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Décisions

Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-24.263

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sodea (SAS), SCP Bayle Chanel (ès qual.), Nodée (ès qual.)

Défendeur :

General Motors France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois

T. com. Paris, 19e ch., du 5 nov. 2010

5 novembre 2010

LA COUR : - Donne acte à M. Nodée de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sodea ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2014), que la société Sodea a conclu le 20 juin 2006 avec la société General Motors France (la société GMF) un contrat de distributeur agréé pour la distribution et la réparation à Thionville des véhicules de la marque, comportant une clause d'objectifs de vente ; qu'après avoir mis en garde la société Sodea, au cours des années 2008 et 2009, sur les risques de sanctions encourues si elle ne redressait pas son taux d'efficience, la société GMF lui a notifié, le 10 février 2010, la résiliation du contrat pour le 31 mars suivant ; que, contestant l'acquisition de la clause résolutoire, la société Sodea a assigné la société GMF en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Sodea fait grief à l'arrêt de dire que la société GMF était fondée à résilier le contrat de distribution et de rejeter sa demande en réparation à ce titre alors, selon le moyen : 1°) que nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, les juges du fond ne peuvent apprécier la réalité du manquement invoqué à l'appui de la mise en œuvre d'une clause résolutoire en se fondant exclusivement sur une pièce émanant de la partie qui s'en prévaut et sur laquelle pèse la charge de la preuve ; que pour estimer que la société GMF établissait que le taux de réalisation des objectifs de la société Sodea pour les années 2008 et 2009 était inférieur au taux d'" efficience " de 75 % calculé par rapport au pourcentage moyen de réalisation des objectifs par les autres distributeurs du réseau et qu'elle était dès lors bien fondée à mettre en œuvre la clause résolutoire prévue par l'article 19.3.2 r) du contrat de distributeur, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur une étude réalisée par la société Urban Science, prestataire à laquelle la société GMF avait commandé une synthèse des ventes réalisées par les distributeurs Opel en 2008 et en 2009 ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 2°) que s'il ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, le juge ne peut se fonder exclusivement sur un rapport ou une étude amiable réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en l'espèce, pour estimer que la mise en œuvre de la clause résolutoire prévue par l'article 19.3.2. r) du contrat de distributeur était justifiée par l'efficience insuffisante de la société Sodea au regard des résultats du réseau au cours des années 2008 et 2009, la cour d'appel a retenu que le nombre de ventes réalisées par les autres distributeurs du réseau sur cette période résultait d'une étude effectuée par la société Urban science, prestataire à laquelle la société GMF avait commandé une synthèse des ventes Opel en 2008 et 2009 ; qu'en se déterminant ainsi, sur le seul fondement d'une étude non contradictoire établie à la demande de la société GMF, dont les constatations étaient contestées par la société Sodea, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 3°) qu'il incombe à la partie qui invoque la mise en œuvre d'une clause résolutoire d'apporter la preuve que les conditions en sont remplies ; qu'en retenant qu'il appartenait à la société Sodea de verser aux débats des éléments de nature à remettre en cause la synthèse des ventes réalisées par les distributeurs Opel en 2008 et en 2009, telle qu'elle résultait de l'étude établie, par la société Urban science, à la demande la société GMF, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 4°) que dans ses écritures d'appel, la société Sodea fait expressément valoir que les données compilées sur commande par la société Urban science étaient démenties par les statistiques d'immatriculation émanant du ministère de l'Intérieur et soulignait surtout que, contrairement aux données objectives que ces statistiques constituaient, les données compilées par la société Urban étaient invérifiables dans la mesure où elles avaient été établies sur la seule base des déclarations de vente transmises à la société GMF par les concessionnaires du réseau Opel ; en affirmant péremptoirement, sans répondre aux arguments dont l'avait saisie la société Sodea, que cette dernière ne versait " aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les constatations " résultant de l'étude produite par la société GMF, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en l'absence de document établi contradictoirement ou d'expertise, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu le document établi, conformément aux stipulations contractuelles, par le prestataire de la société GMF pour déterminer la performance du distributeur ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a retenu que la différence entre le nombre des ventes effectuées, selon le document établi par le prestataire à la demande de la société GMF, et le nombre d'immatriculations de véhicules neufs selon le ministère de l'Intérieur, pour les années 2008 et 2009, provenait du fait que des véhicules immatriculés en France pouvaient avoir été vendus dans un autre Etat, a, par là même, répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Sodea fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que la faculté d'assortir la non-exécution d'une clause de pénétration économique d'une sanction de résiliation n'est licite qu'à la condition d'être fondée sur des critères objectifs et dès lors qu'il n'est pas établi que l'application qui en a été faite par le concédant était arbitraire et discriminatoire ; que dans ses conclusions d'appel, la société Sodea, qui contestait la validité de la clause de rendement du contrat de distributeur, avait expressément rappelé qu'il appartient au juge de vérifier, de façon concrète, à partir des éléments de preuve dont il appartient au constructeur de justifier, si le taux minimal de réalisation des objectifs requis à peine de résiliation du contrat a été déterminé à partir de critères proportionnels calculés en fonction de l'évolution des performances de la marque relevées périodiquement ; que la société Sodea ajoutait qu'en l'espèce, et envisagée sous cet angle, la méthodologie de calcul des objectifs appliquée par la société GMF était contestable dans la mesure où elle reposait, non pas sur les performances de la marque Opel, mais sur celles des trois premières marques importées en 2008 - marques au sein desquelles ne figurait pas la marque Opel, et sur celles des quatre premières importées en 2009, la marque Opel étant la dernière ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la faculté d'assortir la non-exécution d'une clause de pénétration économique d'une sanction de résiliation n'est licite qu'à la condition d'être fondée sur des critères objectifs et dès lors qu'il n'est pas établi que l'application qui en a été faite par le concédant était arbitraire et discriminatoire ; que dans ses conclusions d'appel, la société Sodea faisait également valoir que la réalisation des objectifs qui lui avaient été impartis au titre de l'année 2009 lui aurait imposé d'obtenir une part de marché de 4,23 % sur son secteur, là où les objectifs impartis au distributeur titulaire de la zone de responsabilité de Metz ne lui imposaient qu'une part de marché de 3,40 %, soit un écart de 25 % ; qu'elle ajoutait qu'il appartenait dès lors à la société GMF, qui entendait exiger de ses concessionnaires la réalisation d'objectifs de vente correspondant à des seuils différenciés selon les zones d'implantation d'établir les particularismes concurrentiels et spécificités commerciales susceptibles de justifier ces différenciations ; qu'en laissant sans réponse ce moyen établissant le caractère discriminatoire de la clause résolutoire litigieuse, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la société Sodea qui, dans ses conclusions devant la cour d'appel, se bornait à invoquer l'incohérence entre les performances requises du distributeur Opel, titulaire de la zone de Metz, et sa prétendue insuffisance d'efficience, ne critiquait pas, au titre d'une discrimination alléguée entre distributeurs, le fait que le calcul tînt compte de la pénétration des autres marques ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que la société Sodea, lorsqu'elle allègue la sous-évaluation de l'objectif imparti au distributeur de Metz, commet une erreur de raisonnement en appliquant le taux de vente particulier à une étape trop précoce du calcul et qu'elle ne démontre pas davantage une erreur dans le calcul des objectifs de ce distributeur dès lors qu'elle utilise pour son propre calcul une base de statistiques différente de celle retenue par la société GMF ; qu'il retient que l'objectif annuel de vente pour chaque distributeur Opel, pour l'année civile, est calculé sur la base du potentiel de vente aux clients finals dans la zone de responsabilité du distributeur et de l'historique des ventes à ces clients les années précédentes, ces composantes étant pondérées par un ratio prédéfini ; qu'il retient encore que cet objectif peut être revu en fonction de changements significatifs comme l'ouverture d'un point de vente concurrent dans cette zone ou la décision du distributeur de devenir lui-même distributeur d'une marque concurrente ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les obligations de chacun des distributeurs reposaient sur des critères objectifs, la cour d'appel, qui en a déduit que la preuve d'une discrimination dans la méthode de calcul de l'objectif fixé à chaque distributeur au désavantage de la société Sodea n'était pas rapportée, a par là même répondu aux conclusions prétendument délaissées ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.