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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 20 mai 2016, n° 15-17480

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Amiantec (S.A.S.), M. Plazy

Défendeur :

Amiantech (S.A.R.L.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Champagner-Katz, Desandre-Navarre

TGI Paris, du 10 juil. 2015

10 juillet 2015

Immatriculée le 14 janvier 2008 sous cette dénomination, la SARL Amiantech exerce sous le nom commercial éponyme une activité de désamiantage, déplombage et curage.

Les SAS Amiantec est immatriculée depuis le 26 avril 2010 et a pour activité la " concession d'une franchise relative aux prestations liées au désamiantage, assistance et formation relatives à l'objet social ".

Le 12 octobre 2009, son président, Monsieur Jean-Michel Plazy a déposé auprès de l'INPI la marque verbale française Amiantec n°3683174 pour désigner en classes 37, 39 et 41 des services de " démolition de constructions, transport et formation ".

Après une mise en demeure restée infructueuse, la SARL Amiantech a, selon acte d'huissier en date du 15 novembre 2013, fait assigner la SAS Amiantec et Monsieur Jean-Michel Plazy sur le fondement de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, pour obtenir notamment l'annulation de la marque " Amiantec " n° 3683174, l'interdiction de l'usage du signe Amiantec à titre de dénomination sociale ainsi que le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 10 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré nul l'enregistrement de la marque française Amiantec n° 3683174 déposée par Monsieur Jean-Michel Plazy le 12 octobre 2009 pour désigner en classes 37, 39 et 41 les services de démolition de constructions, transport et formation,

- dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription au registre national des marques,

- fait interdiction à la société Amiantec SAS de poursuivre l'utilisation du signe Amiantec à titre de dénomination sociale,

- condamné la société Amiantec SAS et Monsieur Jean-Michel Plazy, in solidum, à verser à la SARL Amiantech une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa dénomination sociale,

- condamné la SAS Amiantec à verser à la SARL Amiantech une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Amiantec SAS aux dépens,

- dit n'y a voir lieu de prononcer l'exécution provisoire.

Monsieur Jean-Michel Plazy et la société Amiantec ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 17 août 2015.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 17 novembre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Amiantec demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu le 10 juillet 2015 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau, de :

- constater l'absence de distinctivité du signe Amiantech pour désigner un service de désamiantage, réalisé par des techniciens,

- constater l'absence de risque de confusion entre les signes Amiantec et Amiantech du fait de l'absence de distinctivité du signe Amiantech, de l'absence de connaissance du signe Amiantech par le public, et du fait de son rayonnement géographique très limité,

- dire et juger qu'aucune faute ne peut lui être imputée,

En conséquence,

- débouter la société Amiantech de l'ensemble de ses autres demandes d'interdiction,

- constater que la société Amiantech n'a subi aucun préjudice,

En conséquence,

- débouter la société Amiantech de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Amiantech à verser à la SAS Amiantec et à Monsieur Plazy la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 Code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 2 décembre 2015, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Amiantech demande à la cour de :

- déclarer la SAS Amiantec et Monsieur Jean-Michel Plazy irrecevables et mal fondés en leur appel,

- confirmer le jugement rendu le 10 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a déclaré nul l'enregistrement de la marque française Amiantec n° 3683174 et en ce qu'il a fait interdiction à la SAS Amiantec de poursuivre l'utilisation du signe Amiantec à titre de dénomination sociale, et y ajoutant,

- ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours après signification de l'arrêt à intervenir, la publication de son dispositif sur la page d'accueil du site Internet de la société Amiantec accessible à l'adresse http://www.amiantec.com pendant une durée de 6 mois, le texte devant s'afficher en caractères lisibles taille 12, police Arial, et être précédée de la mention AVERTISSEMENT JUDICIAIRE, en lettres majuscules,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau,

- condamner in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à lui payer une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'atteinte à sa dénomination sociale,

- condamner in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à lui payer une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés par son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 février 2016.

SUR CE,

Considérant au préalable qu'il y a lieu de relever que la demande d'irrecevabilité de l'appel contenue dans le dispositif des dernières écritures de la société intimée, outre qu'elle ne relève pas de la compétence de la cour, n'est soutenue par aucun moyen ;

Que l'appel de la société Amiantec et de Monsieur Jean-Michel Plazy est donc recevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle :

ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Qu'en l'espèce, les appelants font grief aux premiers juges d'avoir annulé la marque Amiantec n° 3683174 déposée le 12 octobre 2009 par Monsieur Jean-Michel Plazy en classes 37,39 et 41 pour désigner des services de démolition de constructions, transport et formation en soutenant que le nom (sic) Amiantec ne peut conférer un monopole du fait de son caractère descriptif, qu'il n'est pas connu du public et qu'il n'est utilisé que dans le périmètre du 17ème arrondissement de Paris, de sorte qu'aucun risque de confusion ne peut exister entre les signes Amiantec et la dénomination sociale Amiantech de la société intimée ;

Qu'au contraire, cette dernière se prévaut de la similitude entre les signes et les secteurs économiques concernés ainsi que du caractère distinctif du signe Amiantech, pour soutenir qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public entre la marque et la dénomination sociale incriminées, d'une part, et sa dénomination sociale, d'autre part ;

Considérant, ceci exposé, que le caractère distinctif d'une dénomination sociale n'est pas une condition du succès de l'action en concurrence déloyale mais seulement un critère éventuel d'appréciation de la faute et du risque de confusion dans l'esprit du public entre l'activité des entreprises concernées et/ou les produits et services visés au dépôt de la marque incriminée, et l'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause ;

Qu'en l'espèce, il a été dit que la SARL Amiantech exerce une activité de désamiantage, déplombage et curage depuis le 14 janvier 2008 sous cette dénomination et ce nom commercial et que la SAS Amiantec a pour activité depuis le 26 avril 2010 la " concession d'une franchise relative aux prestations liées au désamiantage, assistance et formation relatives à l'objet social " tandis que Monsieur Jean-Michel Plazy a déposé le 12 octobre 2009, la marque verbale française Amiantec n° 3683174 pour désigner en classes 37, 39 et 41 des services de " démolition de constructions, transport et formation " ;

Que, visuellement, la marque " Amiantec " ne se distingue du signe antérieur Amiantech que par la lettre finale " H " qui n'a aucune incidence sur le plan phonétique, de sorte que les signes se prononcent de la même manière ;

Que conceptuellement, les deux signes évoquent l'amiante et le procédé technique en relation avec celle-ci, et seront spontanément associés au désamiantage ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a retenu qu'il existe une très forte similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes litigieux, ce que d'ailleurs les appelants ne contestent pas ;

Considérant que ces derniers, qui ont déposé et exploitent la marque Amiantec, sont particulièrement mal fondés à contester la distinctivité du signe Amiantech, laquelle, en tout état de cause, n'est pas une condition du succès de l'action en concurrence déloyale mais seulement, comme il a été dit, un critère éventuel d'appréciation de la faute et du risque de confusion dans l'esprit du public entre, d'une part, l'activité de la société appelante et les produits et services visés au dépôt de la marque déposée par Monsieur Plazy et, d'autre part, l'activité exercée par la société intimée ;

Considérant que la marque verbale " Amiantec " a été déposée en classes 37, 39 et 41 pour désigner des services de " démolition de constructions, transport et formation " et la société Amiantec a comme activité déclarée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulon la " concession d'une franchise relative aux prestations liées au désamiantage, assistance et formation relatives à l'objet social " et se présente sur son site internet comme le " 1er réseau national de désamiantage " ;

Que si le terme " Amiantech " est évocateur de l'amiante et des techniques en relation avec l'amiante, le néologisme ainsi créé n'en reste pas moins de nature à identifier la provenance des services fournis par la société intimée ;

Que les services concernés par les signes en cause sont donc similaires voire identiques ; que la société Amiantech qui est inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Melun sous cette dénomination dispose d'un établissement secondaire à Lyon inscrit sur son extrait d'immatriculation, et exerce son activité sur l'ensemble du territoire français y compris par internet ;

Qu'il convient, en outre, de relever que le nom commercial Amiantech est également inscrit sur son extrait d'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la similarité et/ou l'identité des services couverts par les signes opposés, alliée à la forte ressemblance entre eux, conduira le public concerné à se méprendre sur l'origine respective de ces services, ce d'autant que la SAS Amiantec dispose d'un réseau de partenaires, et quand bien même elle utiliserait la marque déposée par Monsieur Plazy avec un logo ;

Que les atteintes à la dénomination sociale antérieure de la société intimée sont donc constituées tant par le dépôt de la marque Amiantec que par l'usage de la dénomination sociale Amiantec, étant relevé qu'aucune demande n'est formée au titre de son nom commercial par la société Amiantech ;

Que le jugement dont appel doit dès lors être confirmé en ce qu'il a, en application combinée des articles L. 711-4 et L. 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, déclaré nul l'enregistrement de la marque française Amiantec n° 3683174 déposée par Monsieur Jean-Michel Plazy le 12 octobre 2009 et fait interdiction à la société Amiantec SAS de poursuivre l'utilisation du signe Amiantec à titre de dénomination sociale ;

Considérant que le préjudice de la société intimée est constitué des atteintes portées à sa dénomination sociale depuis 2010 ; que la société Amiantech justifie en outre, sinon de la confusion avérée de deux de ses fournisseurs, en tous cas d'interrogations de leur part sur la coexistence des deux dénominations Amiantec et Amiantech ;

Qu'en considération de ces éléments, il sera alloué à la société intimée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues, le jugement étant réformé de ce chef ;

Qu'en outre, et à titre d'indemnisation supplémentaire, il sera fait droit à la demande de publication telle que définie au dispositif du présent arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec, parties perdantes, aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Qu'en outre, ils doivent être condamnés à verser à la SARL Amiantech, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme totale de 6 000 euros.

Par ces motifs : Constate que l'appel de Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec est recevable ; Confirme le jugement rendu entre les parties le 10 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a déclaré nul l'enregistrement de la marque française Amiantec n° 3683174 et fait interdiction à la SAS Amiantec de poursuivre l'utilisation du signe Amiantec à titre de dénomination sociale ; L'infirme pour le surplus et y ajoutant ; Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil du site Internet de la société Amiantec accessible à l'adresse http://www.amiantec.com pendant une durée de 1 mois, le texte devant s'afficher en caractères lisibles taille 12, police Arial, et être précédé de la mention AVERTISSEMENT JUDICIAIRE, en lettres majuscules et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours après signification du présent arrêt ; Condamne in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à payer à la SARL Amiantech la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'atteinte à sa dénomination sociale ; Condamne in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à payer à la SARL Amiantech la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum Monsieur Jean-Michel Plazy et la SAS Amiantec à payer à la SARL Amiantech aux entiers dépens qui seront recouvrés par son conseil conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.