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Décisions

Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-21.675

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Soppec (Sté), Technima (Sté)

Défendeur :

Motip Dupli-GMBH (Sté), Pignier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Pénichon

Conseiller :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Richard, SCP Waquet, Farge, Hazan

Bordeaux, 2e ch. civ. du 1er juill. 2014

1 juillet 2014

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juillet 2014), que la société Soppec, qui fabrique et commercialise des procédés de peinture industrielle de marquage, notamment en aérosols, sur le territoire français et en Europe, a conclu un contrat de prestation de services avec la société Technima, celle-ci lui apportant, moyennant rémunération, son assistance et ses conseils ; que la société Soppec a embauché M. Pignier en qualité de directeur commercial puis a transféré son contrat de travail au bénéfice de la société Technima, jusqu'à ce qu'il démissionne en mai 2006 et crée la société MPCI en septembre 2006 ; que cette dernière et la société de droit néerlandais Motip Dupli group BV ayant conclu un contrat de prestation de conseil pouvant se rapporter à l'activité de la peinture en aérosol, et cinq salariés de la société Soppec ayant donné leur démission, au cours de l'été 2006, pour rejoindre, s'agissant de trois d'entre eux, des sociétés du groupe Motip Dupli, les sociétés Soppec et Technima ont assigné M. Pignier et la société de droit allemand Motip Dupli GmbH en paiement de dommages-intérêts au titre d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

Attendu que les sociétés Soppec et Technima font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la société Motip Dupli GmbH alors, selon le moyen : 1°) que le recours systématique à des salariés ayant démissionné d'une entreprise concurrente, combiné au nombre de salariés concernés, à leur qualification et au constat de la simultanéité de leur départ et de leur engagement est susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale, quand bien même les salariés concernés ne seraient pas tenus par une obligation de non-concurrence, dès lors qu'il s'accompagne de procédé déloyaux ; qu'en estimant que le fait que les démissions de MM. Dumortier, Von Kloke et Mauretta aient suivi " de peu " la démission de M. Pignier, avec lequel " tous trois entretenaient des relations privilégiées ", qu'elles aient été concentrées sur " une période courte " et que ces trois salariés aient " été embauchés par des sociétés du groupe Motip " ne suffisait pas à établir les actes de débauchage déloyaux reprochés à la société Motip Dupli GmbH, tout en relevant par ailleurs que Von Kloke avait continué " à utiliser le numéro de téléphone portable de la société Soppec " et que M. Pignier avait détourné des documents susceptibles d'être utilisés au profit des sociétés du groupe Motip, ce dont il résultait que le débauchage de ces deux salariés s'accompagnait d'actes déloyaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du Code civil ; 2 °) que l'aveu fait en justice par la partie ou son fondé de pouvoir spécial fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Soppec et Technima faisaient expressément valoir qu'en expliquant, dans ses écritures, avoir embauché plusieurs anciens salariés de la société Soppec parce que son activité correspondait au profil de ces personnes qui avaient elles-mêmes, après leur départ de la société Soppec, sollicité leur nouvel employeur, la société Motip Dupli GmbH reconnaissait, par là-même, les avoir embauchées ; qu'en retenant qu'il n'était pas établi que MM. Dumortier, Von Kloke et Mauretta aient été employés, après leur démission de la société Soppec, par la société Motip Dupli GmbH, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la preuve de ce fait ne résultait pas de la reconnaissance qu'en avait fait la société Motip Dupli GmbH dans ses propres conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1356 du Code civil ; 3°) que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Soppec et Technima faisaient valoir que l'enquête Urios du 9 octobre 2008 versée aux débats établissait que les différentes sociétés du groupe Motip Dupli ne constituaient qu'une seule et même unité économique, dont le maître d'œuvre était la société Motip Dupli GmbH, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'attraire toutes les sociétés satellites de ce groupe dont le fractionnement en plusieurs entités distinctes avait pour seul objet de paralyser les victimes des actes de concurrence déloyale commis par l'une ou l'autre de ces filiales; qu'en se bornant à énoncer que cette enquête était dénuée d'utilité, sous prétexte que la société Motip Dupli Holding GmbH n'était pas à la cause, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) qu'en retenant, pour la déclarer " sans utilité ", que l'enquête Urios du 9 octobre 2008 versée aux débats ne concernait que la société Motip Dupli Holding GmbH, là où cet élément comportait plusieurs indications sur toutes les sociétés du groupe Motip Dupli, propres à établir qu'elles ne constituaient qu'une seule et même unité économique placée sous l'égide de la société Motip Dupli Group GmbH, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a partant violé l'article 1134 du Code civil ; 5°) qu'en se bornant à retenir, pour écarter la participation de la société Motip Dupli Group GmbH aux actes de concurrence déloyale allégués, que chacune des sociétés du groupe Motip Dupli avait une personnalité juridique et ne pouvait répondre que de ses propres agissements, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si par-delà l'écran de leur personnalité morale les différentes entités de ce groupe ne constituaient pas une seule et même unité économique et si la société Motip Dupli GmbH n'avait pas été la seule bénéficiaire desdits actes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte des conclusions d'appel de la société Soppec que l'aveu judiciaire qu'elle prétendait opposer à la société Motip Dupli GmbH portait sur la reconnaissance, par celle-ci, de ce qu'elle avait participé activement aux opérations de concurrence déloyale par le débauchage de personnel et qu'elle ne pouvait ignorer que les salariés concernés étaient tous liés par une clause de non-concurrence ; qu'en présence de ces conclusions ambiguës, c'est par une appréciation souveraine et sans être tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche que la cour d'appel, se fondant sur d'autres éléments de preuve mis aux débats, a retenu qu'il était établi que M. Von Kloke était entré au service de la société Motip Dupli Group, M. Mauretta de la société Motip Dupli Iberica et M. Dumortier de l'une des sociétés du groupe Motip ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. Pignier, qui a créé sa propre société, n'est pas entré au service de la société Motip Dupli GmbH, de sorte qu'aucun acte de concurrence déloyale par débauchage fautif ne pouvait prospérer en ce qui le concerne ; que, de même, l'arrêt ayant retenu que M. Von Kloke n'était pas employé par la société Motip Dupli GmbH, les agissements de ce dernier tandis qu'il était au service d'une société tierce, serait-elle du même groupe, étaient sans incidence sur le rejet de la demande de la société Soppec à son égard ;

Et attendu, en dernier lieu, s'agissant des actes de parasitisme, que l'arrêt relève que les actes qualifiés de " cybersquattage ", comme la fabrication et la commercialisation des bombes de peinture pouvant présenter des similitudes avec celles fabriquées et commercialisées par la société Soppec, mettent en cause d'autres sociétés du group Motip Dupli, qui ont leur personnalité juridique propre ; qu'il constate, sans dénaturation, que l'enquête menée par la société Urios, relative à la société Motip Dupli holding GmbH, établit que cette holding détient 95,05 % du capital de la société Motip Dupli GmbH, qu'elle est elle-même contrôlée par la société néerlandaise Motip Dupli aerosols BV et qu'il n'est produit aucun certificat d'immatriculation concernant les différentes sociétés de ce groupe et leur activité, y compris à l'égard de la société de droit allemand Motip Dupli GmbH ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il ne ressort pas que les différentes sociétés du groupe Motip Dupli aient été placées sous l'égide de la société Motip Dupli Group GmbH, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée à la cinquième branche, ni de répondre à un moyen que ces constatations rendaient inopérant, a retenu à bon droit que la société Motip Dupli GmbH ne pouvait répondre que de ses propres agissements et rejeté la demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.