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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 3 mai 2016, n° 14-00744

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ereks Konf (Sté), Serin Dis Ticaret Limited STL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poumarède

Conseillers :

Mmes André, Jeannesson

Avocats :

Mes Depasse, Chaudet, Huet

T. com. Rennes, du 17 sept. 2013

17 septembre 2013

I - Exposé du litige:

Par acte sous seing privé en date du 3 janvier 2011, Monsieur X a conclu avec la société Ereks Konf dont le siège social est à Istanbul en Turquie, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de pantalons denim et toile, un contrat d'agent commercial pour une durée déterminée d'un an, sur le secteur de la France entière. Le contrat a été poursuivi au-delà de cette durée jusqu'au 17 septembre 2012 date à laquelle la société Ereks Konf a notifié à Monsieur X la résiliation du contrat pour faute grave.

La société Serin Dis Ticaret qui fait partie du groupe Ereks Garment comme la société Ereks Konf, a pour activité l'exportation.

Par exploit d'huissier de justice en date du 12 décembre 2012, Monsieur X a fait assigner la société Ereks Konf et la société Serin Dis Ticaret devant le Tribunal de commerce de Saint-Malo aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer solidairement ou à défaut l'une ou l'autre les commissions dues ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat d'agent commercial.

Par ordonnance en date du 14 novembre 2012, Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Saint-Malo a autorisé Monsieur X à pratiquer une saisie-conservatoire entre les mains des sociétés Magellan et Pauline Distribution, mise en œuvre suivant procès-verbal de Maître D, huissier de justice, le 23 novembre 2012.

Par jugement en date du 17 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Rennes a notamment :

- dit les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret solidaires vis-à-vis de Monsieur X,

- condamné les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à payer à Monsieur X la somme de 59 164,69 euro avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation,

- condamné les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à payer à Monsieur X la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et débouté Monsieur X du surplus de sa demande,

- dit qu'il convient de convertir en saisie-attribution la saisie conservatoire autorisée par le Président du Tribunal de grande instance de Saint-Malo le 14 novembre 2012,

- débouté les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret de leur demande de condamnation pour concurrence déloyale et manque de loyauté,

- débouté Monsieur X de sa demande d'astreinte de 100 euro par mois,

- condamné les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à payer à Monsieur X la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Monsieur X a interjeté appel de cette décision le 30 janvier 2014, limité expressément au montant des dommages et intérêts et au paiement des commissions indirectes.

Il sollicite notamment de :

- lui décerner acte de ce qu'il n'a pas de moyen opposant à la révocation de l'ordonnance de clôture,

- déclarer recevable comme n'étant pas nouvelle en cause d'appel la demande de condamnation des sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret au paiement de la somme provisionnelle de 48 000 euro au titre des commissions indirectes,

- condamner solidairement, ou à défaut l'une ou l'autre, les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à lui payer la somme de 120 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et injustifiée du contrat d'agent commercial,

- condamner solidairement, ou à défaut l'une ou l'autre, les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à lui payer la somme de 48 000 euro somme à laquelle sera provisoirement chiffré le montant des commissions indirectes qui lui sont dues,

- condamner les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à produire sous astreinte de 100 euro par jour de retard qui s'appliquera sur une période de trois mois, un listing certifié conforme par un tiers indépendant et assermenté des ventes de Monsieur X du 1er janvier 2012 au 30 avril 2013 pour permettre de chiffrer avec précision les commissions directes et indirectes dues,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- lui décerner acte de ce qu'il se tient à la disposition de la cour pour produire sous astreinte de 100 euro par jour la toute première facture de commissions et les documents correspondants avec le fournisseur société Merkoteks Tekstil,

- pour le surplus, confirmer le jugement,

- condamner les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à lui payer la somme de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner les mêmes aux entiers dépens qui comprendront les frais de la procédure de saisie-conservatoire.

La société Ereks Konf et la société Serin Dis Ticaret, appelantes incidentes, sollicitent de :

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture,

- déclarer irrecevable la demande présentée par Monsieur X le 19 janvier 2016 portant sur leur condamnation à payer la somme de 48 000 euro au titre des commissions indirectes,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur X de ses demandes,

- enjoindre à Monsieur X de produire ses bilans et comptes de résultat pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014 en précisant le montant des commissions perçues auprès de chacun de ses mandants et notamment auprès des sociétés Merkoteks Tekstil et Delfa Confection,

- condamner Monsieur X à leur payer la somme de 180 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la violation de son obligation de non-concurrence, de loyauté et d'information s'agissant du détournement du client Cop'Copine,

- condamner Monsieur X à leur payer la somme de 90 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la violation de son obligation de non-concurrence, de loyauté et d'information s'agissant du détournement du client Devred,

- condamner Monsieur X à leur payer la somme de 90 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la violation de son obligation de non-concurrence, de loyauté et d'information s'agissant du détournement du client Un Jour Ailleurs,

- condamner Monsieur X à leur payer la somme de 8 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur X aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions de procédure déposées le 4 février 2014, les sociétés intimées ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture aux fins de répondre à la demande nouvelle formée par Monsieur X dans ses conclusions déposées le 19 janvier 2016, la veille de la clôture. Par conclusions déposées le 11 février 2016, Monsieur X demande de lui décerner acte de ce qu'il n'a pas de moyen opposant à la révocation de l'ordonnance de clôture.

L'ordonnance de clôture du 20 janvier a été révoquée pour accueillir les conclusions déposées par les intimées le 4 février 2016 et par Monsieur X le 11 février 2016. La clôture a été prononcée le 16 février 2016 à l'audience.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 11 février 2016 pour Monsieur X et le 4 février 2016 pour les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret.

II - Motifs :

Sur la rupture du contrat d'agent commercial

Les intimées fondent leur demande sur les articles L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-13 du Code de commerce. Elles soutiennent que Monsieur X a manqué à ses obligations de loyauté, d'information et de non-concurrence, justifiant la rupture immédiate du contrat sans indemnité en n'informant pas son mandant qu'il travaillait pour la société Delfa Confection, concurrente tunisienne directe, en détournant au profit de celle-ci la clientèle Cop'Copine, en délaissant les contacts commerciaux pris avec les sociétés Devred et Un Jour Ailleurs qui n'ont plus repris contact avec la société Ereks Konf et ont passé commande ailleurs, avec la société Delfa Confection selon un faisceau d'indices.

Il appartient à la société Ereks Konf et à la société Serin Dis Ticaret de démontrer la faute grave qu'elles allèguent à l'encontre de Monsieur X

L'article L. 134-3 du Code de commerce dispose :

" L'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier. "

Les dispositions de l'article L. 134-16 du Code de commerce relatives aux clauses ou conventions réputées non écrites ne sont pas applicables à cet article de sorte que les parties peuvent y déroger.

Le contrat d'agent commercial en date du 3 janvier 2011 qui s'est poursuivi en 2012 pour devenir un contrat à durée indéterminée, par application de l'article L. 134-11 du même code, stipule au 5) de son article 4 : " Comme condition déterminante, il est précisé que l'Agent est autorisé à représenter des fabricants non turcs et concurrents "

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à Monsieur X d'avoir représenté sans autorisation la société Delfa Confection fabricant également des pantalons denim et toile dont le siège social est en Tunisie.

Les intimées soutiennent que Monsieur X a manqué à son devoir de loyauté et d'information et a détourné la clientèle société Cop'Copine, société Devred et société Un Jour Ailleurs.

* Sur le détournement du client société Cop'Copine

Pour démontrer la faute de Monsieur X, la société Ereks Konf et la société Serin Dis Ticaret produisent les pièces 2 à 5 aux termes duquel il apparaîtrait que celui-ci aurait utilisé la relation commerciale établie par la Ereks Konf au profit de la société Delfa Confection.

Il ressort des pièces des intimées que la relation commerciale était à ses débuts, qu'aucune commande ferme n'avait encore été effectuée par ce client potentiel et qu'il était demandé le 30 mai 2012 par la société Cop'Copine à la société Ereks Konf de réaliser trois pièces en "Brut" et trois pièces en "Clair" en taille 36 avec un certain nombre de précisions, pour un modèle Mytrilus.

Monsieur X rapporte la preuve (pièce 65) que par message électronique du 18 juin 2012, la société Cop'Copine a constaté qu'aucune des deux versions ne convenait, le " Brut " étant trop brut et ne correspondant pas à l'échantillon, le " Clair " n'étant pas de bonne qualité. Il était demandé de refaire la version 1. Par message électronique du 7 juin 2913 (pièce 68) à Monsieur X, la société Cop'Copine précise que fin juillet (2012) après plusieurs essais non concluants, elle a décidé d'annuler le développement et qu'elle n'a rien produit avec la Ereks Konf et Monsieur X. Les intimées mettent en doute la valeur probante de ce message, soulignant que le message semble tronqué mais sans le démontrer. En tout état de cause, la société Cop'Copine n'a jamais été cliente de la société Ereks Konf et la preuve d'un détournement de commandes du modèle Mytrilus par Monsieur X au profit de la société Delfa Confection n'est pas rapportée.

Le détournement allégué n'est en conséquence pas établi.

* Sur le détournement des clients société Devred et société Un Jour Ailleurs

La société Ereks Konf et la société Serin Dis Ticaret versent aux débats deux messages électroniques (pièces 8 et 9) adressés à Monsieur X aux termes desquels le 21 juin 2012, la société Ereks Konf s'inquiète de nouvelles à propos de Devred, et le 22 juin 2012 la même société indique avoir contacté Un Jour Ailleurs.

Monsieur X démontre (pièces 72, 73 et 74), qu'il a poursuivi les contacts avec Devred du 7 au 22 juin, que les échantillons de la société Ereks Konf pour ce client sont arrivés trop tard pour une réunion de présentation et que les échantillons des autres fournisseurs ont été achetés, de sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur X, étant observé que la société Devred n'était qu'un client potentiel de la société Ereks Konf.

Il rapporte également la preuve que du 22 juin au 9 juillet 2012 il a poursuivi les contacts avec la société Un Jour Ailleurs (pièce 75) et que le 17 juillet il a informé la société Ereks Konf que cette société était trop occupée pour le moment pour répondre aux sollicitations de Monsieur X (pièce 76) de sorte qu'aucun délaissement de cette clientèle éventuelle ne peut être reproché à l'appelant.

Il convient de constater qu'en août les entreprises sont en congés de sorte qu'à l'évidence aucun contact n'a pu être repris, alors que le contrat a été rompu par la Ereks Konf dès le 17 septembre.

Enfin les intimées reprochent à Monsieur X de ne pas les avoir informées de ce qu'il représentait la société Delfa Confection. Le devoir d'information réciproque prévu à l'article L. 134-4 du Code civil est ainsi stipulé dans le contrat en son article 6 :

" Afin de permettre dans l'intérêt commun des parties, la meilleur efficacité de leur collaboration, l'Agent s'engage à tenir informé régulièrement et par écrit le mandant de l'état du marché dans son secteur, de la solvabilité des clients, des souhaits de la clientèle et des actions de la concurrence (y compris en matière de contrefaçon) ".

Il n'est pas contesté que Monsieur X a également représenté la société Delfa Confection alors qu'il était mandataire de la société Ereks Konf. Le défaut d'information sur ce point doit être apprécié au regard du 5) de l'article 4 du contrat mentionné ci-dessus qui autorise Monsieur X à représenter des fabricants non turcs concurrents, condition déterminante du contrat que la société Ereks Konf a signé en toute connaissance de cause de sorte que le manquement au devoir d'information qui n'a pas de conséquence sur cette autorisation ne peut constituer une faute grave justifiant la rupture du contrat.

Enfin, il n'est pas démontré que Monsieur X ait représenté la société Merkoteks Tekstil alors qu'il était l'agent commercial des intimées.

Dans ces conditions, le contrat a été rompu sans que soit justifiée une faute grave de Monsieur X et les intimées doivent être déboutées de leurs demandes à son encontre.

Sur les demandes de Monsieur X

* Sur l'indemnité compensatrice

Monsieur X a droit à l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce. Il sollicite de faire application de l'usage selon lequel elle est évaluée au montant de deux années de commissions. Les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret répliquent qu'il n'a pas exercé son activité pendant deux ans, que son activité n'a été affectée que très marginalement par la perte de son mandat car il travaillait pour la société Delfa Confection et qu'il travaille pour la société Merkoteks Tekstil qui dispose de plusieurs clients communs avec la Ereks Konf. Elles contestent le montant réclamé dans son principe et dans son quantum et demande que soient produits ses bilans qui seuls permettront d'établir la perte de clientèle dont fait état l'appelant.

Monsieur X a exercé son activité du 3 janvier 2011 au 17 septembre 2012. Il a perçu des rémunérations et a nécessairement subi un préjudice lié à la rupture de son contrat d'agent commercial. Il n'a pas subi une perte de clientèle mais une perte des revenus perçus sur l'ensemble des ventes à la clientèle de sa mandante. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de communication de bilans.

La pièce 11 des intimées démontre que l'activité de Monsieur X en 2012 a entraîné une augmentation de leur chiffre d'affaire, lequel est passé de 710 190,52 euro en 2011 à 1 266 449,05 euro pour la période du 6 janvier au 11 juillet 2012. Le montant des commissions du mandataire est ainsi passé de 34 560,78 euro en 2011 à 63 322 euro en 2012. Au vu de ces informations, c'est à juste titre que les premiers juges ont octroyé à Monsieur X la somme de 60 000 euro qui est supérieure à la moitié du total de ses commissions alors qu'il n'a pas travaillé deux ans dans l'entreprise.

Les deux sociétés qui ont le même siège social, les mêmes dirigeants, ont indifféremment été destinataires des bons de commande et versé à Monsieur X les commissions dues ne contestent pas la solidarité existant entre elles de sorte qu'elles seront condamnées solidairement au paiement de cette somme.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

* Sur les commissions dues

1) Sur les commissions dues au titre des factures émises entre le 24 février et le 10 septembre 2012

Il est demandé par Monsieur X de confirmer le jugement. La demande est justifiée par la pièce 6 récapitulant le montant des factures versées aux débats et n'est pas contestée. Le jugement sera en conséquence confirmé.

2) Sur la demande en paiement de la somme provisionnelle de 48 000 euro et la demande de communication d'un listing

Les intimées font valoir que la demande relative au paiement de la somme provisionnelle de 48 000 euro est nouvelle en appel.

Aux termes de l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent.

Il ressort du jugement dont appel que Monsieur X a sollicité la condamnation des sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à produire sous astreinte un listing certifié conforme des ventes de ses clients du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 pour permettre de chiffrer avec précision les commissions directes et indirectes qui lui sont dues. La circonstance que l'appelant ait pu chiffrer provisoirement à la somme de 47 979,79 euro le montant des commissions indirectes à partir des factures Chevignon et EP6 qu'il s'est procuré et sollicite la somme de 48 000 euro en cause d'appel à titre de provision tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges de sorte que la demande n'est pas nouvelle.

Il résulte des écritures de Monsieur X qu'il désigne "indirectes" les commissions qui lui seraient dues à la suite de commandes faites après la rupture du contrat par des clients qu'il a présentés aux intimées.

Les intimées exposent qu'aux termes du contrat d'agence, le fait générateur de la commission est le paiement de la commande par le client, que les factures Chevignon et EP6 étaient payables entre février et juin 2013, que le contrat a été rompu le 17 septembre 2012 et que Monsieur X ne peut revendiquer des commissions dont le fait générateur est postérieur à la rupture du contrat.

L'article L. 134-7 du Code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions de l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Le contrat d'agence stipule que l'agent aura droit à une commission sur les ordres parvenant au mandant dans les cinq mois de l'achèvement effectif du présent contrat, sous conditions que ces ordres soient principalement dus aux efforts de l'agent et que l'agent ait au plus tard à la date de cet achèvement informé par écrit le mandant de la négociation engagée par l'agent avec le client.

En application de cette clause contractuelle, Monsieur X a droit aux commissions sur les commandes passées postérieurement à la rupture du contrat pendant cinq mois. Néanmoins, il lui appartient de démontrer qu'il a informé la société Ereks Konf de la négociation en cours au plus tard à la date de la rupture soit le 17 septembre 2012, ce qu'il ne fait pas.

Dans ces conditions, il doit être débouté de sa demande relative à ces commissions et en particulier les commissions demandées au titre des factures EP6.

En revanche, il est démontré que les commandes Chevignon sont antérieures à la rupture du contrat.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 134-3, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. Cette disposition est impérative et il ne peut y être dérogé, en application de l'article R. 134-4.

Il n'est pas contesté que Chevignon est un client apporté par Monsieur X qui est parfaitement en droit de solliciter les commissions sur ces commandes dès leur facturation, peu important que cette facturation soit postérieure à la date de rupture du contrat. Les intimées ne soutiennent pas que les commandes n'aient pas été payées alors qu'elles étaient payables en février 2013 de sorte que les commissions sur ces commandes sont dues.

Les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret seront en conséquence condamnées à payer solidairement à Monsieur X la somme provisionnelle de 8 774,08 euro au titre des commissions Chevignon.

Dès lors que les intimées n'ont pas payé les commissions sur les commandes Chevignon, il existe un doute sur le montant des commissions directes qui sont dues à Monsieur X. Il sera en conséquence fait droit à la demande de communication des ventes et facturations des clients des sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret apportés par Monsieur X du 1er janvier au 17 septembre 2012, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte dès lors que les dispositions de l'article R. 134-3 du Code de commerce sont impératives.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X les frais irrépétibles qu'il a engagés pour faire valoir ses droits. Les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret seront condamnées à lui payer la somme de 3000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Elles seront également condamnées aux entiers dépens de l'instance sans que soient inclus les frais de la procédure de saisie conservatoire relative à l'ordonnance sur requête en date du 14 janvier 2015 qui a fait l'objet d'une ordonnance de rétractation et de mainlevée de la mesure en date du 22 octobre 2015.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande relative à la communication d'un listing des ventes des clients apportés aux sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à communiquer à Monsieur X un listing certifié conforme par un tiers indépendant et assermenté des ventes et facturations des clients des sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret apportés par Monsieur X du 1er janvier au 17 septembre 2012, Déclare recevable la demande relative au paiement de la somme provisionnelle de 48 000 euro, Condamne solidairement les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à payer à Monsieur X la somme provisionnelle de 8 774,08 euro, Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant Condamne solidairement les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret à payer à Monsieur X la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne solidairement les sociétés Ereks Konf et Serin Dis Ticaret aux dépens d'appel.