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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 12 avril 2016, n° 14-08608

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Garage des Halles 4 GH (SA)

Défendeur :

SDE Daimler AG (Sté), Mercedes Benz France (SAS), Paul Kroely Etoile 67 (SAS), Paul Kroely Etoile 57 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

MM. Ardisson, Leplat

Avocats :

Mes Regrettier Germain, Azevedo, Debray, Henry, Bricard de La Forest Divonne, Anstett

T. com. Versailles, 2e ch., du 17 sept. …

17 septembre 2014

Faits :

La société Grand garage des Halles (devenue société 4GH) située dans le centre-ville de Strasbourg - détenue par le groupe Hess distributeur de marques automobiles et détenteur de sociétés civiles immobilières - a convenu le 6 décembre 2002 et le 1er janvier 2003 de deux contrats à durée indéterminée de distribution sélective des véhicules neufs de la marque Smart et de services de réparation avec les sociétés Smart GmbH (absorbée le 22 juillet 2007 par la société DaimlerChrysler AG, ci-après " société Daimler AG ") et son mandataire la société DaimlerChrysler France (devenue la société Mercedes-Benz France).

La société Paul Kroely étoile 57 (" société Kroely 57 ") installée à Woippy - appartenant au groupe Paul Kroely Automobiles, distributeur et réparateur de véhicules légers - a convenu avec la société Mercedes-Benz France le 15 février 2011 d'un contrat de vente de véhicules neufs de la marque Smart avec effet au 20 décembre 2010.

A la suite de la candidature du groupe Kroely du 21 juillet 2010, la société Mercedes-Benz France a convenu le 15 décembre 2011 d'un contrat de service de réparation des véhicules Smart concédé à la société Paul Kroely étoile 67 (" société Kroely 67 ") installée à Bischheim.

Le 20 décembre 2010, la société Kroely 57 et la société Kroely 67 ont signé un contrat d'apporteur d'affaires en vue de permettre à la première d'intervenir dans la commercialisation des véhicules Smart neufs en réponse à la demande des clients de la seconde.

Le 22 février 2012, la société Mercedes-Benz France a dénoncé la résiliation des contrats de distribution et de services passés avec la société Grand garage des Halles assortie d'un préavis de vingt-quatre mois, puis contestant cette résiliation et reprochant des actes de concurrence déloyale aux sociétés Smart GmbH, Kroely 67 et Mercedes-Benz France, la société Grand garage des Halles les a fait assigner le 4 mai 2012 devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par actes des 13, 14 et 21 août et 4 septembre 2012, la société Grand garage des Halles a fait assigner les sociétés Kroely 67, Kroely 57, Daimler AG et Mercedes-Benz France devant le Tribunal de commerce de Versailles afin de retenir, à l'encontre des deux premières, des actes de concurrence déloyale et de les condamner à lui verser 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, et à l'encontre des deux autres, leur responsabilité dans la résiliation des contrats de distribution et de services pour les voir condamner solidairement à lui verser la somme de 1 788 118 euros.

Le 21 mai 2013, la société Grand garage des Halles a notifié à la société Mercedes-Benz France son intention de cesser l'exploitation de la marque Smart à compter du 21 juin 2013.

Le 1er août 2013, la société Mercedes-Benz France a agréé la société Kroely 67 en qualité de distributeur des véhicules neufs de la marque Smart.

Par ailleurs, la société Grand garage des Halles avait fait dresser le 10 février 2012 des procès-verbaux d'huissier sur les conditions d'offre de vente de véhicules par la société Kroely 67 en exécution d'une ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 27 décembre 2011 qui sera définitivement rétractée selon un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Colmar du 12 juin 2013.

Procédure et prétentions des parties :

Par jugement du 17 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Versailles a :

- débouté la société 4GH de sa demande de nullité de la notification de la résiliation des contrats de distribution et de service signés avec la société Smart GmbH le 6 décembre 2002 auquel s'est substitué la société Mercedes-Benz France par les lettres-avenant du 1er septembre 2005,

- mis hors de cause Daimler AG,

- écarté des débats le procès-verbal de constat du 10 février 2012 réalisé par l'huissier en exécution de l'ordonnance présidentielle du 27 décembre 2011,

- débouté la société 4GH de sa demande de résiliation des contrats de distribution et de service Smart aux torts exclusifs de la société Mercedes-Benz France,

- dit que la société Kroely 67 et la société Kroely 57 ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société 4GH,

- condamné la société Kroely 67 et la société Kroely 57 à payer chacune 20 000 euros à la société 4GH au titre des dommages et intérêts,

- reçu la société Kroely 67 et la société Kroely 57 en leurs demandes reconventionnelles, les y dit mal fondées et les en a déboutées,

- débouté la société Kroely 67 et la société Kroely 57 de leur appel en garantie,

- condamné la société 4GH à payer 2 500 euros à chacune des sociétés Daimler AG et Mercedes France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Kroely 67 et la société Kroely 57 à payer 2 500 euros chacune à la société 4GH au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société 4GH à payer 50 % des dépens, la société Kroely 57, 25 % et la société Kroely 67, 25% dont 151,32 euros TTC au titre des frais de greffe.

Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2014 par la société Garage des Halles devenue société 4GH ;

Vu les dernières conclusions remises par le RPVA le 27 février 2015 pour la société 4GH aux fins de voir :

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes à l'encontre des sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Kroely 57 et 67 à payer à la société 4GH les sommes de 20 000 euros en réparation du préjudice moral,

Et statuant à nouveau au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du Code civil :

- dire et juger que la notification opérée par la société Mercedes-Benz France par courrier du 22 février 2012 à la société Grand garage des Halles pour valoir de résiliation des contrats de distribution et de service est nulle et de nul effet au regard des dispositions contractuelles,

- prononcer la résiliation du contrat de distribution et de services aux torts exclusifs des sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG,

- condamner les sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France solidairement à payer à la société 4GH une somme de 1 821 409,72 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de la résiliation des contrats de distribution et de service,

- condamner les sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France in solidum à payer à la société 4GH une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France in solidum aux entiers frais et dépens.

Vu les dernières conclusions remises le RPVA le 17 avril 2015 pour les sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG aux fins de voir au visa de l'article l'article 1134 du Code civil :

déclarer irrecevable, en tout cas mal fondée la société 4 GH en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre principal :

- confirmer le jugement du 17 septembre 2014 en ce qu'il a :

- débouté la société 4 GH de sa demande de nullité de la notification de la résiliation des contrats de distribution et de service signés avec la société Smart GmbH le 6 décembre 2002 auquel s'est substituée la société Mercedes par les lettres avenant du 1er septembre 2005,

- mis hors de cause la société Daimler AG,

- écarté des débats le procès-verbal de constat du 10 février 2012 réalisé par l'huissier en exécution de l'ordonnance présidentielle du 27 décembre 2011,

- débouté la société 4GH de sa demande de résiliation des contrats de distribution et de service Smart aux torts exclusifs de la société Mercedes-Benz France,

- débouté les sociétés société Kroely 67 et société Kroely 57 de leur appel en garantie,

- condamné la société 4 GH à payer 2 500 euros à chacune des sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société 4 GH à payer 50 % des dépens, la société Kroely 67, 25 % et société Kroely 57, 25 %,

En conséquence,

- écarter des débats le constat d'huissier du 10 février 2012,

- débouter la société 4 GH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- mettre hors de cause la société Daimler AG,

- dire et juger que la société Mercedes-Benz France était bien fondée à mettre fin à ses relations contractuelles avec la société 4 GH,

- dire et juger que les sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale, ni ne se sont rendues complices de tels actes,

Subsidiairement :

- dire et juger que la société 4 GH ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue, ni de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les prétendues faute,

Plus subsidiairement encore :

- débouter les sociétés société Kroely 67 et société Kroely 57 de leur appel en garantie à l'encontre des sociétés Daimler AG et Mercedes-Benz France dans l'hypothèse où les sociétés société Kroely 67 et société Kroely 57 maintiendraient à hauteur d'appel cette demande.

En tout état de cause :

- débouter tous contestants aux présentes de l'ensemble de leurs, demandes, fins et conclusions

- condamner la société 4 GH à payer aux sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société 4 GH en tous les dépens dont distraction au profit de Maître D. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions remises par le RPVA le 7 septembre 2015 pour les sociétés Paul Kroely étoile 67 et Paul Kroely étoile 57 aux fins de voir au visa des articles 1382, 1383, 1315, 1316 et 1326 du Code civil,

- écarter des débats l'annexe 10 de la société 4GH,

- infirmer le jugement en tant qu'il a condamné la société Kroely 67 et la société Kroely 57 à payer chacune une somme de 20 000 euros à la société 4GH au titre des dommages et intérêts, débouté la société Kroely 67 et la société Kroely 57 en leur appel en garantie, condamné la société Kroely 67 et la société Kroely 57 à payer une somme de 2 500 euros chacune à la société 4GH au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la société Kroely 57 à 25 % et la société Kroely 67 à 25 % des frais et dépens,

- dire et juger que le tribunal de commerce n'a pas caractérisé les actes de concurrence déloyale imputés aux sociétés Kroely 67 et 57,

- dire et juger que le tribunal de commerce n'a pas caractérisé le préjudice qu'aurait subi la société 4GH,

En conséquence :

- dire et juger que l'appel de la société 4GH à l'encontre des sociétés société Kroely 67 et 57 est irrecevable, en tous cas mal fondé,

- débouter la société 4GH en ses fins, moyens et conclusions,

- la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Bricard de La Forest Divonne, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à chacune des sociétés Kroely 67 et 57 une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 17 novembre 2015.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions remises par les parties dans lesquelles elles ont développé leurs prétentions et leurs moyens.

Sur ce,

Considérant qu'il se déduit des termes du §27 des conclusions de la société 4GH qu'elle acquiesce au jugement en ce qu'il a écarté des débats le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 10 février 2012 en exécution de l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 27 décembre 2011 définitivement rétractée par arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 12 juin 2013, en sorte qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef et d'écarter de la discussion, celles des conclusions ou des pièces de la société 4GH qui font référence à ce procès-verbal.

1. Sur les parties aux contrats de distribution et de service titulaires du pouvoir de résiliation des contrats et la recevabilité à agir

Considérant en premier lieu, que pour conclure avoir pu personnellement notifier le 22 février 2012 à la société Grand garage des Halles la résiliation des contrats de distribution et de services dans les conditions stipulées aux articles 15.1.1 et 14.1.2 de chacun d'entre-deux, la société Mercedes-Benz France se prévaut d'une part, des termes de la lettre-avenant du 1er septembre 2005 signée par les sociétés Grand garage des Halles et DaimlerChrysler France suivant lesquels cette dernière s'est valablement substituée à la société Smart GmbH avant d'être absorbée par la société Mercedes-Benz France ; que de deuxième part, la société Mercedes-Benz France soutient que la relation contractuelle se prouve par tout moyen et invoque le fait que la société Grand garage des Halles lui a régulièrement commandé des véhicules et des pièces de rechange neufs, qu'elle lui en a facturé le prix et lui a aussi versé les primes et les aides attachées aux contrats de distribution et de services ; qu'elle relève de troisième part, que la société Grand garage des Halles n'a pas contesté les adaptations des contrats de distribution aux règlements européens BER n° 330/2010 et 461/2010 qu'elle lui avait adressées le 21 juin 2012, ni n'a d'ailleurs jamais contesté son pouvoir de résilier le contrat avant d'invoquer ce moyen devant le tribunal de commerce ;

Mais considérant qu'en stipulant les noms des co-contractants des sociétés Smart GmbH et Grand garage des Halles dans les contrats de distribution et de services des 6 décembre 2002 et 1er janvier 2003, et ceux des sociétés DaimlerChrysler AG et DaimlerChrysler France dans la lettre-avenant du 1er septembre 2005, la société Grand garage des Halles est bien fondée à déduire la preuve que les contrats ont été conclus en considération de la personne de leurs contractants et à relever d'autre part, que la société Mercedes-Benz France n'apparaît pas en cette qualité ;

Et considérant au visa de l'article 1315 du Code civil, qu'aucune des relations qui se sont poursuivies entre la société Grand garage des Halles et la société Mercedes-Benz France ne sont de nature à suppléer la preuve que la société Grand garage des Halles ait approuvé le transfert des contrats de distribution et de services au profit de la société Mercedes-Benz France, tandis qu'aucune clause des contrats ne stipule cette faculté au cas de transmission d'actif, de sorte qu'il se déduit que les contrats liant les parties n'avaient pas été transmis à la société Mercedes-Benz France, que cette dernière n'était par conséquent pas investie du pouvoir de résilier les contrats de distribution et de services ;

Que par ces motifs, le jugement doit être infirmé de ce chef ;

Considérant en second lieu, que la société Daimler AG conclut sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile que la société Grand garage des Halles est dépourvue du droit d'agir à son encontre, alors que les contrats ont été transférés à la société Mercedes-Benz France ; qu'il résulte cependant des motifs adoptés ci-dessus qu'elle demeurait liée personnellement aux contrats de distribution et de services des véhicules Smart, en sorte que la société Grand garage des Halles est recevable à rechercher sa responsabilité sur le fondement de l'article 1134 du Code civil avec celle de la société Mercedes poursuivie sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Que le jugement doit aussi être infirmé de ce chef.

2. Sur les faits de concurrence déloyale reprochés aux sociétés Kroely 67 et Kroely2. Sur les faits de concurrence déloyale reprochés aux sociétés Kroely 67 et Kroely 57

Considérant que pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a retenu à l'encontre des sociétés Kroely 67 et 57 des faits de concurrence déloyale, la société 4GH prétend, en premier lieu, que le contrat d'apporteur d'affaires passé entre ces deux sociétés entrait en violation de l'exclusivité de la distribution des véhicules neufs qui lui était concédée sur le département du Haut-Rhin ou était de nature à favoriser la perturbation de son circuit de distribution commerciale ainsi que cela résulte des stipulations du contrat qui disposent - article 2 que " l'apporteur d'affaires s'engage à proposer les produits contractuels à la clientèle ", - article 3 que " l'apporteur d'affaires n'est pas autorisé à faire référence sur ses documents commerciaux et notamment sur son papier à entête, aux marques du groupe Daimler ", - article 6 que " l'apporteur d'affaires participera aux efforts du Distributeur agréé, de Mercedes Benz France ou DAG ou de toute société du Groupe Daimler pour se conformer à la loi française ", - article 8 qu' "A la résiliation du contrat, l'apporteur d'affaires s'engage à ne plus faire référence (...) à une activité commerciale relative à la vente de véhicules neufs de marque Mercedes Benz. Il cessera notamment d'utiliser toute documentation portant l'entête, le logo ou la marque Mercedes Benz et/ou Daimler (...) Dès la résiliation du présent contrat, l'apporteur d'affaires s'engage à retourner à ses frais au Distributeur tous les documents et autres matériels appartenant au Distributeur ou à Mercedes Benz France et mis à sa disposition " et encore les articles ;

Mais considérant que ces stipulations, prises séparément ou ensemble, ne sont contraires à aucune des dispositions du Règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3 du traité (devenu article 101 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile applicables depuis le 1er octobre 2005 jusqu'au 31 mai 2013 ;

Qu'en effet, si la société Grand garage des Halles peut se prévaloir de l'exemption que le Règlement applique par son article 4 1. b) i) à " la restriction des ventes actives sur un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive réservés au fournisseur ou concédés par le fournisseur à un autre distributeur ou réparateur, lorsqu'une telle restriction ne limite pas les ventes par les clients du distributeur ou du réparateur ", l'appelante ne peut contester au contrat d'apporteur d'affaires le bénéfice du refus de l'exemption que l'article 4 1. d) du Règlement oppose à " la restriction des ventes actives ou passives de voitures particulières ou véhicules utilitaires légers neufs, de pièces de rechange pour tous les véhicules automobiles ou de services de réparation et d'entretien pour tous les véhicules automobiles à des utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective qui exercent leurs activités au niveau du commerce de détail sur les marchés où la distribution sélective est pratiquée " ;

Qu'au surplus, ce contrat d'apporteur d'affaires est conforme au 14e considérant du Règlement qui prescrit que " le droit de tout distributeur de vendre des véhicules automobiles neufs passivement ou, le cas échéant, activement aux utilisateurs finals doit comprendre le droit de vendre ces véhicules aux utilisateurs finals qui ont autorisé un intermédiaire ou un agent à acheter, à transporter ou à stocker un véhicule automobile neuf ou à en prendre livraison en leur nom " ;

Considérant en deuxième lieu, que la société Grand garage des Halles prétend établir la preuve que la société Kroely 67 a cherché à vendre des véhicules neufs Smart en se prévalant des doléances que cinq clients auraient adressées par courriels à la société Grand garage des Halles ;

Qu'au demeurant, et ainsi que le concluent les sociétés Kroely 57 et 67, ces courriels de deux ou trois lignes dont la spontanéité n'est pas manifeste, n'établissent pas les circonstances dans lesquelles des offres de ventes ont pu être faites directement au client final par la société Kroely 67, notamment au regard des prescriptions du Règlement n° 1400/2002 précité ;

Considérant en troisième lieu, que la société 4GH se prévaut de l'atteinte à l'image qui est résulté de l'usage par la société Kroely 67 de la signalétique de la marque Smart, ainsi que les premiers juges l'ont aussi retenu ;

Que cependant, la présence de la signalétique est attachée au contrat de services de réparation régulièrement passé entre la société Kroely 67 et la société Mercedes-Benz France, et est en conformité, là encore, avec les dispositions du Règlement n° 1400/2002, en sorte que le moyen doit être tout autant écarté ;

Considérant en quatrième lieu, que la société Grand garage des Halles invoque avoir connu une baisse du nombre de ventes de véhicules Smart à compter de 2011 ;

Que néanmoins, la société Grand garage des Halles ne conteste pas qu'après avoir vendu 158 véhicules en 2008 pour un objectif de 140, elle n'a réalisé que 5 ventes en 2009 pour un objectif de 25, avant d'en vendre 79 pour un objectif de 70 en 2010, de sorte que l'écart de 38 ventes pour un objectif de 75 en 2011 ne permet pas d'établir la pertinence d'un lien de causalité entre des actes de concurrence déloyale tels qu'ils ont été écartés ci-dessus, et la baisse des ventes ;

Et considérant enfin, que d'après la certification de son commissaire aux comptes que les premiers juges ont péremptoirement écartée, la société Kroely 67 justifie n'avoir réalisé aucune vente de véhicule neuf Smart sur la période du 1er janvier 2011 au 31 mai 2012, de sorte que pour l'ensemble de ces motifs, il convient d'infirmer le jugement et de débouter la société Grand garage des Halles de ses demandes à l'encontre des sociétés Kroely 57 et 67.

3. Sur les demandes de rupture des contrats de distribution et de service aux torts des fournisseurs

Considérant que pour conclure à l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté la faute de la société Mercedes-Benz dans la résiliation des contrats de distribution et de services, et prétendre aussi imputer cette faute à la société Daimler AG, la société Grand garage des Halles estime n'avoir manqué à aucune des obligations qu'elle tenait de ses contrats, particulièrement celle relative aux objectifs de vente, et reproche aux sociétés Mercedes-Benz et Daimler AG d'avoir délibérément cherché à évincer la société Grand garage des Halles de sa concession de vente exclusive de véhicules en souscrivant le 15 février 2011 un contrat de distribution avec la société Kroely 57 avant d'agréer le 15 décembre 2011 la société Kroely 67 pour les services de réparation, puis en désignant finalement le 1er août 2013 la société Kroely 67 en qualité de distributeur agréé des véhicules neufs de la marque Smart ;

Que subsidiairement, la société Grand garage des Halles reproche aux sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG d'une part, leur manquement à leur loyauté dans l'information qu'elles lui devaient sur les projets de contrats devant être passés avec les sociétés Kroely et d'autre part, leur négligence dans leur obligation de contrôler l'étanchéité du réseau en laissant se former entre les sociétés Kroely 67 et 57 un contrat d'apporteur d'affaires qui a eu pour effet de désorganiser la distribution des véhicules neufs dont la société Grand garage des Halles avait la concession exclusive, contrat que les sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG auraient dû identifier grâce aux contrôles dont elles étaient dotées pour le recensement des ventes de produits par des membres étrangers au réseau et lors de l'émission des factures à ses distributeurs pour le paiement des produits ;

Que subsidiairement encore, la société Grand garage des Halles reproche aux sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG leur faute dans le choix de distributeurs malhonnêtes ou incompétents ;

Considérant qu'aux termes de leurs conclusions, les sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG répliquent avoir régulièrement pu résilier les contrats souscrits à durée indéterminée avec un préavis de vingt-quatre mois dont la liberté n'était pas subordonnée à la preuve d'un motif ;

Qu'au demeurant, aux termes du § 30 de son arrêt du 18 janvier 2007 (n° C-421/05), la Cour de justice des Communautés européennes a dit que " lorsqu'un fournisseur résilie un accord [...], le respect des conditions d'application de l'exemption par catégorie instituée par le règlement (CE) n° 1400/2002 exige non seulement que ce fournisseur indique par écrit les motifs de cette résiliation, mais également que [...] le juge national, auxquels le distributeur a le droit de recourir en vertu de l'article 3, paragraphe 6, dudit règlement pour contester la validité de cette résiliation, soit en mesure d'exercer un contrôle effectif des motifs de celle-ci " ;

Qu'au surplus, et sous couvert de " résiliation ", la société Grand garage des Halles conclut à la faute de la société Mercedes-Benz France dans la rupture des contrats de distribution et de réparation dont l'appréciation est nécessaire ;

Mais considérant en premier lieu, qu'il résulte des motifs du point 2 ci-dessus, que le contrat d'apporteur d'affaires passé entre les sociétés Kroely 67 et 57 n'est entaché d'aucune irrégularité au regard du droit de la concurrence qui lui était applicable, et qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été retenu dans l'exécution de ce contrat par l'une ou l'autre des sociétés Kroely, en sorte qu'il ne peut être fait grief aux sociétés Mercedes-Benz France et Daimler AG de ne pas avoir dénoncé ce contrat à la société Grand garage des Halles, ni a fortiori d'avoir manqué au contrôle de son exécution ;

Considérant en second lieu, que la société Grand garage des Halles a adressé le 10 septembre 2009 à la société DaimlerChrysler France une lettre par laquelle elle l'informait que "suite à vos demandes, nous avons trouvé un accord de principe pour céder le fonds de commerce de Smart Strasbourg à Paul Kroely Automobile3, attestant ainsi son projet de résilier les contrats de distribution au profit de la société du groupe Kroely installée à Strasbourg ;

Que la société Grand garage des Halles ne réplique pas au grief que la société Mercedes-Benz France a mentionné dans sa lettre de résiliation des contrats de distribution et de services notifiée le 22 février 2012, repris en substance dans ses conclusions, et suivant lequel la société Grand garage des Halles avait entamé des négociations avec un repreneur, que ne voyant pas ce projet avancer, son fournisseur l'a interrogée en 2011 sur sa stratégie de développement pour la marque Smart afin d'avoir une vision claire et précise de ses actions susceptibles de contribuer à la pérennité de leurs activités respectives ;

Qu'en réponse à cette lettre de résiliation, la société 4GH a dénoncé par lettre du 21 mai 2013 se " [trouver contrainte] de cesser l'exploitation effective de la marque Smart à compter du 21 juin 2013" après avoir indiqué, d'une part, " que sa localisation (...) nécessite en raison d'importants travaux immobiliers réalisés sur le site son déplacement et sa relocalisation (...) " la situation juridique actuelle, la brièveté du préavis restant à courir ne rendent pas économiquement pertinent, ni viable, à [son sens], le déplacement et la relocalisation de [son] point de vente " tout en soulignant d'autre part, tenir la société Mercedes-Benz France pour responsable dans la rupture fautive des contrats en rappelant l'instance judiciaire qu'elle avait engagée à son encontre devant le Tribunal de commerce de Versailles ;

Qu'il résulte de ces comportements répétés de la société Grand garage des Halles la preuve de la volonté de son désengagement dans les contrats de distribution et de service pour les véhicules de la marque Smart sur le département du Haut-Rhin de sorte que la société Mercedes-Benz France était fondée à accompagner le projet de la société Kroely 67 de reprendre la concession des ventes des véhicules Smart et a pu régulièrement convenu [sic] ce contrat le 1er août 2013 après que la société Grand garage des Halles ait exprimé la volonté claire et non équivoque de renoncer à poursuivre son activité de distribution après le 21 juin 2013 ;

Que par ces motifs, il ne peut être déduit la preuve que la société Mercedes-Benz France a commis une faute dans la rupture des contrats de nature à ouvrir un droit à réparation, en sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté sa responsabilité civile, et tandis qu'il ne résulte pas davantage la preuve de faits justiciables d'une faute contractuelle à l'encontre de la société Daimler AG, il convient de débouter aussi la société Grand garage des Halles de ce chef.

4. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant que la société Grand garage des Halles succombe en toutes ses prétentions, en sorte que pour l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné à ce titre les sociétés Kroely 57 et Kroely 67 et statuant à nouveau, la société Grand garage des Halles sera condamnée à leur verser, y compris en cause d'appel, la somme de 5 000 euros chacune ; qu'elle sera condamnée à verser à la société Mercedes-Benz la somme de 3 000 euros en cause d'appel ;

Que pour les mêmes motifs, il convient d'infirmer le jugement sur la répartition des dépens et de condamner la société Grand garage des Halles à les supporter en cause de première instance et d'appel.

Par ces motifs, Contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a : - débouté la société 4 GH de sa demande en résiliation des contrats de distribution et de service aux torts de la société Mercedes-Benz France, - condamné la société 4 GH au paiement des frais irrépétibles et des dépens de la société Mercedes-Benz France ; Statuant à nouveau, Déclare nulle la résiliation des contrats de distribution et de services dénoncée le 22 février 2012 par la société Mercedes-Benz France ; Déclare recevable l'action de la société 4GH en responsabilité contractuelle de la société Daimler AG ; La déboute de cette fin ; Déboute la société la société 4GH de ses demandes en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Paul Kroely étoile 57 et Paul Kroely étoile 67 ; Condamne la société 4 GH sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à verser : - 5 000 euros à la société Paul Kroely étoile 57, - 5 000 euros à la société Paul Kroely étoile 67, - 3 000 euros à la société Mercedes-Benz France ; Condamne la société 4 GH aux entiers dépens en cause de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.