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Décisions

Cass. com., 3 mai 2016, n° 13-23.416

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Venaty (Sté)

Défendeur :

Pindière France (Sté), Creaciones Moda Bella (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Pénichon

Conseiller :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, Me Haas

Cass. com. n° 13-23.416

3 mai 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la requête de la société Pindière France (la société Pindière), un procès-verbal de saisie-contrefaçon portant sur des chaussures a été dressé le 7 juillet 2009 dans les locaux de la société Venaty France (la société Venaty) ; que se fondant sur ce document, la société Pindière a assigné la société Venaty et la société Creaciones Moda Bella SL (la société Creaciones) en contrefaçon et concurrence déloyale ; que la société Venaty a invoqué la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon au regard des circonstances dans lesquelles il avait été dressé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Venaty fait grief à l'arrêt de déclarer valable le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par M. Briand le 7 juillet 2009 alors, selon le moyen : 1°) qu'à peine de nullité des opérations de saisie, dont le procès-verbal, l'huissier instrumentaire a le devoir de respecter les termes de l'ordonnance qui autorise la saisie-attribution et qui en fixe les conditions ; que tel n'est pas le cas s'il se fait accompagner par trois huissiers en violation des dispositions de l'ordonnance qui ne l'y autorisent pas expressément et précisément ; que l'arrêt attaqué a jugé au contraire que cette circonstance ne rendait pas nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009 au prétexte que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Nantes du 2 juillet 2009 n'excluait pas que l'huissier instrumentaire se fît accompagner par trois confrères, que la présence d'un commissaire de police garantissait la régularité des opérations et que la société Venaty ne justifiait pas d'un grief comme l'exigeait l'article 114 du Code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'ordonnance du 7 juillet 2009 n'autorisait l'huissier instrumentaire à se faire accompagner que par un représentant de la force publique, par un mandataire de la requérante et par un photographe, non pas par trois huissiers, la cour d'appel a violé les articles L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle et 114 du Code de procédure civile, ensemble le principe de l'inviolabilité du domicile et les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°) qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en tranchant le litige sur la base du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juillet 2009, quand il était illégal en ce que l'huissier instrumentaire s'était fait accompagner de trois autres huissiers en violation des dispositions de l'ordonnance du 2 juillet 2009, de sorte qu'elle devait écarter des débats cette preuve illicite, la cour d'appel a violé les articles 9 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir rappelé que l'ordonnance avait autorisé l'huissier instrumentaire " à se faire accompagner, le cas échéant, par tout représentant de la force publique et par un mandataire de la requérante pris en dehors de ses préposés " ainsi que par " tout photographe de son choix pour procéder à toute prise de vue qui serait jugée nécessaire en vue d'apporter la preuve de la contrefaçon alléguée ", l'arrêt relève que l'acte de saisie-contrefaçon a été dressé par un huissier instrumentaire territorialement compétent, qui a personnellement accompli l'ensemble des diligences qui lui incombaient, accompagné d'un officier de police dont la présence était de nature à garantir la régularité des opérations effectuées ; qu'après avoir relevé la nécessité pour l'huissier instrumentaire d'être accompagné au cours de cette opération, qui a duré plus de deux heures et a donné lieu à de nombreuses copies de listing et catalogues qu'il a visées et paraphées lui-même, l'arrêt constate que les trois huissiers qui l'accompagnaient se sont bornés à prendre les soixante-dix photographies accompagnant le procès-verbal, après avoir décliné leur qualité et présenté leur carte professionnelle, et que la société Venaty ne justifie d'aucun grief résultant de leur présence ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a justement retenu, sans méconnaître les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que ces circonstances ne justifiaient pas l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des actes qui en dépendaient ;

Et attendu, d'autre part, que le rejet du premier grief rend inopérant le second ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, l'arrêt retient que les agissements en cause ne constituent pas des éléments distincts de ceux de la contrefaçon ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le fait d'apposer la marque Modabella sur la chaussure contrefaisante jetait le discrédit sur la collection Karston auprès des clients mais également auprès des consommateurs et qu'il en résultait une atteinte portée à l'image de la marque Karston, faits distincts de la copie servile du modèle Jimbo retenue au titre de la contrefaçon, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi principal.