ADLC, 24 février 2016, n° 16-DCC-33
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à l'acquisition par LDC Volaille des actifs d'abattage, de commercialisation et de transport de volailles du groupe Agrial
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 janvier 2016, relatif à l'acquisition par la société LDC Volaille du contrôle exclusif des sociétés Galéo, Socadis et STC Transports, formalisée par un protocole de cession d'actions en date du 24 novembre 2015 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. LDC Volaille est une société par actions simplifiées contrôlée par LDC, société à la tête du groupe LDC dont l'actionnariat est essentiellement familial. Le groupe LDC est organisé autour de quatre pôles : (i) le pôle " amont ", spécialisé dans les activités de production avicole, de collecte de céréales et agrofournitures, et de production d'oeufs, à la tête duquel se trouve la société Huttepain Aliments ; (ii) le pôle " volaille ", spécialisé dans les activités d'abattage et commercialisation de volailles et de produits élaborés de volailles, à la tête duquel se trouve LDC Volaille ; (iii) le pôle " traiteur ", spécialisé dans la production et la commercialisation de produits traiteurs, à la tête duquel se trouve la société LDC Traiteur ; et (iv) le pôle " international ", constitué de filiales en Pologne et en Espagne.
2. Les sociétés Galéo et Socadis ont pour activité principale l'abattage, la découpe, la transformation et la commercialisation de volailles et produits élaborés crus et fumés de volailles. La société STC Transports a pour activité principale la livraison réfrigérée de volailles et produits élaborés de volailles, et le transport de volailles vivantes des sites d'élevage aux abattoirs. Ces trois sociétés sont contrôlées exclusivement par la société Sofia BVA, filiale du groupe Agrial et forment les actifs cibles de la présente opération.
3. L'opération, formalisée par un protocole d'accord de vente et d'achat d'actions en date du 24 novembre 2015, consiste en (i) l'acquisition par LDC Volaille de l'intégralité du capital et des droits de vote des sociétés Galéo, Socadis et STC Transports, (ii) la constitution d'un partenariat d'approvisionnement entre le groupe LDC et l'organisation de production Volailles Agrial qui fournit actuellement les sociétés Galéo et Socadis en volailles vivantes(1) et (iii) la garantie par Agrial du maintien de certains débouchés existants pour le groupe LDC(2).
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés Galéo, Socadis et STC Transports par LDC Volaille, cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total hors taxes sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (groupe LDC : 3 milliards d'euros pour l'exercice 2014 ; actifs cibles(3) : [...] d'euros pour le même exercice). En France, les entreprises concernées ont réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (groupe LDC : 2,6 milliards d'euros ; actifs cibles : [...] d'euros). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la collecte de volailles vivantes en vue de l'abattage (A), la commercialisation de viande fraîche (B), la commercialisation de produits élaborés (C) et la commercialisation de coproduits de volaille (D) (4).
A. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE VOLAILLES VIVANTES EN VUE DE L'ABATTAGE
1. MARCHÉ DE PRODUITS
7. La pratique décisionnelle nationale retient traditionnellement autant de marchés distincts que d'espèces d'animaux abattus. En effet, les tailles et poids des animaux varient d'une espèce à l'autre et les abattoirs sont généralement équipés de matériel spécifique pour chaque type d'animal.
8. L'Autorité de la concurrence a opéré des segmentations supplémentaires au sein de chacune des espèces d'animaux abattus.
9. Une segmentation selon le type de volailles(5) (poulets, dindes et canards vivants) a ainsi été retenue. En effet, il n'existe pas de réelle substituabilité entre les différentes espèces de volailles, tant du côté de l'offre que de la demande, les éleveurs de volailles étant en règle générale spécialisés par espèce, tandis que les chaînes d'abattage sont généralement adaptées à une espèce de volaille particulière. Au cas présent, les parties collectent des poulets et des dindes en vue de l'abattage.
10. Une sous-segmentation supplémentaire, selon l'existence ou non d'un signe de qualité (label), a été examinée(6). En effet, les modalités d'élevage (en termes de durée, normes et installations notamment), de sélection et de multiplication des souches ainsi que d'accouvage diffèrent entre les volailles standards et les volailles bénéficiant d'un label.
11. Les répondants au test de marché réalisé pour les besoins de la présente opération ont confirmé la pertinence de ces segmentations. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu toutefois de se prononcer sur la délimitation exacte des marchés, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la segmentation envisagée.
12. Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la collecte de volailles (poulets et dindes), standards et sous label.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
13. La pratique décisionnelle nationale considère que les marchés de la collecte de volailles revêtent une dimension locale :
14. S'agissant des volailles standard :
- dans les régions à forte densité d'élevage (Bretagne, Pays-de-la-Loire), des zones d'1h30 autour des abattoirs ont été retenues7. En effet, les abattoirs sont principalement installés dans les zones de production de volailles vivantes afin de réduire le temps de ramassage et de maximiser le bien-être des animaux, avec notamment un objectif de réduction des coûts ;
- dans des zones à plus faible densité d'élevage (Auvergne, Bourgogne), des zones de collecte plus larges ont été retenues tenant compte des distances de ramassage effectivement parcourues par les camions des abattoirs de volailles8. Dans le sud-ouest de la France (Landes et Gers), la pratique décisionnelle9 a ainsi retenu une zone de collecte de 2h/2h30 autour des abattoirs concernés.
15. S'agissant des volailles sous label, elles relèvent d'un régime spécifique, dans la mesure où le cahier des charges impose une durée maximale de trajet de 3 heures ou une distance maximale de 100 kilomètres entre les élevages et l'abattoir10. Chaque abattoir doit préciser à l'Organisme de Défense et de Gestion (" ODG ") le critère qu'il souhaite retenir, 100 kilomètres ou 3 heures, et le justifier. C'est donc le critère choisi par les abattoirs qui détermine la dimension géographique des marchés.
16. Les répondants au test de marché ont confirmé la pertinence de ces délimitations.
17. Au cas d'espèce, les actifs cibles sont constitués de deux abattoirs implantés en Pays-de-la-Loire et en Normandie, qui collectent des volailles pour leur activité.
18. L'abattoir exploité par Galéo (ci-après, " l'abattoir Galéo ") est situé en Pays-de-la-Loire, à Chailland en Mayenne (53), et exerce une activité d'abattage de volailles (poulet et dinde) standard. La région Pays-de-la-Loire est considérée comme une région à forte densité d'élevage, ce que confirment les répondants au test de marché. Les parties ont fourni les empreintes réelles de leurs zones de collecte en poulets et en dindes : il apparaît que si 80 % des poulets abattus dans l'abattoir Galéo sont collectés dans une zone n'excédant pas 1h30 de trajet, la zone de collecte de dindes est en réalité plus large avec un temps de trajet de 2h30. Au cas d'espèce, une zone de collecte d'1h30 autour de l'abattoir sera définie pour la collecte de volaille standard, en tenant toutefois compte, dans l'analyse concurrentielle, du marché géographique plus large de la collecte de dindes standard.
19. L'abattoir exploité par Socadis (ci-après, " l'abattoir Socadis ") est situé en Normandie, à Plumetot dans le Calvados (14), et exerce une activité d'abattage de volailles standards et sous label. Les parties estiment que la région Normandie ne peut être considérée comme une zone " à forte densité d'élevage " dans la mesure où elle constitue la huitième région productrice de poulet de chair correspondant à 4 % du volume de production national. La majorité des répondants au test de marché partage cette analyse. En outre, il ressort des données fournies par les parties que près de la totalité des volailles standards collectées par l'abattoir Socadis provient d'élevages situés dans une zone d'un rayon de 2h30 en transport.
20. Par conséquent, s'agissant de la délimitation du marché géographique de la collecte de volailles standard autour de cet abattoir, une zone de collecte de 2h/2h30 autour de l'abattoir sera retenue.
21. S'agissant de la délimitation du marché géographique de la collecte de volailles sous label, conformément à la réglementation en vigueur, une zone de collecte de 3h autour de l'abattoir sera retenue.
B. LES MARCHÉS DE LA VIANDE FRAÎCHE DE VOLAILLE
1. MARCHÉ DE PRODUITS
22. La pratique décisionnelle nationale(11) considère que le marché de la viande fraîche de volaille peut être segmenté selon l'espèce concernée, notamment au regard des différences de prix et de goût. Elle opère notamment une distinction entre la viande de dinde et la viande de poulet, qui sont toutes deux commercialisées par les parties qui distribuent par ailleurs de la pintade.
23. L'Autorité de la concurrence segmente également le marché de la viande fraîche de volaille selon l'existence ou non d'un label(12). Les répondants au test de marché ont confirmé la pertinence de cette segmentation entre des volailles dites " standard " et des volailles sous label, qui jouissent de meilleures qualités organoleptiques et qui sont vendues plus chères. En l'espèce, les parties commercialisent du poulet, de la dinde et de la pintade standard et sous label.
24. Une segmentation supplémentaire, en termes de canaux de distribution, est envisagée en matière de viande fraîche dans la mesure où il existe des besoins différents selon le type d'acheteurs : les grandes et moyennes surfaces alimentaires (" GMS "), les bouchers et charcutiers artisans (" BCA "), l'industrie agro-alimentaire (" IAA ") et la restauration hors foyer (" RHF ")(13). En l'espèce, les parties vendent leurs produits aux quatre canaux de distribution.
25. Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence estime qu'en matière de viande fraîche de volaille, il n'est pas pertinent d'opérer une segmentation des marchés entre la viande vendue sous marque de distributeur (" MDD ") et celle vendue sous marque de fabricant (" MDF "), dans la mesure où, à ce jour, il n'existe pas de différence de qualité substantielle entre ces deux types de produits, les différences de prix résultant essentiellement des coûts marketing ou commerciaux supportés par les MDF(14).
26. En l'espèce, les parties sont donc simultanément actives sur les marchés du poulet standard et label, de la dinde standard et label et de la pintade standard et label vendus aux GMS, à la RHF, aux BCA et à l'IAA.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
27. Selon la pratique décisionnelle nationale(15), la concurrence sur les marchés de la viande fraîche de volaille s'exerce au niveau national en raison des contraintes en termes de production, conservation et livraison.
28. Néanmoins, l'augmentation importante des importations dans la filière de la volaille est susceptible d'élargir la dimension géographique de ces marchés. Comme l'Autorité de la concurrence l'a déjà relevé dans une décision récente, " les répondants au test de marché s'accordent pour considérer que le marché est appelé, au moins à terme, à revêtir une dimension européenne. Les concurrents actifs sur le marché ont en outre unanimement souligné l'augmentation des importations de produits de viande fraîche dans le secteur, expliquant cette tendance par une meilleure compétitivité des fournisseurs étrangers "(16).
29. Enfin, plusieurs rapports publics confirment cette tendance à l'augmentation importante des importations de volailles fraîches en France. Par exemple, l'Inspection générale des finances a souligné, dans un rapport publié en mars 2014, que " hors le Royaume-Uni, la France est le seul pays dont le taux d'autosuffisance a reculé sur la période de 2002/2012 et ce, de façon spectaculaire, à hauteur de 31 points. Dans le même temps, l'Allemagne et la Belgique progressaient respectivement de 39 et 43 points "(17). Le rapport pointe le risque de captation de l'augmentation de la consommation de viande de volaille par les importations.
30. En l'espèce, l'analyse concurrentielle, conduite sur un marché de dimension nationale, tiendra compte du développement croissant des échanges européens dans le secteur.
C. LES MARCHÉS DES PRODUITS ÉLABORÉS À BASE DE VIANDE DE VOLAILLE
1. MARCHÉ DE PRODUITS
31. De manière constante, les autorités de concurrence distinguent les marchés de la viande fraîche de ceux des produits élaborés à base de viande. La Commission européenne(18) a défini ainsi ces produits comme des viandes de mammifères ou d'oiseaux, crues, séchées, fumées ou cuites contenant des ingrédients tels que du sel ou des épices. Au sein de ces produits, un marché des produits élaborés à base de viande de volaille a été identifié par la pratique décisionnelle nationale(19).
32. Comme pour les marchés de la viande fraîche, la pratique décisionnelle(20) segmente le marché des produits élaborés selon le canal de distribution (GMS, IAA, RHF et BCA). Le rôle des marques, le conditionnement et le mode de commercialisation des produits sont en effet très différents sur chacun de ces canaux.
33. En outre, la pratique décisionnelle nationale(21) a considéré qu'il convenait de segmenter en fonction du type de " spécialités ", en opérant une distinction entre les produits élaborés crus à base de viande de volaille, les produits élaborés cuits à base de viande de volaille, la charcuterie de volaille et les confits.
34. Elle a en outre estimé qu'en raison de différences de prix, de goût, de qualité et de niveau d'élaboration, les produits élaborés cuits vendus sous MDD n'appartenaient pas au même marché que les produits vendus sous MDF(22).
35. Enfin, l'Autorité de la concurrence a envisagé une sous-segmentation des marchés des produits élaborés à base de viande de volaille, qui distinguerait les produits frais des produits surgelés, aux motifs que les produits surgelés nécessitent une ligne de congélation/surgélation supplémentaire et que les produits de viande de volaille frais ou surgelés ne sont pas substituables du point de vue de la demande(23).
36. En l'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la vente de produits élaborés crus et des autres produits élaborés cuits auprès des GMS, de la RHF et des BCA.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
37. La pratique décisionnelle nationale(24) estime que les marchés des produits élaborés à base de viande de volaille sont de dimension nationale.
38. Néanmoins, comme pour les marchés de la viande fraîche de volaille, et pour les mêmes raisons évoquées ci-avant, l'Autorité de la concurrence a eu l'occasion de constater une tendance au développement des échanges extérieurs à destination et en provenance essentiellement de plusieurs États membres de l'Union européenne(25).
39. Même s'il n'y a pas lieu de remettre en cause la délimitation nationale du marché à l'occasion de l'examen de la présente opération, le développement des échanges européens dans ce secteur sera pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle.
D. LES MARCHÉS DES COPRODUITS DE VOLAILLE
1. MARCHÉ DE PRODUITS
40. Les autorités de concurrence(26) ont envisagé de distinguer les coproduits propres à la consommation humaine (essentiellement les abats), segmenté par espèce animale et par canal de distribution (GMS, IAA/grossistes, RHF et BCA), et les coproduits impropres à la consommation humaine.
41. En l'espèce, les parties sont simultanément actives en matière de commercialisation d'abats de volailles auprès des quatre canaux de distribution, et de coproduits impropres à la consommation humaine.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
42. La pratique décisionnelle considère que les marchés des coproduits de volaille sont de dimension nationale.
III. Analyse concurrentielle
43. Les effets horizontaux (A) et congloméraux (B) de l'opération seront analysés successivement.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DE VOLAILLES VIVANTES EN VUE DE L'ABATTAGE
44. En raison des caractéristiques des marchés de la collecte de volailles vivantes en vue de l'abattage analysées ci-après, la présente opération n'aura pas d'impact significatif sur la situation des éleveurs de volailles, nonobstant la part que la nouvelle entité peut représenter dans les ventes de ces fournisseurs sur certains segments.
45. Si des parts de marché post-opération élevées peuvent faire présumer l'existence d'un pouvoir de marché important, une telle présomption est réfutable dans la mesure où les caractéristiques et le fonctionnement des marchés peuvent contraindre le comportement concurrentiel des opérateurs(27). En l'espèce, plusieurs caractéristiques du secteur avicole, en particulier au stade de l'abattage de poulets et de dindes, doivent être prises en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle.
46. Premièrement, le poids croissant des importations de pays européens (principalement Pays-Bas, Belgique, Allemagne) dans le secteur de la volaille exerce, aujourd'hui, une pression concurrentielle sensible sur la filière avicole en France.
47. Selon une étude Xerfi relative à l'industrie de la volaille de septembre 2014, les importations de viandes de volaille ne cessent en effet de progresser depuis 2008 pour atteindre plus d'un milliard d'euros en 2014. La note de conjoncture ITAVI d'octobre 2015(28), relève qu'en 2014, la part des produits importés de poulet dans la consommation est de l'ordre de 42 %. Selon cette note, les importations continuent de progresser sur les sept premiers mois de l'année 2015 (+3 % en volume et +0,5 % en valeur par rapport à la même période en 2014).
48. Selon les parties, l'augmentation constante de la part des importations résulte notamment du manque de compétitivité de la filière avicole française qui s'explique en partie par des coûts sortie abattage nettement supérieurs à ceux pratiqués en Allemagne, par exemple.
49. Dans sa décision du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, l'Autorité de la concurrence a ainsi relevé que la filière avicole française souffre notamment d'un retard d'adaptation de l'outil de production qui s'explique notamment par la faiblesse des investissements. Elle explique l'incapacité des acteurs de la filière à engager les restructurations nécessaires d'abord par la faible capacité financière de la plupart des industriels et par l'instabilité des incitations qu'ils reçoivent. Cette instabilité de la régulation de la filière tient au fait que les abattoirs jouent, sans pouvoir toujours l'assumer financièrement, un rôle pivot en protégeant en amont l'activité des éleveurs, tout en subissant en aval les aléas des prix de détail du fait de la forte concurrence entre les distributeurs. Le fait d'occuper une place centrale ne pourrait constituer un atout de développement économique que pour l'unique industriel dont la situation financière est solide. Pour tous les autres, ce rôle pivot peut au contraire devenir problématique en fonction des variations de la conjoncture ou des chocs exogènes, comme la crise aviaire en 2005 ou celle du prix des céréales en 2007(29).
50. La majorité des entreprises d'abattage, concurrentes des parties, estiment dans leurs réponses au test de marché que la présente opération est en effet nécessaire dans la mesure où elle répond à l'exigence de structuration de la filière avicole française autour de groupes industriels solides, en mesure de pouvoir faire face à la concurrence des importations. A cet égard, la partie notifiante a déclaré que la présente opération vise à moderniser et à investir dans deux outils d'abattage confrontés à des problèmes de rentabilité et ce, " afin de permettre la croissance de la production de volaille dans les zones concernées et ainsi de contribuer à la reconquête du marché intérieur par la filière avicole française ".
51. Deuxièmement, il convient de relever que les abattoirs spécialisés en volailles souffrent d'un manque d'approvisionnement et sont en fortes sous-capacités de production. Ils sont contraints, pour amortir leurs coûts fixes, de s'approvisionner auprès d'éleveurs situés de plus en plus loin des abattoirs. Cette situation déficitaire, en particulier pour la collecte et l'abattage de dinde standard, s'explique notamment par la désaffection des consommateurs français, et par voie de conséquence des éleveurs au cours des dernières années qui réorientent leur production vers des produits dont les débouchés sont plus solides. L'ITAVI(30) estime ainsi que la production française de dindes a baissé de 49 % entre 2000 et 2014.
52. Troisièmement, la filière avicole se caractérise par un fort degré de contractualisation, système encouragé par l'Autorité de la concurrence dans le secteur agricole pour faire face à la volatilité des prix(31). Ainsi le prix des volailles vivantes est négocié entre l'abattoir et une ou plusieurs organisations de producteurs éleveurs de volailles. Les parties estiment que les relations commerciales sont dès lors " équilibrées " entre d'une part l'abattoir et d'autre part, l'organisation de producteurs qui représente une multitude d'éleveurs, en position de force dans la zone de collecte, pour négocier un juste prix. Les fournisseurs des parties ont d'ailleurs très majoritairement confirmé l'absence de craintes liées à une baisse des prix d'achat du fait de l'opération dans le cadre du test de marché.
53. La position des parties doit donc être appréciée à la lumière de l'ensemble de ces éléments.
a) Les marchés de l'abattoir Galéo
Les positions des parties
54. En Pays-de-la-Loire, sur la zone de 1h30 autour de l'abattoir Galéo, LDC Volaille totalisera à l'issue de l'opération [80-90] % des volumes de poulets standard collectés, l'incrément de part d'achat qu'entraîne l'opération s'élevant à [10-20] %.
55. S'agissant de la collecte de dindes standard, LDC Volaille totalisera à l'issue de l'opération une part d'achat de [90-100] %, l'opération entraînant un incrément de part d'achat de [10-20] % dans cette même zone.
La concurrence actuelle et potentielle
56. La présence des abattoirs des sociétés Ramon ([10-20] %) et Sofral ([0-5] %) constituent des débouchés alternatifs, et potentiellement significatifs, pour les éleveurs de poulets standard. A cet égard, dans le cadre du test de marché, la société Ramon a indiqué être en capacité de multiplier par [confidentiel] ses volumes d'abattage, sous réserve de trouver les débouchés à l'aval afférents.
57. En outre, s'agissant de la collecte de poulets standard, plusieurs répondants au test de marché considèrent que trois abattoirs du groupe Terrena Gastronome, bien que situés en dehors de la zone correspondant à 1h30 de trajet autour de l'abattoir Galéo, constituent néanmoins une alternative à ce dernier(32). Cette analyse a d'ailleurs été confirmée par le groupe Terrena Gastronome et s'explique par la pénurie d'intrants qui caractérise actuellement les abattoirs avicoles en France qui étendent leur zone traditionnelle de collecte.
58. S'agissant de la collecte de dindes standard, Sofral ([0-5] %) offre une alternative aux éleveurs situés à 1h30 de l'abattoir Galéo. Sur une zone de collecte plus large, correspondant à l'empreinte réelle de l'abattoir Galéo, la part de marché de LDC Volaille est en tout état de cause inférieure, l'abattoir concurrent Ramon, qui dispose de capacités de production inutilisées, étant susceptible de collecter les volailles des fournisseurs présents dans ce périmètre élargi.
b) Les marchés de l'abattoir Socadis
Les positions des parties
59. En Normandie, sur une zone de 2h/2h30 autour de l'abattoir Socadis, LDC Volaille totalisera à l'issue de l'opération [40-50] % des volumes de poulets standard collectés, l'incrément de part d'achat qu'entraîne l'opération s'élevant à [0-5] %.
60. Sur le marché de la collecte de dindes standards, LDC Volaille totalisera à l'issue de l'opération [80-90] % des volumes de dindes standard collectés, l'opération entraînant un incrément négligeable de part d'achat de [0-5] %.
61. Sur le marché de la collecte de poulets sous label, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [50-60] % (LDC Volaille : [10-20] % ; Socadis : [30-40] %).
62. Sur le marché de la collecte de poulets avec l'IGP Normandie, LDC Volaille totalisera à l'issue de l'opération [50-60] % des volumes, l'opération entraînant un incrément de part d'achat s'élevant à [10-20] %.
La concurrence actuelle et potentielle
63. S'agissant des poulets standard, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence de Ramon ([50-60] %), Sofral ([0-5] %) et Volailles Adrien Labrouche ([0-5] %).
64. S'agissant des dindes standard, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence inchangée(33) de Sofral ([10-20] %) et Volailles Adrien Labrouche ([5-10] %).
65. En outre, dans le cadre du test de marché, cette dernière a indiqué être en mesure d'augmenter sa capacité de collecte de dindes standards en Normandie (environ [confidentiel] têtes/an).
66. Plusieurs répondants au test de marché, dont le groupe Terrena Gastronome lui-même, considèrent que son abattoir STVM, situé à Moncoutant dans les Deux-Sèvres, bien que situés en dehors de la zone correspondant à 2h/2h30 de trajet autour de l'abattoir Socadis, constitue néanmoins une alternative à ce dernier pour les éleveurs de dindes de la zone concernée. De plus, dans sa réponse au test de marché, le groupe Gastronome confirme que la désaffection des activités d'élevage et d'abattage de dindes standards en France nécessite de collecter les volailles dans un rayon plus important, ce que tendent à confirmer les données fournies par les parties faisant apparaître qu'environ [80-90] % des éleveurs fournisseurs de dindes de l'abattoir Galéo se situent dans une zone de 2h30 de transport autour de l'abattoir alors même que ce dernier se situe en Pays-de-Loire, région considérée à forte densité d'élevage pour laquelle une zone d'1h30 de trajet autour des abattoirs est habituellement retenue.
67. S'agissant des poulets sous labels (avec ou sans IGP Normandie), la présence des abattoirs Ramon ([10-20] %), Sofral ([10-20] %), Volailles Adrien Labrouche ([10-20] %), Nouët et Fils ([0-5] %) et Sénécal ([0-5] %) constituent des débouchés significatifs pour leurs éleveurs. En outre, dans le cadre du test de marché, Volailles Adrien Labrouche indique être en capacité d'augmenter son activité de collecte de poulets sous labels en Normandie (environ [confidentiel] têtes/an). Concernant plus spécifiquement la collecte de poulets IGP Normandie, LDC Volaille fera face à la concurrence des sociétés Nouët et Fils et Sénécal. En tout état de cause, l'abattage de poulets sous labels en Normandie représente [0-5] % de l'abattage de poulets sous labels en France et constitue donc une activité marginale sur le marché.
c) L'absence de création ou de renforcement d'une puissance d'achat sur les deux zones de collecte
68. La puissance d'achat du groupe LDC dans les zones concernées par la présente opération doit être relativisée, dans la mesure où, au jour de l'opération, il s'approvisionne en volailles vivantes majoritairement auprès des organisations de producteurs du groupe (à hauteur de [50-60] % sur la zone de l'abattoir Galéo et à hauteur de [50-60] % sur la zone de l'abattoir Socadis), les volumes restant étant fournis par des organisations de producteurs indépendants.
69. De plus, la réalisation de l'opération ne devrait pas sensiblement renforcer la puissance d'achat du groupe LDC auprès des éleveurs sur les zones concernées dans la mesure où les actifs cibles s'approvisionnent principalement auprès de l'organisation de producteurs du groupe Agrial, Volailles Agrial, et que cette relation commerciale a vocation à perdurer. En effet, à ce jour, l'abattoir Galéo s'approvisionne à hauteur de [70-80] % en poulets standard et à hauteur de [50-60] % en dindes standard auprès de Volailles Agrial. Pour sa part, l'abattoir Socadis s'approvisionne à hauteur de [90-100] % en poulets standard, de [80-90] % en poulets label et de [90-100] % en dindes standard auprès de Volailles Agrial. Ces modalités d'approvisionnement des abattoirs Galéo et Socadis devraient perdurer dans la mesure où, comme indiqué ci-dessus, parallèlement à l'opération de cession, LDC Volaille a conclu un partenariat avec Volailles Agrial visant à sécuriser, d'une part, les débouchés des éleveurs liés à cette organisation de production et, d'autre part, la poursuite des approvisionnements en volailles vivantes des abattoirs cibles. Dans ce cadre, les parties se sont engagées sur des volumes annuels minimum de vente et d'achat de volailles déterminés dans le contrat. Les volumes arrêtés pour 2016 ont vocation à [confidentiel] sous un délai de [...] à [...] ans. Le partenariat a été conclu pour une durée de [...] ans et peut être résilié sous réserve d'un préavis minimum de [...] ans.
70. En tout état de cause, l'opération n'est pas de nature à inciter LDC Volaille à faire pression à la baisse sur les prix d'achat de vifs ni à évincer les organisations de producteurs concurrents.
71. En effet, la nouvelle entité n'aurait aucune incitation à procéder à une baisse importante des prix d'achat des volailles en vue de l'abattage dans la mesure où cela serait contraire aux objectifs de la contractualisation qui prévaut dans la filière puisqu'il empêcherait les éleveurs de pérenniser leur activité, et d'effectuer les investissements nécessaires au développement de cette dernière.
72. Les parties indiquent en outre que pour un grand nombre d'éleveurs, l'élevage de volailles constitue une activité secondaire. A cet égard, la partie notifiante estime qu'en Normandie, 95 % environ des éleveurs de volailles exercent cette activité à titre secondaire. Si cette activité venait à ne plus être rentable, ces éleveurs y renonceraient ce qui conduirait à dégrader d'avantage l'état de la filière et à encourager le recours à l'import. Or, les parties soulignent que la volonté des industriels est d'encourager le renforcement de la filière d'élevage et de développer la mono spécialisation des éleveurs français. Il n'est donc pas dans l'intérêt des abattoirs, et notamment de LDC Volaille, d'exercer une pression à la baisse sur les prix d'achat des volailles.
73. S'agissant plus précisément des prix qui seront pratiqués par le groupe LDC à l'égard de Volailles Agrial, le projet de convention formalisant le partenariat conclu entre le groupe LDC et Volailles Agrial stipule que : " Le fournisseur pourra librement choisir de rompre le partenariat sans devoir d'indemnité dans le cas où LDC appliquerait au fournisseur, au moins pour un Type de Volailles, des prix non cohérents avec les prix de marché, sur la base de [confidentiel] pour le Type de Volailles concerné au cours d'un trimestre donné " (article 9). Il en résulte que le groupe LDC n'aura pas la possibilité de faire pression à la baisse de manière exagérée sur le prix d'achat de vifs à l'égard de Volailles Agrial et de ses adhérents.
74. Enfin, la réalisation de l'opération ne devrait pas avoir pour effet d'évincer les organisations de producteurs n'étant pas affiliés au groupe LDC dans la mesure où la production de vifs du groupe LDC sur cette zone est insuffisante pour approvisionner ses propres outils d'abattage. En outre, le projet de LDC Volaille de moderniser et développer l'abattoir Galéo nécessite en tout état de cause de maintenir et développer les relations avec les éleveurs existants.
75. La majorité des organisations de producteurs indépendantes présentes sur les zones concernées et interrogées dans le cadre de marché confirment que l'opération ne devrait pas avoir d'effet sensible sur leur activité et les relations commerciales qu'elles entretiennent avec les abattoirs du groupe LDC et les abattoirs cibles. Elles confirment également que l'opération ne va pas donner la possibilité à LDC Volaille de les évincer du marché dans la mesure où, de manière générale, les abattoirs disposent de capacités d'abattage excédentaires, ni de faire pression à la baisse sur les prix d'achat de vif dans la mesure où LDC Volaille a intérêt au maintien d'une activité d'élevage pérenne.
76. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés de la collecte de volailles vivantes en vue de l'abattage.
2. LES MARCHÉS DE LA VIANDE FRAÎCHE DE VOLAILLE ET DES PRODUITS ÉLABORÉS À BASE DE VOLAILLE
a) Les ventes à destination des GMS
Les positions des parties
77. Il convient de noter que les sociétés cibles n'ont pas commercialisé de viande de volaille surgelée en GMS en 2014.
78. Les parts de marché des parties en matière de ventes à destination des GMS, sur les segments où leurs activités se chevauchent, sont les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
79. Il convient de remarquer, nonobstant des parts de marché cumulées importantes sur plusieurs segments de marché, que le chevauchement des activités des parties est marginal puisqu'il est inférieur à [<1] points. En effet, les sociétés cibles ne sont présentes que de manière limitée sur ces marchés et n'exerçaient pas de réelle pression concurrentielle sur les opérateurs du secteur.
La concurrence actuelle et potentielle
80. Sur chaque segment de marché, la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence d'opérateurs en mesure de réagir à d'éventuelles hausses de prix, tels que Terrena Gastronome, Ronsard, Duc, Ramon, Maïsadour/FSO/Delpeyrat, ou Agrial qui, de plus, exploitent des marques notoires auprès des consommateurs telles que Douce France, Gastronome et Duc.
81. Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, le poids croissant des importations dans le secteur de la volaille exerce une forte pression concurrentielle sur la filière avicole française dans son ensemble, et sur l'entité issue de l'opération en particulier.
82. A cet égard, la note de conjoncture ITAVI d'octobre 2015 relève qu'en 2014, la part des produits importés de poulet dans la consommation est égale à 42 %. En outre, les importations continuent de progresser sur les sept premiers mois de l'année 2015 (+3 % en volume et +0,5 % en valeur par rapport à la même période en 2014).
Le contre-pouvoir des GMS
83. Sur les marchés de la commercialisation de produits alimentaires à destination de la grande distribution, l'Autorité a régulièrement eu l'occasion de relever que les GMS disposent d'un pouvoir de négociation important vis-à-vis de leurs fournisseurs, notamment pour leur approvisionnement en MDD. En effet, les changements de fournisseurs n'entraînent pas de difficulté majeure dans la mesure où les achats de MDD fonctionnent par appels d'offres fréquents. En l'espèce, le changement de fournisseur est d'autant plus aisé pour un distributeur que les concurrents sont en mesure d'augmenter leurs productions rapidement et sans surcoût majeur.
84. Le contre-pouvoir de la grande distribution est par ailleurs renforcé sur les marchés des produits élaborés cuits vendus sous MDD. En effet, comme l'Autorité de la concurrence a déjà eu l'occasion de le relever34, les contrats passés avec les fabricants concernant ces produits sont de faible durée (de 3 mois à 1 an), des appels d'offres sont régulièrement organisés et peuvent être dénoncés à tout moment moyennant un préavis. De plus, un même acheteur peut répartir ses achats entre plusieurs fournisseurs pour le même produit, ce qui facilite le changement de fournisseur. LDC Volaille a ainsi perdu plusieurs appels d'offres significatifs en 2014 au bénéfice de concurrents tels que [confidentiel], ainsi que de concurrents situés hors du territoire national.
85. Plus généralement, le contre-pouvoir de la grande distribution résulte d'une structure oligopolistique des marchés de l'approvisionnement en produits alimentaires. La présente opération s'inscrit dans un contexte de concentration des centrales d'achat françaises, actuellement en cours. [Confidentiel].
86. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés de la viande fraîche de volaille et des produits élaborés à base de volaille vendus aux GMS.
b) Les ventes à destination de la RHF
Les positions des parties
87. Les parts de marché des parties en matière de ventes à destination de la RHF, sur les segments où leurs activités se chevauchent, sont les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
88. Il convient de relever le chevauchement d'activités qu'entraîne l'opération est généralement faible, voire négligeable ([<1] point) sur les deux segments pour lesquels les parts de marché cumulées sont importantes. Plus généralement, les sociétés cibles ne sont présentes que de manière limitée sur ces marchés et n'exerçaient qu'une pression concurrentielle limitée sur les opérateurs du secteur avant l'opération.
La concurrence actuelle et potentielle
89. Sur chaque segment de marché, la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence des mêmes opérateurs actifs en matière d'approvisionnement des GMS : Terrena Gastronome, Ronsard, Duc, Ramon, Maïsadour/FSO/Delpeyrat, ou Agrial.
Le poids croissant des importations dans le secteur de la volaille contraint également ces opérateurs en matière d'approvisionnement de la RHF.
Le contre-pouvoir de la RHF
90. L'Autorité de la concurrence a eu précédemment l'occasion de relever(35) que le canal de la RHF dispose d'un " fort " pouvoir de négociation, dans la mesure où il est constitué d'opérateurs généralement puissants qui peut mettre les producteurs français en concurrence avec d'autres acteurs européens, ce qui se vérifie pour les marchés concernées.
91. Au regard de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés de la viande fraîche de volaille et des produits élaborés à base de volaille vendus à la RHF.
c) Les ventes à destination des BCA
Les positions des parties
92. Les parts de marché des parties en matière de ventes à destination des BCA, sur les segments où leurs activités se chevauchent, sont les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
93. Il convient de relever, comme précédemment, que le chevauchement d'activités qu'entraîne l'opération est généralement faible, voire négligeable (inférieur à [0-5] %) sur les segments pour lesquels les parts de marché cumulées sont importantes. Plus généralement, les sociétés cibles ne sont présentes que de manière très limitée sur ces marchés (< [5-10] % de part de marché) et n'exerçaient qu'une pression concurrentielle limitée sur les opérateurs du secteur avant l'opération.
La concurrence actuelle et potentielle
94. Sur chaque segment de marché, la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence des mêmes opérateurs actifs en matière d'approvisionnement des GMS et de la RHF : Terrena Gastronome, Ronsard, Duc, Ramon, Maïsadour/FSO/Delpeyrat, ou Agrial.
95. L'Autorité de la concurrence a en outre relevé(36) que la clientèle BCA est très majoritairement approvisionnée de façon indirecte, par l'intermédiaire de grossistes (70 % selon les estimations des parties), renforçant ainsi considérablement le contre-pouvoir des opérateurs de petite taille situés en aval du marché.
96. Au regard de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés de la viande fraîche de volaille et des produits élaborés à base de volaille vendus aux BCA.
d) Les ventes à destination de l'IAA
Les positions des parties
97. Les parts de marché des parties en matière de ventes à destination de l'IAA, sur les segments où leurs activités se chevauchent, sont les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
98. Quel que soit le segment de marché, les parts de marché de la nouvelle entité seront inférieures à [30-40] %, avec un incrément inférieur à [<1] point.
La concurrence actuelle et potentielle
99. Sur chaque segment de marché, la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence des mêmes opérateurs actifs en matière d'approvisionnement des GMS, de la RHF et des BCA : Terrena Gastronome, Ronsard, Duc, Ramon, Maïsadour/FSO/Delpeyrat, ou Agrial.
100. Par ailleurs, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence d'importations européennes sur ce canal : en effet, selon les données communiquées par les parties, les importations représenteraient près de [60-70] % du marché de la commercialisation de poulet standard et [40-50] % du marché de la commercialisation de dinde standard auprès de l'IAA.
Le contre-pouvoir de l'IAA
101. L'Autorité de la concurrence a eu l'occasion de relever(37) que le canal de l'IAA dispose d'un " fort " pouvoir de négociation, dans la mesure où il est constitué d'opérateurs généralement puissants qui peuvent mettre les producteurs français en concurrence avec d'autres acteurs européens, ce que les données communiquées par les parties confirment en l'espèce.
102. Au regard de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés de la viande fraîche de volaille et des produits élaborés à base de volaille vendus à l'IAA.
3. LES MARCHÉS DES COPRODUITS DE VOLAILLES
103. Les parties sont simultanément actives sur les marchés des coproduits de volailles propres et impropres à la consommation humaine.
104. Sur le marché des coproduits de volailles propres à la consommation humaine, les activités des parties se chevauchent sur tous les canaux (GMS, RHF, BCA et IAA). Sur chacun des canaux, la part de marché cumulée de la nouvelle entité n'excèdera pas [10-20] %, et l'incrément de parts de marché qu'entraîne l'opération n'excèdera pas [0-5] %. Les parties continueront à faire face à la concurrence des principaux opérateurs du secteur de la volaille, Terrena Gastronome, Duc et Ronsard notamment, mais également de sociétés spécialisées dans la commercialisation d'abats.
105. Sur le marché des coproduits de volailles impropres à la consommation humaine, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à [20-30] %, avec un incrément inférieur à [0-5] %. Comme sur le marché des coproduits propres à la consommation humaine, la nouvelle entité sera notamment confrontée à la concurrence des autres opérateurs actifs sur les marchés de la volaille, en particulier Terrena Gastronome, Duc et Ronsard.
106. Au regard de ces éléments, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les différents marchés des coproduits de volailles.
B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
107. L'Autorité de la concurrence indique dans ses lignes directrices qu'" une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'exploiter un effet de levier "(38). De façon générale, une concentration conglomérale ouvre la possibilité de développer des synergies entre les différents éléments constitutifs de l'offre groupée. Toutefois, certaines concentrations conglomérales peuvent produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.
108. En l'espèce, l'opération aura pour conséquence de renforcer la nouvelle entité sur certaines familles de produits de viande de volaille fraîche ou de produits élaborés à base de volaille, sur lesquelles l'acquéreur était déjà présent préalablement à l'opération. Les parts de marché de la nouvelle entité n'excèderont pas [40-50] % sur les marchés examinés excepté sur ceux des autres produits élaborés cuits à destination de la GMS et des BCA, de la dinde label à destination des BCA et de la dinde standard surgelée à destination de la RHF, sur lesquels l'incrément de parts de marché engendré par l'opération reste toutefois inférieur à [0-5] %. L'incrément engendré par l'opération restera inférieur à [0-5] % sur les différents marchés de la vente de volaille à destination de la GMS, à [0-5] % sur les différents marchés à destination des BCA et à [0-5] % sur les différents marchés à destination de l'IAA.
109. Par ailleurs, le groupe LDC commercialise en partie des produits MDD pour lesquels la possibilité de ventes liées apparaît peu vraisemblable, dans la mesure où ces marchés fonctionnent par le biais d'appels d'offres renouvelés régulièrement et propres à chaque famille de produits.
110. S'agissant des produits MDF, les parties indiquent que le groupe LDC commercialise d'ores et déjà l'ensemble des gammes de produits en volaille et que l'opération n'aura aucun impact commercial sur la vente de ces produits dans la mesure où elle n'implique pas l'acquisition de marque notoire, ni de brevet, ni d'un savoir-faire spécifique, ni de compléments à une gamme de produits.
111. En toute hypothèse, plusieurs concurrents des parties à la concentration, tels que Terrena Gastronome, Maïsadour, Agrial, Duc, Ronsard et Ramon sont en mesure de proposer une gamme de produits aussi large que la nouvelle entité.
112. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.
IV. Les restrictions accessoires
113. L'article [...] du protocole d'accord stipule qu'Agrial s'engage à assurer, pendant [...] ans à compter de la date de réalisation de l'opération, le maintien de débouchés existants pour le Groupe LDC [confidentiel] d'un volume annuel minimum de [...] tonnes, toutes espèces confondues, et sous réserve que les prix proposés par le groupe LDC soient en ligne avec ceux du marché.
114. La communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration (2005/C 56/03) dispose que les obligations d'achat et de livraison peuvent être reconnues comme directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration dans la mesure où ces dernières " peuvent avoir pour but d'assurer la continuité d'approvisionnement de l'une ou l'autre des parties en produits nécessaires aux activités conservées par le vendeur ou reprises par l'acquéreur. La durée des obligations d'achat et de livraison doit cependant être limitée à la période nécessaire pour remplacer la relation de dépendance par une position autonome sur le marché. Les obligations d'achat ou de livraison destinées à garantir les quantités fournies antérieurement peuvent par conséquent se justifier pour une période transitoire de cinq ans au maximum "(39).
115. Elle ajoute que " les obligations, tant de livraison que d'achat, portant sur des quantités fixes, assorties le cas échéant d'une clause évolutive, sont reconnues comme directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration "(40).
116. En l'espèce, l'engagement de maintien des débouchés prévus à l'article [...] du protocole d'accord constitue une restriction directement liée et nécessaire à la réalisation de l'opération dans la mesure où cet engagement, d'une durée de [...] ans et portant sur un volume annuel de [...] tonnes minimum, vise à permettre aux deux sociétés cibles, déficitaires, de conserver un niveau d'activité minimum et ainsi de disposer du temps nécessaire pour procéder à la réalisation des investissements et au redéploiement des activités commerciales de ces dernières.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-228 est autorisée.
1 [Confidentiel].
2 [Confidentiel].
3 Les chiffres des actifs cibles ont été calculés en déduisant le montant des cessions internes réalisées entre les sociétés Galéo, Socadis, STC Transports et le groupe LDC.
4 Il n'y a ni chevauchement d'activités sur le marché de l'abattage pour compte de tiers, seule LDC étant active sur ce marché, ni sur celui de la livraison et/ou du transport de volailles dans la mesure où cette activité est quasi-exclusivement réalisée pour le propre compte des entreprises concernées.
5 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67 du 23 novembre 2009 relative à l'acquisition de la société Arrivé par la société LDC Volaille, et n°10-DCC-119 du 17 septembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune de plein exercice, Fermiers du Sud-Ouest, par les sociétés Maïsadour et Terrena, n° 10-DCC-122 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Gastronome Condom par les sociétés Euralis COOP, SCA Vivadour, Terrena et Maïsadour, n°13-DCC-102 du 26 juillet 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Glon Sanders Holding et le groupe Euralis, et n°15-DCC-14 du 24 février 2015 relative à l'acquisition par LDC Volaille des actifs d'abattage et de commercialisation de volaille du groupe Glon Sanders.
6 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67, n°10-DCC-199, n° 10-DCC-122, n°13-DCC-102, et n°15-DCC-14.
7 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67 et n°15-DCC-14 précitées.
8 Id.
9 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67, n° 10-DCC-122 et n°15-DCC-14 précitées.
10 Voir notamment les décisions n°09-DCC-67 et n°15-DCC-14 précitées.
11 Voir les lettres du ministre de l'économie n° C2005-19 du 14 avril 2005 relative à une concentration dans le secteur de l'abattage, de la découpe et de la commercialisation de volailles et n° C2008-27 du 19 mai 2008 aux conseils de la société Gastronome, relative à une concentration dans le secteur de la commercialisation de viande de poulet et de dinde et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-67, n° 10-DCC-119, et n° 10-DCC-122 précitées, n° 13-DCC-13 du 12 février 2013 relative à prise de contrôle de certains actifs du groupe Doux par la société Glon Sanders Holding, n° 15-DCC-14 précitée.
12 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-48 du 22 septembre 2009 relative à l'acquisition par la société LDC Traiteur de la société Marie, et les décisions n° 09-DCC-67, n° 10-DCC-119, n° 10-DCC-122, n° 13-DCC-13 et n° 15-DCC-14 précitées.
13 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-48, n° 09-DCC-67, n° 10-DCC-119, n° 10-DCC-122, n° 13-DCC-13 et n° 15-DCC-14 précitées.
14 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-119, n° 10-DCC-122, n° 13-DCC-13 et n° 15-DCC-14 précitées.
15 Voir les décisions du ministre de l'économie C2005-19 et C2008-27 précitées et les décision s de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67, n° 10-DCC-119, 10-DCC-122, 13-DCC-13 et 15-DCC-14 précitées.
16 Décision de l'Autorité de la concurrence n°15-DCC-14 précitée.
17 Rapport " Mission filière volailles de chair " de l'Inspection générale des finances pour le Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces ruraux, mars 2014.
18 Voir la décision de la Commission européenne IV/M.1313 Danish Crown/Vestjysjke du 9 mars 1999.
19 Voir les décisions du ministre de l'économie C2008-27 et de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67 et n°15-DCC-14 précitées.
20 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-119, n°10-DCC-122 et n°15-DCC-14 précitées.
21 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67, n°10-DCC-119, n°10-DCC-122, et n°15-DCC-14 précitées.
22 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-119, n°10-DCC-122, et n° 15-DCC-14 précitées.
23 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n°15-DCC-14 précitée.
24 Voir les décisions du ministre de l'économie C2008-27 et de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-67 et n° 15-DCC-14 précitées.
25 Voir les décisions n° 10-DCC-119, n° 10-DCC-122 et n° 15-DCC-14 précitées.
26 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-31 du 14 avril 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Bigard par la société C2 Développement (groupe Terrena), n° 11-DCC-68 du 26 mai 2011 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Poujol Frères et Poujol Froid par la société Arcadie Sud-Ouest et n° 13-DCC-116 du 28 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe VanDrie de la société Tendriade-Collet SAS. Voir également la décision de la Commission européenne COMP/M.3605 Sovion/HMG du 21 décembre 2004.
27 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, point 397.
28 Note de conjoncture de l'ITAVI : " Situation de la production et des marchés avicoles ", octobre 2015.
29 Décision n° 15-D-08 du 5 mai 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de la viande de volaille, § 297 et suivants.
30 Note de conjoncture de l'ITAVI : " Situation de la production et des marchés avicoles ", octobre 2015.
31 Cf. Rapport annuel de l'Autorité de la concurrence 2012, étude thématique " Agriculture et concurrence " : " l'Autorité a, dès 2008, préconisé et encouragé le recours à la contractualisation, comme outil de régulation des marchés, fondée sur l'idée d'un partenariat gagnant-gagnant entre, d'un côté, les producteurs, et, de l'autre, les transformateurs et les distributeurs.
32 Deux abattoirs situés en Pays-de-Loire : Gastronome Ancenis implanté à Ancenis (44150) et Bodin implanté à Sainte-Hermine (85210), et un abattoir situé en Poitou-Charentes : Gastronome Nueil implanté à Nueil-Les-Aubiers (79250).
33 L'incrément des activités des parties est de [<1] point.
34 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-67 et 15-DCC-14 précitées.
35 Décision n° 15-DCC-14 précitée.
36 Id.
37 Décision n° 15-DCC-14 précitée.
38 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 10 juillet 2013, §476.
39 Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration, §33.
40 Id. §34.