CA Angers, ch. com. A, 17 mai 2016, n° 13-01620
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Perles rares (Sté), Claus (ès qual.)
Défendeur :
Groupe Pronuptia (SA), Pronuptia Professional Europe (SARL), Galactic Wedding Network Europe (SARL), Carboni (ès qual.), Lemercier (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mmes Monge, Portmann
Avocats :
Mes Langlois, Gast, Bedon, Selarl Fourgoux, associés
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2007, Mme Naïma X qui exerçait alors en nom propre une activité de vente multi-marques de robes de mariée à Strasbourg s'est rapprochée de la société Nuptialliance, exploitant à travers ses filiales, un concept de distribution de vêtements et accessoires liés à la cérémonie nuptiale sous la marque "Complicité", en vue de l'ouverture à Strasbourg d'un magasin sous l'enseigne "Complicité Paris".
Un document d'information précontractuelle (DIP) a été remis à Mme X et le 6 septembre 2007, cette dernière a signé un contrat d'affiliation avec les sociétés :
- Prudence Macé centrale (centrale d'achat et d'approvisionnement des magasins du réseau),
- Prométhéa (concessionnaire de la marque Complicité Paris, chargée de développer le concept de magasin et de vente),
- Connexia (chargée du développement et de la maintenance des logiciels de gestion des magasins du réseau),
- Concepthéa (en charge de l'aménagement des magasins),
- Nuptialliance,
pour une durée d'une année renouvelable ensuite pour une période de 4 ans.
A l'issue de cette première période d'une année, Mme Naïma X a signé, le 8 août 2008, un nouveau contrat d'affiliation, la centrale d'achat présente au contrat étant désormais la société Galactic Wedding Network Europe (GWNE).
Par avenant du 1er septembre 2008, la société Perles rares créée par Mme Naïma X est venue se substituer à elle.
Par courrier du 3 mai 2011, la société "Groupe Pronuptia" a informé la société Perles rares de ce qu'elle se prévalait d'une résiliation de plein droit du contrat en raison d'un défaut de paiement du droit d'entrée.
Le 8 juin 2011, la société GWNE a informé la société Perles rares de ce que la résiliation du contrat par une des parties emportait résiliation à l'égard de toutes les autres parties de sorte que la société Perles rares devait cesser ses commandes et restituer la marchandise qu'elle détenait.
Le 18 juillet 2011, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Perles rares et désigné Maître Guyomard en qualité d'administrateur judiciaire.
Par acte du 14 septembre 2011, Mme Naïma X, la société Perles rares et Maître Guyomard, ès qualités, ont fait assigner la société Groupe Pronuptia et la société GWNE devant le Tribunal de commerce de Laval.
Par jugement du 19 mars 2012, la procédure de sauvegarde de la société Perles rares a été convertie en redressement judiciaire, lui-même converti en liquidation judiciaire par jugement du 2 juillet 2012, Maître Claus étant désigné liquidateur judiciaire.
Par jugement du 3 juillet 2012, la société Groupe Pronuptia et la société Pronuptia Professional Europe, cette dernière venant aux droits de la société GWNE, ont été placées en redressement judiciaire, avec d'autres sociétés du groupe Pronuptia, Maître Carboni étant désigné administrateur judiciaire tandis que Maître Lemercier était désigné mandataire judiciaire.
Par acte du 3 août 2012, Maître Claus ès qualités et Mme X ont appelé Maître Carboni et Maître Lemercier, ès qualités, en intervention forcée devant le Tribunal de commerce de Laval.
Mme X et Maître Claus ès qualités ont demandé au Tribunal de prononcer la nullité du contrat d'affiliation pour dol ou, à défaut pour erreur, subsidiairement de prononcer la résolution du contrat aux torts du concédant, très subsidiairement de prononcer la résiliation du contrat aux torts du concédant et, en toute hypothèse, de condamner ce dernier au paiement de diverses sommes, selon que le contrat serait annulé, résolu ou résilié.
Mme X et Maître Claus ès qualités ont respectivement déclaré leurs créances au passif de la société Pronuptia Professionnal Europe et de la société Groupe Pronuptia.
Les parties défenderesses ont conclu au débouté et sollicité reconventionnellement l'allocation de diverses sommes.
Par jugement du 29 mai 2013, le Tribunal de commerce de Laval a condamné solidairement les sociétés Groupe Pronuptia et Pronuptia Professionnal Europe à retirer le témoignage de Mme X du site Internet Complicité.com dans les deux jours suivant la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, plafonnée à 15 000 euros, débouté Maître Claus, ès qualités et Mme X de toutes autres leurs demandes, débouté les défendeurs de toutes leurs demandes reconventionnelles, condamné in solidum, Maître Claus, ès qualités et Mme X au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Pronuptia, condamné les mêmes, in solidum, au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Pronuptia Professional Europe, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et condamné in solidum Maître Claus ès qualités et Mme X aux dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 19 juin 2013, Mme Naïma X et Maître Claus, ès qualités, ont interjeté appel de cette décision, intimant la société Groupe Pronuptia, la société Pronuptia Professional Europe, la Selarl Segard Carboni et la Selarl Guillaume Lemercier, les deux dernières ès qualités.
Les parties ont conclu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2015.
Aux termes d'un rapport qui a été adressé aux parties en vue de l'audience de plaidoirie du 26 janvier 2016, la cour a précisé que, sauf observations des parties, la cour considérera que les demandes formées au nom ou contre la société GWNE sont en réalité formées au nom ou contre la société Pronuptia Professional Europe venant aux droits de la société GWNE.
Les parties n'ont formulé aucune observation.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe
- le 6 mars 2015 pour les appelants,
- le 10 mars 2015 pour les intimés,
qui peuvent se résumer comme suit.
Maître Claus ès qualités et Mme X demandent à la cour de réformer intégralement la décision de première instance et, statuant à nouveau de :
I° - A titre principal de :
A) prononcer la nullité pour dol du contrat d'affiliation du 8 août 2008,
B) fixer solidairement la créance de Maître Claus ès qualités au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE :
- au titre des sommes indûment versées au concédant pour un total de 271 560 euros ou, à titre subsidiaire, la marge bénéficiaire réalisée par le concédant au titre du stock vendu, correspondant à 50 % des sommes précitées, somme à parfaire, soit la somme de 135780 euro
- à titre de dommages intérêts au titre du préjudice financier la somme de 755 964,80 euros ainsi détaillée:
- 603 751 euros au titre de la perte de marge commerciale,
- 140 648 euros au titre de l'emprunt destiné à l'acquisition du fonds de commerce et au financement des travaux,
- 11 658,80 euros au titre de la surfacturation révélée par l'inventaire.
C) fixer solidairement la créance de Mme X au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE à la somme de 212 775 euros ainsi détaillée :
- préjudice financier : 102 775 euros
- perte de revenus : 80 000 euros
- pertes comptables : 22 775 euros
- préjudice moral : 78 000 euros, somme à parfaire au jour de la décision à majorer de 1 000 euros par mois à compter du 19 septembre 2012,
II° - A titre subsidiaire de :
A) prononcer la résolution du contrat d'affiliation du 8 août 2008 aux torts exclusifs des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE
B) fixer solidairement la créance de Maître Claus ès qualités au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE :
- au titre des sommes indûment versées au concédant pour un total de 271 560 euros ou, à titre subsidiaire, la marge bénéficiaire réalisée par le concédant au titre du stock vendu, correspondant à 50 % des sommes précitées, somme à parfaire, soit la somme de 135 780 euro,
- à titre de dommages intérêts au titre du préjudice financier la somme de 755 964,80 euros ainsi détaillée :
- 603 751 euros au titre de la perte de marge commerciale,
- 140 648 euros au titre de l'emprunt destiné à l'acquisition du fonds de commerce et au financement des travaux,
- 11 658,80 euros au titre de la surfacturation révélée par l'inventaire.
C) fixer solidairement la créance de Mme X au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE à la somme de 212 775 euros ainsi détaillée :
- préjudice financier : 102 775 euros
- perte de revenus : 80 000 euros
- pertes comptables : 22 775 euros
- préjudice moral : 78 000 euros, somme à parfaire au jour de la décision à majorer de 1 000 euros par mois à compter du 19 septembre 2012,
III° - A titre très subsidiaire de :
A) prononcer la résiliation du contrat d'affiliation aux torts exclusivement du concédant,
B) fixer solidairement la créance de Maître Claus ès qualités au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE :
- à titre de dommages intérêts au titre du préjudice financier la somme de 755 964,80 euros ainsi détaillée :
- 603 751 euros au titre de la perte de marge commerciale,
- 140 648 euros au titre de l'emprunt destiné à l'acquisition du fonds de commerce et au financement des travaux,
- 11 658,80 euros au titre de la surfacturation révélée par l'inventaire.
- la somme de 8 000 euros au titre des devis de peinture ou subsidiairement au titre des frais avancés de travaux de peinture,
C) fixer solidairement la créance de Mme X au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE à la somme de 212 775 euros ainsi détaillée :
- préjudice financier : 102 775 euros
- perte de revenus : 80 000 euros
- pertes comptables : 22 775 euros
- préjudice moral : 78 000 euros, somme à parfaire au jour de la décision à majorer de 1 000 euros par mois à compter du 19 septembre 2012,
IV° - En tout état de cause sur les autres demandes
- débouter les intimés de toutes leurs demandes reconventionnelles,
- fixer solidairement la créance de Maître Claus ès qualités au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE à la somme de 25 000 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie sur stock versé lors de la conclusion du contrat,
- fixer solidairement la créance de Mme X et de Maître Claus ès qualités au passif des sociétés Groupe Pronuptia et GWNE pour la somme de 18 500 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,
- juger que la société Groupe Pronuptia et la société GWNE sont solidairement redevables envers l'affiliée des intérêts au taux légal sur l'intégralité des sommes demandées au titre de la présente procédure, et cela à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner l'inscription au passif de la société Groupe Pronuptia et à celui de la société GWNE de chacune des sommes obtenues au bénéfice de la société Perles rares,
- ordonner l'inscription au passif de la société Groupe Pronuptia et à celui de la société GWNE de chacune des sommes obtenues au bénéfice de Mme X
Pour répondre à la fin de non recevoir soulevée par les intimés, les appelants font observer qu'ils demandent, et n'ont n'a jamais demandé autre chose, que la nullité du contrat d'affiliation du 8 août 2008 de sorte qu'aucune irrecevabilité fondée sur l'article 564 du Code de procédure civile ne peut utilement leur être opposée.
Au soutien de la demande en nullité du contrat du 8 août 2008 pour dol, ils font valoir que Mme Naïma X ne s'est déterminée à signer ce contrat que parce qu'elle devait bénéficier de l'exclusivité sur le territoire du Bas-Rhin et de la ville de Strasbourg et ils reprochent au concédant d'avoir dissimulé à cette dernière qu'il était lui-même, avant même la signature du contrat d'affiliation, en pourparlers pour acquérir le réseau Pronuptia, ce qui allait nécessairement placer Mme X en situation de concurrence avec son concédant, un magasin Pronuptia étant ouvert à quelques mètres de sa boutique.
Mme X indique qu'aucun nouveau DIP ne lui a été remis avant la signature du contrat du 8 août 2008 et que si elle avait été informée des projets de reprise du groupe Pronuptia elle n'aurait pas contracté ou en tout cas à des conditions différentes.
Elle ajoute que le seul DIP qu'elle a reçu, soit celui qui lui a été remis en mai 2007 avant la signature du premier contrat, était lui-même insuffisant et trompeur et que, quand bien même aurait-il été sincère, il aurait dû être actualisé avant la signature du second contrat.
Pour faire la démonstration de l'insuffisance et du manque de sincérité du DIP de mai 2007 elle relève, notamment, que :
- la société Promothéa y était présentée comme franchiseur alors qu'elle n'exploitait pas le concept "Complicité" qui était en réalité exploité par la société Groupe Macé, la société Prométhéa n'apparaissant même plus dans le contrat d'août 2008,
- la société Nuptalliance était présentée comme concédant dans les contrats des 6 septembre 2007 et 8 aout 2008 alors qu'elle ne lui avait jamais été présentée,
- les derniers chiffres d'affaires du concédant n'ont pas été communiqués à Mme X lesquels lui auraient révélé que ces chiffres étaient mauvais, ce que confirme l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard du groupe Pronuptia,
- les résultats des enseignes Point Mariage et Complicité accusaient eux-mêmes une perte en 2005 qui a été dissimulée à Mme X à laquelle les comptes de la société Prométhéa, moins inquiétants, ont été présentés.
Au soutien de sa demande en nullité pour dol, Mme X reproche encore aux intimés de lui avoir faite une présentation trompeuse du réseau en présentant comme affiliées de sociétés françaises qui n'étaient que des succursales et en détaillant des sociétés affiliées à l'étranger dont une bonne partie avait disparu lors de la signature du contrat initial, le tout pour lui laisser croire qu'il existait de nombreux affiliés alors qu'en réalité il n'existait, à l'époque, aucun point de vente affilié Complicité Paris en France.
Elle ajoute qu'elle a en outre été trompée sur le concept même du contrat et investissements nécessaires.
Elle en veut pour preuve que, alors qu'il avait été prévu un délai de trois ans pour procéder aux travaux après la signature du contrat définitif, elle a finalement été contrainte d'engager de lourds travaux avant-même la signature du contrat pour une somme de l'ordre de 100 000 euros et elle fait observer que le DIP remis en 2007, aucun ne lui ayant été remis en 2008, ne faisait pas état de la nécessité d'un tel investissement, les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 et 2 du Code de commerce n'ayant ainsi pas été respectées.
Elle fait valoir qu'elle a, en réalité, servi de cobaye alors que le franchiseur avait l'obligation d'expérimenter lui-même son concept et sa méthode commerciale.
Elle note encore que le concept même de positionnement des magasins en centre-ville n'était pas respecté, les boutiques affiliées se trouvant généralement en zone commerciale.
Elle soutient encore qu'une présentation trompeuse du marché lui a été soumise, les informations chiffrées, au demeurant imprécises, qui lui ont été fournies remontant à plus de 10 ans.
Elle estime que le concédant lui a volontairement donné des informations confuses, erronées et mensongères bien loin de la présentation de l'état général et local du marché des prestations devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développements exigées par l'article R. 330-1 du Code de commerce.
Elle considère que l'ensemble de ses éléments doit conduire la cour à annuler le contrat pour dol avec effet rétroactif.
Elle demande que lui soient remboursées toutes les sommes qu'elle a versées dans le cadre du contrat : frais de formation, part acquittée du droit d'entrée, redevances versées au concédant calculées sur le chiffre d'affaires soit au total 271 560 euros.
A titre subsidiaire, elle estime qu'elle peut, à tout le moins, solliciter la marge bénéficiaire réalisée par le concédant au titre du stock vendu à 50 % des sommes précitées soient 135 780 euros.
Il est en outre demandé par la société Perle rares et par Mme X diverses sommes à titre de dommages intérêts plus haut listées.
A titre subsidiaire, pour le cas où la nullité du contrat ne serait pas prononcée, les appelants s'estiment fondés à solliciter sa résolution, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, en faisant valoir que le concédant a gravement manqué à ses obligations contractuelles en n'ayant pas assuré et garanti à Mme X l'exclusivité sur le territoire du Bas-Rhin prévue au contrat et en n'ayant pas lui-même respecté la clause d'exclusivité qui, d'une part, lui interdisait de vendre directement ou indirectement sur le territoire réservé à Mme X et qui, d'autre part, lui faisait obligation de faire respecter l'exclusivité par les autres membres du réseau.
Ils ajoutent que le DIP ne comporte pas, au mépris de la loi, le champ des exclusivités.
Ils soutiennent que le concédant a, notamment, failli à son obligation en ayant racheté plusieurs emplacements en propre dont l'un était tout proche de l'emplacement de Mme X et en ayant exploité en propre ce local.
Ils font observer que la compétitivité de la chaîne "Complicité" était issue essentiellement de sa démarcation en termes d'originalité des modèles et de compétitivité des prix ce qui lui permettait de prospérer face à des enseignes à forte notoriété telles que Pronuptia et ils soutiennent qu'en ayant racheté le groupe Pronuptia le concédant a appliqué ses techniques à ce réseau, modernisant ses collections et alignant les prix des deux réseaux, les produits vendus étant devenus les mêmes.
Ils ajoutent que le concédant a en outre mis en œuvre des moyens propres à "étrangler économiquement" son affiliée en lui livrant des robes avec beaucoup de retard ou encore en mauvais état.
Ils soutiennent que l'activité concurrentielle du concédant a provoqué une grave diminution du chiffre d'affaires de sorte que Mme X a commencé à avoir des difficultés à reverser les sommes qu'elle devait au concédant.
Ils estiment que ces manquements doivent conduire à la résolution du contrat et à remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouveraient si elles n'avaient jamais contracté, les préjudices subis par la société Perles rares et Mme X devant en outre être indemnisés.
A titre très subsidiaire, ils demandent à la cour de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du concédant à titre principal sur le fondement de la faute contractuelle en raison de la violation de la clause d'exclusivité et à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale.
La société Groupe Pronuptia, la société GWNE et Maître Lemercier et Maître Carboni, pris en leurs qualités respectives de mandataire judiciaire et d'administrateur du Groupe Pronuptia et de la société GWNE demandent à la cour, au visa des articles L. 110-4 I du Code de commerce, 1116, 1110, 1134 et 1147 du Code civil, L. 330-3, R. 330-3 et L. 442-6 du Code de commerce, de :
- constater que la demande formée par Maître Claus, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Perles rares et Mme Naïma X tendant à invoquer un dol au regard des informations précontractuelles remises en 2007 est nouvelle, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile par rapport aux prétentions soumises aux premiers juges ;
- constater que cette demande ne correspond à aucune des exceptions prévues par ce texte ;
- la déclarer, en conséquence, irrecevable, par application de l'article 564 du Code de procédure civile et en tout état de cause prescrite,
Subsidiairement,
- débouter Maître Claus, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Les perles rares et Mme Naïma X de leur appel et le dire mal fondé ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Laval du du 29 mai 2013 ;
- fixer au passif de procédure collective ouverte à l'égard de la société Les perles rares la créance du Groupe Pronuptia à la somme de 10 960 euros ;
- fixer au passif de procédure collective ouverte à l'égard de la société Les perles rares la créance de la société GWNE à la somme de 34 027,95 euros ;
- condamner Maître Claus ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Les perles rares et Mme Naïma X au paiement d'une indemnité de procédure de 15 000 euros et aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ils font en premier lieu observer que les appelants sont irrecevables, au regard des dispositions des articles 564, 565 et 566 du Code de procédure civile, à se prévaloir, pour la première fois en cause d'appel, du fait que le DIP remis préalablement à la signature du contrat d'affiliation du 6 septembre 2007 contiendrait, selon eux, des informations prétendument insuffisantes et trompeuses.
Ils ajoutent qu'en toute hypothèse l'action fondée sur le contenu du document est prescrite depuis le 20 juin 2013 en application des dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce tel qu'issu de la loi du 18 juin 2008, la demande des appelants ayant, de ce chef, été présentée par voie de conclusions en septembre 2013.
Sur le fond, ils font observer qu'ils ont remis à Mme X le 9 mai 2007 un DIP loyal qui comportait l'intégralité des éléments obligatoires prévus par les articles L. 330-3 et R. 330-3 du Code de commerce, ce document mentionnant en outre sans équivoque chacune des sociétés du groupe Macé et notamment la société Promothéa en charge du développement du concept de magasin et de vente "Complicité Paris".
Ils exposent que le DIP présentait bien la société Promothéa comme le franchiseur et la société Nuptalliance comme propriétaire de la marque complicité, le patrimoine de la société Promothéa ayant ensuite été transmis au groupe Nuptalliance avec lequel Mme X a manifesté sa volonté de poursuivre le contrat de mai 2008.
Ils contestent avoir dissimulé de mauvais chiffres d'affaires en précisant avoir communiqué en annexe du contrat les résultats de deux dernières années du franchiseur tels que disponibles alors soient ceux de 2004 et 2005.
Ils font valoir que les quelques reproches mineurs et infondés développés par les appelants relativement au contenu du DIP ne sont pas de nature à avoir vicié le consentement de Mme X et ils rappellent que le franchiseur n'a nulle obligation de fournir au candidat à la franchise une étude de marché local circonstanciée et détaillée et qu'il appartenait à la franchisée de procéder elle-même à une telle étude.
Ils précisent qu'ils n'avaient aucune obligation de communiquer à Mme X un nouveau DIP avant la signature du contrat d'affiliation d'août 2008 dès lors que ce contrat ne constituait, à l'issue d' "une année test" que la prolongation, dans des termes identiques, du contrat initial, pour quatre ans.
Ils indiquent que le groupe Nuptalliance n'avait non plus nulle obligation légale d'informer son réseau des discussions menées en vue de reprise du groupe Pronuptia et ils font observer que, dès que le rachat a été opéré, il a été porté à la connaissance de ses affiliés, dont Mme X, par un courrier du 24 juillet 2008.
Ils précisent que le DIP de 2007 mentionnait la présence d'un magasin Pronuptia dans l'environnement concurrentiel de la ville de Strasbourg et soutiennent que Mme X, qui avait été officiellement informée du rachat du groupe Pronuptia par le groupe Nuptalliance par le courrier du 24 juillet 2008 antérieur à la signature du contrat d'affiliation d'août 2008, a ainsi disposé d'un délai suffisant pour faire, en toute connaissance de cause, le choix de poursuivre le contrat d'affiliation.
Ils ajoutent que Mme X ne peut utilement soutenir qu'elle n'aurait pas signé le contrat avec le groupe Nuptalliance si elle avait eu connaissance de la reprise du groupe Pronuptia puisque, bien au contraire, elle avait elle-même, quelques jours avant la signature du contrat, demandé à exploiter la marque Pronuptia sur la ville de Strasbourg.
Ils indiquent encore que ce n'est qu'en janvier 2009 que le groupe Nuptalliance a racheté le magasin Pronuptia de Strasbourg dans des conditions qui n'ont pas porté atteinte à l'exploitation par la société Perles rares de la boutique "Complicité".
Ils rappellent qu'il existe en effet une complémentarité, et non une concurrence, entre les enseignes Pronuptia (robes haut de gamme de la seule marque Pronuptia) et Complicité (robes de moyenne gamme en provenance de huit créateurs différents), les deux concepts pouvant parfaitement coexister, comme c'est le cas dans plusieurs villes (Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse...), les tarifs proposés n'étant nullement alignés mais au contraire très différents.
Les intimés contestent avoir porté atteinte à l'exclusivité territoriale consentie à Mme X en faisant valoir que la clause d'exclusivité mise en avant par les appelants réservait précisément au concédant la possibilité de vendre, directement ou indirectement dans la zone concédée "dans des magasins d'un autre réseau dans lequel le Groupe Macé aurait des intérêts", ce qui est précisément le cas du réseau Pronuptia.
Ils précisent encore que la preuve n'est pas rapportée de ce que le concédant aurait livré des produits complicité à des clients domiciliés dans le Bas-Rhin autres que la société Perles rares.
Ils contestent que le Groupe Nuptalliance se soit engagé fermement auprès de Mme X pour qu'elle ouvre deux autres magasins "Complicité" à Paris et à Mulhouse et font observer qu'il n'avait non plus nulle obligation de racheter le fonds de la société Les perles rares.
Ils contestent également la nature et l'ampleur des problèmes de livraison allégués par Mme X et insistent sur le fait que les livraisons ont été retardées ou suspendues à compter de mars 2010 en raison de l'absence de paiement des redevances et de la moitié du droit d'entrée.
Rappelant à titre liminaire qu'ils ont résilié le contrat d'affiliation le 3 mai 2011, en application de l'article 18.2 du contrat d'affiliation, en raison du défaut de paiement des factures par la société Perles rares, ils contestent les préjudices allégués par les appelants en faisant valoir, notamment, que :
- en cas d'annulation du contrat, le franchisé ne peut être exonéré de son obligation de payer les marchandises livrées de sorte qu'aucun remboursement ne peut être sollicité de ce chef,
- les intimés ne rapportent pas la preuve d'un préjudice résultant d'un manquement du franchiseur, au demeurant non établi, à ses obligations d'information et d'exclusivité.
- les actes de diffamation allégués ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et sont prescrits au regard des dispositions de l'article 29 alinéa 1er de la loi du 19 juillet 1881.
Reprenant l'historique des facturations, règlements opérés, et correspondances entre les parties, ils soutiennent que la société Perles rares reste redevable d'une somme de 10 960 euros à l'égard du Groupe Pronuptia et de 34 027,95 euros à l'égard de la société GWNE.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité pour dol du contrat d'affiliation du 8 août 2008 en ce qu'elle est fondée sur le caractère trompeur et incomplet du DIP
Au soutien de la demande en annulation pour dol du contrat du 8 août 2008 sont invoquées diverses manœuvres dolosives au nombre desquelles il est reproché au concédant de s'être livré à des manœuvres, voire a minima à des réticences dolosives, en ayant communiqué en 2007 à Mme X un DIP trompeur et incomplet contenant des informations précontractuelles mensongères.
En réponse, les intimés concluent à l'irrecevabilité de la demande en nullité en ce qu'elle est fondée sur ce caractère trompeur et incomplet, qu'ils contestent sur le fond, en se prévalant d'une part des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile et d'autre part de la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce.
a) Sur la fin de non-recevoir tirée des dispositions des articles 564 et suivants du Code de procédure civile
Les intimées soutiennent que l'appelante est irrecevable à poursuivre la nullité du contrat litigieux en se prévalant, pour la première fois en cause d'appel, d'un défaut de sincérité et d'un caractère incomplet du document précontractuel remis en 2007.
Il convient de relever que devant les premiers juges les appelants ont sollicité l'annulation du contrat d'août 2008.
Devant la cour cette demande est inchangée et il n'est à aucun moment demandé à la cour de prononcer la nullité du contrat 6 septembre 2007.
Le fait d'invoquer pour la première fois en cause d'appel un dol résultant de défauts du DIP de 2007 ne constitue pas une prétention au sens de l'article 564 du Code de procédure mais un moyen complémentaire venant au soutien de la demande en annulation pour dol du contrat du 8 août 2008 présentée devant les premiers juges.
Or l'article 563 du Code de procédure civile prévoit précisément que, pour justifier en appel des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux.
La fin de non-recevoir soulevée, de ce chef, par les intimés sera rejetée.
b) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en nullité pour dol fondée sur le caractère incomplet et mensonger du DIP de 2007
Au visa de la prescription édictée par l'article L. 110-4 du Code de commerce les intimés soutiennent que les appelants sont irrecevables à fonder une demande d'annulation, sur un défaut de sincérité ou un caractère incomplet du document précontratuel qui avait été remis à Mme X en 2007.
Ils font valoir que la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce a commencé à courir à compter du contrat de 2007, que la loi du 19 juin 2008 est venue réduire le délai de prescription de 10 à 5 ans, que ce délai de 5 ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 en vertu des dispositions transitoires de la loi, de sorte que l'action est prescrite depuis le 20 juin 2013, la demande, en ce qu'elle est fondée sur les défauts allégués du DIP de 2007, ayant été formulée pour la première fois dans des conclusions déposées en septembre 2013.
Les appelantes ne répondent nullement sur ce point, ne faisant aucune observation sur la prescription qui leur est opposée.
La prescription étant invoquée, la cour se doit néanmoins de vérifier ses conditions d'application.
Or, la demande en nullité d'un contrat pour dol, y compris lorsque le contrat est passé entre des professionnels, apparaît assujettie aux dispositions de l'article 1309 du Code civil duquel il résulte, appliqué à la cause, que le délai de prescription de la demande en nullité pour dol fondée sur le caractère incomplet, erroné voire mensonger du DIP de 2007 tel qu'allégué, n'a couru qu'à compter de la date à laquelle Mme X a eu connaissance des défauts qu'elle prête au dit DIP.
Il convient en conséquence en application des dispositions des articles 12 et 16 du Code de procédure civile, d'inviter les parties à formuler leurs observations sur ce point.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Rejette la fin de non recevoir tirée des dispositions des articles 564 et suivants du Code de procédure civile Avant dire droit sur le surplus, Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 5 septembre 2016, Invite les parties à formuler leurs observations, par une note écrite sur le fait que : - la demande en nullité pour dol apparaît assujettie à la prescription de l'article 1309 du Code civil, - il en résulte, appliqué à la cause, que la prescription de la demande en nullité pour dol fondée sur le caractère incomplet, erroné, voire mensonger du DIP de 2007 tel qu'allégué, n'a couru qu'à compter de la date à laquelle Mme X a eu connaissance des défauts qu'elle prête au DIP.