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Décisions

Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-26.815

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SFR (SA)

Défendeur :

Orange (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Mollard

T. com. Paris. 15e ch., du 12 févr. 2014

12 février 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Orange, opérateur historique de télécommunications en France, propriétaire de la majorité des réseaux fixes de téléphonie fixe, a publié une offre de vente en gros d'accès au service téléphonique dite " offre VGAST ", à laquelle la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a souscrit ; que cette dernière, devenue le premier opérateur alternatif fixe, a souhaité lancer une offre concurrente de l'offre Résidence secondaire (l'offre RS) proposée par la société Orange, qui permet à un client de bénéficier d'un abonnement à une ligne téléphonique fixe et d'obtenir la suspension de sa ligne lorsque la résidence est inoccupée, moyennant le paiement d'une somme minime ; qu'estimant que les modalités tarifaires mises en œuvre par la société Orange, qui ne permettent pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre parallèlement le paiement des redevances mensuelles de l'offre VGAST, l'empêchaient d'accéder au marché de la téléphonie fixe des propriétaires de résidences secondaires et que le comportement de la société Orange était constitutif d'un abus de position dominante, la société SFR l'a assignée en réparation du préjudice subi ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du Code civil ; - Attendu que pour dire que la société SFR n'établit pas l'existence d'un marché pertinent limité à l'offre de téléphonie fixe destinée aux propriétaires de résidences secondaires et rejeter ses demandes indemnitaires, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité entre biens ou services du point de vue de la demande, que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère "interruptible" de son abonnement ne présentent aucun intérêt ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer, parmi les propriétaires de résidences secondaires n'ayant pas souscrit l'offre RS, ceux qui avaient opté pour une offre de téléphonie simple, ceux qui avaient choisi une offre fixe multiservices ou mobile et ceux qui n'étaient sensibles à aucune de ces offres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu les articles L. 420-2 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité entre biens ou services du point de vue de la demande, que le marché de la téléphonie fixe des résidences secondaires n'implique pas de besoins particuliers spécifiques puisqu'il apparaît que 90 % des propriétaires de résidences secondaires considèrent que les autres offres du marché sont substituables à l'offre RS ou que l'offre RS et le caractère "interruptible" de son abonnement ne présentent aucun intérêt ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, au sein de la clientèle résidentielle de téléphonie simple, il existait un groupe de consommateurs pour lesquels, en raison, notamment, de l'usage qu'ils en avaient et de son coût, la faculté de suspendre l'abonnement en faisait un produit unique, non substituable par un autre produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le même moyen, pris en sa huitième branche : - Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 1382 du code civil ; Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève, s'agissant de la substituabilité du point de vue de l'offre, que l'offre RS présente des caractéristiques identiques aux autres offres de téléphonie fixe, à l'exception de la modalité tarifaire litigieuse, et retient que la différence de coût effectif avec l'offre classique qui résulterait du caractère "suspensible" de la prestation, n'est pas établie avec certitude dès lors que ce coût est calculé en fonction de la fréquence et de la durée des séjours, lesquelles sont variables dans les résidences secondaires ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur le test réalisé par la société SFR sur la base des hypothèses d'occupation des résidences secondaires retenues par la société Orange, ni préciser en quoi les éléments qu'il contenait ne permettaient pas d'établir une différence de coût, fût-elle variable, selon la fréquence et la durée des séjours, entre les offres classique et RS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Par Ces Motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.