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Décisions

Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-15.860

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, SCP Foussard, Froger

Cass. com. n° 14-15.860

5 avril 2016

LA COUR : - Joint les pourvois n° 14-15.860 et n° 14-24.585, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mathieu a vendu à la société Sodimat deux balayeuses, la première au prix de 63 000 euros et la seconde au prix de 63 467,39 euros ; que la société Sodimat a revendu la première à la commune de Pointe-à-Pitre et la seconde à la société Cloé 26 ; que les deux machines ayant présenté des surchauffes, le juge des référés a ordonné une expertise ; que la commune de Pointe-à-Pitre a assigné devant un tribunal administratif la société Sodimat en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que la société Cloé 26 a assigné la société Sodimat devant un tribunal de commerce en résolution du contrat sur le même fondement ; que la société Sodimat a appelé en garantie la société Mathieu dans ces deux instances ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° D 14-15.860 : - Attendu que la société Mathieu fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'un vice caché justifiant la résolution des ventes conclues entre elle et la société Sodimat et d'ordonner en conséquence la restitution des prix de vente reçus par la société Mathieu ainsi que le remboursement des frais d'entretien exposés par la société Sodimat alors, selon le moyen : 1°) que l'acheteur professionnel dont l'activité consiste à revendre les biens qu'il achète est tenu d'une obligation particulière de vigilance dans la vérification de la qualité de ces biens ; qu'à ce titre, il ne peut prétendre à la garantie de son vendeur pour vices cachés s'il s'est abstenu d'effectuer les vérifications qu'il était possible de faire à l'achat ou avant la revente à ses clients ; qu'en estimant en l'espèce que le vice n'était pas apparent à la livraison et qu'il n'était apparu qu'après usage prolongé par les utilisateurs, quand la société Sodimat avait l'obligation, en tant que revendeur professionnel, de procéder elle-même à ces essais à l'époque de son achat et avant toute revente à ses clients, les juges du fond ont violé les articles 1641 et 1642 du Code civil ; 2°) qu' un acheteur doit être tenu pour professionnel dès lors qu'il achète pour les besoins de son activité professionnelle ; que tel est le cas notamment lorsque son activité consiste à revendre les biens qu'il achète ; qu'en décidant en l'espèce qu'il n'était pas démontré que la société Sodimat fût un professionnel dont l'activité était de revendre des machines de même type que celles qui étaient en cause, quand le seul fait d'acheter pour revendre des machines industrielles suffisait à en faire un acheteur et un vendeur professionnel et à la soumettre à ce titre aux obligations que supportent les professionnels en matière de vices cachés, les juges du fond ont violé les articles 1641 et 1642 du Code civil ; 3°) que le vendeur ne doit sa garantie au titre des vices cachés que si la chose vendue est, au jour de la vente, affectée d'un défaut qui suffit à le rendre impropre à l'usage auquel elle est destinée ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise s'il l'avait connu ; qu'en cas de pluralité de causes à l'origine du dysfonctionnement constaté, il appartient aux juges du fond de vérifier que celle tenant dans le défaut existant au jour de la vente suffisait à elle seule à rendre le bien impropre à son usage ou à diminuer celui-ci dans des proportions telles que l'acquéreur ne l'aurait pas acheté ; qu'en l'espèce, il était constant, pour avoir été constaté tant par l'expert que par les juges du fond eux-mêmes, que les mauvaises conditions d'exploitation des balayeuses ainsi que le manque de formation de leur utilisateurs avaient participé à l'apparition des désordres affectant le système de refroidissement ; qu'en s'abstenant de rechercher dans ces conditions la part qui revenait au défaut préexistant et de vérifier ainsi que celui-ci suffisait à lui seul à rendre les machines impropres à leurs usage au jour où elles ont été vendues, ou à diminuer assez cet usage pour que les clientes ne les achètent pas, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le vice, qui ne pouvait être décelé qu'après un usage prolongé, n'était pas apparent même pour la société Sodimat, serait-elle un acheteur professionnel, et que les mauvaises conditions d'exploitation et la formation insuffisante des chauffeurs et des techniciens n'étaient que des facteurs aggravants du vice relatif à l'insuffisance du système de refroidissement, lequel rendait en lui-même les machines impropres à l'usage auquel elles étaient destinées ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit : - Vu les articles 1644 et 1645 du Code civil ; - Attendu que pour condamner la société Mathieu à garantir la société Sodimat de toutes les condamnations prononcées contre la société Cloé 26 sous déduction du prix de vente qu'elle avait déjà été condamnée à lui payer, l'arrêt retient que la société Mathieu est le fournisseur du matériel affecté d'un vice caché ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur originaire ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages-intérêts en réparation du préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 14-24.585, pris en sa première branche : - Vu l'article 1645 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Sodimat envers la société Mathieu au titre du préjudice commercial subi du fait de la résolution de la vente conclue avec la commune de Pointe-à-Pitre, l'arrêt retient que la garantie ne saurait être indéfinie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société Mathieu était un vendeur professionnel de sorte qu'elle était réputée connaître les vices de la chose vendue et tenue de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche : - Vu la loi des 16-24 août 1790 ; - Attendu que pour rejeter l'appel en garantie de la société Sodimat contre la société Mathieu au titre des sommes dues à la commune de Pointe-à-Pitre, l'arrêt retient que cette garantie ne peut concerner le contrat conclu avec cette dernière dès lors que la société Sodimat a déjà appelé en garantie la société Mathieu devant la juridiction administrative actuellement saisie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait au juge judiciaire de statuer sur la demande de garantie opposant deux personnes privées, sauf éventuellement à surseoir à statuer ainsi qu'il lui avait été demandée, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Mathieu à garantir la société Sodimat de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la société Cloe 26 sous déduction du prix de vente qu'elle avait déjà été condamnée à lui payer et en ce qu'il rejette les demandes de la société Sodimat envers la société Mathieu relativement à la machine vendue à la commune de Pointe-à-Pitre, l'arrêt rendu le 17 février 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Fort-de-France.