CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 12 mai 2016, n° 14-05627
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Oleronautic (SAS)
Défendeur :
Atlantique Bail (Sté), Brunswick Marine In France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fourniel
Conseillers :
M. Franco, Mme Brisset
Avocats :
Mes Leconte, Lefèvre, Garrigues, Peltier, Barthelemy Maxwell, Wickers, Chalopin, Puybaraud, Theret
FAITS ET PROCEDURE :
Le 26 octobre 2007, les époux Jean Bernard X - Monique Y ont conclu avec la société anonyme Banque Populaire Atlantique, département Atlantique bail (la société Atlantique bail), un contrat de location avec option d'achat d'une durée de 60 mois, portant sur un navire à moteur neuf de marque Quicksilver, type 700 Week end, vendu au crédit-bailleur pour un prix de 61 000 euro TTC par la société par actions simplifiée Exmar-Sorlut marine (la société Exmar), qui l'avait elle-même acquis, selon facture du 28 septembre 2007, de la société anonyme Brunswick Marine In France (la société Brunswick Marine), importatrice en France. Le bateau a été livré aux locataires le 12 mars 2008 à Hendaye (64).
Se plaignant de divers désordres, les époux X, ont obtenu, par ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de La Rochelle du 7 avril 2009, la mise en œuvre d'une expertise, confiée à Philippe V., lequel a déposé son rapport le 10 décembre 2009.
Au mois de mai 2010, les époux X ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de La Rochelle les sociétés Exmar et Brunswick Marine, ainsi que la société Atlantique bail, pour obtenir la résolution de la vente et l'octroi de dommages et intérêts, en invoquant des non-conformités relevées par l'expert judiciaire et des fautes de négligence de la venderesse et de l'importateur.
Par jugement du 7 septembre 2011, le tribunal, après avoir précisé que les époux X avaient qualité pour exercer à l'encontre du vendeur, pendant la durée de la location, tous les recours et actions relatifs à la conformité et à la garantie du navire, a indiqué qu'il résultait des constatations de l'expert judiciaire que le bateau était affecté de nombreuses non-conformités, dont l'une qualifiée de dangereuse, ce dont il a conclu que les vendeurs successifs avaient manqué à leur obligation de délivrance au sens de l'article 1604 du Code civil et que les crédit-preneurs étaient fondés à obtenir la résolution de la vente, en application de l'article 1610 du même Code, ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices. Il a ajouté que les non-conformités relevées étaient préexistantes à la vente consentie par la société Brunswick Marine à la société Exmar, de sorte qu'il convenait de prononcer également la résolution de cette convention.
En conséquence, dans le dispositif de sa décision, après avoir rejeté une fin de non-recevoir soulevée par la société Exmar et relative à la recevabilité de l'action, le tribunal a prononcé la résolution de la vente conclue entre cette société et la société Atlantique bail. Il a condamné la société Exmar à restituer à la société Atlantique bail le prix de vente d'un montant de 61 380 euro, à charge pour le crédit-bailleur de rembourser aux époux X les échéances des loyers dont ils s'étaient acquittés. Il a condamné solidairement les sociétés Exmar et Brunswick Marine à payer aux époux X les sommes de 3 625,81 euro en réparation de leur préjudice matériel, de 5 000 euro en réparation de leur préjudice de jouissance et de 4 500 euro au titre de leurs frais irrépétibles. Il a condamné solidairement les deux sociétés précitées à payer à la société Atlantique bail les sommes de 3 776,54 euro au titre d'une perte d'intérêts et de 1 000 euro au titre de ses frais irrépétibles. Il a par ailleurs prononcé la résolution de la vente conclue entre la société Brunswick Marine et la société Exmar, et a condamné celle-là à restituer à celle-ci le prix de vente d'un montant de 38 158,37 euro et à la garantir des condamnations prononcées contre elle en dommages et intérêts, au titre de la perte d'intérêts et en frais irrépétibles, ainsi qu'à lui payer une somme de 2 000 euro à ce dernier titre. Enfin, il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la société Brunswick Marine aux dépens.
Par arrêt du 15 février 2013, la Cour d'appel de Poitiers, statuant sur l'appel de la société Brunswick Marine, a indiqué qu'il résultait des investigations de l'expert que le navire présentait des désordres d'ordre technique entraînant des non-conformités et que, par suite, c'était à bon droit que le tribunal avait prononcé, sur le fondement de l'article 1610 du Code civil, la résolution de la vente conclue entre la société Exmar et la société Atlantique bail. Elle a en revanche estimé qu'il n'était pas établi que les désordres aient préexisté à la vente conclue entre la société Brunswick Marine et la société Exmar, de sorte que c'était à tort que les premiers juges avaient prononcé la résolution de cette convention.
En conséquence, dans le dispositif de sa décision, la cour a confirmé le jugement en ce qui concernait la recevabilité de l'action, la résolution de la vente consentie par la société Exmar à la société Atlantique bail et la condamnation de la société Exmar à restituer le prix à la société Atlantique bail ainsi qu'à payer une somme de 4 500 euro aux époux X au titre de leurs frais irrépétibles. Infirmant pour le surplus, elle a débouté les époux X et la société Exmar de leurs demandes dirigées contre la société Brunswick Marine et a condamné la société Exmar à payer aux époux X les sommes de 2 128,77 euro au titre des frais de stationnement portuaire, de 455 euro au titre de l'assurance du bateau, de 1 317,60 euro au titre du carénage, de 374 euro au titre de la vidange et de 7 300 euro au titre de la privation de jouissance, outre une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle a condamné la société Exmar à payer à la société Brunswick Marine une somme de 2 000 euro en application du même texte. Elle a constaté que, devant elle, la société Atlantique bail ne sollicitait plus l'indemnisation de son préjudice financier. Elle a dit que le navire serait restitué à la société Brunswick Marine par les époux X, sans frais pour eux, et que la société Atlantique bail le restituerait à la société Exmar aux frais de celle-ci. Elle a précisé que les échéances versées qui seraient remboursées par la société Atlantique bail aux époux X selon le jugement confirmé le seraient en principal, intérêts et frais. Enfin, elle a condamné la société Exmar aux dépens de première instance et d'appel, en ce inclus les frais de l'expertise judiciaire.
Par arrêt du 4 juin 2014, la Cour de cassation, première Chambre civile, saisie sur pourvoi de la société Exmar (pourvoi n° 13-16.333), statuant d'abord au visa des articles 1184 et 1610 du Code civil, après avoir rappelé que " pour prononcer la résolution de la vente conclue entre la société Exmar et la société Atlantique bail, l'arrêt retient que, parmi les réparations et mise en conformité légitimement réclamées par M. et Mme X, plusieurs n'étaient toujours pas effectuées au moment des opérations d'expertise réalisées en 2009, en ce compris certaines non-conformités présentant des risques pour la navigation ", a dit " qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que, le 18 août 2009, l'expert avait informé M. et Mme X qu'ils pouvaient utiliser le bateau, le réducteur-inverseur permettant l'utilisation des marches avant et arrière ayant été remplacé, sans décrire les non-conformités qui subsistaient au jour de la décision, dont la gravité était suffisante pour justifier la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ".
Statuant ensuite au visa de l'article 1147 du Code civil et du principe de la réparation intégrale, la Cour a dit que " l'arrêt retient, pour condamner la société Exmar à rembourser à M. et Mme X diverses sommes au titre des frais de carénage, de vidange, d'assurance et de stationnement portuaire du bateau, que ces frais ne peuvent rester à la charge des acheteurs, dès lors que ces derniers les ont acquittés, en dépit de l'impossibilité de se servir du bateau, respectant ainsi les préconisations de l'expert, et, pour la condamner à réparer le préjudice de jouissance subi par les acheteurs, que la demande formée à ce titre ne fait pas double emploi avec les chefs de préjudice ci-dessus indemnisés ", a dit " qu'en se déterminant par de tels motifs, sans préciser en quoi la réparation du préjudice de jouissance ne faisait pas double emploi avec celle des frais de carénage, de vidange, d'assurance et de stationnement portuaire du bateau, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ".
En conséquence, la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 15 février 2013 et a renvoyé la cause et les parties devant la présente Cour.
Par déclaration de saisine du 20 août 2014, la société Exmar a saisi la Cour d'appel de Bordeaux ; cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 14/5039. Le 30 septembre 2014, la société par actions simplifiée Oléronautic, venant aux droits de la société Exmar à la suite d'une fusion-absorption du 25 juillet 2014, a formé une nouvelle déclaration de saisine qui a été enrôlée sous le numéro RG 14/5627. Ces deux déclarations ont été jointes sous le numéro RG 14/5039 par mention au dossier du conseiller de la mise en état du 2 octobre 2014.
Par arrêt du 5 mars 2015, la Cour de cassation a rappelé que dans son arrêt du 4 juin 2014, elle avait cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers du 15 février 2013, " alors que, en page 2 de son arrêt, la Cour de cassation avait donné acte à la société Exmar du désistement de son pourvoi, en ce qu'il était dirigé contre la société Brunswick Marine in France ". En conséquence, elle a partiellement rabattu son arrêt du 4 juin 2014 et, rectifiant le dispositif de cette décision, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, " sauf en ce qu'il a débouté la société Exmar de sa demande à l'encontre de la société B. ", et a renvoyé la cause et les parties devant la présente cour.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société Oléronautic, venant aux droits de la société Exmar, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de toutes ses demandes dirigées contre la société Brunswick Marine. Sur le fond, elle conclut à la réformation du jugement et au rejet de toutes les prétentions des époux X, au motif que le bateau a été accepté sans réserve, que les désordres qui sont apparus ultérieurement ont été pour la plupart réparés, et que ceux qui subsistaient à la date à laquelle le tribunal a statué étaient mineurs, ne rendaient pas le navire impropre à la navigation et étaient par suite d'une gravité insuffisante pour justifier le prononcé de la résolution de la vente, tant sur le fondement tant d'un prétendu manquement à l'obligation de délivrance que sur celui de la garantie légale des vices cachés. Elle sollicite la condamnation de la société Atlantique bail à lui restituer le prix de vente, soit la somme de 61 380 euro, indique être en mesure de restituer le navire aux époux X, et demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engage à le faire dans les meilleurs délais à compter de la décision à intervenir. A titre subsidiaire, elle soutient que les époux X ne justifient d'aucun préjudice indemnisable et conclut à la réformation du jugement en ce qui concerne la condamnation au paiement de dommages et intérêts prononcée contre la société Exmar et au rejet des demandes d'indemnisation. En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation des époux X aux dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les époux X indiquent que le navire présentait de nombreux défauts techniques qui ont été constatés par l'expert et dont certains ont persisté après la fin de l'expertise. Ils ajoutent que d'autres ont été révélés postérieurement au dépôt du rapport du technicien. Ils soutiennent que le bateau ayant été acheté neuf, ainsi que cela était précisé sur le bon de commande, de tels défauts constituent un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d'une chose conforme à ce qui avait été commandé. Ils prient en conséquence la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente sur le fondement des articles 1184 et 1604 du Code civil, et, à titre subsidiaire, de prononcer cette résolution pour vices cachés, sur le fondement des articles 1641 et suivants du même Code, en conséquence de dire que la société Oléronautic sera tenue de restituer à la société Atlantique bail le prix d'achat du navire, de condamner la société Atlantique bail à leur restituer la somme de 60 534,40 euro, représentant le total des loyers acquittés par eux, de constater qu'ils justifient avoir déjà procédé à la restitution du bateau en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, de condamner in solidum les sociétés Atlantique bail et Brunswick Marine à leur payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :
- 8 272 euro au titre du stationnement portuaire
- 2 155 euro au titre de l'assurance
- 1 317,60 euro au titre du carénage
- 374 euro au titre des frais de vidange
- 106 400 euro au titre de la privation de jouissance
- 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
de les condamner en outre in solidum aux dépens de référé, de première instance, d'appel et de cassation, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et de débouter la société Atlantique bail de toutes ses demandes à leur encontre. A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement sur la résolution de la vente, ils demandent à la cour, d'une part de dire que faute pour la société Oléronautic de justifier de la situation actuelle du navire, la restitution ne pourrait se faire qu'en équivalent, conformément à la valeur d'achat du bien, et que par compensation, eux-mêmes ne seraient plus redevables d'aucune somme, d'autre part de statuer ce que de droit sur les dépens.
La société Atlantique bail conclut à titre principal à la confirmation du jugement, en demandant à la cour de condamner la société Oléronautic à supporter la totalité des dépens et à lui payer une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, en cas de réformation et de rejet de la demande de résolution de la vente, elle prie la cour de condamner les époux X à lui payer le somme de 61 380 euro, montant du prix du navire qu'elle a restitué à la société Exmar en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, de condamner la société Oléronautic à lui restituer le bateau, de dire que les époux X seront tenus de reprendre le paiement des échéances du contrat de crédit-bail, de les débouter de toutes leurs demandes à son encontre, d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer son préjudice en recherchant notamment la valeur du bien restitué et sa valeur de location possible, de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer aux époux X l'indemnisation du préjudice qui pourrait résulter de la réformation du jugement, et de les condamner à lui payer une somme de 3 000 euro au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
La société Brunswick Marine soutient à titre principal que la société Exmar s'étant désistée de son pourvoi en cassation en ce qu'il était dirigé contre elle, la société Oléronautic, venant aux droits de cette société, ne pouvait plus l'attraire devant la cour de renvoi. Elle prie en conséquence celle-ci de constater l'irrecevabilité de sa mise en cause, de prononcer sa mise hors de cause et de condamner la société Oléronautic à lui payer une somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, sur le fond, elle conclut à la réformation du jugement, au rejet de la demande de résolution de la vente et des demandes dirigées contre elle, sollicitant la condamnation des époux X aux dépens et celle de la société Oléronautic à lui payer une somme de 5 000 euro au titre de ses frais irrépétibles.
DISCUSSION :
1°) Sur la procédure :
Dans son arrêt du 4 juin 2014, la Cour de cassation a indiqué : " Donne acte à la société Exmar du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre la société Brunswick Marine " (page 2). Les époux X n'ayant formé aucun pourvoi principal ou incident contre l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, il résulte de ce qui précède qu'en raison du désistement de pourvoi de la société Exmar, cet arrêt est devenu irrévocable en toutes ses dispositions relatives à la société Brunswick Marine. Il s'ensuit, quelles qu'aient pu être les rédactions successives du dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation, d'une part que la société Oléronautic, venant aux droits de la société Exmar, était irrecevable à attraire la société Brunswick Marine devant la présente Cour de renvoi, d'autre part que les époux X sont irrecevables à présenter des demandes contre cette société devant cette Cour, puisqu'ils ont été déboutés de manière définitive de leurs prétentions à l'encontre de cette partie. Il y a donc lieu de constater cette double irrecevabilité et de mettre la société Brunswick Marine hors de cause.
2°) Sur la demande de résolution de vente :
Selon l'article 1603 du Code civil, le vendeur " a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend ". La délivrance, définie aux articles 1604 et suivants, consiste en la mise à la disposition de l'acheteur d'une chose conforme à ce qui avait été convenu. L'inexécution de cette obligation est sanctionnée par les articles 1184, 1610 et 1611, qui prévoient la possibilité, pour le juge, de prononcer la résolution de la vente, en cas d'inexécution suffisamment grave, et d'accorder des dommages et intérêts à l'acheteur. Par ailleurs l'article 1641 du Code civil énonce que " le vendeur est tenu à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ". En cas d'un tel vice, l'acheteur peut rendre la chose, s'en faire restituer le prix et obtenir des dommages et intérêts, ainsi qu'il est dit aux articles 1644 et 1645.
En l'espèce, l'expert judiciaire, dont les constatations et conclusions ne font l'objet d'aucune contestation, a indiqué que le navire litigieux " n'est atteint ni d'un vice ni d'un défaut de conception (...), les essais en mer du 26.10.2009 l'ont confirmé. Par contre il présentait des désordres d'ordre technique entraînant des non-conformités " (page 13, dernier paragraphe de son rapport). Il a ajouté que " de nombreuses imperfections ont émaillé la vie de ce navire depuis sa livraison, imperfections pour certaines remettant en cause la sécurité du navire " (idem, page 15, paragraphe 1).
Le détail de ces désordres et imperfections, mentionné aux pages 5 et 6 du rapport du technicien, est le suivant :
1 - réservoir d'eau douce percé, entraînant la présence d'eau dans la cale ;
2 - antenne incorporée dans le cockpit ne permettant pas une réception normalement audible de la modulation de fréquence ;
3 - défaut de fonctionnement du voyant de préchauffage, désordre qualifié de " problème d'importance " par l'expert (page 5 de son rapport) ;
4 - absence de certification, par le vendeur, du bon état du presse-étoupe de ligne d'arbre, assurant l'étanchéité du navire avec la mer ;
5 - défaut de fonctionnement occasionnel de l'inverseur-réducteur commandant les marches avant et arrière du bateau, qui se serait produit notamment le 24 août 2008 à Zumaia (Espagne), provoquant une légère avarie à la coque de l'embarcation qui aurait heurté un ponton, ainsi que lors du retour vers Hendaye, défaut dont l'expert a indiqué qu'il remettait en cause la sécurité du navire (page 15, paragraphe 1 de son rapport) ;
6 - déformation de la tringle à rideau, de mauvaise qualité ;
7 - légers défauts affectant le pare-brise avant (rayures et vitesse de balayage du balai bâbord insuffisante) ;
8 - défauts affectant les coffres arrière (mauvais positionnement et mauvais fonctionnement des serrures, mauvaise étanchéité des coffres) ;
9 - placage du coffre latéral bâbord présentant des imperfections ;
10 - verrouillage du sabord coulissant tribord fendu ;
11 - défaut de fonctionnement du guindeau électrique (doigt-guide désemparé et un ressort cassé), dont l'expert a précisé qu'il remettait en cause la sécurité du navire (page 15, paragraphe 1 de son rapport) ;
12 - absence d'antifouling sur l'avant de la carène du bateau, sur une hauteur d'une quinzaine de centimètres.
Le technicien a relevé en outre, au cours de ses opérations :
13 - un faïençage du gelcoat sur tribord, au-dessus du sabord, et un fendillement de ce même gelcoat en deux endroits sur bâbord arrière (page 7 de son rapport) ;
14 - un pied de table endommagé lors d'une intervention (idem, page 13) ;
15 - les clapets vide-vite à reprendre, en raison d'une "réalisation " artisanale " des joints d'étanchéité tubulures" (idem).
Il résulte du rapport de l'expert qu'après de multiples interventions qui se sont déroulées tout au long des opérations d'expertise, il a été remédié à la plupart des défauts susmentionnés. Les époux X précisent que lors de la saisine du tribunal, ne subsistaient plus que les cinq problèmes suivants :
1 - le défaut de réception de la modulation de fréquence,
2 - le remplacement de la tringle à rideaux,
3 - la reprise du pied de la table,
4 - celle des clapets vide-vite
5 - et celle des défauts du gelcoat, le technicien ayant indiqué que ces trois derniers points, qui avaient fait l'objet d'une première intervention en cours d'expertise, " devront être repris d'une manière bien plus professionnelle " (page 13 de son rapport).
Si l'expert, qui n'est pas un spécialiste du droit, a regroupé tous les défauts susmentionnés sous le terme général de "non-conformités" (page 13, dernier paragraphe de son rapport), en ajoutant que le navire n'était pas atteint d'un vice (idem), il ressort cependant de ses constatations qu'il n'existe en l'espèce aucun défaut de conformité au sens des articles 1604 et suivants du Code civil. En effet, la société Exmar a délivré aux époux X un navire de la marque et du type commandé, présentant les performances attendues, ainsi que l'a noté l'expert ("les relevés de Vitesse/Puissance/Consommation - carène propre - effectués lors des essais en mer le démontrent" : page 12, paragraphe 3 de son rapport) et qui était équipé des éléments ayant fait l'objet d'une demande spéciale, portée sur le bon de commande, telle que l'antenne de télévision. Si certains de ces éléments se sont révélés défectueux à l'usage, ces défauts constituent des vices cachés, au sens de l'article 1641 du Code civil, et non des défauts de conformité. Il s'ensuit que la jurisprudence invoquée par les époux X et relative aux défauts apparents affectant une chose neuve n'est pas applicable en l'espèce, les désordres notés par l'expert consistant en des défauts de fonctionnement apparus en cours d'utilisation ou en des malfaçons réalisées lors de travaux de reprise. C'est donc à tort que le tribunal a prononcé la résolution de la vente sur le fondement des articles 1604 et 1610 du Code civil. Il convient de réformer sa décision sur ce point.
En ce qui concerne la demande de résolution de la vente pour vices cachés, il convient de noter que l'essentiel des défauts relevés par l'expert judiciaire a été réparé au cours des opérations d'expertise, en particulier les trois désordres les plus graves, à savoir le défaut de fonctionnement du voyant de préchauffage, les pannes affectant de manière occasionnelle l'inverseur-réducteur et le défaut de fonctionnement du guindeau électrique, ainsi que le technicien l'a précisé aux pages 9 (pour le moteur) et 8 et 10 de son rapport (pour ce qui est de l'inverseur-réducteur et du guindeau, lesquels ont été remplacés le 18 août 2009). A la suite de ces réparations, l'expert a procédé à des essais en mer le 26 octobre 2009, au terme desquels il a estimé que le navire ne présentait ni vice ni défaut de conception, admettant ainsi implicitement qu'il était à nouveau apte à la navigation, sans risque pour ses utilisateurs. Dans la mesure où les cinq défauts subsistant lors de la saisine du tribunal étaient minimes et ne compromettaient pas l'usage de la chose vendue, même si le technicien a indiqué que ceux, d'étendue très limitée, affectant le gelcoat " provoqueraient à terme des infiltrations d'eau entraînant un pourrissement du stratifié de polyester " (page 7 de son rapport), la preuve de vices cachés d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution de la vente n'est pas rapportée.
Pour solliciter néanmoins la résolution du contrat, les époux X exposent que postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, un fusible, qui n'était pas un fusible de navire, a "littéralement fondu sur le tableau électrique" (pages 11 de leurs dernières écritures du 12 février 2016), que le bateau a fait l'objet d'une campagne de rappel de la part de la société Brunswick Marine, en raison d'un défaut de fabrication affectant l'interrupteur du guindeau électrique et entraînant "un faible risque d'incendie" (lettre de la société Brunswick Marine à Jean Bernard X du 18 octobre 2012 : pièce 21 des époux X), et que le 4 octobre 2013, la Commission européenne a confirmé la notification du rappel du navire en raison de défauts affectant le circuit électrique du commutateur du guindeau, ladite alerte précisant que " cette non-conformité, concernant la protection et la lutte contre l'incendie, peut présenter un risque grave pour l'usager " (idem, pièce 22).
Pour justifier du défaut qui aurait affecté un fusible du tableau électrique, les époux X communiquent une simple photo non datée (pièce 20 de leur production), qui, en l'absence de tout commentaire d'un technicien, ne démontre pas l'existence d'un quelconque vice caché. Quant aux deux rappels des mois d'octobre 2013 et 2014, ils concernent manifestement l'un et l'autre des défauts de fabrication affectant le circuit électrique de commande du guindeau. Dans sa lettre du 18 octobre 2012, la société Brunswick Marine propose le remplacement de l'interrupteur défectueux. Dans son alerte du 4 octobre 2013, réitérée le 18 août 2014, la Commission européenne préconise une absence d'utilisation du guindeau tant que le commutateur n'aura pas été changé. Ces éléments caractérisent certes un vice caché du navire, mais la possibilité d'y remédier par une simple réparation que l'importateur offre de prendre à sa charge, en remboursant au revendeur le coût de son éventuelle intervention (lettre précitée du 18 octobre 2012). La gravité du vice et son incidence sur l'usage du bateau ne sont donc pas d'une importance suffisante pour entraîner la résolution de la vente. Il convient en définitive de débouter les époux X de leur demande principale.
En conséquence du rejet de la demande de résolution, il y a lieu de réformer le jugement en le surplus de ses dispositions et de dire que la société Oléronautic, qui déclare avoir conservé le navire " en bon père de famille " jusqu'à la solution définitive du litige (page 13, paragraphe 4 de ses dernières écritures du 16 février 2016), devra restituer ce bien à la société Atlantique bail, qui en redevient propriétaire, et que cette société devra lui restituer le prix de vente qu'elle a reçu en exécution de l'arrêt cassé, soit la somme de 61 380 euro, qui ne fait l'objet d'aucune contestation. De leur côté, les époux X devront rembourser à la société Atlantique bail les échéances des loyers dont ils s'étaient acquittés et qui leur ont été reversées à la suite de l'arrêt cassé, et, dans l'hypothèse où ces échéances ne représenteraient pas la totalité de celles dues en vertu du contrat de location avec option d'achat, reprendre le paiement des loyers restant à courir jusqu'au terme de cette convention, étant précisé que dans ce dernier cas, la société Atlantique bail devra leur restituer le navire litigieux. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise de la société Atlantique bail, ni de donner acte à cette société de ce qu'elle se réserve le droit de réclamer aux époux X l'indemnisation du préjudice qui pourrait résulter de la réformation du jugement. En effet, l'action en résolution introduite par les intéressés, même si elle n'est pas reconnue fondée, n'a pas constitué un abus dans l'exercice du droit d'agir en justice et n'a présenté aucun caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité civile de ses auteurs.
3°) Sur la demande de dommages et intérêts :
Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que si le navire litigieux ne présentait pas de défauts de conformité au sens de l'article 1604 du Code civil, il était affecté de nombreuses imperfections techniques, dont deux au moins compromettant sa sécurité et interdisant son utilisation jusqu'à reprise. Par ailleurs, s'il est vrai que les réparations nécessaires ont en définitive été réalisées, ne laissant subsister que cinq points mineurs n'empêchant pas l'usage du navire, le technicien a noté que les interventions des différentes entreprises concernées avaient été particulièrement difficiles à obtenir, peut-être parce que la société Exmar, qui a son siège social sur l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, n'a pas fait appel à des intervenants sur Hendaye suffisamment diligents. Quoi qu'il en soit, les époux X n'ont pu utiliser leur bateau entre le mois d'août 2008, date de la première manifestation du dysfonctionnement de l'inverseur-réducteur à Zumaia, et le 27 octobre 2009, lendemain des essais en mer réalisés par l'expert.
En revanche, bien que les intéressés affirment avoir cessé d'utiliser leur navire à partir du 24 août 2008 (pages 2 de leurs dernières écritures), il a été constaté, lors d'une expertise non contradictoire réalisée à leur demande le 6 octobre 2008 par le cabinet AEC, que le nombre d'heures de navigation affiché au compteur était de 56,30 (pièce 8, page 4 de leur production), alors que dans le procès-verbal de constat, dressé à la requête de la société Exmar le 31 octobre 2013 avant restitution du bateau en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, l'huissier a noté que le compteur mentionnait 227,50 heures de navigation (pièce 6 de la société Atlantique bail, page 3, dernier paragraphe). Il apparaît ainsi que postérieurement à la réalisation des réparations effectuées au cours des opérations d'expertise, les époux X ont utilisé leur navire pendant un peu plus de 171 heures. Pascal B., expert maritime présent lors du second constat, ayant indiqué que la moyenne annuelle de navigation avec un navire de ce type était de 25 à 35 heures (pièce précitée, page 4, paragraphe 1), ce qui n'est pas contesté par les époux X, il apparaît ainsi qu'entre la fin des opérations d'expertise et la restitution du bien, les intéressés ont bien navigué, contrairement à ce qu'ils prétendent, et ceci pendant un nombre d'heures annuel supérieur à la moyenne.
Compte tenu de ce qui précède, la cour ne retiendra qu'une privation de jouissance de quatorze mois, qui sera indemnisée par une somme de 5 000 euro. A ce chef de dommage, il convient d'ajouter les frais de stationnement portuaire exposés en pure perte pendant cette période que l'expert a arrêtés à la somme de 1 788,75 euro, mais non les frais d'assurance, qui étaient en tout état de cause nécessaires à la conservation du bien, ni ceux de carénage et d'entretien du moteur (vidange), qui incombent normalement à l'utilisateur, ainsi que le technicien l'a précisé à la page 14 de son rapport, et qui étaient également nécessaires à la conservation du bien. Il convient en conséquence de condamner la société Oléronautic au paiement d'une indemnité totale de 6 788,75 euro.
4°) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société Exmar ayant attrait à tort devant la présente Cour la société Brunswick Marine, alors qu'elle s'était désistée de son pourvoi en ce qu'il était dirigé contre cette société, la société Oléronautic, venant à ses droits, sera condamnée aux dépens d'appel de cette partie. Par ailleurs dans la mesure où l'expertise judiciaire a été nécessaire pour établir les nombreux défauts affectant le navire et obtenir la réparation de la plupart d'entre eux, le coût de cette mesure d'instruction sera mis à la charge exclusive de la société Oléronautic. Le surplus des dépens de première instance et d'appel, y compris les dépens de l'arrêt cassé sur lesquels la cour de renvoi a l'obligation statuer, conformément aux dispositions de l'article 639 du Code de procédure civile, sera supporté dans la proportion d'un quart par la société Oléronautic, qui succombe partiellement dans ses prétentions, et à concurrence des trois quarts par les époux X, qui succombent dans l'essentiel de leurs réclamations.
Il serait inéquitable que la société Brunswick Marine, qui a été attraite à tort devant la présente Cour de renvoi, conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle à cette occasion ; il y a lieu de condamner la société Oléronautic à lui payer une somme de 3 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile. Compte tenu de la répartition de la charge des dépens, aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application de ce texte au profit des autres parties.
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant sur renvoi de la Cour de cassation : Donne acte à la société Oléronautic de ce qu'elle vient aux droits de la société Exmar, à la suite d'une fusion-absorption du 25 juillet 2014 ; Déclare irrecevable la mise en cause de la société Brunswick Marine devant la présente Cour de renvoi ; Déclare les époux X irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Brunswick Marine ; Met la société Brunswick Marine hors de cause ; Réforme le jugement rendu le 07 septembre 2011 par le Tribunal de grande instance de La Rochelle ; Statuant à nouveau : Déboute les époux X de leur demande de résolution de vente fondée sur les articles 1604 et 1610 du Code civil ; Les déboute de leur demande subsidiaire en résolution de vente fondée sur les articles 1641 et suivants du Code civil ; Dit que la société Oléronautic devra restituer à la société Atlantique bail le navire Quicksilver, type 700 Week end, immatriculé BA D63101 ; Dit qu'en contrepartie de cette restitution, la société Atlantique bail devra restituer à la société Oléronautic le prix de vente de ce navire, soit la somme de 61 380 euro ; Dit que les époux X devront rembourser à la société Atlantique bail les échéances des loyers dont ils s'étaient acquittés et qui leur ont été reversées à la suite de l'arrêt cassé, et, dans l'hypothèse où ces échéances ne représenteraient pas la totalité de celles dues en vertu du contrat de location avec option d'achat, reprendre le paiement des loyers restant à courir jusqu'au terme de cette convention ; Dans ce dernier cas, dit que la société Atlantique bail devra restituer aux époux X le navire Quicksilver, type 700 Week end, immatriculé BA D63101 ; Déboute la société Atlantique bail de sa demande d'expertise et de sa demande de donner acte ; Condamne la société Oléronautic à payer aux époux X une somme de 6 788,75 euro à titre de dommages et intérêts ; Déboute les époux X du surplus de leurs demandes ; Condamne la société Oléronautic à payer à la société Brunswick Marine une somme de 3 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes fondées sur le texte précité ; Condamne la société Oléronautic à supporter les dépens d'appel de la société Brunswick Marine, ainsi que le frais de l'expertise judiciaire ; Fait masse du surplus des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens de l'arrêt cassé, et dit qu'ils seront supportés dans la proportion d'un quart par la société Oléronautic et à concurrence des trois quarts par les époux X ; Dit que les dépens de l'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.