partant, d'interpréter l'article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653 en tenant compte du contexte dans lequel s'inscrit cette disposition et des objectifs poursuivis par cette directive (voir, par analogie, arrêts Csonka e.a., C-409/11, EU:C:2013:512, point 23, ainsi que Vnuk, C-162/13, EU:C:2014:2146, point 42).
30 S'agissant, en premier lieu, du contexte dans lequel s'inscrit ladite disposition, celle-ci constitue l'une des mesures harmonisant, ainsi qu'il a été rappelé au point 23 du présent arrêt, les règles applicables au contrat d'agence. À ce sujet, il ressort de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 que, dans le cadre d'un tel contrat, l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour le commettant, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte de ce dernier.
31 Par ailleurs, il découle de l'article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive que, dans le cadre dudit contrat, l'agent commercial doit veiller aux intérêts du commettant, notamment en s'employant comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé par celui-ci.
32 Ainsi que l'a souligné, en substance, le gouvernement allemand dans ses observations écrites, l'objet de l'activité de l'agent commercial dépend donc des termes du contrat qui le lie au commettant, et en particulier de l'accord des parties quant aux marchandises que le commettant entend vendre ou acheter par l'intermédiaire de cet agent.
33 En ce qui concerne, en second lieu, les objectifs poursuivis par la directive 86/653, il convient de rappeler que celle-ci vise, notamment, à protéger l'agent commercial dans sa relation avec le commettant (voir, en ce sens, arrêts Honyvem Informazioni Commerciali, C-465/04, EU:C:2006:199, point 19, et Quenon K., C-338/14, EU:C:2015:795, point 23). La Cour a déjà jugé que l'article 17 de cette directive est, à cet égard, d'une importance déterminante (voir, en ce sens, arrêt Unamar, C-184/12, EU:C:2013:663, point 39). Dès lors, il convient d'interpréter les termes du paragraphe 2 de cet article dans un sens qui contribue à cette protection de l'agent commercial et qui prenne, dès lors, pleinement en compte les mérites de ce dernier dans l'accomplissement des opérations dont il est chargé. La notion de "nouveaux clients", au sens de cette disposition, ne saurait donc être lue de manière restrictive.
34 À la lumière des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que c'est par rapport aux marchandises dont l'agent commercial est chargé par le commettant de négocier et, le cas échéant, de conclure l'achat ou la vente qu'il convient d'apprécier si un client est nouveau ou existant, au sens de l'article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653.
35 Ainsi, dans une situation telle que celle au principal, dans laquelle, conformément aux termes de son contrat d'agence, l'agent commercial est chargé de négocier la vente d'un segment de la gamme de marchandises du commettant et non de l'ensemble de celle-ci, la circonstance qu'une personne entretenait déjà des relations d'affaires avec ce commettant concernant d'autres marchandises n'exclut pas qu'elle puisse être considérée comme un nouveau client apporté par cet agent commercial, lorsque ce dernier est parvenu, par ses efforts, à instaurer une relation d'affaires entre cette personne et ledit commettant pour les marchandises qu'il est chargé d'écouler.
36 Marchon fait cependant valoir que, en l'occurrence, les clients dont se prévaut Mme Karaszkiewicz ne sauraient être considérés comme nouveaux, au sens de l'article 17, paragraphe 2, de la directive 86/653, pour les marchandises écoulées par l'intéressée. En effet, ces clients entretenaient déjà avec Marchon des relations d'affaires portant sur des montures de lunettes analogues à celles dont cet agent commercial était chargé de négocier la vente, ces dernières montures étant seulement de marques différentes.
37 À cet égard, le seul fait que, dans des circonstances telles que celles au principal, les clients apportés par un agent commercial à son commettant achetaient déjà auprès de celui-ci des marchandises comparables, par leur nature, à celles dont cet agent commercial a négocié la vente auprès de ces clients ne saurait suffire pour considérer que ces dernières marchandises entraient déjà dans le cadre des relations d'affaires préexistant avec lesdits clients.
38 Dans de telles circonstances, compte tenu de l'activité de négociateur de vente de l'agent commercial, telle que décrite aux points 30 et 31 du présent arrêt, il convient d'examiner si l'écoulement des marchandises en cause a nécessité, de la part de l'agent commercial concerné, des efforts de négociation et une stratégie de vente particuliers, tendant à la mise en place d'une relation d'affaires spécifique, notamment dans la mesure où ces marchandises relèvent d'un segment différent de la gamme du commettant.
39 À cet égard, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 52 de ses conclusions, le fait que le commettant confie à un agent commercial la commercialisation de nouvelles marchandises auprès de clients avec lesquels il entretient déjà certaines relations d'affaires peut constituer une indication de ce que ces marchandises relèvent d'une partie de la gamme différente de celle que ces clients achetaient jusque-là et que l'écoulement desdites nouvelles marchandises auprès de ces derniers exigera de cet agent commercial la mise en place d'une relation d'affaires spécifique, ce qu'il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
40 Cette analyse est corroborée par le fait que la distribution des marchandises s'opère en général dans un cadre différent selon les marques auxquelles elles appartiennent. À cet égard, la Cour a déjà jugé qu'une marque constitue souvent, outre une indication de la provenance des produits ou des services, un instrument de stratégie commerciale employé, en particulier, à des fins publicitaires ou pour acquérir une réputation afin de fidéliser le consommateur (arrêt Interflora et Interflora British Unit, C-323/09, EU:C:2011:604, point 39).
41 Ainsi, des circonstances telles que celles au principal, dans lesquelles, comme il ressort de la décision de renvoi, l'offre de marchandises du commettant est segmentée en différentes marques, chacun de ses agents commerciaux étant chargé de négocier la vente d'une ou de certaines de ces marques seulement, tendent à indiquer, ce qu'il appartient cependant à la juridiction de renvoi de vérifier, que ceux-ci doivent mettre en place, avec chaque client, une relation d'affaires spécifique aux marques dont ils sont chargés.
42 S'agissant, enfin, de l'argument de Marchon selon lequel il serait plus aisé pour l'agent commercial de placer de nouvelles marchandises auprès de personnes entretenant déjà des relations d'affaires auprès du commettant, cette allégation, à la supposer avérée, pourra être pleinement prise en compte par le juge national dans le cadre de l'analyse visant à déterminer, conformément à l'article 17, paragraphe 2, second tiret, de la directive 86/653, le caractère équitable de son indemnité (voir, par analogie, arrêt Volvo Car Germany, C-203/09, EU:C:2010:647, point 44).
43 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 17, paragraphe 2, premier tiret, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens que les clients apportés par l'agent commercial pour les marchandises qu'il est chargé par le commettant de vendre doivent être considérés comme de nouveaux clients, au sens de cette disposition, et ce alors même que ces clients entretenaient déjà des relations d'affaires avec ce commettant concernant d'autres marchandises, lorsque la vente, par cet agent, des premières marchandises a nécessité la mise en place d'une relation d'affaires spécifique, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
L'article 17, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que les clients apportés par l'agent commercial pour les marchandises qu'il est chargé par le commettant de vendre doivent être considérés comme de nouveaux clients, au sens de cette disposition, et ce alors même que ces clients entretenaient déjà des relations d'affaires avec ce commettant concernant d'autres marchandises, lorsque la vente, par cet agent, des premières marchandises a nécessité la mise en place d'une relation d'affaires spécifique, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.