CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 avril 2016, n° 14-02196
LYON
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Centre Technique d'Assèchement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gaget
Conseillers :
Mmes Rosnel, Clement
Avocats :
Selarl Tortigue Petit Sornique, Me Laurent, Selarl Laurent Grandpré
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties
En vertu d'une convention de cession partielle du brevet français du procédé Mur Tronic la société Centre Technique d'Assèchement (CTA) est titulaire du droit de distribution exclusif sur la partie sud du territoire national des appareils de la gamme Mur Tronic permettant de stopper les remontées d'humidité par capillarité des bâtiments, le reste du territoire étant exploité par la société Geco par le biais d'une licence exclusive de marque concédée par le titulaire du brevet.
Ces deux sociétés sont liées par un accord de non-concurrence.
La société CTA utilise des distributeurs et a conclu le 1er mars 2000 avec Monsieur Joël X un contrat de distribution exclusive du procédé Mur Tronic pour la Gironde contrat repris le 1er janvier 2002, par la société Y pour 2 ans renouvelable par tacite reconduction, chaque année.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 octobre 2010 la société CTA a informé la société Y de ce qu'elle ne souhaitait pas renouveler le contrat à l'expiration de la période arrivant à échéance le 28 février 2011.
Soupçonnant un non-respect de l'obligation de non-concurrence, la société CTA a fait procéder à des vérifications en vertu d'une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Bordeaux sur l'utilisation de procédés concurrents au Mur Tronic puis a assigné la société Y devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Elle a notamment réclamé :
- 8 224,96 euro au titre du préjudice économique du fait des actes de concurrence déloyale sur les dossiers Baticonseil
- 31 170,85 euro à titre de provision sur son préjudice économique du fait de la violation de l'obligation de non-concurrence outre l'organisation d'une expertise
- 50 000 euro au titre du préjudice moral.
La société Y s'est, à titre principal, opposée aux demandes y compris celle portant sur l'organisation d'expertise et à titre subsidiaire, a demandé la modification de la mission d'expertise.
A titre reconventionnel, elle a demandé 10 000 euro de dommages-intérêts pour préjudice moral du fait d'une procédure qu'elle considère comme abusive.
Par jugement du 13 février 2014 le Tribunal de commerce de Lyon a :
- retenu la violation par la société Y de son obligation de non-concurrence et la commission d'actes de concurrence déloyale mais refusé de faire droit à la demande de provision
- ordonné une expertise confiée à Monsieur Z pour notamment reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la société Y en infraction avec son obligation de non-concurrence pour la période du 28 février 2011 au 28 février 2013, sur le territoire concédé et déterminer la marge perdue par la société CTA, rapportée à ce chiffre d'affaires
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formé par la société CTA
- ordonné la publication du jugement.
Appel de cette décision a été formé par la société Y le 18 mars 2014.
L'expert Monsieur Z a déposé son rapport définitif le 13 mars 2015.
L'ordonnance de clôture intervenue le 10 février 2015 a été révoquée le 16 septembre 2015 à la demande de la société CTA afin que cette pièce puisse être produite, dès lors que l'expert confirmait l'existence de l'activité concurrente et du préjudice subi par la société CTA.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 décembre 2015.
La société Y soutient par ses conclusions du 1er décembre 2015 :
- que la société Centre Technique d'Assèchement fait une présentation de son activité contraire à la réalité puisqu'elle n'a pas conçu elle-même le dispositif Mur Tronic ;
- qu'en 2001 le brevet Mur Tronic a été cédé par la société Geco à la société CTA à la demande de cette dernière afin qu'elle le commercialise dans le Sud de la France ;
- qu'en 2004 la société Geco a développé et commercialisé un appareil innovant dénommé Aquaraid qui ne concurrence pas le procédé Mur Tronic puisque adapté à des situations où le Mur Tronic n'est pas performant ;
- que depuis 2008, la société Geco a déposé un nouveau brevet pour un appareil encore plus performant que le Mur Tronic dénommé Mur Tronic 2 ;
- que la société CTA qui poursuit uniquement la commercialisation du Murtronic est simple revendeur d'appareils d'assèchement dont la technologie est dépassée, le brevet du Mur Tronic étant d'ailleurs tombé dans le domaine public ;
- qu'elle a imposé des prix à ses distributeurs ce qui est contraire à la liberté du commerce
- qu'elle a aussi distribué ses appareils Mur Tronic en violant l'exclusivité territoriale de ses distributeurs et en s'immisçant dans leur activité, ce qui est illégitime ;
- qu'il est dès lors étonnant que le tribunal de commerce n'ait pas examiné la commission d'actes de concurrence déloyale mise en avant par la société Y ;
- qu'en distribuant uniquement le procédé Mur Tronic dépassé sur le plan technologique, la société GTA doit affronter la concurrence de la société Geco ;
- que par la procédure initiée à l'encontre de la société Y la société CTA cherche en réalité indirectement à déstabiliser le réseau de la société Geco ;
- que la société Y est ainsi victime d'un conflit de grande ampleur ;
- que la société CTA évoque un accord de non-concurrence avec la société Geco dont la société Y ignore tout mais qui en tout état de cause ne concernerait que le brevet Mur Tronic ;
- que la société CTA n'a saisi le président du Tribunal de commerce de Bordeaux le 29 juillet 2011 que pour avoir des éléments d'information dans une autre procédure l'opposant à un autre distributeur la société Bati Conseil ;
- que depuis la fin du contrat de distribution soit le 28 février 2011 l'activité de la société Y n'a causé aucun préjudice à la société CTA ;
- que d'ailleurs le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a fait droit aux demandes reconventionnelles de la société Baticonseil à l'encontre de la société CTA et l'a condamnée à verser 150 000 euro de dommages-intérêts, la procédure étant pendante devant la Cour d'appel de Grenoble ;
- que la société Y n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'expiration du contrat de distribution ;
- qu'il ne peut lui être reproché d'installer des appareils Aquaraid qui ne sont pas concurrents du procédé Mur Tronic qui utilise une technologie différente comme le précise la société Geco qui a fait breveter les deux procédés, alors en outre que tous les appareils Mur Tronic installés ont été fournis par la société CTA et non par un concurrent, la société Y les ayant achetés à CTA et conservés en stock, tous les distributeurs du réseau CTA procédant de cette façon pour éviter les menaces de défaut de livraison ;
- qu'au surplus les clients cités par la société CTA sont des amis ou des clients de longue date de Monsieur X ;
- que certaines factures litigieuses correspondent à des prestations antérieures à la cessation du contrat de distribution ou ne concernent pas la zone d'exclusivité ;
- que les livraisons faites à Baticonseil ex membre du réseau Mur Tronic n'étaient pas des actes de concurrence déloyale, la société CTA ayant toujours admis qu'un distributeur dépanne d'autres membres du réseau ou que les membres du réseau se fournissent en appareils concurrents, ceci permettant de pallier les retards de livraison de la société CTA qui s'engageait pourtant à fournir ses distributeurs sous 48h à réception de la commande mais ne souhaitait pas en réalité poursuivre avec la société Baticonseil la relation contractuelle ;
- que les deux chantiers concernés se situaient dans la zone d'exclusivité de la société Baticonseil ce qui n'induit aucune violation de la clause de non-concurrence de la société Y ;
- qu'il y a lieu de débouter la société CTA de toutes ses demandes relatives à la violation de l'engagement contractuel de non-concurrence au regard des manquements fautifs dont elle doit répondre ;
- qu'en tout état de cause le chiffrage du préjudice de la société CTA proposé dans son assignation est erroné pour concerner des appareils Aquaraid qui ne sont pas concurrents du procédé Mur Tronic de même que les diagnostics techniques et les sachets Hydroment alors que la clause ne vise que les produits susceptibles de concurrencer ceux distribués par la société CTA ;
- qu'elle sollicite encore l'indemnisation d'un préjudice moral qui n'est pas établi ;
- que le rapport d'expertise de Monsieur Z est critiquable s'agissant de la détermination de la marge brute dégagée par la société Y ;
- qu'il convient que l'expert obtienne la communication de la totalité de la comptabilité de la société CTA afin de vérifier la marge qui apparaît très élevée et ce pour les exercices 2011, 2012 et 2013 ;
- que la société CTA ne saurait arguer de la confidentialité de ces éléments ;
- que le choix de la société CTA de réclamer l'application d'un taux de marge forfaitaire de 40 % au lieu du taux de 89 % défini par l'expert est surprenant ;
En conséquence la société Y sollicite :
A titre principal :
- le rejet de toutes les demandes de la société CTA formées à son encontre
- le rejet de la demande d'expertise
- le rejet de la demande de complément d'expertise ;
A titre subsidiaire :
- de dire que les chefs de missions impliquant des investigations comptables concerneront tant la société Y que la société CTA
- de rejeter le chef de mission proposé par la société CTA tendant à voir l'expert "donner son avis sur le préjudice subi par la société CTA du fait de la violation de l'obligation de non-concurrence" ce chef de mission étant contraire à l'article 238 du Code de procédure civile ;
Si les chefs de mission d'expertise fixés par le jugement sont confirmés, les compléter comme suit :
- reconstituer pour la période du 28 février 2011 au 28 février 2013 le chiffre d'affaires de la société CTA en infraction avec son obligation de non-concurrence portant sur la commercialisation directe ou indirecte de tous procédés d'assèchement sur le territoire concédé (Gironde) à la société Y ;
- déterminer la marge perdue par la société Y, rapportée à ce chiffre d'affaires ;
- déterminer l'immixtion de la société CTA dans l'activité de la société Y par la fixation des prix du procédé commercialisé par elle, les accords ou ententes pratiquées par la société CTA sur les prix dans son réseau et à l'extérieur de celui-ci et déterminer la marge perdue par la société Y à ce titre.
Si la cour considère opportun d'ordonner un complément d'expertise reprenant tout ou partie des chefs de mission proposés par la société CTA, compléter ceux-ci par les chefs de mission suivants :
* déterminer le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société CTA après le 28 février 2013 du fait de sa propre activité concurrente exercée du 28 février 2011 au 28 février 2013 (appels d'offres, devis, diagnostics)
* donner son avis sur le préjudice financier subi par la société Y du fait du chiffre d'affaires réalisé par la société CTA après le 28 février 2013 du fait de l'activité concurrente exercé du 28 février 2011 au 28 février 2013
* donner son avis sur les immixtions de la société CTA dans l'activité de la société Y notamment par les instructions données et la nature des accords ou ententes pratiquées par la société CTA sur les prix et autres caractéristiques du procédé Murtronic commercialisé dans son réseau et à l'extérieur de celui-ci.
Enfin à titre reconventionnel et en tout état de cause :
- condamner la société CTA à lui verser la somme de 10 000 euro en réparation du préjudice moral subi du fait de la procédure abusive
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de la société CTA dans 3 journaux ou revue du choix de la société Y
- condamner la société CTA à consigner entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon en qualité de séquestre le coût de ces publications sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard
- condamner la société CTA à faire publier en page d'accueil sur son site internet la décision à intervenir dans son intégralité pendant 6 mois à compter de la signification
- condamner la société CTA à lui verser la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions récapitulatives du 11 décembre 2015 la société Centre Technique d'Assèchement expose :
- qu'elle est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'appareils destinés à permettre l'assèchement des bâtiments, le diagnostic et l'expertise pour le traitement de ces problèmes d'assèchement ;
- qu'elle commercialise le dispositif Mur Tronic conçu pour stopper les remontées capillaires des bâtiments ;
- qu'elle a recours à des distributeurs situés sur le Sud de la France auxquels elle apporte l'exclusivité territoriale du procédé, un avis favorable d'un bureau de contrôle, une liste conséquente de références d'installation, une assurance fabricant de 30 ans, une assurance de 10 ans sur les travaux réalisés, une publicité nationale, un stock d'appareils livrés sous 48h au distributeur, des facilités de paiement, une marge brute de 40 % garantie au distributeur sur le prix public, une marge de 40 % garantie lors de remises commerciales au client motivées par la nécessité de contrer un concurrent ou de fidéliser un client ;
- que le procédé Mur Tronic nécessite une expertise et un savoir-faire important afin de déterminer la puissance et l'emplacement de l'appareil et garantir son efficacité ;
- qu'elle implique une formation longue d'environ 3 ans des distributeurs à laquelle la société CTA a toujours consacré du temps et des moyens financiers ;
- que la distribution du procédé Mur Tronic dans les autres départements français est assurée par la société Geco, concurrente de la société CTA ;
- que les deux sociétés sont liées par un accord de non-concurrence qui figure dans le contrat de cession de brevet du 29 septembre 2001 ;
- qu'un contrat de distribution relatif au Mur Tronic a été conclu le 1er mars 2000 avec Monsieur Joël X pour la Gironde pour 2 ans renouvelable par tacite reconduction par période annuelle ;
- qu'il a été reproché à Monsieur X des sur-facturations par préconisation de système supérieur aux besoins et une majoration des prix au regard de ceux pratiqués dans le réseau ainsi que la facturation de diagnostics en contradiction avec les règles édictées par le réseau ;
- que ces divergences ont conduit la société CTA à ne pas renouveler le contrat de distribution venant à échéance le 28 février 2011 ;
- que la société Y était alors tenue à une obligation de non-concurrence pendant deux ans sur son secteur de la Gironde ;
- que la société CTA a émis une facture de 8 252,40 euro correspondant au prix d'un appareil Mur Tronic livré à la société Y qui n'a pas été réglée malgré relances ;
- que ladite facture n'a été réglée qu'après mise en demeure du conseil de la société CTA ;
- que dans le même temps la société CTA a appris que la société Y ne respectait pas son obligation de non-concurrence ;
- que la société CTA a donc demandé la désignation d'un huissier et d'un expert informatique afin de constater ces manquements ;
- qu'au vu du constat établi le 8 novembre 2011, la société CTA a fait assigner la société Y devant le Tribunal de commerce de Lyon pour obtenir réparation de ses préjudices ;
- que le Tribunal de commerce de Lyon a fait droit à ses demandes et a désigné un expert tout en rejetant sa demande de préjudice moral ;
- que l'expert a déposé son rapport ;
- que devant le premier juge le litige est toujours pendant sur le préjudice ;
- que le rapport d'expertise confirme les violations de la société Y de son obligation de non-concurrence et d'autres violations contractuelles ;
- que les prétentions de la société Y à son encontre ne sauraient prospérer ;
- qu'elle sollicite la confirmation du jugement, sauf à obtenir paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
- qu'elle demande qu'il soit fait droit à ses demandes nouvelles fondées sur les manquements supplémentaires découverts à l'occasion de la mesure d'expertise,
- qu'en effet pendant la période d'exécution du contrat de distribution la société Y a commencé à travailler avec le réseau Geco pour acheter des produits concurrents alors qu'en vertu de l'article 1.4 du contrat de distribution, la société Y s'interdisait de "distribuer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit des produits susceptibles de concurrencer ceux dont la commercialisation lui est confiée par les présentes et notamment de diffuser un autre procédé d'assèchement de mur"; que "le revendeur agréé s'engage également à ne pas exploiter directement ou indirectement ou par une personne interposée notamment par l'intermédiaire d'une personne morale dont il serait associé, dirigeant ou représentant, une entreprise dont l'activité serait susceptible de concurrencer celle faisant l'objet des présentes" ;
- que dès lors cette interdiction pèse sur tous les procédés et produits dont la commercialisation était confiée à M. Assèchement et encore sur la pose et la fourniture de diagnostic etc ;
- que 3 mois avant la fin du contrat la société Y a sollicité de Geco un agrément pour diffuser les procédés Mur Tronic et Murecotronic dans sa région
- que le dispositif Aquaraid est bien un dispositif d'assèchement des murs, les produits étant concurrents en ce qu'ils ont le même objet ;
- que l'expert n'a pu inclure ces violations dans son rapport car elles sont antérieures à la période visée par sa mission ;
- que pendant la période de non-concurrence post contractuelle (seule concernée par l'expertise) sur la période de deux ans la société Y a installé des produits Mur Tronic et des appareils concurrents et a continué à faire de nombreux devis et des diagnostics ;
- que le fait de poursuivre l'installation d'appareils acquis auprès de CTA après le terme du contrat constitue un manquement dès lors que l'article 5 stipule " à l'expiration du contrat quelle qu'en soit la cause, CTA reprendra les appareils en stock moyennant un prix égal au prix de vente, sous réserve que lesdits appareils ne soient pas défectueux ou en mauvais état " ;
- que la société CTA a proposé de reprendre le stock par un courrier du 29 octobre 2010 resté sans réponse ;
- qu'en poursuivant ses installations la société Y accréditait l'idée qu'elle appartenait toujours au réseau Mur Tronic de CTA ce qui est déloyal ;
- qu'en tout état de cause les achats de Murtronic auprès de concurrents sont de l'ordre de 75 000 euro sur la période de non-concurrence ;
- qu'il y a lieu d'ajouter le montant de la facture N. de 8 970 euro non retenue par l'expert l'entreprise N. étant situé en Gironde quand bien même l'appareil aurait été posé en Charentes Maritimes, ce qui n'est pas établi mais est indifférent ;
- que s'agissant des actes de concurrence déloyale ils engagent la responsabilité civile de la société Y sur le fondement de l'article 1383 notamment du fait de l'exploitation de la marque Mur Tronic à l'expiration du contrat en utilisant des contacts obtenus au sein du réseau CTA pour distribuer des produits concurrents en se rendant complice de la violation des engagements d'exclusivité des membres du réseau Mur Tronic ;
- que la société Y a notamment continué à vanter les garanties accordées sur le procédé Murtronic alors que les ventes hors contrat ne permettent pas la mise en œuvre de la garantie ;
- que la société Y a également vendu des produits concurrents sur les départements voisins en livrant du matériel concurrent à deux autres revendeurs exclusifs de CTA les sociétés Baticonseil et ECTB à au moins 3 reprises ;
- que ce préjudice n'a pas été soumis à l'expert et restent à chiffrer ;
- que la société Y ne démontre aucunement l'existence d'une pratique généralisée de fourniture entre revendeurs qu'elle allègue en défense ;
- que par ailleurs la société CTA est fondée à solliciter réparation des préjudices économiques et du préjudice moral subis du fait de la violation de l'engagement de non-concurrence post contractuel sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ;
- qu'elle a été privée d'une partie de son chiffre d'affaires ;
- que le rapport d'expertise est limité à la prise en compte de la seule période post contractuelle ;
- qu'en outre il apparaît que des factures postérieures au mois de février 2013 ont pour origine une activité antérieure pendant la période de non-concurrence s'agissant notamment d'un appel d'offre auquel la société Y a répondu ;
- qu'il en va de même des devis et prospections et réponses à appels d'offre ;
- que dès lors la société CTA est fondée à demander un complément d'expertise sur ce point ;
- que s'agissant de la violation de l'obligation contractuelle avant le terme du contrat de distribution il y a lieu de retenir la facture de 8 261,69 euro soit sur un taux de marge de 91 % retenu par l'expert une somme de 7 518 euro réclamée à ce titre ;
- que s'agissant du préjudice financier il est justifié d'une perte de 48 067,70 euro ;
- que s'agissant du préjudice lié à la violation de l'obligation de non-concurrence post contractuelle l'expert présente deux méthodes de calcul dont seule la première doit être retenue permettant un calcul sur le chiffre d'affaire réalisé illégalement par la société Y conformément à la demande de la mission et à la jurisprudence ;
- qu'après prise en compte de la facture N. le chiffre retenu est de 76 286 euro ;
- qu'il y a lieu d'écarter la 2e méthode de calcul proposée par l'expert ;
- que la violation de l'engagement de non-concurrence entraîne nécessairement un préjudice moral en ce qu'elle porte atteinte à l'image de marque de CTA ;
- qu'elle est fondée à solliciter à ce titre la somme de 50 000 euro ;
- qu'au demeurant elle est bien fabricant de matériel et a acquis en ce sens des brevets ;
- que la fiabilité du dispositif Mur Tronic lui permet d'accorder une garantie de 30 ans ;
- qu'il convient de débouter la société Y de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- qu'elle ne justifie pas de violations généralisées de son exclusivité du fait de la société CTA à partir d'une seule affaire ancienne imputable à ses propres carences, ayant entraîné une réclamation de la cliente ;
- qu'au demeurant l'exclusivité accordée par la société ; CTA à la société Y vise les autres distributeurs uniquement et qu'elle n'a souscrit aucun engagement personnel de sorte que la demande d'expertise formée par la société Y doit être rejetée ;
- qu'en définitive elle est fondée à demander à la cour de débouter la société Y de toutes ses demandes et de déclarer recevable son appel incident ;
Elle demande en conséquence à la cour de :
- constater que la société Y a violé son obligation d'exclusivité contractuelle en s'approvisionnant auprès des sociétés Geco et ACVP avant le terme contractuel du 28 février 2011 ;
- constater que la société Y a commis des actes de concurrence déloyale en vendant des appareils concurrents à la société Baticonseil et à la société ECTB ;
- constater que la société Y a nécessairement bénéficié de commandes postérieures à la date du 28 février 2013 du fait de son activité de prospection commerciale soutenue à la cour de la période post contractuelle de non-concurrence et des délais de commandes et de facturation dans ce secteur d'activité ;
- constater qu'une expertise complémentaire est nécessaire pour évaluer le préjudice postérieur au 28 février 2013 ;
- constater qu'elle a nécessairement subi un préjudice moral ;
- que dès lors il y a lieu de condamner d'ores et déjà la société Y à lui verser la somme de :
- 7 518 euro au titre des manquements à l'obligation de non-concurrence avant le terme contractuel
- 76 286 euro au titre des manquements à l'obligation de non-concurrence post contractuelle
- 48 067 euro au titre des actes de concurrence déloyale
- 50 000 euro au titre du préjudice moral ;
qu'il y a lieu :
- d'ordonner une expertise complémentaire confiée à Monsieur Z afin de
* recueillir les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause et se faire remettre tous autres documents utiles ;
* entendre tous sachants faire appel si nécessaire à un technicien d'une spécialité autre que la sienne ;
* déterminer le chiffre d'affaire réalisé par la société Y postérieurement au 28 février 2013 du fait de l'activité concurrente exercé du 28 février 2011 au 28 février 2013 ;
* répondre aux dires et observations des parties recueillies tout au long de ses opérations et après communication d'une note de synthèse précédant le dépôt du rapport et par laquelle l'expert leur fera part de l'état de ses investigations et des conclusions qu'il propose d'en tirer ;
- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert sur le montant des préjudices complémentaires subis par la société CTA ;
- ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société Y dans 3 journaux ou revues aux choix de la société CTA ;
- condamner la société Y à consigner entre les mains de Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon en qualité de séquestre la somme correspondant à ces publications sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification de la présente décision ;
- dire que le bâtonnier attribuera les sommes séquestrées à la société CTA sur présentation des bulletins de commande d'insertion des publications en cause ;
- condamner la société Y à faire publier directement en page d'accueil de tout site Internet exploité par elle l'intégralité de la décision à intervenir pendant 6 mois à compter du délai de 15 jours après la signification de la décision, sous astreinte de 500 euro par jour de retard ;
- confirmer la décision pour le surplus ;
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner l'appelante aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Laurent Grandpré conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
L'ordonnance de clôture est intervenue en dernier lieu le 14 décembre 2015.
Motifs et décision
Attendu qu'il convient à titre liminaire de relever que le jugement du Tribunal de commerce de Lyon a constaté la commission d'actes de concurrence déloyale commis par la société Y au préjudice de la société CTA mais a considéré ne pas être en mesure de déterminer le préjudice subi par celle-ci dès lors qu'elle invoquait un taux de marge de 40 % et a ordonné une expertise tendant notamment à :
- reconstituer pour la période du 28 février 2011 au 28 février 20134 le chiffre d'affaires réalisé par la société Y en violation de son obligation de non-concurrence sur le territoire concédé ;
- déterminer la marge perdue par la société CTA rapportée à ce chiffre d'affaires ;
Attendu qu'il a pour le surplus sursis à statuer sur les conséquences financières des manquements de la société Y jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, à l'exception du préjudice moral qu'il a rejeté ;
Attendu que le rapport d'expertise ayant été déposé avant l'examen de l'affaire devant la cour il apparaît d'une bonne justice de statuer sur les demandes d'indemnisation formées par la société CTA sur la base de celui-ci, étant observé que devant le Tribunal de commerce de Lyon où l'affaire a été rappelée, les parties ont conclu à un sursis à statuer ;
Attendu qu'il n'apparaît pas toutefois opportun d'étendre ce pouvoir à l'examen de demandes nouvelles relatives à des manquements de la société Y commis durant la période d'exécution du contrat ;
Attendu que selon le contrat consenti à Monsieur Joël X le 1er mars 2000 et dont l'application à la SARL Y n'est pas discutée, la société CTA titulaire du droit de distribution exclusif des appareils Mur Tronic lui a accordé ce droit pour le département de la Gironde en contrepartie d'une assistance technique et commerciale ;
Attendu qu'il résulte de l'article 1er du contrat que la société CTA conservait le droit de passer des accords avec d'autres revendeurs sur d'autres territoires et s'engageait à stipuler dans chaque contrat l'interdiction de démancher des clients implantés sur le territoire concédé, conférant ainsi au distributeur une exclusivité territoriale ;
Attendu que le contrat prévoyait encore " le revendeur s'interdit de démarcher en vue de l'implantation des appareils sur des sites hors territoire concédé " ;
Attendu que par ailleurs " le revendeur agréé s'interdit de distribuer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit des produits susceptibles de concurrencer ceux dont la commercialisation lui est confiée par les présentes et notamment de diffuser un autre procédé d'assèchement de murs ;
Pendant l'exécution du présent contrat, le revendeur s'engage à ne pas exploiter directement ou indirectement par personne interposée notamment par l'intermédiaire d'une personne morale dont il serait associé, dirigeant ou représentant, une entreprise dont l'activité serait susceptible de concurrencer celle faisant l'objet des présentes.
Il en sera de même à l'expiration des présentes quelle qu'en soit la cause et pendant un délai de deux ans dans son secteur géographique " ;
Attendu que par courrier recommandé du 29 octobre 2010 Monsieur X a été informé de la décision de ne pas renouveler le contrat de distribution à l'expiration de la période venant à échéance le 28 février 2011 et que ledit courrier après lui avoir rappelé qu'il devait restituer le matériel publicitaire en sa possession lui indiquait :
" - nous reprendrons les appareils en stock moyennant un prix égal au prix de vente sous réserve que lesdits appareils ne soient pas défectueux ou en mauvais état (article 5 du contrat)
- vous devez cesser de vous prévaloir de votre appartenance au réseau de distribution Mur Tronic et de faire référence à la marque " ;
Attendu que la société CTA a exposé avoir eu connaissance d'un devis établi le 15 avril 2011 par la société Y au bénéfice des époux M. demeurant en Gironde pour la fourniture d'un dispositif Aquaraid distribué par la société Geco et avoir appris que la société installait des appareils concurrents dans d'autres départements avec d'autres distributeurs de la société CTA et notamment avec la société Baticonseil et a sollicité d'effectuer un constat d'huissier ;
Attendu que ce constat effectué le 28 novembre 2011 a permis de trouver un courrier du 6 décembre 2010 adressé par Monsieur X à la société Geco demandant une collaboration et a relevé la réalisation de nombreux devis à compter du mois de février 2011, deux factures adressées à Bati Conseil et une plaquette Aquaraid portant mention de l'agrément de la société Y ;
Attendu que la société Y ne conteste pas avoir commercialisé de façon habituelle ces dispositifs dans le cadre de l'agrément reçu de la société Geco auprès de particuliers ni en avoir vendu à d'autres revendeurs du réseau CTA ;
Attendu que compte tenu des termes du contrat de distribution, elle n'est pas fondée à soutenir que le dispositif Aquaraid diffère par sa technologie du dispositif Mur Tronic, s'agissant en tout état de cause, de dispositif d'assèchement visé par la clause qui mentionne tous procédés concourant à un tel but ;
Attendu que par ailleurs la société Y ne rapporte aucune preuve de la pratique ou d'un usage autorisant la revente de matériel entre revendeurs ;
Attendu enfin qu'elle ne saurait prétendre pour se dédouaner, avoir posé des appareils qu'elle avait conservés en stock alors que le contrat lui faisait obligation de les restituer à la société CTA à la fin du contrat ;
Attendu dès lors que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le principe de manquements contractuels de la société Y à l'obligation de non-concurrence pour la période du 28 février 2011 au 28 février 2013 et a ordonné une mesure d'expertise afin de chiffrer le préjudice économique et financier de la société CTA ;
Attendu qu'il est constant que la société Y n'est pas fondée à soutenir dans le cadre de sa défense que la société CTA aurait commis à son égard des actes de concurrence déloyale pour avoir directement installé en 2009 chez Madame T. un dispositif Mur Tronic dans une maison d'habitation située à Bordeaux, dès lors d'une part que la société CTA indique avoir été contrainte d'intervenir en suite des manquements de la société Y qui avait établi un devis contre paiement de la somme de 418,60 euro contrairement à l'engagement de gratuité et que d'autre part le contrat n'emportait pour elle aucune interdiction de cette nature ;
Attendu que par suite il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'expertise tendant à voir rechercher le préjudice qu'elle aurait subi à ce titre du fait de la société CTA ;
Attendu en définitive que la société Y doit être déboutée de toutes ses demandes ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu dans le cadre de l'évocation de statuer sur les chefs de préjudices relatifs à la violation de l'obligation de concurrence durant l'exécution du contrat, évoqués à titre incident par la société CTA ;
Attendu en revanche que la société Y a vendu durant la période de non-concurrence des dispositifs Aquaraid à la société ECTB à concurrence de 35 629,00 euro et à la société Baticonseil à concurrence de 17 192,65 euro soit un montant de 52 821,65 euro sur lequel la société CTA aurait pu réaliser une marge dont elle a été privée ;
Attendu que l'expert a défini son taux de marge habituel à 91 % ;
Attendu que la société CTA elle est fondée à obtenir la condamnation de la société Y à lui verser la somme de 48 067,70 euro ;
Attendu que s'agissant du chiffre d'affaires réalisé par la société Y et correspondant à des opérations de concurrence déloyale, l'expert a retenu un montant de 76 331 euro ;
Attendu qu'il a bon droit exclu les opérations relatives à de simples diagnostics (facture Durivault) une facture de solde de travaux correspondant à une opération conclue avant la période de non-concurrence tant en ce qui concerne le contrat que l'installation du matériel (mairie Eysines) ;
Attendu qu'il a en revanche tenu compte d'un marché sur appel d'offres conclu le 15 octobre 2012 (mairies de Coimères) quand bien même il a été facturé en mars 2013 ;
Attendu que le chiffre d'affaires réalisé de façon déloyale par la société Y doit être retenu pour le montant de 76 331 euro auquel il convient d'ajouter la facture N. n° 11.11.01 d'un montant de 7 500 euro ladite société étant située en Gironde quand bien même le chantier se situerait en dehors du département ;
Attendu que le chiffre d'affaire ouvrant droit à réparation est de 83 831 euro ; que rapporté au taux de marge de 91 % le préjudice est de 76 286 euro ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société Y au paiement de :
- 76 286 euro au titre des manquements à l'obligation de non-concurrence post contractuelle
- 48 067,70 euro au titre de la perte de la marge qu'elle aurait dû réaliser si les ventes avaient été effectuées avec du matériel MUR-TRONIC et non Aquaraid ;
Attendu que l'atteinte à la marque de la société CTA qui résulte des actes commis par la société Y justifie l'allocation de la somme de 20 000 euro au titre du préjudice moral en ce que la vente de matériel acquis auprès de sociétés concurrentes a pu notamment laisser espérer le bénéfice de la garantie accordée par la société CTA alors qu'elle était exclue, ce qui est de nature à nuire à sa réputation ;
Attendu pour le surplus qu'il n'apparaît pas justifié dans le cadre de l'évocation, d'étendre les opérations d'expertise comme demandé par la société CTA aux manquements reprochés à la société Y durant la période contractuelle, pas plus que pour les opérations initiées durant la période de concurrence qui ne se seraient concrétisées qu'après le 28 février 2013, étant rappelé qu'a déjà été prise en compte à ce titre l'opération de la mairie de Comières dans la mesure où l'installation du matériel se situait dans la période de non-concurrence visée ;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la publication de l'arrêt dans les termes du dispositif ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à la société CTA la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la société Y doit supporter les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare la société Y recevable en son appel ; Confirme le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a déclaré la société Y coupable de concurrence déloyale sur la période du 28 février 2011 au 28 février 2013 et a ordonné une expertise afin de chiffrer le préjudice financier qui en est résulté pour la société Centre Technique d'Assèchement - CTA ; Déboute la société Y de toutes ses demandes ; Constate que l'expert a déposé son rapport le 13 mars 2015 ; Dit qu'il y a lieu d'évoquer afin de statuer sur les demandes indemnitaires formées en suite du dépôt de ce rapport sur la seule violation de la clause de non-concurrence pour la période post contractuelle ; Dit en conséquence n'y avoir lieu de se prononcer sur les demandes relatives aux violations durant la période d'exécution du contrat ; Condamne la société Y à payer à la société Centre Technique d'Assèchement - CTA : - 76 286 euro au titre des manquements à l'obligation de non-concurrence post contractuelle, - 48 067,70 euro au titre de la perte de la marge sur les ventes aux sociétés Baticonseil et ECTB, - 20 000 euro au titre de son préjudice moral ; Dit n'y avoir lieu d'ordonner un complément d'expertise ; Ordonne la publication de cette décision aux frais de la société Y dans 3 journaux ou revues au choix de la société Centre Technique d'Assèchement - CTA dans la limite de 3 000 euro par publication ; Condamne la société Y à payer à la société Centre Technique d'Assèchement - CTA 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Y aux dépens avec droit de recouvrement au profit de la Selarl Laurent Grandpré conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.