CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 mai 2016, n° 14-03918
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
France Télévisions (SA)
Défendeur :
Colombo, Coty France (SAS), Marvalle LLC (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Moreuil, Talamon, Bouzidi-Fabre, Ponthieu, Teytaud
FAITS ET PROCÉDURE
I Le groupe International Coty est divisé en deux unités : Coty Prestige crée des parfums sous différentes marques de luxe, gère ces marques de luxe ; Coty Beauty gère les marques commercialisées au sein de la moyenne et grande distribution.
Coty Prestige bénéficie de licences exclusives dans le monde entier pour la création, le développement et la commercialisation, des marques suivantes: Bottega Veneta, Balenciaga, Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Chopard, Davidoff, Gwen Stefani, Guess, Jil Sander, Joop, Jette Joop, Jennifer Lopez, Karl Lagerfeld, Kenneth Cole, Lancaster, Marc Jacobs, Nikos, Sarah Jessica Parker, Vera Wang et Vivienne Westwood.
La filiale française de Coty, la SAS Coty France Division Prestige (la " société Coty") commercialise des produits cosmétiques et de parfumerie de luxe via différents distributeurs en France.
II La société Marvalle LLC (la "société Marvalle "), société de droit américain immatriculée dans l'Etat du Delaware (Etats-Unis), est éditrice du site Internet www.iloveparfums.com, site fondé par M. Antoine Breuil (le " site ").
Les 5 et 6 février 2010, le site fait l'objet d'une présentation de quelques minutes lors des émissions " Télé Matin " et " C'est au programme " diffusées sur France 2, ces deux émissions ayant par la suite été mises en ligne sur le site Internet de France 2.
Lors de ces émissions, Madame Valentina Colombo y est présentée comme étant à l'origine du site, et décrit son activité dans une interview.
III Au début du mois de février 2010, la société Coty a constaté la commercialisation sur le site de certains de ses produits parfums (Calvin Klein, Cerruti, Davidoff, Jil Sander, Vera Wang et Chloe) à des prix allant jusqu'à 70 % de réduction.
Le 10 février 2010, la société Coty a mis en demeure d'une part le site de cesser les commercialisations et d'autre part la société France Télévisions de cesser la diffusion des émissions, de proposer des mesures de dédommagement et de porter à la connaissance du public le caractère illicite du site. Coty a demandé au CSA de prendre à l'encontre de la société France Télévisions " les mesures qui s'imposent ", au motif que celle-ci aurait commis une faute grave. France Télévisions a cessé la diffusion des émissions sur son antenne et sur son site Internet. Le site a continué la commercialisation. Le CSA n'a pas donné suite à la demande.
IV Le 23 février 2010, la société Coty a assigné la société France Télévisions en référé devant le Tribunal de commerce de Paris afin de mettre un terme à la publicité faite au site et de voir condamnée cette dernière solidairement avec la société Marvale, Mme Colombo et M. Breuil, au paiement d'une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le 17 mars 2010, le tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu à référé.
V Par acte du 14 juin 2010, la société Coty a assigné à bref délai la société France Télévisions en la personne de Monsieur Candiotti, ainsi que M. Breuil et Mme Colombo devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par acte du 23 mars 2011, la société Coty a assigné la société Marvale.
VI Par jugement du 12 septembre 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :
- joint les causes,
- s'est déclaré compétent pour connaître l'action de la société Coty à l'encontre de la société Marvalle,
- dit les actions de Coty sur le fondement délictuel à l'encontre de Messieurs Candiotti et Breuil irrecevables, faute d'intérêt à agir,
- dit les actions de Coty sur le fondement délictuel à l'encontre de Madame Colombo et de la société France Télévisions recevable.
Par jugement du 23 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- Dit que la SAS Coty France a qualité à agir ;
- Dit que le réseau de distribution sélective de la SAS Coty France est licite ;
- Condamne la SA France Télévisions à payer à la SAS Coty France la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la promotion du site Internet ;
- Ordonne la publication du présent jugement sur la page d'accueil du site Internet de France Télévisions, dans les quinze jours de sa signification et pendant un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par jour manquant pour une durée d'un mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,
- condamne Mme Valentina Colombo à payer à la SAS Coty France la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par la promotion du site Internet,
- dit que la société Marvale LLC s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale envers la SAS Coty France,
- condamne la société Marvale LLC à payer à la SAS Coty France la somme de 100 000 euros au titre de la concurrence déloyale.
- ordonne l'interdiction définitive de toute commercialisation sur les sites Internet www.iloveparfums.com, www.iloveparfums.fr ou sur tout autre site Internet des produits cosmétiques et des parfums des marques suivantes : Bottega Veneta, Balenclaga (pour le nouveau parfum "Balenciaga Paris 10, avenue George V"), Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Chopard, Davidoff, Gwen Stefani, Guess, Jil Sander, Joop !, Jeite Joop, Jennifer Lopez, Karl Lagerfeld, Kenneth Cole, Lancaster, Marc Jacobs, Nikos, Sarah Jessica Parker, Vera Wang, et Vivienne Westwood,
- ordonne à la société Marvale LLC, ou à toute personne qu'elle se substituerait par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr, l'interdiction définitive de toute utilisation non autorisée des droits de propriété intellectuelle de Coty portant sur les parfums et soins des marques qu'elle distribue : Bottega Veneta, Balenclaga (pour le nouveau parfum "Balenciaga Paris 10, avenue George V"), Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Chopard, Davidoff, Gwen Stefani, Guess, Jil Sander, Joop !, Jeite Joop, Jennifer Lopez, Karl Lagerfeld, Kenneth Cole, Lancaster, Marc Jacobs, Nikos, Sarah Jessica Parker, Vera Wang, et Vivienne Westwood, et notamment l'utilisation du nom de ces marques sur le site Internet www.iloveparfums.com ou sur tout autre site Internet qu'elle éditerait par la suite, et des photographies de leurs produits,
- ordonne la saisie des stocks des produits de la SAS Coty France et leur remise à la SAS Coty France,
- ordonne à la société Marvale LLC ou à toute personne qu'elle se substituerait par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr, la publication de la présente décision sur la page d'accueil des sites Internet www.iloveparfums.com et www.iloveparfums.fr dans les quinze jours de sa signification et pendant un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par jour manquant, pour une durée d'un mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,
- ordonne la publication de la présente décision y compris en ce qu'elle concerne France Télévisions dans trois magazines au choix de Coty et aux frais exclusifs de la société Marvale LLC ou de toute personne qu'elle se substitueralt par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfum.com ou www.ilovepatfums.fr, et ce dans la limite de 10 000 euros,
- ordonne l'interdiction définitive de toute publicité relative au site www.iloveparfums.com et www.iloveparfums.fr et faisant état des produits de la SAS Coty France ou de ses activités, et ce quel que soit le support utilisé par la société Marvale LLC,
- condamne la société Marvale LLC à payer à la SAS Coty France la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus.
- déboute les parties de leurs demandes, autres, plus amples ou contraires
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne la publication du jugement,
- condamne la société Marvale LLC aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 euros de TVA.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société France TV du jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 23 janvier 2014 visé dans la déclaration d'appel. Les intimés sont Madame Colombo, la société Coty France et la société Marvale LLC.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 8 février 2016 par la société France TV, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau, à titre principal,
- Dire et juger que Coty France ne peut se prévaloir de la qualité de licenciée pour les marques invoquées à la date des faits litigieux,
- Dire et juger que l'existence et la licéité à la date des faits litigieux du réseau de distribution sélective invoqué par Coty France n'est pas démontrée,
- Déclarer irrecevables ou à tout le moins mal fondées les demandes de Coty France.
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que France Télévisions n'a commis aucun abus dans le cadre de l'exercice de sa liberté d'expression,
- Dire et juger qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée.
A titre infiniment subsidiaire,
- Dire et juger que Coty France ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue,
- Dire et juger que la preuve d'un lien de causalité directe entre les fautes reprochées à France Télévisions et le préjudice allégué par Coty France n'est pas rapportée.
En conséquence,
- Débouter Coty France de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de France Télévisions, y compris ses demandes de publication,
- Condamner Coty France à payer à France Télévisions la somme de 45 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Coty France aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 17 mars 2016 par la société Coty France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- juger recevable et bien fondée la société Coty France en toutes ses demandes, moyens, fins et prétentions,
- Y faire droit, et en conséquence :
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 21 janvier 2014, sauf en ce qu'il a :
- débouté Coty France de sa demande de voir Marvale communiquer sous astreinte le nom de ses fournisseurs ;
- débouté Coty France de sa demande d'interdire la livraison des produits déjà commandés ;
- débouté Coty France de sa demande de communication des coordonnées de l'hébergeur du site ;
- refusé de reconnaître que les agissements de Marvale sont constitutifs de parasitisme ;
- réduit le quantum du préjudice invoqué par Coty France à l'encontre de Marvale ;
- réduit le montant des astreintes sollicitées par Coty France en première instance ;
- Dire et juger, en conséquence :
- que Coty France a qualité à agir ;
- que le réseau de distribution sélective de Coty France est licite ;
- que France Télévisions a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité civile ;
- que Marvale a commis des agissements fautifs constitutifs de faits de concurrence déloyale, de parasitisme et de publicité trompeuse ;
- que Marvale engage à ce titre sa responsabilité civile ;
- que Madame Valentina Colombo a participé à la promotion d'un site illicite ;
- que Madame Valentina Colombo engage à ce titre sa responsabilité civile ;
- Confirmer la condamnation de France Télévisions à payer à Coty France la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par ses diverses fautes ;
- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de France Télévisions, dans les quinze jours de sa signification et pendant un délai d'un mois, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et par jour manquant, pour une durée d'un mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;
- Confirmer la condamnation de Madame Valentina Colombo à payer à Coty France la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice causé par la promotion du site Internet ;
- Constater que Marvale a commercialisé sur le site www.iloveparfums.com des produits de Coty France, notamment des marques Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Davidoff, Jil Sander et Vera Wang ;
- Constater que Marvale poursuit la commercialisation des produits sur le site ;
- Constater que ces produits sont distribués en France par la société Coty France par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective ;
- Condamner Marvale à payer à Coty France la somme de 450 000 euros au titre de ses agissements fautifs, à savoir :
- 50 000 euros au titre du manque à gagner ;
- 200 000 euros au titre de la désorganisation de son réseau de distribution sélective ;
- 200 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque.
- Ordonner l'interdiction définitive de toute commercialisation sur les sites Internet www.iloveparfums.com, www.iloveparfums.fr ou sur tout autre site Internet, des produits cosmétiques et des parfums des marques suivantes : Bottega Veneta, Balenciaga (pour le nouveau parfum " Balenciaga Paris 10, Avenue Georges V), Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Chopard, Davidoff, Gwen Stefani, Guess, Jil Sander, Joop !, Jette Joop, Jennifer Lopez, Karl Lagerfeld, Kenneth Cole, Lancaster, Marc Jacobs, Nikos, Sarah Jessica Parker, Vera Wang et Vivienne Westwood ;
- Ordonner à Marvale, ou à toute personne qu'elle se substituerait par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr, l'interdiction définitive de toute utilisation non autorisée des droits de propriété intellectuelle de Coty portant sur les parfums et soins des marques suivantes : Bottega Veneta, Balenciaga (pour le nouveau parfum " Balenciaga Paris 10, Avenue Georges V), Calvin Klein, Cerruti, Chloe, Chopard, Davidoff, Gwen Stefani, Guess, Jil Sander, Joop !, Jette Joop, Jennifer Lopez, Karl Lagerfeld, Kenneth Cole, Lancaster, Marc Jacobs, Nikos, Sarah Jessica Parker, Vera Wang et Vivienne Westwood, et notamment l'utilisation du nom de ces marques sur le site Internet www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr ou sur tout autre site Internet qu'elle éditerait par la suite, et des photographies de leur produits ;
- Ordonner la saisie des stocks des produits de Coty France et leur remise à Coty France ;
- Ordonner à Marvale de communiquer, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard constaté, les nom et prénom, ou dénomination sociale, coordonnées postales ou l'adresse du siège social et le numéro de téléphone de l'hébergeur du site Internet www.iloveparfums.com, ainsi que l'ensemble des informations visées à l'article 6 III de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique,
- Ordonner l'interdiction de livraison des commandes passées,
- Ordonner à Marvale, ou à toute autre personne qui se substituerait par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr, la publication de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil des sites Internet www.iloveparfums.com et www.iloveparfums.fr, ainsi que sur la page d'accueil du site Internet de France Télévisions, dans les huit jours de sa signification et pendant un délai d'un mois, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et par jour manquant, pour une durée d'un mois à l'issue de laquelle il sera de nouveau fait droit ;
- Ordonner la publication de la décision à intervenir, y compris en ce qu'elle concerne France Télévisions, dans trois magazines au choix de Coty France et aux frais exclusifs de Marvale, ou de toute autre personne qu'ils se substitueraient par la suite en qualité d'éditeur du site www.iloveparfums.com ou www.iloveparfums.fr, et ce dans la limite de 10 000 euros,
- Ordonner à Marvale de communiquer à Coty France le nom et les coordonnées du ou des fournisseur(s) lui ayant vendu les produits litigieux ;
- Ordonner l'interdiction définitive de toute publicité relative au site www.iloveparfums.com et www.iloveparfums.fr et faisant état des produits de Coty France ou de ses activités, et ce quel que soit le support par Marvale ;
- Condamner solidairement Marvale et France Télévisions à payer à Coty France la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'établissement des constats d'huissier ;
- Rappeler le caractère exécutoire de l'arrêt à intervenir ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 1er décembre 2014 par la société Marvale, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Dire et juger que le réseau de distribution des produits revêtus des marques Coty en France ne relève pas du Règlement d'exemption précité en ce qu'il contient des restrictions caractérisées de concurrence empêchant la libre circulation desdits produits entre les territoires des différents Etats membres ;
- Dire et juger que le réseau de distribution sélective mis en place par Coty est restrictif de concurrence, n'étant ni justifié par la nature des produits visés, ni objectif, ni proportionné et ne produit aucun gain d'efficience pour le consommateur ;
- Dire et juger que la société Marvale n'a commis aucune faute en commercialisant à des prix réduits des produits authentiques revêtus des marques Coty mis dans le commerce de l'Union européenne avec le consentement de leur titulaire ;
En conséquence,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, particulièrement, en ce qu'il a condamné Marvale à réparer un préjudice allégué de Coty ;
En tout état de cause :
- Condamner la société Coty à payer la somme de 10 000 euros à la société Marvale en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Coty à payer les entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 13 novembre 2014 par Mme Valentina Colombo, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Constater que les sites iloveparfums sont exploités par des sociétés américaines Fragrance 26 et Marvale ;
- Constater que Madame Colombo n'est pas éditeur du site iloveparfums ;
- Dire et juger que Coty ne dispose d'aucun intérêt à agir contre Madame Colombo ;
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris rendu le 23 janvier 2014 qui a mis Madame Colombo hors de cause ;
- Infirmer le jugement qui l'a condamnée à réparer un préjudice allégué de Coty ;
- Condamner Coty à verser à Madame Colombo la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- Condamner Coty aux dépens.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande de la société Coty :
Considérant que visant les dispositions de l'article 32 du Code de procédure civile, la société France Télévisions fait valoir que la recevabilité de l'action de la société Coty France est subordonnée à la démonstration qu'elle avait, au moment du litige, la qualité de licenciée de chacune des six marques référencées sur le site qu'elle revendique (soit les marques Calvin Klein, Cerruti, Chloé, Davidoff, Jil Sander et Vera Wang) ; que selon elle, la société Coty ne communique aucun contrat de licence, ne justifie d'aucune inscription au Registre National des Marques des licences dont elle prétend être titulaire ; que seul le groupe Coty, mais en aucun cas sa filiale française, pourrait éventuellement revendiquer la titularité d'une licence pour ces marques ; que par ailleurs, la société Coty France est une personne morale distincte de Coty qui a pour noms commerciaux enregistrés plusieurs marques concernées ; que Coty France n'est pas recevable à agir ;
Considérant que la société Coty France estime rapporter la preuve qu'elle bénéficie bien des licences de marques et peut agir pour faire sanctionner toute violation de ses droits,
Mais considérant que Coty France a, selon l'extrait Kbis fourni par France Télévisions, pour activité notamment le négoce de produits cosmétiques, qu'elle agit conformément à son activité et que la société France Télévisions ne sera pas suivie dans son argumentation tirée du nom commercial qu'elle n'a pas ; que par ailleurs, il convient d'observer que l'action de la société Coty France a pour objet, par la sanction des actes de concurrence déloyale qu'elle entend voir prononcer, de faire respecter le réseau de distribution sélective qu'elle a mis en place et que la recevabilité de cette action ne saurait être subordonnée à sa qualité de titulaire ou non des droits d'exploitation des marques ci-dessus relevées lui donnant la légitimité d'organiser un réseau de distribution sélective ; qu'enfin, il apparaît que les titulaires de marques ont concédé à Coty Inc. et à ses filiales, parmi lesquelles se trouve la société Coty France, le droit d'utiliser leurs marques : que Coty France verse aux débats l'attestation délivrée par Calvin Klein à Coty GmbH qui précise que Coty Inc. et ses filiales sont pleinement autorisées à utiliser les marques Calvin Klein, ce qui confirme ainsi une précédente autorisation du 5 février 2010 d'agir si besoin est en contrefaçon ; que la preuve est ainsi faite que Coty disposait de droit d'utiliser une marque au moins lorsqu'elle a engagé l'action contre les sociétés Marvale et France Télévisions et que la recevabilité de l'action contestée sur ce point ne peut être en cause, peu important au surplus que l'inscription au registre national des marques ait eu lieu ou non,
Sur les faits de concurrence déloyale :
Considérant que la société Coty soutient :
que la vente de produits protégés par des distributeurs non agréés en toute connaissance de cause de l'existence de son réseau de distribution sélective constitue un fait de concurrence déloyale ;
qu'elle estime rapporter la preuve de l'existence et de la licéité de son réseau de distribution sélective dès lors que se trouve produit le contrat-type la liant aux distributeurs agréés, approuvé après modification par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, les nombreux éléments qu'elle a pu verser aux débats, le contrat-type ainsi que le courrier de la Commission européenne ayant validé ledit contrat en 1997, suffisent à démonter le caractère licite de son réseau de distribution sélective et qu'il respecte les conditions légales et jurisprudentielles : que son réseau de distribution sélective bénéfice d'une validité de principe en application du Règlement d'exemption de la Commission européenne n° 2790/99, aujourd'hui CE n° 330/2010, dans la mesure où les parts de marché que détiennent la société Coty et ses acheteurs ne dépassent pas le seuil de 30 % ; que le contrat-type ne contient aucune clause noire ; que les jurisprudences communautaire et française ont confirmé la licéité de principe des accords de distribution sélective dans le domaine de la parfumerie et des cosmétiques de luxe ; que le réseau de distribution sélective de la société Coty a été reconnu licite par le Tribunal de commerce de Marseille, mais également par le Tribunal de commerce de Paris ; que la Commission européenne a jugé que le contrat de Coty France pouvait bénéficier de l'exemption ; que le réseau de la société Coty est étanche dans la mesure où ses contrats interdisent aux distributeurs agréés la vente à des non-agréés (article 3.4.3 du contrat-type) et qu'elle agit en justice pour faire respecter cette étanchéité ; qu'elle ajoute enfin que Marvale ne démontre pas qu'elle a reçu une autorisation de Coty pour commercialiser ces produits,
Considérant que la société France Télévisions rappelle que l'examen d'une éventuelle atteinte à un réseau de distribution sélective suppose que celui qui s'en prévaut établisse préalablement sa licéité, ce que la société Coty ne fait pas ; que la preuve de l'existence du réseau n'est pas rapportée par les pièces versées postérieures aux faits ou émanant du groupe Coty ; qu'elle ne bénéficie d'aucune exemption individuelle, et que les courriers émanant de la Commission européenne ne la concernent pas ; que la société Coty ne peut bénéficier de l'exemption catégorielle, puisqu'elle ne respecte pas la double condition posée par le Règlement (CE) n° 2790/1999, applicable à l'époque des faits litigieux, c'est-à-dire une part de marché du fournisseur qui ne dépasse pas 30 % du marché pertinent sur lequel il vend les produits contractuels (article 3) et l'absence de clause " noire" dans le contrat, c'est-à-dire ayant un objet anticoncurrentiel caractérisé (article 4) ; que non seulement, la société Coty ne démontre pas qu'elle respecte le seuil des 30 % de parts de marché par le courrier de la société NPD mais encore de nombreuses dispositions figurant dans le contrat-type versé aux débats par la société Coty s'apparentent à des clauses "noires" ; que le simple fait que le contrat-type contienne des restrictions caractérisées rend improbable l'existence d'une exemption individuelle ; qu'en tout état de cause, les critères de sélection posés par le contrat-type n'étant ni objectifs, ni proportionnés et le réseau n'étant pas étanche, le réseau de distribution sélective invoqué par la société Coty est illicite,
Considérant que la société Marvale fait valoir que le réseau de distribution sélective développé par la société Coty est restrictif de concurrence au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans la mesure où la société Coty ne démontre pas en quoi de tels produits nécessitent et exigent leur distribution dans le cadre d'un réseau de distribution sélective ; que les critères de sélection des revendeurs du réseau de la société Coty sont discriminatoires, imprécis et disproportionnés par rapport aux produits vendus, qu'ils ne sont pas "objectivement appropriés et nécessaires pour garantir la vente dans de bonnes conditions", que le réseau n'est pas étanche,
Mais considérant que se prévalant d'actes de concurrence déloyale commis à son encontre, la société Coty France doit justifier que le réseau sélectif qu'elle a mis en place est licite,
Considérant que tout d'abord la preuve de l'existence du réseau doit être faite, qu'ensuite, la preuve de sa licéité doit être établie ; qu'à cet égard, les différentes décisions intervenues entre Coty et des parties autres que celles présentes dans ce litige, qui ont pu reconnaître l'existence ou la validité du réseau, ne peuvent être invoquées pour faire la preuve, dans ce litige, de l'existence et de la licéité du réseau ;
Considérant qu'il sera observé que la société Coty verse aux débats différents contrats de distribution sélective des produits en pièces 3a à 3g ; que la pièce 3a est un contrat de distribution " vierge ", que les pièces 3b à 3g sont des photocopies plus ou moins complètes des contrats signés par Coty France et des distributeurs agréés ; qu'il est remarqué que le contrat vierge ne correspond aucunement aux contrats signés dont la photocopie est donnée, que sa présentation et son contenu sont totalement différents ; que la cour ne prendra pas le contrat "vierge" en référence, qui n'est pas celui qu'ont signé Coty et ses distributeurs, notamment avec Burdin ;
Considérant pour ce qui concerne l'existence du réseau de distribution sélective, que Coty verse aux débats plusieurs contrats intitulés "contrat de distributeur agréé" dont seul le contrat signé avec Burdin le 26 août 2008 est antérieur aux faits, tous les autres contrats produits étant postérieurs (notamment celui signé avec Marionnaud du 3 janvier 2013), celui signé avec Sephora étant quant à lui sans date ; que néanmoins, Coty peut prétendre justifier de l'existence d'un réseau de distribution sélective pour les produits au moment des faits litigieux par la production du contrat Burdin ; que le contrat comporte en son article 3.4.3 une disposition destinée à assurer l'étanchéité juridique du réseau tout du moins sur le territoire français en interdisant la vente à des distributeurs non agréés ;
Considérant par ailleurs pour ce qui concerne la licéité du réseau, que les faits à l'origine de la procédure ont eu lieu en février 2010 ; que pour déterminer la validité du réseau, il convient de se référer à l'article 81 §1 du traité de Rome alors en vigueur (désormais article 101 du TFUE) et au règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999 ainsi qu'à l'article L. 420-1 du Code de commerce ;
Considérant que d'une part qu'un système de distribution sélective peut être considéré licite au regard des termes de l' article 81 § 3 du traité de Rome ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce si trois conditions sont réunies cumulativement soit : que la nature du produit requiert un système de distribution sélective pour en préserver la qualité et en assurer l'usage, que les revendeurs soient choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères retenus ne soient pas au-delà de ce qui est nécessaire (proportionnalité),
Considérant que la nature des produits en cause peut tout à fait justifier la mise en place d'un réseau de distribution sélective ; qu'à cette fin, l'annexe 1 du contrat de distributeur agréé signé avec Burdin donne les critères suffisamment précis pour la sélection du distributeur que ne remettent pas en doute sérieusement les sociétés France Télévisions et Marvale lorsque les exigences demandées au point de vente sont de "refléter le prestige des marques", d'être dans une "zone de standing et de notoriété élevée", avoir la réputation d'offrir des services de qualité et une assistance à la clientèle, et être dans un environnement où "les boutiques voisines (sont) de nature comparables" et avoir un "standing et aspect extérieur comparables", traduisant la nécessité de maintenir le prestige des marques et du luxe grâce à la qualification du distributeur, à la qualité du point de vente et à un environnement adapté ; que la clause imposant une vitrine extérieure (article 3.10 du contrat et article 7 alinéa 1 in fine de l'annexe 1) qui certes a pour effet d'exclure la commercialisation dans la grande distribution n'est pas une obligation disproportionnée avec la nécessaire protection de la distribution que ce réseau entend réaliser ;
Considérant d'autre part que le règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81 du traité de Rome à des catégories d'accords verticaux et pratiques concertées applicable aux faits reprochés ayant eu lieu en février 2010 prévoit une exemption d'application du § 1 de l'article 81 aux accords de distribution dits "accords verticaux" conclus entre les distributeurs et le fournisseur lorsque notamment, la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que les accords de distribution ne comportent pas de restrictions caractérisées précisées dans l'article 4 du règlement CE 2790/1999 ;
Considérant tout d'abord qu'il doit être observé que l'article 2 in fine du contrat de distribution Burdin précise que " le réseau de distribution sélective Coty bénéficie ... d'une exemption par catégorie" ; qu'une telle affirmation n'est pas suffisante pour la rapporter ;
Considérant ensuite que la part de marché détenue par Coty et ses acheteurs dans le domaine de la parfumerie de luxe à prendre en référence est celle de l'année précédant des faits litigieux, en l'espèce, l'année 2009 ; qu'en faisant état des parts de marché de 2012, Coty n'établit pas avec certitude, par la production du courrier émanant de NPD Group du 8 mars 2013, que sa part du marché était inférieure à 30 % au moment des faits litigieux,
Considérant encore que diverses clauses du contrat de distributeur agréé peuvent révéler des dispositions restrictives ("clauses noires") ;
que s'il ne peut être soutenu que la disposition insérée dans le point 3.4.1 du contrat de distributeur agréé selon lequel les ventes par correspondance sont interdites est en contravention de l'article 4c) du règlement dans la mesure où elle ne restreint que très faiblement les ventes aux utilisateurs finaux, et se trouve de ce fait d'une faible portée économique,
en revanche, il apparaît :
que le point 3.4.2 du contrat en ce qu'il prévoit expressément la possibilité de vendre aux membres des comités d'entreprises ou des collectivités dès lors qu'ils se déplacent individuellement en tant que consommateurs directs dans les magasins pour effectuer les achats, exclut par cette disposition la vente aux agents d'achats (comités d'entreprise, collectivités) agissant pour le compte des utilisateurs finals, ce qui est une restriction caractérisée prévue par l'article 4c du règlement ; que le point 3.4.3 édicte une interdiction de vendre à des revendeurs non agréés ; que si cette disposition est licite en ce qu'elle a pour objectif de protéger le réseau et d'en assurer l'étanchéité, en revanche, elle révèle son caractère restrictif prohibé lorsque le marché sur lequel évolue le distributeur non agréé n'est pas organisé en réseau de distribution sélective ; qu'en l'espèce, comme le soutient justement France Télévisions, Coty ne justifie pas que le système de distribution sélective couvre tous les territoires ; que la clause crée une restriction illicite à la concurrence (l'article 4b) ; que le point 3.4.3.3 interdit au distributeur agréé de réaliser une vente active d'un nouveau produit contractuel vers un Etat membre de l'Union européenne où la société Coty France ou une société du même groupe ne l'aurait pas mis en vente, pendant un délai d'un an à compter de la date du premier lancement du produit dans un Etat membre ; que cette clause, comme le fait valoir justement la société France Télévisions restreint le territoire sur lequel l'acheteur peut vendre les biens contractuels, les ventes actives aux utilisateurs finaux ; qu'elle constitue une restriction caractérisée au sens de l'article 4.b), 4.c) et 4.d) prohibée, qu'il apparaît ainsi que le contrat de distribution sélective comporte des dispositions qui excluent le bénéfice d'une exemption catégorielle pour le système de distribution mis en place par Coty,
Considérant enfin que Coty ne peut justifier du bénéfice d'une exemption individuelle, en faisant état de deux courriers de la Commission européenne datant de 1997 précisant que l' " Accord de distribution au détail " pouvait bénéficier de l'exemption, alors que ces courriers sont adressés à Coty GmbH et à Unilever Cosmetic International et en aucun cas à Coty France, que l' "accord de distribution au détail" dont il est fait état n'est pas versé aux débats, étant enfin observé que ces courriers révèlent l'expression d'une opinion qui ne lie ni les autorités nationales ni le juge national ;
Considérant que pour tous ces motifs, il apparaît que la preuve n'est pas faite par Coty que le réseau de distribution sélective qu'elle entend protéger par cette procédure est licite,
Considérant alors que la société Coty ne peut soutenir que n'ayant aucune autorisation, Marvale se rend coupable d'actes de concurrence déloyale et de publicité trompeuse en commercialisant des parfums litigieux sur le site, qu'elle porte atteinte à son image de marque et à son prestige en bradant les produits litigieux par l'intermédiaire d'un site Internet ; que Coty ne peut non plus soutenir la société France Télévisions s'est rendue coupable de négligence en ne s'assurant pas que son activité ne génère pas d'actes illicites, alors que ceux-ci ne le sont pas, ou encore en ne s'assurant pas de " l'existence et de la fiabilité de la société dont elle vantait les mérites " alors que France Télévisions n'a pas communiqué d'informations inexactes sur ce point,
Considérant que Coty soutient que Marvale a un comportement parasitaire en ce que, pour pratiquer des prix très réduits tout en réalisant une marge, elle profite des investissements réalisés par les distributeurs sans en avoir les obligations ; que toutefois, Coty ne verse aux débats aucun document justifiant les investissements financiers ou encore intellectuels qui ont pu être réalisés, de sorte que ne rapportant la preuve d'aucun préjudice elle ne peut qu'être déboutée de sa demande sur ce point ;
Considérant que Coty soutient que la société France Télévisions a eu un comportement parasitaire "indirect" en utilisant la pratique de la marque d'appel ; qu'il apparaît toutefois qu'il appartient encore à Coty de justifier les investissements intellectuels et financiers qu'elle a pu faire, de justifier en quoi il aurait été procédé à la pratique des prix d'appel par France Télévisions, et en quoi cela lui aurait profité ; que cette preuve n'est pas faite et qu'elle doit être déboutée de toute demande d'indemnisation sur ce point,
Considérant enfin qu'elle ne peut imputer non plus aucune faute à Madame Colombo à qui elle ne peut reprocher d'avoir participé à la promotion d'un site illicite ;
Considérant qu'elle sera déboutée de toutes ses demandes ; que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions,
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute la société Coty France de ses demandes, La condamne à payer à titre d'indemnité pour frais irrépétibles la somme de 15 000 euros à la société France Télévisions, celle de 5 000 euros à la société Marvale, ainsi que celle de 1 000 euros à Madame Colombo, La condamne aux entiers dépens.