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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 31 mars 2016, n° 13-01352

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Thermatis Technologies (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rolin

Conseillers :

Mmes Pages, Esparbès

Avocats :

Mes Picca, Rambault, Mihajlovic, Barthelemy

T. com. Romans-Sur-Isère, du 13 févr. 20…

13 février 2013

Par acte du 6 juillet 2011, la société Thermatis Technologies a conclu avec Messieurs Richard X et Paul-Michel Y un contrat de concession commerciale portant sur la vente des matériels de chauffage géothermique gammes Nateo-Termo-Caliane-Lizea et les accessoires de la gamme Sofath, Messieurs Richard X et Paul-Michel Y se portant fort de la société Logithermie, dont ils étaient associés, du respect des clauses et conditions du contrat de concession ;

Par jugement en date du 6 février 2012, le Tribunal de commerce de Melun a ouvert la liquidation judiciaire de la société Logithermie et le 13 février 2012, la société Thermatis Technologies a déclaré au passif de cette société une créance d'un montant de 122 674,46 euros ;

Sur assignation en date du 29 février 2012, le Tribunal de commerce de Romans-Sur-Isère a, par jugement en date du 13 février 2013, condamné Messieurs Richard X et Paul-Michel Y à payer à la société Thermatis Technologies la somme de 122 674,46 euros ;

Messieurs Richard X et Paul-Michel Y ont relevé appel de cette décision le 27 mars 2013 ;

Par conclusions du 29 avril 2014, Messieurs Richard X et Paul-Michel Y demandent à la cour de réformer le jugement déféré, de débouter la société Thermatis Technologies de ses demandes, de la condamner à leur payer à chacun la somme de 39 229,40 euros à titre de dommages-intérêts pour mauvaise exécution du contrat de concession et celle de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile aux motifs :

que le contrat de concession ne stipulant pas d'obligation de paiement, leur promesse de porte fort ne valait pas garantie du paiement des produits et marchandises livrés ;

qu'en effet, le contrat de concession est un contrat-cadre qui définit les conditions générales dans lesquelles pourront intervenir des contrats ultérieurs pour la bonne exécution desquels ils ne se sont pas portés fort ;

qu'en tout état, un tel engagement est nul pour indétermination de son objet conformément à l'article 1129 du Code civil ;

que subsidiairement, la responsabilité du concessionnaire et partant la leur est atténuée compte tenu des fautes commises par l'intimé ;

que le fait d'un tiers et notamment du créancier exonère la responsabilité du débiteur ;

que la déconfiture de la société Logithermie est exclusivement due à la mauvaise qualité des matériaux fournis qui ont entraîné un nombre croissant d'interventions du service après-vente ;

que la mauvaise qualité des produits est démontrée par la multiplicité des concessionnaires en difficultés et alors que dès février 2010, ils ont alerté le concédant qui a modifié le produit acquiesçant ainsi aux reproches faits ";

que cependant le concédant ne s'est pas acquitté de la facture de 78 458,80 euros en réparation des interventions que la société Logithermie a dû assumer sans jamais la contester ;

que cette facture impayée est la cause principale de la cessation des paiements de la société qui n'a plus été indemnisée par l'assureur de la société Thermatis Technologies suite à sa déclaration de sinistre portant sur l'avarie des produits et dès lors ils sont fondés à solliciter chacun la somme de 30 9229,40 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de la société ;

qu'à titre infiniment subsidiaire, leur engagement sera déclaré nul pour violence qui résulte de l'exploitation abusive de la situation de dépendance économique de la société Logithermie qui commercialisait exclusivement les produits Sofath depuis 1999 et dont la pérennité était conditionnée par la poursuite des relations commerciales et par conséquent, ils n'étaient pas en mesure de refuser de ratifier l'engagement litigieux ;

que de plus, la mention manuscrite prévue à l'article 1326 du Code civil exigée à peine de nullité ne figure pas à l'acte ;

qu'enfin, la demande ne peut excéder la somme de 50 710,32 euros représentant la créance admise au passif de la société ;

Par écritures du 25 août 2015, la société Thermatis Technologies conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile aux motifs :

qu'au contrat de concession est stipulée une obligation de paiement à la charge du concessionnaire et les appelants connaissaient l'encours de facturation ;

que la cour d'appel de Paris a réformé l'ordonnance du juge-commissaire et admis sa créance pour la somme de 121 169,12 euros ;

que les conditions de garantie sont rappelées à l'article 6 du contrat de concession conclu le 6 juillet 2011 soit postérieurement aux interventions alléguées, aucune fiche d'intervention n'étant produite relativement au matériel livré dans le cadre de ce contrat ;

que les appelants sont irrecevables à prétendre qu'elle serait responsable de la liquidation judiciaire de la société Logithermie, cette action appartenant au mandataire judiciaire ;

que l'utilisation de la dépendance économique du cocontractant sans lui imposer des conditions anormales ne justifie pas l'annulation de l'engagement, étant observé que les appelants ne se prévalent ni d'une exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, ni de l'existence de conditions anormales ;

qu'en application de l'article 1120 du Code civil, le promettant doit réparation du préjudice subi par le bénéficiaire de la promesse en l'espèce, le montant des factures impayées suite à la liquidation judiciaire de la société Logithermie ;

" que selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 juin 2013, l'article 1326 du Code civil n'est pas applicable à l'engagement de porte fort ;

La clôture de la procédure a été prononcée le 17 décembre 2015 ;

M. Richard X et Paul-Michel Y ont déposé de nouvelles écritures le 4 janvier 2016 en sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture ";

Par conclusions du 18 janvier 2016, la société Thermatis Technologies a demandé le rejet des écritures signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Motifs de l'arrêt

" Attendu que les conclusions des appelants sont postérieures à l'ordonnance de clôture et ne comportent aucun motif ou élément justifiant la demande de rabat ";

" Qu'à défaut de motif légitime, la demande de M. Richard X et M. Paul-Michel Y sera rejetée et leurs conclusions déposées le 4 janvier 2016 écartées des débats ainsi que les pièces 20 à 27 ";

Attendu que la seule allégation par une partie de son état de dépendance économique à l'égard d'une autre n'est pas démonstrative d'un vice du consentement entachant l'accord conclu ;

" Que seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts de la personne peut éventuellement vicier de violence le consentement à un acte juridique ";

" Qu'en l'espèce, il n'est pas prouvé, ni même allégué que le contrat de concession comporte des conditions anormales ";

" Que surtout, il n'est pas prouvé l'état de dépendance économique de la société Logithermie à défaut de démonstration de son impossibilité de disposer d'une situation économiquement équivalente aux relations contractuelles nouées avec la société Thermatis Technologies dont il n'est pas prétendu qu'elle est dominante dans son secteur ";

" Que le contrat et l'engagement des appelants n'encourent pas la nullité pour vice du consentement ";

" Attendu qu'en application de l'article 1120 du Code civil, l'engagement de porte-fort constitue un engagement de faire de sorte que les dispositions de l'article 1326 ne lui sont pas applicables ";

" Attendu que le contrat de concession stipule en son article 6 les modalités de paiement des marchandises, obligation inhérente au contrat qui a pour objet la distribution exclusive dans un secteur donné par le concessionnaire des produits de la société Thermatis Technologies ";

Que l'obligation des appelants n'est pas indéterminée s'agissant du respect par la société Logithermie des clauses et conditions du contrat de concession - dont celle de paiement des marchandises ;

" Attendu que le porte fort, débiteur d'une obligation de résultat autonome, est tenu envers le bénéficiaire de la promesse, des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis ";

Que la société Logithermie ne s'est pas acquittée des factures à concurrence de la somme de 129 169,12 euro, montant de la créance admise à son passif par arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 27 mai 2014 ;

" Qu'elle a ainsi manqué à son obligation de payer les marchandises livrées ce qui a occasionné un préjudice financier à la société Thermatis Technologies ";

" Que pour s'exonérer de tout paiement, M. Richard X et Paul-Michel Y soutiennent que la défaillance de la société Logithermie a pour seule cause les manquements répétés de la société Thermatis Technologies qui lui a livré des produits défectueux ";

" Que cependant, ainsi que le remarque l'intimée, les pièces produites sont toutes antérieures à la signature du contrat de concession et il n'est justifié d'aucune défectuosité du matériel postérieurement à cette date ";

" Qu'aux termes de l'article 9 du contrat de concession, le concédant a souscrit une garantie décennale couvrant l'ensemble des risques dont les appelants soutiennent sans le prouver par un quelconque document la défaillance, ni celle alléguée de son propre assureur ";

" Qu'il n'est pas plus produit de document, permettant de connaître les causes de l'état de cessation de paiement et par conséquent qu'il est dû au seul impayé de la facture non détaillée du 21 décembre 2010, en l'admettant due ce qui n'est pas démontré au regard du contrat ";

" Qu'à défaut de preuve des manquements de l'intimée les exonérant de leurs propres obligations, M. Richard X et M. Paul-Michel Y seront condamnés à lui payer la somme de 122 674,46 euro à titre de dommages et intérêts ";

" Attendu que la recherche de la responsabilité de la société Thermatis Technologies par les appelants, qui se prévalent d'un préjudice consistant en la perte de la société, est irrecevable à défaut de démontrer l'existence d'un préjudice personnel distinct de celui subi collectivement par les créanciers de la société Logithermie, étant observé que le montant des dommages et intérêts sollicités correspond au montant de la facture impayée à l'origine selon eux de la déconfiture de la société ";

" Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur des parties ";

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déboute M. Richard X et M. Paul-Michel Y de leur demande en rabat de l'ordonnance de clôture et écarte des débats leurs conclusions déposées le 4 janvier 2016 et les pièces 20 à 27, Dit n'y avoir lieu à nullité de l'engagement de porte fort pour violence, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant, Condamne M. Richard X et M. Paul-Michel Y à payer à la SAS thermatis technologies la somme de 121 169,12 euros, Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts de M. Richard X et M. Paul-Michel Y, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. Richard X et M. Paul-Michel Y aux dépens.