Cass. 1re civ., 14 avril 2016, n° 15-19.107
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
CNP assurances (Sté)
Défendeur :
UFC Que choisir de l'Isère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
Me Ricard, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, du 20 janvier 2015), que l'association Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère a assigné la société CNP assurances (la société CNP), qui assure les souscripteurs de prêts immobiliers, pour voir déclarer illicites ou abusifs, notamment, les articles 14.4 a et 15 du contrat d'assurance de groupe, référencé 9 882 R, et ordonner leur suppression ;
Attendu que la société CNP fait grief à l'arrêt de déclarer illicites ou abusives les clauses de la demande d'adhésion relatives à l'incapacité temporaire totale de travail (ITT), (article 14.4 a), et à la cessation de cette garantie (article 15), de dire que ces clauses sont réputées non écrites et d'en ordonner la suppression sous astreinte, alors, selon le moyen : 1°) que si la clause prévoyant que " l'assuré est en état d'ITT lorsqu'à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de quatre-vingt-dix jours, appelée délai de franchise, et avant son 65e anniversaire, sa mise à la retraite ou à la préretraite quelle qu'en soit la cause, il se trouve (...) ", (article 14.4 a), exclut de la garantie l'ITT qui survient après le 65e anniversaire de l'adhérent ou sa mise à la retraite ou préretraite, parce que l'adhérent cesse alors d'être en activité, elle n'exclut nullement la garantie de l'ITT lorsque la mise à la retraite ou préretraite de l'adhérent résulte de l'état de santé de l'adhérent ; qu'en effet si la mise à la retraite ou préretraite est la conséquence d'une ITT, c'est par hypothèse que la mise à la retraite ou préretraite est survenue après l'ITT, or l'ITT survenue avant la mise à la retraite ou préretraite, est garantie ; qu'en retenant que la clause est abusive, en ce qu'elle a pour effet de priver le contrat de toute efficacité et crée ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, la cour d'appel a dénaturé la clause claire et précise du contrat (article 14.4 a) définissant l'ITT prise en charge, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la clause définissant l'état d'incapacité temporaire totale de travail comme l'impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle, est claire et précise, ne nécessite aucune interprétation et doit recevoir application ; qu'en l'espèce, la clause relative à la garantie de l'incapacité temporaire totale de travail définit l'état d'ITT comme étant l'impossibilité médicalement constatée " pour un assuré exerçant une activité professionnelle au jour du sinistre (y compris recherche d'emploi) d'exercer une activité professionnelle à temps plein ou une activité professionnelle à temps partiel (article 14.4 a) " ; qu'en retenant qu'au regard de la définition de l'article 1er, de la définition communément admise de l'ITT et attendue de l'assuré, l'article 14.4. a) s'analyse comme une exclusion substantielle de garantie dont le caractère abusif doit être retenu, l'incapacité au sens du contrat devait être comprise comme celle qui empêchait l'assuré d'exercer sa profession, la cour d'appel a dénaturé la clause claire et précise définissant l'ITT du contrat d'assurance, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la clause qui a pour objet de définir le risque garanti ne peut par cette seule définition constituer une exclusion de cette même garantie ; qu'en l'espèce, la clause définissant le risque garanti par l'article 1er du contrat, à savoir l'état d'ITT, comme étant l'impossibilité médicalement constatée " pour un assuré exerçant une activité professionnelle au jour du sinistre (y compris recherche d'emploi) d'exercer une activité professionnelle à temps plein ou une activité professionnelle à temps partiel (article 14.4 a) " n'exclut nullement de la garantie l'état d'ITT tel qu'il est ainsi défini ; qu'aussi bien, c'est en se référant à une autre définition, non contractuelle, de l'état d'ITT que la cour d'appel a analysé l'article 14.4. a) comme une exclusion substantielle de garantie ; qu'en procédant ainsi la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 113-1 du Code des assurances ; 4°) que seules les clauses d'exclusion doivent figurer en caractères très apparents ; que la définition contractuelle de l'incapacité temporaire totale de travail garantie ne pouvant s'analyser en une clause d'exclusion, la cour d'appel, en la déclarant illicite faute de figurer en caractères très apparents, a violé par fausse application l'article L. 112-4 du Code des assurances ; 5°) qu'en vertu de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l'alinéa 7 du même article, l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en l'espèce, le contrat a pour objet de garantir, suivant le type de prêts, les assurés contre notamment le risque d'ITT ; que la clause de définition de l'état d'ITT (article 14.4. a) est rédigée de façon claire et compréhensible, et porte sur l'objet principal du contrat ; qu'en la déclarant abusive, et par voie de conséquence la clause relative à la cessation du versement des prestations ITT (article 15), la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, alinéa 7, du Code de la consommation ; 6°) que l'action prévue à l'article L. 421-6 du Code de la consommation n'est qu'une action en suppression de clause illicite ; qu'elle ne peut donc porter sur l'objet principal du contrat, sauf à lui ajouter, ou le supprimer lui-même ; qu'en ordonnant comme il l'a fait la suppression de la définition contractuelle du risque d'ITT, le juge a supprimé le contrat lui-même, et a donc violé l'article L. 421-6 du Code de la consommation ;
Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que l'article 14.3, § 1, du contrat définissait l'incapacité totale et définitive comme l'impossibilité totale, définitive et médicalement constatée pour l'assuré d'exercer une activité ou un travail pouvant lui procurer bien ou profit, l'arrêt relève que, selon l'article 14.4 a, l'état d'ITT est caractérisé par l'impossibilité absolue, pour un assuré ayant une activité professionnelle au jour du sinistre, d'exercer une activité professionnelle à temps plein ou à temps partiel, sans autre précision ; qu'il ajoute que l'article 1er du contrat, qui définit les garanties offertes par le contrat, ne dément pas l'acception commune selon laquelle l'ITT correspond à une incapacité médicalement reconnue mettant l'assuré dans l'impossibilité complète et continue, à la suite de maladie ou d'accident, de se livrer à son activité professionnelle lui procurant gain ou profit, et que l'article 16.4.1 du contrat impose, en cas d'ITT, la production d'une attestation médicale d'incapacité ainsi qu'une attestation d'arrêts de travail, confirmant cette interprétation de l'ITT ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'article 14.4 a n'était pas clair et compréhensible, au sens de l'article L. 137-2, alinéa 7 [sic], du Code de la consommation, en ce qu'il ne définissait pas précisément l'ITT, de sorte qu'entraînant une restriction substantielle de garantie, il avait pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou du consommateur, la cour d'appel a, hors toute dénaturation et sans contrevenir aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du Code des assurances, retenu, à bon droit, qu'il présentait un caractère abusif, qui en commandait la suppression ;
Attendu, ensuite, qu'ayant ainsi qualifié l'article 14.4 a de clause abusive, la cour d'appel a pu décider que l'article 15, qui déclinait ce texte, était, par voie de conséquence, abusif et devait être supprimé ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.